Nicolas Hulot, David Suzuki et Karel Mayrand décortiquent le CETA : « Le 27 octobre, le premier ministre canadien sera à Bruxelles pour signer avec l’Union européenne (UE) un traité – le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) – visant à faciliter les échanges économiques entre son pays et l’Europe. En l’état, cet accord va à contresens de nos engagements internationaux de limiter le réchauffement climatique. Il fait une grande place aux énergies fossiles et limite la capacité des Etats à prendre les mesures nécessaires à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. En s’appuyant sur les tribunaux d’arbitrage, le CETA permettra aux entreprises de porter plainte contre un Etat adoptant une politique publique contraire à ses intérêts privés. L’accord de libre-échange qui lie le Canada aux Etats-Unis autorise déjà ce type de procédures. La société TransCanada s’est par exemple saisie de cette possibilité pour attaquer l’administration Obama à la suite de sa décision d’abandonner pour des raisons environnementales le projet d’oléoduc Keystone XL, qui devait transporter du pétrole de la province canadienne de l’Alberta vers le Texas.
Bien sûr, ce projet de traité ne date pas d’hier. Les négociations ont été lancées bien avant que tous les Etats de la planète sachent à quel point la crise climatique allait interroger nos modèles économiques, nos frontières, et la survie même de notre humanité. Mais depuis, la donne a radicalement changé, et une chose est sûre : on peut négocier entre Etats, mais on ne peut pas négocier avec le climat. Le premier ministre Trudeau a franchi une première étape en ralliant la coalition internationale pour une tarification mondiale du carbone et en fixant un prix plancher pour le carbone à l’ensemble des provinces du Canada. Mais le chemin est encore long pour s’assurer que le Canada atteigne et dépasse ses objectifs de lutte contre le changement climatique. Le développement du secteur des sables bitumineux et les accords de coopération économiques qui permettraient de facto leur exportation vers l’Europe et les Etats-Unis sont climaticides pour les Canadiens comme pour nous. »*
Une renégociation du CETA semble donc une nécessité. Mais ce n’est pas une évidence pour les pouvoirs en place. José Bové était venu au Canada pour manifester contre l’accord économique et commercial global (AECG ou CETA). Il a été refoulé dans la nuit de mardi 11 à mercredi 12 octobre par la police des frontières. Il reste dans sa chambre d’hôtel à Montréal, avec la photocopie de son passeport, qui lui a été confisqué. Et doit se rendre à l’aéroport dans l’après-midi, direction Paris. Sa réaction, ironique :« Les marchandises circulent plus facilement que les opposants au CETA ».
* LE MONDE du 14 octobre 2016 Nicolas Hulot : « Signons un traité de libre-échange avec le Canada qui ne menace pas le climat »