Les illusions technologiques de Steven Chu

Steven Chu* : Nous avons toutes les raisons d’être inquiets. La transition énergétique ne va pas assez vite. Le monde consomme encore plus de 100 millions de barils (159 litres) de pétrole par jour (soit presque 16 milliards de litres, plus de deux tonnes par jour et par personne)**.

Biosphere : Le constat de démesure commence à être partagé par toutes les personnes conscientes de l’urgence écologique. On se retrouve toujours plus nombreux sur les fondements biophysiques de toute réflexion, on progresse mais pas assez vite !.

Steven Chu : Je ne pense pas qu’il soit possible d’atteindre 100 % d’énergies renouvelables dans un futur proche, nous n’avons pas assez de moyens de stockage d’électricité.Le réseau électrique continuera à avoir besoin de moyens mobilisables à la demande. Les populations ne seront pas d’accord pour renoncer à la lumière, fermer les usines et mettre à l’arrêt l’économie.

Biosphere : D’accord ou pas, sans ressources fossiles on sera bien obligé de se contenter d’une vie frugale, d’électricité intermittente et surtout de son énergie endosomatique (notre force musculaire). Quant à vouloir toujours ajouter une énergie à une autre énergie (bois, charbon, vent, pétrole, gaz, nucléaire…), on est arrivé au terme de cette fuite en avant : un effondrement probable de notre civilisation thermo-industrielle. Sans pétrole, t’es plus rien !

Steven Chu : Je pense que le nucléaire doit être partie prenante pour prendre le relais des renouvelables. Une option serait de produire à la chaîne des petits réacteurs nucléaires modulaires, s’ils sont suffisamment petits ils peuvent être plus sûrs.

Biosphere : Pour recenser toutes les informations de notre blog biosphere sur le nucléaire, lire notre Biosphere-Info. Nous n’avons trouvé aucun argument crédible pour assurer un avenir durable au nucléaire. Et puis toujours penser à rajouter de l’énergie à notre boulimie, c’est occulter la nécessaire redéfinition de nos besoins. Simplicité volontaire quand tu nous tiens !

Steven Chu : Le véhicule électrique constitue une bonne solution, c’est un objectif difficile, mais atteignable. J’espère qu’on verra des progrès dans le secteur des batteries

Biosphere : Phrase significative de l’illusion technologique qui repose sur un acte de foi, la probable mais incertaine découverte techno-scientifique qui va sauver l’humanité.

Steven Chu : L’industrie automobile américaine, contrairement à Trump, ne souhaite pas revoir à la baisse les normes instaurées pendant le mandat de Barack Obama. Elle veut pouvoir vendre ses véhicules à l’étranger.

Biosphere : Il faut donc rester compétitif, vendre à l’étranger sans se préoccuper s’il y aura encore des véhicules individuels en 2050 ! Business as usual, c’est faire l’impasse sur le futur. De la part d’un prix Nobel de physique, on n’en attendait pas moins, une méconnaissance totale de la déplétion énergétique en cours.

Steven Chu : Une chose est claire : à la fin de ce siècle, le monde doit être neutre en carbone. C’est un objectif très difficile à atteindre.

Biosphere : Nos dirigeants ont décidé une simple « neutralité carbone » en 2050 : on pourra toujours émettre davantage de gaz à effet de serre, il suffirait de compenser par ailleurs ces émissions.Mais un barrage hydroélectrique peut-il remplacer une centrale thermique à charbon ? La compensation carbone n’a jamais fait la preuve de son efficacité. Il est impossible de garantir l’additionnalité des projets, le fait qu’ils n’auraient pas pu voir le jour sans la compensation.

* Steven Chu, prix Nobel de physique en 1997, Secrétaire à l’énergie de Barack Obama entre 2009 et 2013

** LE MONDE du 6-7 octobre 2019, Steven Chu : « La transition énergétique ne va pas assez vite »

9 réflexions sur “Les illusions technologiques de Steven Chu”

  1. Une correction : autour de 2 kg et non 2 tonnes par habitant et par jour !!! Parce que se planter d’un facteur 1000 augure plutôt mal du résultat des calculs d’efficacité dans un avenir d’autonomie énergétique décarbonée.
    Si la majorité calcule comme ça, on n’a pas fini de rigoler…
    Merci pour le blog !

  2. « Nous n’avons trouvé aucun argument crédible pour assurer un avenir durable au nucléaire ».

    Tu n’a pas beaucoup cherché, et ignoré tous mes commentaires….

    1. @ Thierry C. Ne vous sentez surtout pas ignoré ni insulté si vos commentaires et arguments ne parviennent pas à nous convaincre. De mon côté également, nulle part je n’ai trouvé le moindre argument crédible. Autrement dit aucun argument qui puisse m’amener à la conviction que le nucléaire pouvait être une solution d’avenir. D’un avenir durable… comme on dit, évidemment. Et ceci même chez JM. Jancovici dont les compétences en matière d’énergie sont pourtant indéniables. Chaque mois j’achète le « Le journal de la joie de vivre » (« 1er journal d’écologie politique ») et je ne manque jamais de lire la chronique de Stéphane L’homme (à la dernière page). Ce qui explique probablement mon point de vue sur la religion nucléaire.

  3. Il y a eu de tout temps une corrélation très forte entre technologie, pouvoir de l’homme et destruction des écosystèmes.
    Ce que ne disent pas les adeptes de la science toute puissante c’est qu’ils pensent qu’on peut inverser le sens de cette corrélation ou plutôt la supprimer, c’est à dire imaginer une croissance de notre technologie et de notre pouvoir qui ne nuirait plus à l’équilibre de la nature.

    Ils ne le disent pas sous cette forme parce que sous cette forme on voit bien que c’est un pari plus que risqué, nous savons bien quelle est la force de cette corrélation. Elle est bien trop grande pour être renversée.

    Alors ils préfèrent prendre la choses par les petits bouts, la voiture électrique serait mieux que la voiture thermique, ou les énergies renouvelables seraient mieux que le pétrole….

    Mais fondamentalement c’est toujours la même chose, c’est toujours le même rêve, celui de nous abstraire des contraintes du monde pour être tout puissants et ce rêve là qui est hélas mortel, c’est lui qui nous conduira, nous et le reste du vivant à la catastrophe. Le même hubris !

    Ces savants sont bien compétents dans leur domaines, mais je les trouve bien peu brillants dans la réflexion générale, bien incapables de prendre du recul, arcboutés sur le petit domaine qui a fait leur renommée, et impuissants à regarder le monde globalement, ce sont de piètres philosophes, pour tout dire de grands naïfs.

    1. Bonsoir Didier Barthès.
      Je suis globalement d’accord avec ce que vous écrivez là. Toutefois sur que vous dites à la fin ( « Ces savants sont bien compétents dans leur domaines, mais je les trouve bien peu brillants dans la réflexion générale […] ce sont de piètres philosophes, pour tout dire de grands naïfs. » ) il nous faut quand même souligner que ce n’est pas le cas de TOUS les savants. Ne serait-ce que dans le domaine de la physique (spécialité de Steven Chu) nous en connaissons plus d’un qui ont dérogé et dérogent encore à cette « règle ». Indéniablement Pascal, Einstein… et Hubert Reeves (astrophysicien) , peut-être même Peter Higgs (et son boson) … et je vous laisse en chercher d’autres.

      1. Bonjour Michel C,

        Oui bien sûr je schématisais un peu et par « ces savants » il fallait entendre non forcément tous les savants en général, mais ceux qui se lancent dans cette admiration et cette foi béate en la science.

        Il est sûr qu’Einstein c’était autre chose, d’ailleurs je crois qu’il était plus intéressé par comprendre le monde que par la réalisation de technologies sur lesquelles ils ne fondait pas beaucoup d’espoir, (même quand il travaillait au service des brevets à Bernes, il était sans doute plus amusé par la technique pour l’astuce et la subtilité que pour son résultat, il n’était pas tout à fait naïf). Bon il a notablement amélioré la technologie des réfrigérateurs.
        J’adore la science mais je n’ai aucun espoir dans la technologie. Au mieux elle me rendra provisoirement des services personnes au niveau médical, mais je suis persuadé que globalement elle nous tuera. Comme elle a déjà tué l’essentiel du vivant sur la planète.

  4. N’allons pas non plus prendre ce prix Nobel de physique pour un illuminé. Ni le mettre dans le même panier qu’un professeur Shadoko et autres fêlés. Là encore, la juste mesure !
    Ceci dit, en effet Steven Chu révèle ici sa foi (religieuse) en la Science, plus exactement en la technoscience. Autrement dit, le sacro-saint Progrès qui progresse et les innovations qui innovent, toujours plus et pour des siècles et des siècles, amen. Il est possible que sa spécialité (la physique) le pousse à croire et à espérer dans ce sens, quoi qu’il en soit il n’est pas le seul dans cet état. De tous les côtés on continue à nous prédire les « progrès » dans 20 ans, dans 50 ans… des batteries électriques, de telles ou telles recherches, de tel ou tel marché etc. Ainsi on se plait à prédire le nombre de bagnoles électriques en 2050, on se plait à raconter que le trafic aérien sera de tant d’avions, que la population mondiale sera de tant, qu’à la fin du siècle nous aurons atteint la « neutralité carbone » etc. Les boules de cristal ont encore un bel avenir.
    D’autre part on voit bien que Steven Chu est loin d’être disposé à renoncer à son mode de vie, celui de l’Occidental. Le même mode de vie que Pierre Paul et Jack qui eux non plus ne sont pas du tout disposés à renoncer à leur sacro-saint confort de petits-bourgeois. Quand il dit que « Les populations ne seront pas d’accord pour renoncer à la lumière, fermer les usines et mettre à l’arrêt l’économie » … il aurait fallu juste lui demander si lui serait d’accord. Et puis lui demander ce qu’il était disposé à lâcher (l’ouvre-boites électrique, peut-être …) et bien sûr ce qu’il ne voulait ou pouvait absolument pas lâcher.

  5. Langage cornucopien / libertarien des technophiles à la Chu :

    les ressources terrestres en matières premières sont illimitées car la terre n’ a pas été explorée dans sa totalité , les inévitables découvertes technologiques viendront dans le futur car pour le cornucopien le génie humain est immense et infaillible : il viendra à bout de tous les obstacles que dame nature a placés sur son irrésistible chemin .
    Bien entendu , le cornucopien ne verra pas de problème à ce que le terre compte 15 à 20 milliards d’ habitants vu que toutes les ressources sont infinies et même si elles venaient à manquer , le bipède enverra dans l’ espace des engins qui iront prélever directement sur les météorites ou comètes des matériaux😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁😁
    On le voit , leur cas relève de la psychiatrie lourde , très lourde !

    1. D’autant que, pour aller chercher des ressources en se rendant dans l’espace, encore faut il que l’on puisse ramener plus de ressources provenant de l’espace qu’il en aura fallu pour envoyer des engins dans l’espace afin d’extraire les ressources ! Autant dire que la rentabilité est de facto négative ! Si on dépense plus de ressources qu’on en ramène c’est clair que ça ne peut pas le faire ! Alors illimité ces ressources ça reste plutôt une utopie !

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