L’effet tunnel fabrique des mégalopoles

Lancé il y a une vingtaine d’années, le projet de l’A69, qui doit relier Toulouse à Castres, a démarré en mars 2023, soulevant une forte opposition des écologistes. La réalisation de cette autoroute de 53 kilomètres nécessite l’abattage de 260 arbres, 366 hectares de sol à bétonner, dont 232 hectares de terre agricole, la destruction de 23 hectares de zones humides et 13 hectares de forêt avec la biodiversité qui les accompagne. Tout pour les métropoles, rien pour les petites communes, rien pour l’équilibre écologique, c’est l’effet tunnel.

L’effet tunnel explique la révolte des Gilets jaunes

Dès les débuts du chemin de fer, on a parlé d’effet tunnel : un train désertifie les zones rurales en reliant une ville à une autre ville. En France, les conseillers municipaux d’Albion dénonçaient en 1833 l’effet tunnel : « Le chemin de fer est incapable d’être lucratif sauf aux grandes villes… tous les pays intermédiaires en souffriront par le défaut de communication ». Puis on a désertifié les villes intermédiaires avec les TGV. Face à ce vide spatial, les constructeurs d’automobiles ont pu imposer le choix de la voiture individuelle, « indispensable » puisqu’il n’y a plus de dessertes de proximité. Or la voiture dépend du pétrole, et bientôt il n’y en aura plus….

Métropolisation du territoire

Albert Levy, architecte : Dans le contexte de crise climatique et écologique actuel, dont l’A69 est emblématique, c’est la métropolisation du territoire qui est en cause, mise en question, avec la « mondialisation heureuse » à laquelle elle est associée. Ce modèle a été adopté en France avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam, loi « Métropoles ») de 2014 par la création, au départ, de onze métropoles, vingt-deux aujourd’hui, postulées indispensables à la croissance économique : l’existence de métropoles attractives, rayonnantes sur le plan international, est une question de survie dans le contexte de la mondialisation.

Mais, pour lutter contre le réchauffement climatique, métropolisation et transition énergétique restent des politiques totalement inconciliables : par l’importance de la mobilité, interne et externe, qu’elle génère et qui la fonde, la métropolisation énergivore, grosse consommatrice d’énergie fossile, freine la transition en impactant le climat. Elle est source, aussi, d’un déséquilibre territorial entre les métropoles qui gagnent (mise en réseau par le TGV), vitrines de prospérité, et la France qui perd, les territoires marginaux à l’écart et en déclin. Avec l’opposition à l’A69, c’est la métropole toulousaine qui est concernée, caractérisée par un tissu urbain fortement étalé (deux fois la surface de Lyon pour une même population) générant des déplacements internes importants (4 millions de déplacements quotidiens où l’auto domine). Une altermétropolisation est-elle possible ?

Le point de vue des écologistes de proximité

Lorsque l’on compare des villes petites ou moyennes de même population on constate que plus elles sont proches (en distance et en temps de trajet) d’une métropole et moins elles ont de services et équipements tels que commerces, cinémas, théâtre, hôpitaux, entreprises, etc. Et évidemment cela se traduit par une augmentation continue du besoin de transports de et vers la métropole, donc on rajoute une autoroute et c’est le cercle vicieux. C’est cela la métropolisation, c’est dévastateur en termes de qualité de vie et d’impact environnemental.

Si l’on n’est pas capable de renoncer ne serait-ce qu’à un tronçon d’autoroute et qu’on invente toutes les fausses excuses imaginables dès que la moindre alternative est proposée, la « transition » est perdue d’avance. Comment arrêter une tragédie en criant à la mort de la démocratie dès qu’on demande ne serait-ce que rouler moins vite ? Les activistes ant-A69 sont des citoyens éclairés et soucieux de la biodiversité, de notre avenir à tous et de celui de nos enfants. Sans ce type d’action, nous aurions encore moins d’écosystèmes préservés.

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Cultiver la nature en ville ou désurbanisation ?

extraits : Certains essayent désespérément de trouver des solutions agricoles en milieu urbain. Il y a les tentatives de villes en transition (Rob Hopkins), la bonne idée des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), la vogue des locavores, les incroyables comestibles, etc. Mais les villes étendent leurs tentacules dans toutes les directions et stérilise toujours plus loin les sols. Les bétons et goudrons de la capitale française ne se prêtent pas aux plantations en pleine terre. La solution de long terme se trouve dans la désurbanisation, l’exode urbain qui succédera à l’exode rural….

Désurbanisation (2009)

extraits : Qu’on le veuille ou non, il faudra bien un jour sortir du culte de la croissance, toujours plus de pouvoir d’achat, toujours plus de bagnoles, toujours plus d’avions, travailler toujours plus. L’urbanisation croissante est un élément de cette anthropisation forcenée de notre planète qui a accompagné la révolution industrielle dès le XIXe siècle. Mais au lieu d’être progressive, l’explosion urbaine est devenue selon les termes mêmes du Monde (22 septembre 2009) « violente », particulièrement en Afrique : les villes y passeront de 350 millions d’habitants en 2005 à 1,2 milliards en 2050….

9 réflexions sur “L’effet tunnel fabrique des mégalopoles”

  1. Esprit critique

    La mobilité (à pied, à vélo, en auto, en train etc.) est un besoin. Seulement il y a 2 types de mobilités. Celle disons vitale, et celle disons futile.
    Les anciennes voies ferrées sont parfois reconverdies en pistes cyclables. Un peu de goudron et hop le Tour est joué. C’est toujours mieux que de les voir recouvertes de ronces. Admettons. Ceci pour le plus grand plaisir, non pas des gens qui vont bosser… ou qui vont faire leurs courses, au marché… mais de ceux qui pédalent pour passer le temps. S’amuser. Et en même temps être en forme. En forme de quoi peu importe.
    Si le réseau cyclable en France se développe, un peu, c’est tant mieux. Mais demandons-nous si ça n’est pas, avant tout et par hasard… parce que les cyclistes sont vus comme des cons-sots-mateurs. De vélos, maintenant électriques, de loisirs, de tourisme, éco-tourisme et blablabla. Prendre l’Avion pour aller FAIRE le tour de Corse à vélo, c’est bon pour la planète !

    1. Esprit critique

      Et prendre la Bagnole pour aller pédaler, sur un vélo immobile, dans une salle, juste pour être en super forme pour la Course du samedi, la vraie et sur de vraies routes cette fois… là c’est du Grand N’importe Quoi !

    2. Esprit critique

      Aujourd’hui c’est la journée mondiale du vélo. Alors il faut bien en parler un peu.
      Faire du vélo sans lumière dans un tunnel c’est pas top. Sous la pluie et la neige non plus.
      Et quand en plus ON a le vent de face, je vous dis pas.
      Le vélo c’est comme le camping, c’est bien quand il fait beau. Sauf bien sûr pour ceux qui n’ont qu’une tente comme toit et un vélo pour se déplacer, ce qui est toujours mieux que rien, le vélo c’est comme le camping. D’abord un loisir. Et qui dit loisir dit business.
      Tout ce qu’ON raconte à côté, l’écologie, la planète, la santé etc. ce n’est pas que ça soit faux, mais c’est du baratin ! ( à suivre )

      1. Esprit critique

        (suite et fin) Parce que si tout ça était réellement sérieux… aujourd’hui ON ne parlerait pas de l’A69. Ni des J.O, du tourisme (éco-tourisme, vélo-tourisme…) et j’en passe. Toutes ces conneries feraient partie de l’histoire ancienne. ON parlerait alors du désenclavement des campagnes, des petites voies ferrées sous les ronces, et des pistes cyclables. Et autrement que pour nous vendre des vélos.
        – « Faire du vélo un levier pour notre économie en accompagnant les acteurs français de la filière […] afin d’accompagner les acteurs du vélo dans la réindustrialisation des productions ainsi que dans l’innovation. […] Développer le vélotourisme afin de faire de la France la première destination du cyclotourisme d’ici 2030 » (Le vélo et la marche, des modes de déplacement vertueux et avantageux – ecologie.gouv.fr )

  2. – « Le réseau routier national comprend plus de 1 109 000 kilomètres en 2023 se répartissant en 12 379 km d’autoroutes » (Wikipedia. Page intéressante)

    – « 1930, à l’apogée du rail français. Le pays entier est alors maillé par près de 60 000 kilomètres de voies ferrées. Aujourd’hui, les trains ne circulent plus que sur 28 000 kilomètres, dont 2 700 de Lignes à grande vitesse » ( Et si on rouvrait les petites lignes de train fermées ces dernières années en France ? 23/08/2023 vert.eco )

    Plus d’1 million de km de bitume ! Sans compter les parkings.
    Le rail, lui, est en décroissance.
    Autres chiffres, de croissance cette fois :
    – « En 2021, la France dispose de 18 848 km d’itinéraires aménagés. En 2030 l’objectif est d’atteindre 25 587 km. » (Le réseau cyclable en France – francevelotourisme.com)

    1. Oui mais rouvrir des lignes de trains, il faut nucléaire ! Comment compte tout les faire rouler sans électricité ? Avec un parc de 3 milliards d’éoliennes ?

      1. Esprit critique

        Même s’il peut carburer à pas mal de choses (charbon, diesel, GPL, jus de betteraves etc.), admettons que «mon» petit train ait besoin d’électricité.
        De combien exactement ? Et donc de combien de centrales, nucléaires, ou à charbon, à gaz peu importe, ou encore d’éoliennes. Imagine un petit train, léger, capable de trimballer 100 passagers… Deux wagons attelés à un petit poids lourd, électrique, et voilà que tu viens d’inventer la «e-Micheline».
        Sachant qu’un SUV électrique a besoin de N kWh pour trimballer 4 personnes (quand ce ne n’est pas 2 voire 1 seule)… de combien ta «e-Micheline» en a t-elle besoin pour en trimballer 100 ?
        – Camion électrique : le guide complet en 2024 (chargeguru.com)

  3. – « A l’heure de la dénonciation par les « gilets jaunes » des « territoires délaissés », la question du transport ferroviaire est à nouveau d’actualité. »
    ( LE MONDE du 6 février 2019 : « Dans les années 1950, les dirigeants de la SNCF étaient obnubilés par la vitesse » – Biosphère : L’effet tunnel explique la révolte des Gilets jaunes )

    Comme quoi, déjà, les Gilets jaunes ne disaient pas que des conneries.
    Je l’ai déjà dit, et bien sûr je ne suis pas le seul, cette A69 est un non-sens (Albert Levy).
    Et à tous points de vue. Une aberration, une énorme connerie, pour « gagner » 16 minutes de temps de trajet. Surtout pour engraisser les Atosca-Vinci & Compagnie (Pognon Pognon !)
    – Conflit d’intérêts, opacité financière… Dans les coulisses du projet controversé de l’A69
    ( 19/04/2024 francetvinfo.fr )

    1. (suite) Les autoroutes et les LGV ferroviaires n’ont de sens que dans la logique débile (le temps c’est de l’argent, etc.) de ce système mortifère. Le Capitalisme qui en exige toujours plus. Au détriment de l’environnement, des campagnes et des gens qui y vivent. C’est uniquement pour faire toujours plus de Pognon qu’ON ferme les petites lignes ferroviaires*, des petits hôpitaux, des services publics, des entreprises et finalement tout ce qui est jugé non rentable. Il ne faudra pas s’étonner, le jour où ON procèdera de même avec les gens. En attendant, c’est bien cette logique (politique) qui fait qu’ON se retrouve aujourd’hui avec des territoires délaissés (déserts médicaux etc.) et des millions de gens en colère.**

      * Cette carte annonce la fin des petites lignes de train en 2030… mais elle ne provient pas de la SNCF (06/07/2022 20minutes.fr)
      ** En Europe, le désarroi teinté de colère des territoires délaissés (Le MONDE 30 avril 2024)

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