MALTHUS, décroissant nié par les décroissants

Aujourd’hui encore, tout un pan du mouvement de la décroissance rejette le malthusianisme. Un dossier inclus en supplément de la revue La Décroissance (juillet 2009) titre : « La décroissance contre Malthus ». C’est une philippique contre les « malthusiens ». Vincent Cheynet, le rédacteur en chef, estime que c’est un débat miné : « Pour sauver l’humanité, faut-il sacrifier ce qu’il y a d’humain en nous ? » Il évoque une double facette du malthusianisme, la nécessité de prendre en compte les limites écologiques d’une part et une pensée antisociale d’autre part. Il écrit : « En fréquentant les milieux écologistes, nous croisons inévitablement des militants pour la réduction de la population humaine […] Il est particulièrement aisé de percevoir le caractère pathologique de leur démarche. » Serge Latouche, dans « Le pari de la décroissance » nuance le propos : « La question démographique constitue un élément incontestable du débat sur la décroissance. Toutefois il s’agit d’un point particulièrement délicat. Les prises de position risquent de déraper très vite vers l’eugénisme, voir le racisme au nom d’un darwinisme rationalisé. » Dans le périodique « La décroissance » en novembre 2013, François Jarrige fait une approche encore plus subtile, mais la conclusion reste la même : « Oublions Malthus. » La seule fonction de ce mot serait d’empêcher le débat, le malthusianisme étant considéré a priori comme une idéologie malfaisante. Son principal argument se veut pragmatique : « L’accusation de malthusianisme vaut mort médiatique et politique… La référence à Malthus est piégée, elle vise avant tout à fermer la discussion et à empêcher tout débat sérieux… Lorsque certains mots ne permettent plus d’avancer sur le chemin de la compréhension du monde, mieux vaut simplement les abandonner. » Pour Clément Wittmann, qui s’est voulu lors de la présidentielle 2012 candidat du mouvement des décroissants, « il n’y a aucun problème démographique, la seule menace pour la planète ce sont les riches et leurs mode de vie. » Le livre de Ian Angus et Simon Butler, « Une planète trop peuplée ? »présente le point de vue écosocialiste. Il s’agissait pour eux de répondre à la nouvelle vague du « malthusianisme vert » tel qu’il s’exprime notamment dans les pays anglo-saxons. Il faudrait remplacer le capitalisme actuel, anti-écologique, par un système pro-écologique qui défende un développement humain et durable. Selon eux les arguments malthusiens entravent cette cause. Ian Angus et Simon Butler reprennent le débat entre Paul Ehrlich et Barry Commoner. Pour l’un, « combien de vasectomies permettrait un programme financé par les 1,8 milliards de dollars qu’exige la construction d’un seul complexe nucléaire… Tout individu, cherchant à se procurer le nécessaire pour vivre, a un effet net négatif sur son environnement ». Pour l’autre, « La pollution commence non pas dans la chambre à coucher, mais dans la salle de conférences des entreprises… Un système économique beaucoup plus préoccupé de l’organisation des transaction privés que de la reconnaissance des impératifs sociaux est inadéquat  ».

Encore plus anti-malthusien est l’attitude du mouvement des décroissants d’obédience chrétienne, donc plutôt traditionnellement nataliste. Ainsi dans « Limites, revue de l’écologie intégrale », le point de vue de Gaultier Bès en 2015 : « Castrer chimiquement les pauvres pour qu’ils s’arrêtent de pulluler ? Ou bien attendre qu’une bonne vieille pandémie vienne réguler tout ça ? Et si une bonne part de la solution était là, sous nos yeux ? Décroître, réduire notre consommation plutôt que notre fécondité, le nombre de bagnoles plutôt que le nombre de gosses ». Dans le même dossier de ce numéro, « Produire moins pour se reproduire plus », cette phrase de Mahaut Herrmann : « Le malthusianisme n’est pas la décroissance. C’est l’égoïsme se donnant bonne conscience pour continuer à se goinfrer de gâteaux en espérant que les convives seront moins nombreux… Loin de l’individu unidimensionnel du modèle croissanciste, la décroissance permet à l’espèce humaine de se perpétuer sans craindre la surpopulation. » De son côté Pierre Rabhi écrivait en 2013 dans Kaizen : « Les arguments démographiques que les repus exhibent sans cesse pour justifier l’inanition des pauvres sont fallacieux et ne résistent pas à un examen attentif. Accuser le million de ventres vides d’être responsables du fléau dont ils sont victimes relèvent du cynisme que la raison et le cœur ne peuvent que récuser. Pour contribuer à réduire ou à supprimer ce terrible fléau, l’agroécologie est souveraine. » En 2017 dans le journal La Croix, il répond ainsi à l’avertissement des 15 000 scientifiques : « L’argument démographique est une imposture. Il y a largement de quoi nourrir tout le monde. La question est celle de l’équité, de la répartition des ressources. »

En définitive il est quand même étonnant que certains objecteurs de croissance, qui rappellent inlassablement les limites de la planète, adoptent parfois l’idée d’un monde sans limites lorsqu’ils abordent la question démographique. Il faudrait qu’ils intègrent dans leurs raisonnements l’équation I = P.A.T qui démontre que la démographie est toujours un multiplicateur des menaces, quel que soit le niveau de vie de la population et de ses techniques. Ajoutons qu’il paraît aujourd’hui bien plus difficile, à l’heure de la mondialisation des comportements, d’agir sur la boulimie consumériste de la population mondiale que sur son niveau de fécondité. Il faut de toute façon toujours replacer Malthus dans son contexte, le tout début du XIXe siècle, une époque où les facteurs terre et travail étaient déterminants alors qu’actuellement ce ne sont que deux paramètres parmi d’autres, le capital technique, le niveau technologique, le contexte socio-politique, le libre-échangisme, etc. Sauf que la quantité d’humains sur la Terre a désormais atteint un chiffre vertigineux, bientôt plus de 10 milliards, ce qui rend le sort des générations futures très incertain.

Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)

20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)

21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)

22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)

23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)

24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)

25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)

26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)

27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)

19 réflexions sur “MALTHUS, décroissant nié par les décroissants”

  1. « Il n’est plus possible de s’en remettre à la seule planification familiale, car elle se contente d’empêcher la venue au monde des enfants non désirés. La survie de l’humanité ne peut plus être confiée au bon vouloir d’un nombre aussi élevé de procréateurs plus ou moins irresponsables. Ceux qui les encouragent peuvent désormais, maintenant que les limites de la planète sont enfin reconnues, être au mieux considérés comme inconscients, au pire comme criminels, cherchant à satisfaire quelque volonté de puissance.
    Des mesures limitatives autoritaires de la natalité vont donc devenir de plus en plus nécessaires, mais elles ne seront acceptables que si elles commencent par les pays riches et par l’éducation des autres. »
    René Dumont (L’utopie ou la mort, 1ère édition 1973, réédition août 2020 au Seuil)

  2. « L’argument démographique est une imposture. Il y a largement de quoi nourrir tout le monde. La question est celle de l’équité, de la répartition des »

    Cette affirmation est idiote ! En effet, compter sur les aides humanitaires pour nourrir un pays n’est pas durable, et le fait qu’un pays soit dépendant d’aides humanitaires pour nourrir sa population est déjà la preuve concrète que le pays soit en surpopulation. En outre, n’oubliant pas que les aides humanitaires sont dépendantes des énergies fossiles pour transborder la nourriture, alors qu’en est il des aides humanitaires avec un pétrole beaucoup plus cher ? Ou des aides humanitaires sans pétrole ? D’autant que, la production agricole aussi dépend des énergies fossiles et des phosphates, alors qu’en est il de la production agricole avec un pétrole plus cher, des phosphates plus cher, sans pétrole et sans phosphates ?

    1. La logique des choses et l’ordre naturel des choses, étant qu’un pays ou une région donnée est sensé pouvoir nourrir sa population sans aide extérieure. Si une région, un pays ou une zone géographique n’a aucune autonomie alimentaire, ça veut dire tout simplement dire qu’il y a surpopulation et/ou sous-production locale (en supposant qu’il existe un potentiel de croissance alimentaire permettant d’accroitre la production), car si le potentiel de croissance est inexistant, alors il y a bien surpopulation dans la zone donnée.

      Dire qu’on peut nourrir 10 milliards d’habitants grâce aux aides humanitaires, est une aberration, contre nature et non durable, car cette perfusion alimentaire est trop liée aux énergies fossiles et aux phosphates.

      1. – «Dire qu’on peut nourrir 10 milliards d’habitants grâce aux aides humanitaires, est une aberration [etc.] »

        Dire qu’on ne peut pas les nourrir est également une aberration. D’autant plus quand on n’est pas agronome. Bref, déjà là on n’en sort pas.
        Maintenant, dire que c’est possible en théorie, mais pas en pratique… c’est entrer dans un «débat miné», comme dit Vincent Cheynet. D’autant plus quand on n’est pas spécialiste des sciences sociales et humaines.
        Retour donc à la case départ.

        1. Selon moi, une pratique est nécessaire et indispensable pour prouver qu’une théorie soit valide. Il est déjà prouvé qu’on ne parvient pas à nourrir convenablement une population mondiale à 7 milliards, alors ça ne le sera pas pour 10 milliards.

  3. En 2013 Rabhi écrivait : « Les arguments démographiques {…] sont fallacieux […]»
    En 2017 La Croix a écrit : « L’argument démographique est une imposture.»
    Et moi récemment j’ai écrit que le problème du «surnombre» était le parfait alibi pour se dédouaner.

    Biosphère écrit : «Ajoutons qu’il paraît aujourd’hui bien plus difficile […] d’agir sur la boulimie consumériste de la population mondiale que sur son niveau de fécondité.»
    C’est sûr que le problème de la boulimie n’est pas facile à résoudre. En un peu plus d’un demi-siècle le taux de fécondité dans le monde a été divisé par deux. Que voulons-nous de plus ?
    Sachant qu’une étude récente vient contredire les prévisions de l’ONU. La population mondiale atteindrait son pic en 2064 (9,7 milliards d’individus) pour ensuite décliner (8,8 milliards en 2100). Et là encore sans compter les effets d’un très probable effondrement.
    En attendant, que voulons-nous de plus ?

    1. Un humain aliène son intelligence et infirme sa crédibilité s’il renonce à chercher et s’imagine avoir le dernier mot.

      1. Ah bon ? Et d’où ça sort, ça ? C’est nouveau ?
        Et ça marche dans tous les sens ? Renoncer à chercher quoi ?
        Pour pouvoir d’avancer, du moins essayer, j’aimerais bien comprendre ce que veut dire cette maxime.

  4. « L’argument démographique est une imposture. Il y a largement de quoi nourrir tout le monde. La question est celle de l’équité, de la répartition des »

    Il y a des perles dans cet article ! (Mahaut Herrmann , un alterziegler)
    Question imposture , les répartiteurs décroissants et négateurs du malthusianisme sont de solides zozos dignes des khmers verts de EELV ou des pastèques en général .
    Quand on sait combien il est difficile sous nos latitudes voire celle des pays tropicaux de cultiver la terre (aléas climatiques nombreux , insectes ravageurs , fungi et autres parasites , on se dit que ces gens , probablement des escrologauchobos urbains sont des penseurs en chambre et ne connaissent rien à l’ agronomie !
    N’ oublions pas non plus les intrants en agriculture faits à partir de pétrole , idem pour les insecticides ainsi que les phosphates en voie d’ épuisement

    1. Je me marre en pensant à la tête de ces fils à papa urbains dans l’ obligation de partager avec leurs compatriotes ou autres le maigre produit de récoltes dans un esprit joyeux et convivial teinté d’ onctuosite à la Paul Aries !
      Ces gars – là seront emportés comme fétus de paille lorsque tout partira en vrille !

  5. Que veut dire «nier» ? Si ça peut faire plaisir à Biosphère, Malthus n’est pas nié par TOUS les décroissants mais seulement par certains. Là encore il y a décroissant ET décroissant.
    Nous avons ceux qui disent qu’il y a trop de bagnoles, trop de riches, etc. Et déjà là nous n’en trouverons pas deux pareils. Et puis nous avons ceux qui disent qu’il y a trop de pauvres, dont trop de ceux-ci et trop de ceux-là.
    On peut raconter tout ce qu’on voudra, mais il n’empêche qu’il existe des liens entre malthusianisme et eugénisme. Et plus dégueulasse encore.
    Je suis totalement d’accord avec Vincent Cheynet quand il dit : «nous croisons inévitablement des militants pour la réduction de la population humaine […] Il est particulièrement aisé de percevoir le caractère pathologique de leur démarche.»

    1. Vincent Cheynet a encore raison, de toute façon le débat est miné. Il n’y a pas de débat possible, pas de consensus possible, seulement la bagarre. Continuons comme ça. Misère misère !
      Pour moi aussi la seule question qui vaille est celle-ci : « Pour sauver l’humanité, faut-il sacrifier ce qu’il y a d’humain en nous ? »
      Et là, je vois déjà les Anti-Bisounounours armer leur fusil. Misère misère !

      Si Malthus était aussi génial que certains se plaisent à le voir, il doit se retourner dans sa tombe en voyant comment et par qui il s’est fait récupérer. Si ça peut le consoler, qu’ils se disent alors qu’il n’est pas le seul.

      1. D’ accord avec Cheynet : les comptes se règleront à la sulfateuse et je préfère me trouver du bon côté du canon lorsque dame nature enclencher al surmultipliée
        Marcel , chasseur de bisounours de longue date !

    2. Il existe des malthusiens eugénistes , c’ est vrai mais ce n’ est pas mon cas .
      Le caractère pathologique d’ une certaine décroissance apparaît très fort chez Cheynet qui se fout totalement du sort des populations du 1/3 monde (moi aussi d’ ailleurs mais je ne m’ en cache pas) en jouant les humanistes énamourés .
      La fausseté et l’ hypocrisie sont bien le fait de cette gauche embourgeoisée (caviar) qui nous joue une partition déchirante au violon digne ed Mendelsohn
      au nom d’ un humanisme dévoyé .
      Peu suspect pourtant d’ être anthropophile , je fais preuve de bien plus d’ humanité à l’ endroit des pov du 1/3 monde en recommandant la contraception / stérilisation que ce jocrisse et son canard décroissant .
      Surnatalité entraîne émigration vers les pays dits développés et appauvrissement à terme des populations

      1. – «Surnatalité entraîne émigration vers les pays dits développés et appauvrissement à terme des populations»

        C’est clair depuis longtemps, du moins pour moi, votre problème c’est l’immigration et pas autre chose.
        Toutefois vous devriez savoir que les causes de l’immigration sont multiples et ne sauraient se résumer à la «surnatalité». Mais là encore, vous allez dire que c’est la «surnatalité» qui est la cause de tous nos maux (des guerres, de la connerie humaine, des catastrophes naturelles, du réchauffement climatique etc.) Bref, on n’en sort pas.

        1. Mon « problème » est multiple, docteur michel, il concerne l’ immigration délirante de gens de sac et de corde , la surpopulation de mes soi-disant frères de race dans les pays « oxydantaux » (sic) , la disparition de la faune et la flore due à la surprésence humaine , l’ avidité du bipède invasif , la réduction de l’ espace vital due à la natalité des migrants / immigrés .
          Les africains pondent des gosses dans le but de se ménager grâce à eux une pension de retraite (je connais tout de même un peu l’ Afrique pour y avoir séjourné à plusieurs reprises) mais leurs pondeurs ne pouvant subvenir aux besoin des leurs tentent de les envoyer en Europe

  6. De toute façon, le système (UmPs mondialiste techno-scientiste) ira jusqu’au bout de sa logique jusqu’à la dernière seconde de consumérisme et matérialisme possible.
    Ces histoires de racisme et d’anti-racismes sont le cache-minou des cornucopiens socialo-communistes. Si vous allez voir le site de Jacques Cheminade, les écologistes sont des nazis mathulsianistes (je n’invente rien, c’est bel et bien les termes exacts qu’il emploie !)… Mais bon, globalement ça se passe comme ça avec tous les gauchistes, s’il s’agit de réduire de seulement 1 centime d’euro les retraites ou toute autre prestation sociale, de facto vous allez être traité de nazis mathulsianistes qui veut affamer le peuple. Juste réduire de 1 centime d’euro un quelconque budget (école, hopitaux, ou tout autre service public) et hop direct qualifié de nazi mathulsianiste sous aucune autre forme de procès.

    1. Juste réduire 1 unique et petit ridicule centime d’euro de quoi que ce soit, fait de vous un nazi ! Bref, les gauchistes instrumentalisent le traumatisme de guerre de 39/45, qu’ont à l’esprit les français, à leur profit pour continuer de squater le pouvoir comme des parasites concernant les politiciens et les électeurs continuer de percevoir leurs rentes à crédit sur le dos des générations suivantes.

      En l’occurrence, le consumérisme financé par les dettes continuera, au détriment de l’environnement et des générations suivantes. Seule la faillite du système les arrêtera !

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