Liberté de quitter son pays, pas de rentrer dans un autre

Il n’y a rien d’universel dans nos démêles inter-humains, il n’y a que du relatif ! L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est censé garantir le droit à « toute personne (…) de quitter tout pays, y compris le sien ». Le philosophe Etienne Balibar avait souligné le caractère ambigu de ce texte : il manque l’obligation pour tout Etat d’accepter l’entrée des étrangers ! De plus il ne faut pas tronquer cet article : « Toute personne a le droit de quitter tout pays… et de revenir dans son pays. » On sait que le « retour aux pays » est un droit le plus souvent fictif.

Certains se veulent optimistes : « Imaginez que tous les pays ouvrent en même temps leurs frontières. »* Catherine Wihtol de Wenden a publié dès 1999 Faut-il ouvrir les frontières ? Antoine Pécoud et Paul de Guchteneire prolongèrent en 2009 avec Migrations sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes. L’ouverture des frontières est aussi le cheval de bataille des associations, réseau No border ou l’Organisation pour une citoyenneté universelle (OCU). Ce courant de pensée est irréaliste. Comme l’exprimait André Lebeau, « Le découpage de l’espace terrestre en territoires nationaux est achevé. A l’enfermement planétaire qui pèse sur l’humanité s’ajoute un confinement territorial qui fait de la notion d’expansion un synonyme de guerre de conquête. »** Comme l’écrivait René Monet : « Les écologistes devraient dire que l’immigration maintient ou accroît la pression humaine sur le milieu naturel dans des pays où, de par le recul de la natalité, cette pression pourrait s’y stabiliser sinon régresser. Ainsi il n’y aura pas de répit. L’homme va continuer à saturer l’espace planétaire à la fois par la croissance démographique et par les transferts de population. »*** Cette période où la terre offrait encore des territoires qu’on croyait vierges se termine. Malthus avait une approche perspicace de la mobilité géographique : « L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée. »

Au niveau d´un pays, l´émigration peut constituer pour l´individu un espoir de survie, remédier temporairement au problème du chômage. Cela permet aussi politiquement d´amoindrir l´effet « cocotte minute » qui peut se produire lorsque le mécontentement citoyen atteint son paroxysme : l’émigration peut servir de soupape de sécurité. L´émigration constitue une tactique politique pour exporter le mécontentement vers l´extérieur tout en attendant les retombées financières des migrants. Mais la démographie du pays peut continuer à galoper, les problèmes ne sont pas résolus. Libéraliser l´immigration (l’émigration) n´est pas une stratégie durable… Par contre, si la population sur un territoire délimité commence à excéder les possibilités du milieu sans qu’on puisse émigrer, c’est là une forte incitation à décider collectivement de la régulation des naissances. C’est une mise sous pression des politiques, qui pousse les autorités à prendre des mesures conséquentes – à être démographiquement responsable -. Empêcher les mouvements migratoires semble une approche adaptée politiquement si on veut agir pour un avenir durable****.

* LE MONDE CULTURE&IDEES | 27.06.2015, Migrants : et si un monde sans frontières générait de la richesse ?

** L’enfermement planétaire d’André Lebeau (Gallimard, 2008)

*** Environnement, l’hypothèque démographique de René Monet (l’Harmattan, 2004)

**** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) (éditions Sang de la Terre, 2014)

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