Le pourquoi de la désobéissance civile

L’éducation des enfants a pour finalité d’en faire, non pas des citoyens obéissants, mais des citoyens responsables, capables d’apprécier et de juger les normes et valeurs à laquelle la société leur demandera d’obéir. En clair, les enfants doivent savoir désobéir à un ordre injuste, quel que soit celui qui le leur demande, un parent, un enseignant, l’Etat. Tous les enfants de France devraient connaître la Déclaration des 121 sur le droit à l’insoumission en 1960 dans la guerre d’Algérie ou le Manifeste des 343 en 1971 pour légaliser l’avortement. La désobéissance civile est la respiration de la démocratie. Le problème de nos sociétés pseudo-démocratiques, en fait soumises aux diktats de l’économie, c’est qu’il faudrait pratiquement désobéir à tout. Non seulement désobéir aux OGM ou à la publicité…, mais désobéir aussi aux petits chefs dans les bureaux, à la consommation de masse, à la société du spectacle, au productivisme, au populationnisme, à la mondialisation, etc.

Anne Chemin : La notion de désobéissance civile apparaît pour la première fois en 1866, dans le titre d’un opuscule de Henry David Thoreau (1817-1862) publié quelques années après sa mort. Pour Thoreau comme pour son ami le philosophe Ralph Waldo Emerson (1803-1882), l’unique guide du citoyen doit être sa conscience. En servant aveuglément un Etat injuste, il se transformerait en « automate ». Pendant des décennies, le plaidoyer de Thoreau en faveur de la désobéissance civile reste confidentiel, mais, dans les années 1900, il inspire un militant indien que son combat contre le colonialisme britannique rendra bientôt célèbre. Le Mahatma Gandhi souscrit, comme Thoreau, à l’idée que le citoyen a le devoir de se rebeller contre les lois injustes. Mais avec Thoreau, la désobéissance civile était un acte individuel garantissant l’intégrité morale du citoyen  alors qu’avec Gandhi, elle se transforme en une mobilisation collective destinée à changer le monde. Ce registre éminemment politique séduit, à la fin des années 1950, Martin Luther King. Pour le pasteur afro-américain, la philosophie de Gandhi est « la seule méthode moralement et concrètement valable pour les peuples opprimés ».

Dans une démocratie, pourquoi défendre ses convictions en commettant une infraction, alors que la démocratie propose nombre de moyens légaux, tels que la grève, la pétition, la manifestation ou le vote ? Les philosophes estiment que pour appartenir au registre de la désobéissance civile un acte illégal doit remplir trois conditions : respecter le principe de non-violence, être public et collectif, et surtout invoquer une cause d’intérêt général.

Le point de vue des écologistes

Matt21 : La désobéissance civile est certes plus difficile à justifier dans une démocratie, mais que faire lorsque cette démocratie est biaisée, voire carrément confisquée, tout en maintenant les apparences ? Où sont passées les recommandations de la convention citoyenne sur le climat ? Pourquoi le parlement a-t-il voté pour le traité constitutionnel européen alors que les citoyens l’avaient rejeté ? Pourquoi ce sont des milliardaires qui accaparent les médias ? Pourquoi il y a-t-il plus de lobbyistes que de fonctionnaires a Bruxelles ? L’opinion publique est « manoeuvrée » en permanence et les rares fois que celle-ci s’écarte du droit chemin, on passe outre et on joue du bâton.

Michel SOURROUILLE : Historiquement la désobéissance civile a toujours été menée au nom d’une libération. Lutte contre l’impérialisme anglais avec le mahatma Gandhi, lutte contre la ségrégation raciale avec Martin Luther King , lutte contre les multinationales de la semence pour libérer les paysans… En bref la désobéissance civile se pratique pour libérer un peuple enchaîné par une contrainte extérieure qui empêche sa libre détermination ; on redonne à la démocratie ses vertus d’égalisation entre les membres d’une communauté. L’idée de libération prend une nouvelle forme aujourd’hui, il s’agit de lutter contre l’emprise thermo-industrielle sur nos existences.Quand la légalité consiste à enchaîner les citoyens à une croissance qui mène à l’effondrement, il semble légitime de réagir. Si les méthodes non violentes échouent, on peut craindre le pire.

Ours : La réaction du gouvernement Macron est sans surprise : répression maximum pour des délits – très – mineurs et garde à vue systématique pour intimidation, adoption du mot écoterrorisme... Toujours l’escalade. L’amalgame avec les black bloc, pour décrédibiliser toute action non violente, est totalement inexcusable. Et bien évidemment, poursuite de l’inaction climatique car il est hors de question de changer. Cette démarche gouvernementale conduira évidemment à la radicalisation de certains de ces jeunes gens.

Frog : Il est clair aussi que les entreprises les plus puissantes, pour qui l’écologie représente plus un tracas qu’autre chose à COURT TERME, ont des places privilégiée auprès de l’état pour mettre en avant leurs besoins. C’est en réalité exactement le principe de a désobéissance civile : l’idée que la démocratie et l’Etat, parfois, n’agissent plus pour le bien commun. Dès lors, il faut désobéir : Thoreau a désobéi à un état démocratique, Ghandi ou Martin Luther King aussi. Trois désobéissances gouvernées par une éthique. Le refus de l’esclavage, l’indépendance des peuples, les droits civiques. Et aujourd’hui la cause écologique….

Peps72 : La notion de désobéissance civile est définie de manière partisane par un petit groupe de personnes ultra-idéologisées qui affaiblissent clairement notre Etat de droit, en s’autorisant unilatéralement à enfreindre la loi.

Dekroissan : Cher Peps, vous qui défendez l’État de droit et la légalité, sachez que la traite des Noirs, le massacre des Indiens d’Amérique, le génocide des Juifs, l’apartheid en Afrique du Sud… tout cela était parfaitement légal. Et aujourd’hui, il est légal de brûler chaque année 15 milliards de tonnes de combustibles fossiles, qui ont mis environ 1 million d’années à être constitués par la nature. La légalité est-elle un argument valable pour décider de ce qui est bien ou mal ?

dekroissan : La question de fond est de décider si on veut la manière douce ou la manière dure. La manière douce, c’est une auto-limitation de notre consommation et une décroissance maîtrisée. La manière dure, c’est la poursuite de ce qu’on fait aujourd’hui, ce qui va se terminer par des effondrements, des famines et des pénuries en tous genres.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere

À lire, La désobéissance civile (H.D.Thoreau, 1849)

Tout savoir sur la désobéissance civile

José Bové, désobéissance civile ou civique ?

La désobéissance s’apprend, savoir déterminer l’injuste

La désobéissance civile des scientifiques

Cassons la machinerie thermo-industrielle

8 réflexions sur “Le pourquoi de la désobéissance civile”

  1. Le suivisme sur les vaccins et les masques a hélas montré la très très faible capacité de résistance de la population.

  2. Comme forme de désobéissance civile, il y a des boycotts possibles. Mais s’il y a bien eu appel au boycott du mondial de foot parce qu’il se tenait à Doha, pays pas très libéral, il n’y a pas eu appel au boycott de ce foot de masse comme entreprise de décervelage. Il n’y a pas eu non plus d’appel au boycott de toutes les nourritures ultra-transformées, appel au boycott des stations service, boycott de la formule 1, des sites touristiques, etc.

    On sait bien que de toute façon de tels appels au boycott sont inaudibles pour 98,7 % de la population. Alea jacta est, en route vers l’effondrement de l’intelligence collective !

    1. Pire que tout, la désobéissance civile est du côté de ceux qui n’ont rien compris aux périls climatiques. Le projet de mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) dans quarante-trois agglomérations suscite la crainte, au sein du gouvernement, du retour d’un mouvement social à l’image de celui des « gilets jaunes ». Pourtant le postulat est simple : l’air respiré dans les métropoles est néfaste pour la santé ; les véhicules les plus polluants devraient donc en être progressivement exclus.

      Ainsi va le système démocratique avec des citoyens aliénés, on est poussé à faire le contraire de ce qu’il faudrait faire !

    2. De tels appels au boycott restent des injonctions (pour les gosses).
      Si le Citoyen était aussi libre, responsable et adulte qu’il se plait à croire (parce que c’est ce qu’On lui fait croire)… alors il n’aurait pas besoin qu’On lui dise : “ Ne regarde pas le foot, ni la Formule 1, ni TF1, n’achète pas de junk-food, ne suis pas la mode [etc. etc.] “ Non, il le ferait tout seul, comme un grand.

      Connaissez-vous “Qu’est-ce qu’ils sont cons“ de Matthieu Cote ?

  3. Il y a des mots avec lesquels je suis définitivement fâché. Comme ce foutu «écologiste» qui pour moi ne veux plus rien dire, tout comme depuis bien longtemps le fumeux «citoyen».
    Déjà là, il y en a un de trop. Pour moi un citoyen ne peut être qu’écologiste.
    Un «citoyen obéissant» est un oxymore, à la limite une expression servant à désigner un toutou. Et «citoyen responsable» un pléonasme.
    Cependant je suis bien obligé de faire avec les mots qui sont les nôtres, et donc de me faire une idée de ces deux choses telles que le vulgum pecus les entend.

    1. – « La désobéissance civile est la respiration de la démocratie. Le problème de nos sociétés pseudo-démocratiques, en fait soumises aux diktats de l’économie, c’est qu’il faudrait pratiquement désobéir à tout.» (Biosphère)
      En effet, La désobéissance civile, et/ou civique, n’a de sens que dans une société de (véritables) citoyens. Et non pas d’esclaves et/ou de toutous soumis à leur(s) maimaître(s). Sinon elle ressemble plus à un cabotinage d’enfants gâtés qu’à autre chose.

    2. – « Mangez des pommes ; Fermez le robinet en vous brossant les dents ; Roulez en électrique ; Roulez au pas ; Pensez à covoiturer ; Marchez pour le Climat ; Signez la Pétition ; Votez Machin ; Lisez Malthus ; Adhérez à Démographie Responsable ; Achetez mon livre ; Achetez ceci et n’achetez pas cela ; Faites vous vacciner ; Fais pas ci, fais pas ça ; etc. etc. »

      Toutes ces injonctions, que nous subissons à longueur de journées, entrent dans notre inconscient, et subconscient, et colonisent notre imaginaire à l’insu de notre plein gré. Résultat : Hi-han hi-han !

      1. Une autre façon de le dire (de mémoire ) :
        – « Tiens droit droit, finis ton assiette, écoute ton maître, marche dans les clous, fonde une famille, choisis une bonne école pour tes enfants, épargne pour tes vieux jours, regarde TF1, pense modérément, etc. etc.
        Vous est-il arrivé de dire NON au conformisme, NON à l’ordre établi ? »

        Cette façon se moque clairement du mode impératif pour se terminer par l’interrogatif. Personnellement c’est le genre de message que j’affectionne.
        Pourquoi ?
        – « Le mode interrogatif redonne une forme de dignité, d’importance et surtout de respect de ses souffrances à la personne cérébrolésée.»
        ( Le mode interrogatif dans la communication – Février 2017 – traumacranien.info )
        Pour dire à quel point toutes ces injonctions me filent mal au crâne.
        Pas vous ? Ah bon … 🙂

Les commentaires sont fermés.