L’écoanxiété a-t-elle besoin d’être soignée ?

Les psychothérapeutes adaptent le patient à une société déstabilisante, ils soignent les symptômes et pas la cause du mal. Les écopsychologues estiment au contraire que notre rupture avec la Terre est la source profonde de notre malaise social. L’écopsychologie réunit la sensibilité des thérapeutes, l’expertise des écologistes et l’énergie éthique des activistes de l’environnement. Cette discipline émerge avec la multiplication actuelle des cas d’éco-anxiété.

Antoine Pelissolo  (psychiatre) : Je constate que les inquiétudes autour de l’avenir climatique sont de plus en plus présentes. L’éco-anxiété est plus fréquente, on voit des cas sévères qui évoluent vers une dépression… Chaque fois que de graves inondations ou de terribles incendies se produisent, on en voit les images, et beaucoup de personnes le vivent comme si c’était leur propre corps qui était exposé. Il y a un effet d’accumulation, avec le sentiment que les menaces se rapprochent dans le temps et dans l’espace, et qu’on sera un jour concerné directement. On utilise désormais le terme de stress pré-traumatique…. La solastalgie correspond au sentiment douloureux de voir un endroit détérioré, par exemple par l’érosion du littoral, sans retour en arrière possible. Tout cela peut devenir obsédant. J’ai pu l’observer chez des militants dont l’action les plonge encore plus dans ces problématiques. C’est décrit également chez des scientifiques qui travaillent dans le domaine du dérèglement climatique… Ce qui me frappe le plus, c’est le positionnement sur la question de la descendance. Beaucoup (de militants) sont fermement décidés à ne jamais avoir d’enfant, ou du moins ils l’envisagent sérieusement. Ils sont qualifiés de « Ginks » [pour Green Inclination, No Kids, « engagement vert, pas d’enfants »]. Jusqu’à présent, malgré des périodes dramatiques, la descendance représentait pour la plupart des gens un espoir ; et la finitude que l’on connaît tous et qui est à la base des angoisses de mort était un peu allégée par la perspective d’une transmission. Le fait de renoncer volontairement à cela me semble être un changement majeur de vision du monde… L’éco-anxiété n’est pas forcément une pathologie qui relève d’un suivi psy… Des chercheurs allemands ont récemment montré que la consommation d’antidépresseurs d’habitants de Leipzig est inversement proportionnelle au nombre d’arbres à proximité de leur domicile… Il a été démontré que le fait de naître, grandir et vivre en ville est associé à un risque plus élevé de troubles psychiques qu’en milieu rural. Un engagement personnel dans l’écologie, à travers les gestes du quotidien voire dans un mouvement plus collectif, peut aussi aider à se déculpabiliser et se sentir plus actif.

Complément d’analyse sur lemonde.fr :

J.A. : Un psychiatre qui se préoccupe des symptômes, soit les personnes “stressées “, sans se soucier des causes une seule fois dans l’entretien… çà c’est inquiétant.

ap1 : Personnellement, j’ai zéro stress par rapport au changement climatique, et surtout, à l’effondrement (qui pourra suivre différent scénarios, et dont on ne connaît pas la date/l’enchaînement exact). J’en avais, beaucoup, il y a 5-6 ans, quand j’avais conscience de ce qui allait arriver et que personne n’en parlait, mais maintenant que c’est devenu mainstream… aux citoyens et au collectif de faire leur boulot. Je n’ai plus besoin d’alerter sur quoi que ce soit, et je vis sereine dans une situation qui ne fera qu’empirer.

Michel SOURROUILLE : Personnellement je pratique depuis 1972 (rapport sur les limites de la croissance) la pédagogie de la catastrophe pour que la catastrophe n’arrive pas. On me l’a souvent reproché, disant que j’allais traumatiser les personnes. Maintenant les catastrophes deviennent médiatiquement omniprésentes. Et le stress « pré-traumatique » risque fort d’entraîner les individus au repli sur soi, à la dépression sans action, ou bien à la colère qui va essayer de tout casser sans rien changer. Je ne crois plus que c’est la catastrophe qui va servir de pédagogie, il n’y a qu’à voir les plans de relance économique qui fleurissent un peu partout au niveau mondial. On continue de vouloir la croissance économique et on relance les causes qui nous amené dans une impasse. Mais je ne suis pas anxieux. Je continue de croire que dans un monde qui multiplie les problèmes, nous sommes, chacun d’entre nous, la solution. J’appelle de mes vœux la sobriété partagée… elle arrivera de gré ou de force !

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

21 juin 2015, L’écopsychologie qui soigne l’esprit et sauve la Terre

synthèse, BIOSPHERE-INFO, introductions à l’écopsychologie

3 mai 2017, Pour comprendre l’écopsychologie en quelques mots

10 réflexions sur “L’écoanxiété a-t-elle besoin d’être soignée ?”

  1. et bien dansez maintenant

    Le lâcher prise. Peu importe la fin (lente? douloureuse?…), les calottes sont cuites! Alors plutôt que de se lamenter et se mettre la rate au court bouillon, avançons, vieillissons en famille, entre amis. Puisque nos comportements individuels n’empêcheront rien à cette triste destinée, faisons le maximum pour le principe. Si le problème n’a « pas » de solution alors s’inquiéter ne sert à rien.

  2. Esprit critique

    Pour soigner notre mal de vivre, mieux que les «bons vieux» psychothérapeutes (Professeur Foldingue et Compagnie), qui se contentent de soigner les symptômes et pas la cause du mal, nous avons donc maintenant ces fameux écopsychologues pour qui Biosphère fait de la pub.
    Déjà on peut dire que l’écopsychologie ne date pas d’hier. Et puis et surtout qu’elle est loin de faire consensus. Cette discipline est un fourre-tout où se mélangent psychologie, philosophie, écologie et même anthropologie, on imagine la Tambouille. Elle prétend «guérir notre relation avec la Terre», rien que ça. Pour ce qui est des pratiques et des dites thérapies il y en a pour tous les goûts : écothérapie, éco-alphabétisation (ne me demandez pas ce que c’est, mais l’éco se vent bien), terrapsychologie (?), équithérapie (à dada) , sylvothérapie (parler aux arbres), hortithérapie (jardinage) et j’en passe.

    1. Business as usual !

      Pour tous les goûts et aussi pour toutes les bourses.
      Chez certains de ces écopsychologues et autres et écothérapeutes nous retrouvons tout naturellement la Gestalt-Thérapie, qui depuis 2012 est dans la liste noire des thérapies (Institut Français de Psychanalyse).

    2. Esprit critique

      L’examen critique de l’écopsychologie ne doit évidemment pas s’arrêter à ce qui ne va pas dans cette discipline. Pour savoir il vaut toujours mieux écouter ceux qui savent de quoi ils parlent. C’est à dire les spécialistes, ici les psys.
      Le site eco-psychologie.com me semble sérieux. La discipline finalement intéressante.
      – « Pendant une trentaine d’années, Marie Romanens a exercé en tant que psychothérapeute et psychanalyste, après avoir commencé sa carrière de psychiatre.»
      Cette dame connait donc bien le sujet. D’ailleurs elle a laissé un commentaire ici même adressé à Biosphère ( Introductions à l’écopsychologie, 17 JUIN 2015 À 10:16 )

  3. Part d'en rire

    – « Les psychothérapeutes adaptent le patient à une société déstabilisante, ils soignent les symptômes et pas la cause du mal. Les écopsychologues estiment au contraire [etc.]»

    Storytelling : J’ai un pote qui avait un problème et non des moindres, il se faisait dessus. Tous les toubibs lui disaient que la cause n’était pas mécanique, ils ne pouvaient donc que lui prescrire des couches culottes, bof. Mon pote est donc allé consulter un psy. Et puis un second, un troisième etc.
    Après 30 ans de psychothérapies et psychanalyses diverses et variées mon pote a fini par découvrir la Cause. Mais le pauvre n’en était pas pour autant plus avancé. Même s’il savait pourquoi… il était toujours aussi emmerdé. C’est alors que l’an dernier je lui parle de ce nouveau truc à la mode, cette innovation dans ce domaine, l’écopsychologie. Et au stade où il en était, bien sûr je la lui conseille. (la chute au prochain épisode)

    1. Parti d'en rire

      Hier j’ai revu mon pote. Et comme il n’y a aucun tabou entre nous, je lui ai bien sûr demandé où il en était de son petit problème.
      Et voilà ce qu’il m’a dit : « C’est fini je suis guéri, mille fois merci pour tes conseils ! »
      Et moi, tout content pour lui : « Super, tu ne te fais plus dessus !? »
      Et lui : « Ah mais si, je me chie toujours dessus, mais maintenant je m’en fous ! »

  4. Esprit critique

    – Question de Sandrine Cabut ( Le Monde ) : « Comment se présentent les patients atteints d’éco-anxiété dans vos consultations ? »
    – Réponse du psychiatre Antoine Pelissolo : « Il s’agit le plus souvent de personnes qui consultaient déjà pour d’autres motifs. L’éco-anxiété est une des thématiques rencontrées dans l’anxiété généralisée »

    – Psychologue.net : « L’anxiété est un état psychologique et physique qui inclut des éléments somatiques, comportementaux, cognitifs et émotionnels. L’anxiété provoque peur, craintes et inquiétude. Il s’agit d’une réaction habituelle […] mais lorsque l’anxiété est excessive elle est considérée comme un trouble psychologique. »
    – Vidal : « L’anxiété est une réaction normale qui devient une maladie lorsqu’elle survient alors qu’aucun événement ne la justifie vraiment. On parle alors de troubles anxieux, incompatibles avec la vie quotidienne. [etc.] »

    1. On peut déjà dire que si ces nouveaux patients vont consulter un psy, c’est bien parce qu’ils ont un ou des problèmes. Notamment dans leur vie quotidienne. Peu importe a priori la cause ou les raisons de leur anxiété, ces gens là sont bien malades.
      Or Antoine Pelissolo nous dit que pour la plupart ils l’étaient avant.
      On peut donc en déduire que si ce n’était pas le Climat, les ours blancs etc. ce serait alors autre chose. Les Autres par exemple. Ou alors la foule, ou encore l’idée de perdre quelqu’un ou quelque chose de cher. Son petit confort, sa tête, ses jambes ou sa vie par exemples.

  5. Force est de constater que la solastalgie (ou éco-anxiété) progresse. Comme progressent l’obésité, le diabète, les idées pourries etc. C’est dans l’air du temps (à la mode).
    C’est bien qu’on parle de la solastalgie, on devrait même en parler un peu plus, mais là encore dans la juste mesure. Parce que là encore nous mettons le pied dans le piège de la causalité circulaire. Plus on en parle et plus on risque de l’alimenter. Et je ne pense pas qu’au final ce soit une bonne chose. D’ailleurs, comment pourrait-elle l’être ?
    S’il ne s’agit pas d’une maladie, la solastalgie n’en est pas moins une réelle souffrance.
    Alors à moins d’avoir besoin de se pourrir la vie, d’en faire des cauchemars la nuit, de se complaire dans un état mortifère, bref à moins de prendre du plaisir à souffrir… la solastalgie a bien évidemment besoin d’être soignée.

    1. Chaque domaine a ses spécialistes, ce qui se passe dans nos têtes est du ressort des neurosciences. Ainsi que des psys qui doivent s’appuyer sur les nouvelles connaissances. Ceux qui ne vont vraiment pas bien, qui souffrent beaucoup, doivent évidemment consulter. Pour les autres l’ «automédication» peut faire l’affaire. Je ne fais que le dire, à chacun sa came en attendant.
      Un conseil, évitons surtout de nous mentir à nous-même. Commençons déjà par accepter le fait qu’on ne va bien. Éco-anxieux nous le sommes tous. Fous et menteurs aussi. Plus ou moins bien sûr. On ne peut pas d’un côté dire «je ne suis pas anxieux» (sous-entendu «je le vis bien») et d’un autre dire «je ne comprends pas qu’on ne soit pas terrorisé [etc.]» Ou alors si on en est là, c’est qu’on ne va pas bien.

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