les coûts cachés du nucléaire, l’oubli des générations futures

Le rapport de la Cour des comptes sur les coûts passés, présents et futurs de la production d’électricité nucléaire en France a ceci de particulier qu’il ne vient qu’après des décennies de production. C’est significatif d’une absence totale de prévision, on produit d’abord, on se préoccupe ensuite des conséquences… quand on y est obligé. Ce phénomène n’est pas propre à l’industrie nucléaire, mais le problème supplémentaire est l’échelle de temps. Berkeley*, la première centrale britannique ouverte en 1962, a été fermée en 1989 et il faut attendre fin 2010, après moult péripéties, pour la mise sous scellés des deux réacteurs. Reste, à partir de 2074, à transférer les déchets radioactifs dans un lieu de stockage géologique profond… qui n’existe pas encore. Cent vingt-deux ans se seront écoulés entre le début de la construction et une conclusion qui n’est même pas finale.

Le nucléaire présuppose une société riche et stable sur le long terme, ce qui n’est pas le cas. Nul ne sait si la Grande-Bretagne ne sera pas à feu et à sang dans dix ou trente ans, après une crise socio-économique et écologique qui balayerait la planète. Qui voudra alors se charger des déchets radioactifs ? Car la planète est déjà à bout de souffle. Un rapport indique que nos modèles de développement ne sont tout simplement pas compatibles avec les limites de la planète**. Et la prépondérance du court terme dans les négociations internationales laisse déjà prévoir que Rio + 20 parlera de tout et n’aboutira à rien. Notre société thermo-industrielle au sommet de sa puissance financière et technologique n’est pas capable de traiter à l’heure actuelle les problèmes qu’elle crée, à plus forte raison demain : 85 % des stocks de poissons sont surexploités, 75 % des services rendus par la nature sont en déclin, limiter le réchauffement climatique à 2°C est de plus en plus hors de portée, etc.

La gestion du nucléaire est en liaison étroite avec ce constat d’alerte et d’impuissance. L’évaluation des coûts du nucléaire devient secondaire quand on sait que demain on aura à peine de quoi se payer l’essentiel. Une seule solution, bâtir localement des communautés de résilience

* LE MONDE du 1er février 2012, Berkeley, symbole de la complexité du démantèlement

** LE MONDE du 1er février 2012, Le rapport de l’ONU avant le sommet de Rio + 20

2 réflexions sur “les coûts cachés du nucléaire, l’oubli des générations futures”

  1. Des doutes dans la classe politique
    Devant les « nombreuses incertitudes » du rapport de la Cour des comptes, la ministre de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a demandé, mardi, « un audit pour contrôler les devis de démantèlement ». Le devis établi par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), pour le centre de stockage profond prévu à Bure (Meuse), a grimpé, entre 2005 et 2009, de 16,5 à 36 milliards d’euros.

    Quant aux militants de l’Observatoire du nucléaire, ils voient dans les coûts passés et futurs annoncés par la Cour des comptes « la fin de cinquante ans de mensonges de la part des promoteurs de l’atome, qui n’ont cessé de prétendre que l’électricité d’origine nucléaire était de loin la moins chère ».
    LE MONDE du 2 février 2012, Des audits vont être réalisés sur les devis de démantèlement des centrales nucléaires françaises

  2. analyse de Greenpeace :
    La Cour des comptes n’a eu accès qu’aux devis établis par EDF, qui a pour habitude de minimiser les coûts, et n’a pas fait ses propres calculs et mesures. La Cour des comptes estime le coût du démantèlement des 58 réacteurs français à 18,4 milliards d’euros, soit une moyenne de 317 millions d’euros par réacteur. Ces coûts sont clairement sous-estimés.

    En effet, le démantèlement de la centrale de Brennilis (Finistère), le seul en cours actuellement, est pour l’instant chiffré entre 450 et 500 millions d’euros et l’opération n’est pas encore achevée. On se situe donc déjà au-delà des chiffres fournis par EDF pour le démantèlement moyen d’un réacteur, alors que la puissance du site, de 70 MW, est largement inférieure à celle des autres centrales (entre 900 et 1 400 MW).
    | LEMONDE.FR | 31.01.12 | Sophia Majnoni, chargée de campagne nucléaire à Greenpeace

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