Depuis quelques semaines, dans les médias dominants, on ne parle que de sobriété. Pourtant il ne se passe pas une journée sans que l’on ne rejette la décroissance… Par exemple, fin août, la Première Ministre lors de son discours face au Medef :
« Contrairement à l’affirmation de certains, la décroissance n’est pas la solution. La décroissance attaquerait notre niveau de vie. Elle mettrait en péril le financement de notre modèle social.Elle braquerait nos concitoyens et nous empêcherait d’avancer. »
Voici en réponse notre « Projet de Décroissance », et d’abord quelques approches de la sobriété :
Sobriété, donc consommer moins d’énergie, veut dire moins de PIB : en effet si une entreprise réduit sa facture énergétique, une autre va en vendre moins, donc ses revenus vont baisser, donc ses achats et investissements vont baisser, donc d’autres entreprises vont en pâtir et ainsi de suite. Moins c’est moins, assez basique à comprendre. On ne peut pas faire plus d’omelettes en cassant moins d’œufs !
Sobriété en restant dans une société de croissance, donc sans croissance, ça s’appelle la récession et en général ça se passe mal. Tout notre système économique, de la création monétaire à l’emprunt, de l’investissement aux logiques de profits et d’intérêts et de dividendes est basé sur la logique de croissance : il faut faire tourner toujours plus tourner la machine à produire, échanger et consommer. Sans cela, une entreprise, petite ou transnationale, une municipalité ou un état, un fond de pension ou d’investissement se casse la figure.
Ainsi, si la nécessité de sobriété pour des raisons physiques (déplétion), écologiques (changement climatique, entre autres) et éthiques (arrêter de financer des régimes belliqueux et/ou autoritaire) est exacte, la question est comment ?
– soit sobriété dans une société de croissance, et là oui on a tout ce que la Première Ministre nous reproche…
– soit un projet de décroissance conviviale avec une refonte en profondeur de nos modèles économiques afin de sortir de la dépendance à la croissance, partage et solidarité. L’ enjeu n’est pas de faire la même chose avec moins, mais autrement en mieux.
Qu’est-ce que la décroissance ? En moins d’un an nous avons publié 3 excellents ouvrages sur le sujet :
– Décroissance, collection Fake or Not, chez Tana Edition, par Vincent Liegey. Ce livre très pédagogique ouvert à tout public est excellente introduction à la décroissance avec plein d’infographies, de définitions et une approche globale enthousiasmante de ce que pourrait être un projet de décroissance conviviale.
Ce livre est un succès dans les librairies puisqu’il en est à sa troisième réimpression !
– La décroissance et ses déclinaisons, Editions Utopia, par nos ami.e.s de la Maison Commune. Ce livre très complet se propose de cartographier les d’idées reçues, de clichés et de malentendus et d’y répondre. Dans un deuxième temps il propose seize déclinaisons permettant de mieux appréhender ce qu’est, et ce que n’est pas, la décroissance.
– Ralentir ou Périr, L’économie de la décroissance, Edition du Seuil, par Timothée Parrique. Ce livre propose une critique économique de la décroissance pour sortir de l’économicisme ambiant.
Et aussi, pour aller plus loin, nous vous invitons à regarder la superbe enquête du low-tech Lab sur Cargonomia, coopérative de recherche et d’expérimentation sur la Décroissance à Budapest : https://lowtechlab.org/fr/actualites-blog/enquete-8-cargonomia
Et aussi la décroissance en podcast, dans Think Degrowth avec Vincent Liegey : https://podcast.ausha.co/think-degrowth/episode-7-la-croissance-infinie-est-une-fake-news-vincent-liegey
Enfin, on parle beaucoup d’énergie, de sobriété et d’économies afin de passer l’hiver, nous vous proposons un décryptage à travers un débat en vidéo organisé par Alter Kapitae autour de ces enjeux centraux avec Maxence Cordiez et Vincent Liegey : https://youtu.be/VVDCcW9olg0?t=276
La décroissance, une question de justice mondiale
Les partisans de la décroissance remettent en cause le dogme selon lequel la croissance économique est toujours signe de progrès. Pour l’anthropologue Jason Hickel, seule la décroissance peut faire sortir le monde de cette crise écologique toujours plus aiguë. C’est le sujet de son nouveau livre Less is More. Entretien.
Entretien publié initialement dans LE GREEN EUROPEAN JOURNAL
https://choses-dingen.tumblr.com/post/690126474210082816/green-european-journal-une-des-critiques-les
Le mot traduit l’idée. C’est ainsi qu’un cercle peut très bien devenir un carré, l’exemple est sinistrement connu. On peut toujours nous raconter que la décroissance n’est pas la solution, que la sobriété ce n’est pas la décroissance, on peut nous raconter n’importe quoi et nous en balancer des conneries… sauf que là encore il y a des limites.
Comment et avec quels mots, nos marchands de salades pourraient-ils nous vendre des innovations décroissantes ? Voire une décroissance boosteuse de croissance, si ce n’est une prospérité décroissante, autant dire une croissance décroissante. Si vous avez des idées n’hésitez pas à les leur soumettre, je suis sûr qu’ils vous en seront reconnaissants. ( à suivre )
Nous enfumer avec la post-croissance, ça ne devrait pas leur être très compliqué. Guère plus compliqué qu’avec la sobriété. N’oublions pas l’essentiel, la bonne blague là encore. Par contre avec la décroissance c’est une autre paire de manches. Ce mot semble imprenable, irrécupérable, infalsifiable. Alors, pour ne pas sombrer dans le pire des ridicules, la seule chose qu’ils leur reste désormais à faire c’est de bannir le mot du vocabulaire. En espérant ainsi détruire l’idée.
Comme quoi ce mot (mot-obus) les dérange salement. Et tant mieux ! Comme quoi les décroissants et autres objecteurs auraient commis une grosse erreur en lui préférant tel ou tel autre mot, que certains considéraient (et peut-être considèrent encore) comme plus «politiquement correct».