Le peuple n’existe pas, c’est une abstraction construite

Extrême droite et ultragauche se rejoignent. « Contre la droite du fric, la gauche du fric, je suis la candidate de la France du peuple », affirmait Marine Le Pen lors du lancement de sa campagne présidentielle. L’affiche électorale de Jean-Luc Mélenchon est du même tonneau : un portrait de lui-même surmonté du slogan « La force du peuple ». C’est le règne du populisme. Les présidentiables 2017 pratiquent presque tous cette référence illusoire au « peuple ». Ils disent qu’ils sont à l’écoute du peuple, ils vont le faire parler par l’intermédiaire d’un référendum ou de la démocratie participative, ils en reviennent toujours à leur point de départ, la voix du peuple s’expriment par leur propre bouche. Illusion, illusionnistes. La population est en réalité un ensemble hétérogène de voix dissemblable et dissonante, qui peut dire oui un jour et non le lendemain, qui cherche surtout à voter selon son propre intérêt, qui cherche le plus souvent à satisfaire ses avantages catégoriels et non à promouvoir le bien commun. D’où l’avalanche de promesses diverses de la part des présidentiables à une multiplicité de groupes. Il existe pourtant des peuples particuliers, rendus homogènes par une culture spécifique, le peuple rom ou le peuple catho, la mentalité de gauche ou le conservatisme de droite. Mais ils se caractérisent par leur différence, pas par des traits communs. Personne ne peut s’arroger le droit de parler au nom de tous, au nom du « peuple ». Et la physionomie des peuples évoluent. Contre le pouvoir du capital, le peuple communiste avait ses mots d’ordre et son catéchisme marxiste : exploitation de l’homme par l’homme, lutte de classes, syndicat courroie de transmission, dictature du prolétariat, etc. Le peuple communiste avait sa solidarité de classe, dans l’atelier, dans les banlieues rouges, dans les mutuelles, dans le syndicat. Le peuple communiste existait, il n’existe presque plus. Le peuple écolo n’existe pas encore, il existera un jour.

Il existe un peuple écolo qui est encore en germe, mais il a vocation d‘être rassemblé par un culture commune au XXIe siècle. Comme le pensait Marx, ce sont les circonstances matérielles qui déterminent les consciences et non l’inverse. Notre existence sociale est conditionnée par une réalité qui nous dépasse : les rapports de production chez les communistes, la géologie des richesses minières et l’état des écosystèmes pour un écologiste. Les réalités biophysiques s’imposent à nous tous, nous sommes tous mortels, nous vivons tous des emprunts à la biosphère, nous rejetons tous dans la nature des déchets plus ou moins recyclables. L’impératif écologique nous impose à tous un comportement commun basé sur le sens des limites et la considération du long terme. Mais nous sommes tous à des moments différents de la conscience écologique, car jusqu’où peut aller par exemple la simplicité volontaire ? Jusqu’à imiter Diogène et habiter dans un tonneau ou habiter un endroit basse consommation énergétique ? Aucun présidentiable ne peut se faire le porte-parole de ce peuple écolo, il peut juste essayer de concrétiser par des politiques publiques les éléments qui permettent le changement de comportement. Par exemple taxer fortement les consommations de carbone incite aux économies d’énergie et permet de remplacer le slogan « plus vite, plus loin, plus souvent »  par son contraire. En fait il faut apprendre individuellement et collectivement la complexité, loin des discours simplistes du Front National et simplificateurs de la gauche ou de la droite. L’écologie politique relaye le constat de l’écologie scientifique, la planète est exsangue, l’austérité est notre destin commun.

Les richesses naturelles étant en quantité limitées et rapidement décroissantes pour les non renouvelables, la seule solution pour vivre en paix est le partage équitable de la pénurie. Il y aura un peuple écolo quand la majorité des citoyens refusera le voyage en avion, la voiture individuelle et les trois heures de télé par jour. Le peuple écolo préférera jouer au ballon plutôt que regarder un match de foot, il préférera une partie de belote plutôt qu’une séance télé. La simplicité volontaire des uns se conjuguera avec la décroissance conviviale des autres.Il y aura un peuple écolo quand il y aura effet boule de neige : tu fais parce que je fais parce que nous voulons tous faire de même. Cela commence par des petits gestes, économiser l’énergie, prendre l’escalier plutôt que l’escalator ou l’ascenseur, boire bio, c’est-à-dire boire de l’eau. L’écolo utilise des techniques douces et rejette les techniques sophistiquées. Il sait que marcher à pied vaut mieux que de prendre un vélo, mais le vélo est bien préférable à l’autobus ou au train. L’écolo fait plutôt du covoiturage et rapproche son domicile de son lieu de travail, il isole sa maison et baisse la température dans ses pièces. Il choisit de vivre à l’étroit plutôt qu’augmenter son emprise sur les sols arables, il fait ce qu’il doit et le bonheur lui est donné de surcroît. Un parti politique définit le sens de l’histoire. Un présidentiable propose un projet de société. Mais quand on demande aux autres de changer de comportement, la logique impose de changer soi-même pour que les autres changent. Un parti politique digne de ce nom est composé de militants qui vivent ce qu’ils prêchent. Il y aura un peuple écolo convaincu par la politique quand les militants d’EELV (Europe Ecologie Les Verts) commencement à donner l’exemple de la sobriété énergétique et de la simplicité volontaire.

1 réflexion sur “Le peuple n’existe pas, c’est une abstraction construite”

  1. Bonjour à tous.
    Que cette chose qu’on appelle « le peuple » soit une abstraction construite, autrement dit un concept, une idée, qu’elle n’ait rien de réel, qu’elle n’existe que dans le cerveau de certains … c’est entendu.
    Au même titre d’ailleurs que ce qu’on appelle « Les Français », cette chose très floue qui n’est surtout pas la somme de 67 millions de « Français moyens ». Avec toute cette fumée, très lucide voire extra-lucide, celui qui aura vu ce qu’était réellement cette si précieuse « identité nationale » dont on nous a rabattu les oreilles à un moment donné.
    Que dire alors de cette démocratie (démos = le peuple …) ce soit disant gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ? Et il en est de même de tas d’autres « abstractions construites », par untel ou Untel, dans tel ou tel but.

    C’est ainsi que de mon côté avec mes lunettes, je ne vois toujours pas ce « peuple écolo » en gestation. Alors je mets ça sur le compte de mes lunettes, pas assez puissantes… pour voir le petit germe.

    On nous dit : « Le peuple écolo n’existe pas encore, il existera un jour. »
    Je veux bien, mais je rajoute simplement, « ou pas… » Tous les glands qui germent ne donnent pas forcément de beaux chênes.
    Que nous devions souhaiter ou espérer qu’il se concrétise, que nous devions œuvrer pour ça, que nous devions en faire le pari … ça aussi c’est entendu. Que le rêve soit un besoin vital, je veux le croire. L’espoir fait vivre, dit-on. Je rajoute que VIVRE c’est lutter, notamment contre toute source de stress, afin de maintenir ce fameux équilibre vital. Et comme nous ne sommes pas tous faits du même bois, chacun « choisira» ses armes, et donc sa came !

    En attendant le Grand Soir… j’observe seulement des hommes et des femmes qui vivent en étant plus ou moins écolos. Parmi eux des défenseurs de baleines qui se foutent du reste, des vendeurs d’éoliennes, des vendeurs et des consommateurs de bio, des mangeurs de salades qui ne mangent pas de viande, des vendeurs de salades qui n’en mangent pas … et puis des « éco-consommateurs » et des « éco-touristes » et toutes sortes d’ « éco-tartuffes »… et puis des dénatalistes et des décroissants, etc. Et au sein même de toutes ces « races », en zoomant je les observe passer leur temps à se quereller et à chipoter sur l’ordre d’une priorité, sur l’emplacement d’une virgule. Et alors le désespoir me gagne. Mais je rétablis vite mon précieux équilibre en me disant que c’est comme ça, que nous sommes des individus uniques et que finalement c’est tant mieux ! La France et le Monde seraient bien tristes si nous étions 67 millions ou 7,5 milliards de clones.

    Puisque notre « démocratie » nous en a donné la « liberté, et que les NTIC et les médias ne nous en ont jamais autant donné les moyens, nous pouvons raconter ce que nous voulons, raconter n’importe quoi. (Je ne m’en prive pas)
    Il n’empêche que plus personne ne peut ignorer qui réellement gouverne le peuple, qui gouverne le Monde. Et il n’est pas bien difficile de comprendre que nous vivons dans « une étrange dictature ». Sur ce sujet, la lecture de Viviane Forrester peut (peut-être) faire sauter quelques verrous.

    En attendant … ce dont nous pouvons être certains, c’est que le Monde continue de tourner, et que nous « avançons ».

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