Le Conseil d’État et la détérioration des biens

Grosse déconvenue pour Gérald Darmanin. Le Conseil d’Etat a annulé, jeudi 9 novembre, la dissolution du mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre (SLT), décidée en conseil des ministres le 21 juin. Le ministre de l’intérieur reprochait au collectif d’« appeler » et de « participer » à des violences.

Christophe Ayad : Cette dissolution était la première à viser une organisation écologiste. Une confirmation de la dissolution aurait eu un impact grave et immédiat sur le monde associatif dans la mesure où les Soulèvements de la Terre n’ont pas été dissous pour avoir causé directement des violences ou des dégâts, mais pour avoir « provoqué à des violences visant les biens », en vertu de l’article L212-1 du code de la sécurité intérieure, réformé par la loi « séparatisme » d’août 2021. Une telle extension du domaine de la dissolution aurait pu concerner, à terme, bien d’autres acteurs, tels que Droit au logement (DAL), voire des syndicats.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle qu’une mesure de dissolution « porte une atteinte grave à la liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la République. Elle ne peut donc être mise en œuvre que pour éviter des troubles graves à l’ordre public. » Les Soulèvements de la Terre se sontbien livrés « à des provocations et à des agissements violents à l’encontre des biens », notamment à l’occasion de manifestations contre la construction de retenues d’eau à Sainte-Soline, mais la dissolution demandée par le ministère de l’intérieur « ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public ». Par ailleurs, le Conseil d’État a rappelé qu’« aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre ».

Sollicité par Le Monde, le ministère de l’intérieur n’a pas souhaité faire de commentaire.

Quelques éléments de débat

Savinien : « Une dissolution n’est justifiée que lorsqu’une association ou un groupement incite des personnes à se livrer à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens (explicitement ou implicitement, par des propos ou des actes) ». Donc le fait d’encourager au saccage des golfs, des propriétés agricoles, etc. n’est pas une incitation à se livrer à des agissements violents à l’encontre des biens. Dont acte.

Vincen @ Savinien : Relisez bien tout. C’est différent « d’inciter » au saccage ou d’en faire l éloge. S’il n y a pas d’incitation (saccage ou pas), les associations n ont pas à être dissoutes. Le saccage est une atteinte au biens mais s’il vous prenait l’envie d occuper un golf pour protester contre son implantation), vous ne pourriez être poursuivi. Simple et logique.

Tubal : Donc pour faire simple, mais pas caricatural, le CE a jugé que les soulèvements de la terre n’avaient pas été encore assez violents pour mériter leur dissolution.

Leonora @ Tuba :  Un État de droit ne fonctionne pas exactement comme vous avez l’air de le penser. C’est la codification précise des interdits et des peines associées une transgression qui permet de limiter l’arbitraire du pouvoir – y compris si cela déplaît à certains.

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Soulèvements de la Terre / Darmanin… 1 / 0

extraits : Les juges des référés de la haute instance administrative ont suspendu, vendredi 11 août 2023, la dissolution des Soulèvements de la Terre, prononcée le 21 juin en conseil des ministres. Le gouvernement qualifiait dans son décret SLT de « groupement de fait », et l’avait dissous pour avoir incité « à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence »

Violence, contre-violence et dissolution

extraits : il y a plusieurs sortes de violences à ne pas confondre. Il y a la violence du système thermo-industriel qui nous a enfermé dans une impasse, réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, stress hydrique, etc. Face aux entreprises destructrices du vivant, il y a la contre-violence de quelques militants qui défendent les générations futures contre cette agression. Et puis il y a la violence d’État qui soutient la violence de ce système croissanciste aveugle…

4 réflexions sur “Le Conseil d’État et la détérioration des biens”

  1. ON menace, ON projette, de dissoudre… et puis ON dissout. Et à la fin ON dissout la dissolution. Mon dieu quel cirque ! En attendant ça occupe notre joli monde.
    Rien que sur cette «affaire» ça vaudrait le coup de calculer le bilan carbone de tous ces ministres, magistrats, juristes, pipoles, journaleux, commentateurs et j’en passe.
    Tout ça pourquoi ? Pour rien bien sûr puisque la dissolution de SLT n’aurait rien changé.
    Quoique… Oh bien sûr notre sinistre Darmanin aurait été content, l’aurait eu là sa petite «victoire», oui et après ? Ah ON peut le bénir le Darmanin, avec son idée «géniale» de dissolution, et maintenant comment va t-ON bien pouvoir se sortir de là ? La tête haute pour bien faire. Fastoche ! Comme d’hab il suffit de nous enfumer, de nous amuser, de jouer avec les mots, «appeler» c’est pas «provoquer» nuance !
    De tout ce cirque, il y a toutefois un élément qui finalement s’en sort sain et sauf.
    ( à suivre )

    1. Oh pas le sérieux bien sûr :
      – «Les magistrats estiment en revanche que les SLT «se sont bien livrés à des provocations à des agissements violents à l’encontre des biens », mais que cela ne faisait pas de la dissolution «une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public au vu des effets réels qu’ont pu avoir leurs provocations à la violence contre des biens, à la date à laquelle a été pris le décret attaqué». (Le Figaro 09/11/2023)

      Autrement dit, tant que SLT (et autres) ne perturbent pas plus que ça l’Ordre Public (le sacro-saint Ordre Établi)… tant que les effets réels (sic) ne sont pas plus spectaculaires… alors considérons que la Limite n’a pas été franchie, qu’il reste même de la marge…
      D’un autre côté, vu que la dissolution aurait été perçue comme une provocation…
      Bref, ON l’a échappé belle. Ouf !

      1. Allez Michel C je vous taquine encore un peu et vous pose l’éternelle question. Qu’est ce que vous proposez ? Qu’est ce que vous auriez pris comme mesures en tant que ministre de l’intérieur et ensuite en tant que membre du conseil d’Etat ?
        Ah et puis je reviens sur ma demande de l’autre jour, Qu’est ce que veut dire décoloniser les imaginaires ? Vous avez répondu en vous étonnant que je n’aie pas lu Serge Latouche, j’avoue je n’ai pas tout lu, (les journées n’ont que 24 h) mais si encore une fois en quelques lignes vous pouviez m’éclairer, car encore une fois, c’est une vraie question et je ne suis sans doute pas le seul à m’interroger sur le sens de cette injonction. J’y vois juste une invitation à avoir des rêves réalistes, mais c’est sans doute simpliste.

        1. Vous faites bien mon cher Didier, de me taquiner, en plus j’aime ça.
          Ce que moi j’aurais fait à la place du sinistre de l’Intérieur, ou à celle d’un conseiller d’Etat ? Bonne question, merci de me l’avoir posée. Déjà je vous réponds que je ne suis pas à leur place, et que je m’en porte très bien. Eux aussi je suppose. J’imagine mal Darmanin vouloir échanger sa place avec la mienne. Bref ce n’est pas mon problème. En plus vous le savez, moi je suis avec Statler et Waldorf (Muppet Show), bien assis dans ma loge… à me moquer de ce pitoyable spectacle. 🙂 🙂 🙂
          Quant aux imaginaires, à décoloniser… le 8 NOV 2023 À 22:20 (“Les décroissants réunis à Paris”) Serge Latouche (à moins que ce soit un pseudo) est intervenu pour dire deux mots de la décroissance. En suivant j’en ai rajouté deux autres (9 NOV À 09:40 et 9:52)

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