Le fleuve doit avoir aussi le droit de gagner en justice

Un fleuve considéré comme sacré par les Maoris a été reconnu par le Parlement néo-zélandais comme une entité vivante. Le Whanganui, troisième plus long cours d’eau du pays, s’est vu doter du statut de personnalité juridique, avec tous les droits et les devoirs attenants. Une décision qui pourrait être une première mondiale. La tribu locale luttait pour la reconnaissance de ses droits sur ce cours d’eau depuis les années 1870. « La nouvelle législation est une reconnaissance de la connexion profondément spirituelle entre l’iwi [tribu] Whanganui et son fleuve ancestral », a relevé le ministre de la justice,M. Finlayson. Ce statut aura pour traduction concrète que les intérêts du Whanganui (Te Awa Tupua pour les Maoris) seront défendus dans les procédures judiciaires par un avocat représentant la tribu et un autre le gouvernement.*

Quoi de plus normal ? Sur ce blog, notre article de juin 2013 estimait que « L’arbre doit aussi avoir le droit de gagner en justice ». En 1972, Christopher D.Stone se posait déjà cette question : « Désormais il n’est plus nécessaire d’être vivant pour se voir reconnaître des droits. Le monde des avocats est peuplé de ces titulaires de droits inanimés : trusts, joint ventures, municipalités. Je propose que l’on attribue des droits juridiques aux forêts, rivières et autres objets dits « naturels » de l’environnement, c’est-à-dire, en réalité, à l’environnement tout entier. Partout ou presque, on trouve des qualifications doctrinales à propos des « droits » des riverains à un cours d’eau non pollué. Ce qui ne pèse pas dans la balance, c’est le dommage subi par le cours d’eau, ses poissons et ses formes de vie « inférieures ». Tant que l’environnement lui-même est dépourvu de droits, ces questions ne relèvent pas de la compétence d’un tribunal. S’il revient moins cher au pollueur de verser une amende plutôt que d’opérer les changements techniques nécessaires, il pourra préférer payer les dommages-intérêts et continuer à polluer. Il n’est ni inévitable ni bon que les objets naturels n’aient aucun droit qui leur permette de demander réparation pour leur propre compte. Il ne suffit pas de dire que les cours d’eau devraient en être privés faute de pouvoir parler. Les entreprises n’ont plus ne peuvent pas parler, pas plus que les Etats, les nourrissons et les personnes frappées d’incapacité. Si un être humain, commençant à donner des signes de sénilité, est de jure incapable de gérer ses affaires, les personnes soucieuses de  ses intérêts en font la preuve devant les tribunaux. Le tuteur légal représente la personne incapable. Bien sûr, pour convaincre un tribunal de considérer une rivière menacée comme une « personne », il sera besoin d’avocats aussi imaginatifs que ceux qui ont convaincu la Cour suprême qu’une société ferroviaire était une « personne » au sens du quatorzième amendement (qui garantit la citoyenneté à toute personne née aux Etats-Unis).

Mais je suis sûr de pouvoir juger avec davantage de certitude quand ma pelouse a besoin d’eau qu’un procureur ne pourra estimer si les Etats-Unis ont le besoin de faire appel d’un jugement défavorable. La pelouse me dit qu’elle veut de l’eau par son jaunissement, son manque d’élasticité ; comment « les Etats-Unis » communiquent-ils avec le procureur général ? Nous prenons chaque jour des décisions pour le compte d’autrui et dans ce qui est censé être son intérêt ; or autrui est bien souvent une créature dont les souhaits sont bien moins vérifiables que ceux des rivières ou des arbres. »

* Le Monde.fr avec AFP | 16.03.2017, En Nouvelle-Zélande, un fleuve reconnu comme une entité vivante

** in les Grands Textes fondateurs de l’écologie, présentés par Ariane Debourdeau

4 réflexions sur “Le fleuve doit avoir aussi le droit de gagner en justice”

  1. Nous devrions ressentir faire partie de la nature. Notre bien-être et notre santé dépendent de ceux de notre environnement et réciproquement. Comme l’exprime l’adage maori, « Je suis la rivière et la rivière est moi« . Une rivière polluée ou asséchée par les humains insulte les générations futures et l’ensemble des formes de vie. Depuis le judéo-christianisme et la suprématie de l’Occident sur le monde, l’homme s’est positionné comme dominant. Crise climatique et raréfaction des ressources, cette vision du monde est manifestement arrivée à ses limites. Comme les Maoris le vivent, il faut bouleverser l’idée d’une souveraineté humaine sur la nature et penser les droits de la nature.

  2. Nous devrions ressentir faire partie de la nature. Notre bien-être et notre santé dépendent de ceux de notre environnement et réciproquement. Comme l’exprime l’adage maori, « Je suis la rivière et la rivière est moi« . Une rivière polluée ou asséchée par les humains insulte les générations futures et l’ensemble des formes de vie. Depuis le judéo-christianisme et la suprématie de l’Occident sur le monde, l’homme s’est positionné comme dominant. Crise climatique et raréfaction des ressources, cette vision du monde est manifestement arrivée à ses limites. Comme les Maoris le vivent, il faut bouleverser l’idée d’une souveraineté humaine sur la nature et penser les droits de la nature.

  3. commentaires sur lemonde.fr
    La Chute : « J’aimerais que ma chaise soit reconnue en tant que personnalité morale. Patience, ça viendra. »
    Petit quinquin : Créez une société, apportez y uniquement votre chaise. Vous avez désormais une entité juridique dotée d’une personnalité morale dont le seul but est de défendre les intérêt de votre chaise.

  4. commentaires sur lemonde.fr
    La Chute : « J’aimerais que ma chaise soit reconnue en tant que personnalité morale. Patience, ça viendra. »
    Petit quinquin : Créez une société, apportez y uniquement votre chaise. Vous avez désormais une entité juridique dotée d’une personnalité morale dont le seul but est de défendre les intérêt de votre chaise.

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