Marc Delcourt, un des apprenti-sorciers du pétrole vert

Le roi du pétrole vert a les faveurs du MONDE. Il paraît en effet que Marc Delcourt* fera le monde de demain. Global Bioenergies, la start-up fondée par Marc en 2008, veut produire des hydrocarbures « biologiques ». Il s’agit de transmuter l’or vert des feuillages en or noir type hydrocarbure. Il s’agit selon ce jeune entrepreneur ayant contracté le virus de l’industrie de « l’avenir de notre civilisation ». Il pense à l’addiction de nos sociétés au pétrole et au choc que sera l’inévitable cure de désintoxication.

Marc Delcourt se dit donc « volontiers écolo ». Mais il pense surtout au réchauffement climatique : « En termes de gaz à effet de serre, le gain (des biocarburants) est compris entre 0 % et 70 %, selon les végétaux utilisés. »Marc Delcourt balaye d’un revers de manche le fait que l’utilisation des terres arables pour la production de végétaux destinés à devenir du pétrole se fait au détriment de la nourriture ; pour trouver les terres nécessaires, il suffirait de « mettre fin au gaspillage alimentaire et terminer la réforme agraire ». Il annonce l’apocalypse si on ne devient pas comme lui un guerrier de la biotechnologie : « Si on ne fait rien aujourd’hui, le jour où on s’apercevra qu’il ne reste plus que dix ans ou vingt ans de réserves de pétrole, ce sera trop tard et on retournera à l’âge de pierre… » Marc Delcourt se voit déjà en roi du pétrole vert. On définit le pétrole vert comme étant l’énergie de la biomasse. Ce carburant contribue à la réduction des gaz à effet de serre… s’il n’y a pas réduction de la biomasse ! Utiliser des « déchets » comme la mélasse de betterave, la bagasse de canne, l’amidon du blé et du maïs, la cellulose des résidus agricoles et forestiers pour en faire des gaz qu’on brûle dans l’atmosphère, c’est appauvrir forcément les sols. La nature utilise toujours les déchets comme matériaux et les feux de forêt restent épisodiques. Transformer cette biomasse en carburant, c’est céder au péché mortel de notre civilisation thermo-industrielle, c’est favoriser la deuxième loi de la thermodynamique, l’entropie. On utilise une énergie primaire pour la diluer dans l’atmosphère de façon à ce qu’elle soit inutilisable dans l’avenir pour l’activité humaine. En d’autres termes, on favorise l’automobiliste d’aujourd’hui au détriment de l’ensemble des générations futures.

Marc Delcourt relève de l’écologie superficielle, celle qui se lance dans l’innovation technologique en croyant que cela sauvera l’humanité du désastre sans se rendre compte que ce qu’on met en place favorise le désastre, l’addiction aux carburants et la croyance qu’on va pouvoir toujours rouler comme avant. Ignorer que la biosphère forme un tout dont les humains ne peuvent gaspiller aucune partie est une grave atteinte aux lois de la nature et au destin des générations futures.

* LE MONDE du 29 juillet 2014, Marc Delcourt, roi du pétrole vert

2 réflexions sur “Marc Delcourt, un des apprenti-sorciers du pétrole vert”

  1. C’est en effet une chose très agaçante d’entendre les milieux écologistes vanter à tout bout de champ l’utilisation de la biomasse comme combustible. Comme si en brûlant des végétaux on ne rejetait aucun polluant ni CO2 !
    Le fait que les végétaux repoussent semble accorder un sauf conduit à notre comportement. En réalité, dans la nature les plantes et les arbres meurent et sont en partie enfouis dans le sol ou même sédimentent au fond des océans et le carbone se trouve ainsi stocké. Et là aussi, de la nouvelle matière végétale repousse pompant le carbone de l’atmosphère. En utilisant massivement la biomasse nous bouleversons ces cycles et continuons à enrichir l’atmosphère en CO2. Nous voulons à toute force maintenir la croissance et nous permettre d’agir toujours plus sur la planète tandis que la seule solution est surtout d’ordre quantitatif : agir moins.
    Bien sûr, cela fait moins intellectuel de mettre l’accent sur le quantitatif plutôt que sur la qualitatif, pourtant nous ne pourrons y échapper.
    Il serait temps que la mouvance écologiste comprenne que son rôle n’est pas de peindre le monde en vert mais de rendre l’homme plus modeste sur la Terre.

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