Tandis que 30 % de la population mondiale vivaient dans les zones urbaines en 1950, cette proportion est passé à 47 % en 2000 et devrait atteindre 60 % en 2030 et 70 % en 2050. On assiste véritablement à « l’explosion de l’urbain », il s’agit d’un processus généralisé d’artificialisation de la vie. Chaque jour qui passe, 110 kilomètres carrés de la Terre se transforment en morceaux de ville. Plus la ville est étalée et complexe, plus son empreinte est écologique importante. Il y a 50 ans, les villes des pays riches n’avaient besoin pour chaque mètre carré que de 25 m² de campagne. Si on fait une projection, en 2050 il faudra 500 m² de sol rural par m² urbanisé. La vie dans les grandes villes brise les cycles naturels et nous coupe de notre lien intime avec la nature. Nous vivons dans des cités où nous oublions facilement que la nature travaille en cercles fermés. Nous allons au magasin pour acheter des aliments que nous payons avec de l’argent tiré du guichet automatique d’une banque et, ensuite, nous nous débarrassons des détritus en les déposant dans une ruelle ou en les jetant à l’égout.
Croire qu’on peut faire aussi bien que la biosphère dans un appartement urbain, c’est du délire… à moins d’être subventionné !
Audrey Garric : « Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz se sont donné pour mission d’imaginer à quoi pourrait ressembler une vie urbaine durable en 2040. Depuis juillet 2024 et jusqu’à fin novembre, ces aventuriers de l’écologie proposent un autre chemin afin de mieux vivre dans les limites planétaires : « On veut créer un nouvel imaginaire désirable, qui ne soit pas un futur high-tech autour du métavers, ni un retour en arrière décroissant. »
Cette expérience dite « Biosphère urbaine » est financée par la mairie de Boulogne-Billancourt, le Centre national d’études spatiales et Arte. Dans leur studio de 26 m2 prêté par la commune, le couple expérimente une vingtaine d’inventions low-tech. Déjections décomposées en compost par des larves de mouches, des pleurotes sous brumisateur dans la douche, des plantes cultivées en bioponie (hors sol), etc. Le duo, qui ne cherche pas l’autarcie, se fournit en épicerie bio, avec des aliments locaux. Côté énergie, l’appartement, qui n’est pas relié à l’électricité, a été équipé de 4 mètres carrés de panneaux solaires. De quoi alimenter la poignée d’appareils électriques : un thermos, un microfrigo, un rétroprojecteur, un ordinateur et les téléphones portables. Leur expérience est-elle applicable au plus grand nombre ? »
Le point de vue des écologistes désubanisants
Le concept d’autonomie de la vie urbaine est un leurre, à plus forte raison l’appartement autosuffisant. Imaginons ce qui arriverait à n’importe quelle ville si elle était enfermée sous une coupole de verre qui empêcherait les ressources matérielles nécessaires d’entrer et de sortir. Il est évident que cette ville cesserait de fonctionner en quelques jours et que ses habitants périraient… Ce modèle mental d’une coupole de verre nous rappelle assez brutalement la structurelle vulnérabilité des grandes régions urbaines. La solution n’est pas dans les low tech, mais dans la désurbanisation, l’exode des urbains vers la ruralisation. Utopie ? Vers 650 de notre ère, un effondrement vertigineux a frappé l’empire romain. La cité de Rome comptait près de 700 000 habitants lors de sa gloire, il n’y en avait plus que 20 000 au final. Après l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle, nous redeviendrons paysan.
Curieusement, plus il y a d’hommes sur la terre, moins la réflexion semble tenir compte de l’influence exercée par la taille sur les comportements. A partir du XIXe siècle, on a l’impression qu’il n’y eut plus guère que les utopistes pour comprendre qu’une organisation est solidaire d’une échelle. Cette négligence envers le caractère essentiel du nombre est stupéfiante, y compris chez les sociologues, qui auraient pourtant dû s’estimer concernés au premier chef. Dans son ouvrage The Breakdown of Nations, il estime que partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros ou trop grand. Passé un certain seuil, l’outil de serviteur devient despote. Aucune mesure de contrôle, qu’elle soit suggérée par Karl Marx ou Lord Keynes, ne peut apporter une solution à des problèmes qui sont apparus précisément parce qu’un organisme a atteint une taille qui dépasse toute possibilité de contrôle. La population d’une communauté de base n’a guère besoin de dépasser le nombre de 10 000 ou 20 000 habitants
En savoir plus grâce à notre blog biosphere
Une ville naît, croît et meurt comme toutes choses…
extraits : Prenons la première ville, Ourouk, découverte au milieu du XIXe siècle dans le sud de l’Irak. Elle faisait au minimum 250 hectares au IVe millénaire et 590 hectares au début du IIIe millénaire. Il n’y avait rien de comparable à l’époque, nulle part sur la planète. Elle abritait plusieurs dizaines de milliers de personnes. Puis se sont succédé des phases de conflits et Ourouk a été définitivement délaissée par les hommes dans les premiers siècles de notre ère. Ce phénomène de régression porte le nom d’involution. La première ville de l’histoire avait brillé pendant des millénaires, elle est retournée au quasi-néant, lentement recouverte par les sables du désert. Image de la destinée urbaine ! La ville est de toute façon la marque des inégalités sociales. La ville antique était un lieu qui rassemblait une population déjà découpée socialement, avec des élites et la spécialisation du travail (artisans, marchands, administratifs, etc). Des bâtiments de prestige à usage religieux ou institutionnel contribuent à la cohésion identitaire et à l’ordre social. Cette hiérarchie du bâti est aussi une marque distinctive de la ville. Les puissants contrôlent l’approvisionnement alimentaire et les échanges à moyenne ou longue distance….
Mourir de faim à la campagne et dans les grandes villes
Un postulat fréquent parmi ceux qui anticipent l’effondrement est qu’il vaudra mieux être dans les campagnes que dans les villes, ainsi de la « solution survivaliste » clef en main ou des communautés solidaire permacoles. Dans le monde ancien et médiéval, les rares villes atteignant le million d’habitants, comme la Rome impériale ou la Bagdad abbasside dépendaient du drainage des productions agricoles de vastes ères géographiques. En dehors de ces cas exceptionnel, la taille des villes était étroitement limitée : dans l’Europe médiévale seuls Paris et quelques villes italiennes approchaient les 100 000 habitants. Sans pétrole, une ville de plusieurs dizaines de million d’habitant est donc difficile à envisager. Les approvisionnements sont fragiles : lors des famines de 1693, les péniches porteuses de céréales envoyées vers Orléans par la Loire sont ainsi arrêtées de force par les habitants de Blois qui refusent de voir partir ces approvisionnements. Ainsi, on peut supposer en cas d’effondrement une mosaïque de régions juxtaposant des villes qui continuent à centraliser une entité de complexité restreinte, et d’autres où les formes urbaines, incapable de maintenir la complexité nécessaire à leur existence, disparaîtraient. Les premières se maintiendraient en pressurant toujours d’avantage les ressources et les campagnes. Une répression sera d’autant plus violente qu’une population réduite facilite les massacres par soldats et mercenaires en rupture de solde, mieux armées et aguerris que les paysans. Les villes apportent au contraire une relative sécurité du fait de l’organisation de milices défensives urbaines ou de forces armées. En résumé, les villes sont les lieux où ils est le plus facile de conserver ou de reconstituer sécurité, pouvoir et concentration de ressources ; dans le même temps elles sont dangereuses car les phénomènes d’effondrement y sont exacerbés et car leur stabilité dépend d’un pouvoir qui maintienne la sécurité.
Jean Autard, texte de septembre 2017 pour l’institut Momentum
Cultiver la nature en ville ou désurbanisation ?
extraits : Certains essayent désespérément de trouver des solutions agricoles en milieu urbain. Il y a les tentatives de villes en transition (Rob Hopkins), la bonne idée des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), la vogue des locavores, les incroyables comestibles, etc. Mais les villes étendent leurs tentacules dans toutes les directions et stérilise toujours plus loin les sols. Les bétons et goudrons de la capitale française ne se prêtent pas aux plantations en pleine terre. La solution de long terme se trouve dans la désurbanisation, l’exode urbain qui succédera à l’exode rural. Rappelons-nous. Vers 650 de notre ère, un effondrement vertigineux a frappé l’empire romain. La cité de Rome comptait près de 700 000 habitants, il n’y en avait plus que… 20 000. Après l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle, nous redeviendrons paysan ….
Pic de l’urbanisation, effondrement d’une civilisation (2012)
extraits : Les grandes villes de l’Inde sont une lèpre, l’agglomération d’individus dont la raison d’être est de s’agglomérer par millions, quelles que puissent être les conditions de vie : ordure, désordre, ruines, boue, immondices, urine. La vie quotidienne y paraît être une répudiation permanente de la notion de relations humaines. Un tiers des 1 210 000 000 d’Indiens habite en ville et le taux de croissance urbaine est de 2,4 %, soit un doublement en trente ans. Cette urbanisation féroce est principalement due à la fécondité, l’exode rural n’en représentant plus qu’un cinquième.Comme il y a le pic pétrolier, le pic de phosphore, le peak fish… il y aura bientôt le pic de l’urbanisation. Nous reviendrons bientôt au ruralisme militant de Gandhi qui privilégie les campagnes, l’agriculture vivrière et l’artisanat de proximité ….
désurbanisation (2009)
extraits : L’urbanisation croissante est un élément de cette anthropisation forcenée de notre planète qui a accompagné la révolution industrielle dès le XIXe siècle. Mais au lieu d’être progressive, l’explosion urbaine est devenue selon les termes mêmes du Monde (22 septembre) « violente »,quand les habitants des bidonvilles constituent déjà en moyenne 36 % des citadins dans les pays dits « en développement », cela veut dire que ce n’est pas une urbanisation gérable, ce n’est donc pas une évolution durable. Jamais on ne pourra mettre de l’électricité, de l’eau courante et des routes goudronnées partout. Jamais on ne pourra mettre en place des services urbains à la portée de tous. Jamais on ne pourra trouver un emploi à cet afflux de main d’œuvre. Jamais il n’y aura assez de policiers (étymologiquement « créatures de la cité ») pour contrôler une société non policée….
Faites le test. Lorsque vous entendez un mot… par exemple «urbanisation »… à quoi de suite vous fait-il penser ?
Chez Untel, le mot «urbanisation» sonnera comme «surnombre» … «entassement».
Chez un autre ce même mot lui fera de suite penser à ces 250.000 (?) qui viennent tous les ans envahir nos fils et nos campagnes… soit l’équivalent d’une ville comme Bordeaux, tous les ans ! Je vous laisse imaginer l’horreur.
Et moi, de mon côté, je pense de suite à la campagne. Curieux non ? La campagne que je préfère mille fois à la ville, la campagne dont j’ai absolument besoin, et qui heureusement est encore là. Pour moi à deux pas, sacré veinard va ! La campagne et ses petits villages que je préfère infiniment aux villes, surtout les grosses qui ne m’attirent vraiment pas. La campagne qui, d’un autre côté… se fait grignoter de tous les côtés, toujours plus, par ce satané Béton.
Misère misère !
(suite) Cet article d’Audrey Garric (Le Monde 19 octobre 2024) a déjà servi récemment de base de réflexion sur la question de l’urbanisation :
– Désurbanisation ou ville autarcique ? (Biosphère 24 oct 2024)
Sans compter tous les articles précédents, dont certains sont ici en lien.
Et là je me dis… qu’au sujet de l’environnement, plus exactement sa défense, ce qu’on appelle alors écologie… les sujets de réflexion (les thèmes, les problèmes) ne sont finalement peut-être pas si nombreux que ça. Pour nous amuser… nous pourrions essayer de les lister, puis les classer, ranger, genrer… par exemple par ordre alphabétique :
– A : abstinence ; angoisse ; atome ; autarcie ; avion ; etc. etc.
Partant de là, avec un peu de méthode… peut-être alors arriverions-nous, enfin, à dénicher le Graal. La Cause Première de tous nos problèmes. (à suivre)
(et fin) Je plaisante, bien sûr ! Je sais bien que tout le monde ici a compris que tout est lié, et que l’ensemble constitue un véritable casse-tête, probablement impossible à résoudre. Une impasse, quoi.
Une impasse tragique, comme le titre Biosphère. Ou alors comique, va savoir.
Qui peut me prouver que tout ça n’est pas qu’une énorme farce ?
Quoi qu’il en soit, depuis le temps que je raconte toujours les mêmes choses (vieux disque rayé), je sais bien, aussi, que tout le monde a compris que pour vivre avec (faire avec) sa propre angoisse… face à cette réalité, qui nous concerne toustes… chacun fait ce qu’il peut. À chacun sa came, finalement.
Tant qu’ON peut continuer à s’approvisionner, bien évidemment.
Et puis comme dit notre nouveau membre du Parti :
– « L’intelligence collective passe aussi et même surtout en apprenant à rire »
Et parmi les causes principales de cette urbanisation …. le nombre des hommes !
Urbanisation que, remarquons-le, beaucoup d’écologistes vantent pour concentrer l’habitat et limiter les déplacements (oui, à la campagne, on a besoin d’une voiture, tandis qu’en ville on peut se contenter des transports en communs). Tant pis si tout cela favorise la promiscuité, les obligations multiples, la violence, des frais immenses en terme de réseaux et même d’ascenseurs, tant pis : on veut être tous ensemble, bien serrés !
On pourrait leur suggérer de remplacer le mot concentration par le mot entassement, cela leur ouvrirait (peut-être) les yeux
Quand j’entends le mot concentration… je vous laisse imaginer à quoi je pense de suite. Ce n’est qu’après que je pense à la chimie, à la concentration des pouvoirs etc.
Quant à «entassement», en effet je pense à une énorme foule, une énorme concentration, de gens… et moi au milieu… en train d’étouffer.
Ceci dit, même s’il s’agit d’une concentration, de logements, pour moi l’urbanisation n’implique pas nécessairement un entassement.
Autrement dit une densité étouffante… insupportable, invivable etc.
Hors-mis qu’il s‘agit d’abord là de quelque chose de subjectif (certains supportent très bien la foule, aiment les grandes concentrations, et moi je ne les supporte pas), il y a urbanisation ET urbanisation.
Des gratte-ciel (bonjour la densité) concentrés sur une surface disons… raisonnable… Ou alors des maisons (petites ou grandes), avec jardins (piscines ou pas), et tout ça sur une surface énorme. (à suivre)
(suite)
– Dubaï : 3,6 millions d’habitants ; densité 103 943 hab./km2
– Los Angelès : 3,9 millions d’habitants ; densité 2 994 hab./km2
De ces deux villes, laquelle vous fait le plus rêver ?
Bien que 3000 hab./km2 ne soit pas ce que j’appellerais une densité étouffante (insupportable, invivable etc.), personnellement ni l’une ni l’autre.
Bref, là encore je pense que l’urbanisation est une question de juste mesure.
– Villes de France classées par densité d’habitants (france.ousuisje.com)
PS : Saint-Laurent-du-Var : 30.000 habitants ; densité 2 997 hab./km2
Comme Los Angelès. Certainement aussi bien entourée, la mer, la nature…
Par contre en été, celle-là aussi je la laisse à ceux qui aiment s’entasser. 🙂