Métiers de demain, métiers de main

En 2007, nous écrivions sur ce blog : c’est le travail manuel qui est le lieu de l’attachement de l’homme à lui-même. L’intuition qui sous-tend cette préférence pour le travail manuel est que si le travail ne nuit pas au travailleur, ni à son corps, ni à son âme, il ne pourra pas nuire non plus à la création car le travailleur se ressentira partie intégrante de la nature terrestre. Il n’en est pas de même pour le travail intellectuel qui enferme dans des murs et souvent immobilise sur des chaises… loin de la nature. On croirait que les humains se sont réunis en société non pour assurer leur bonheur, mais pour multiplier les emplois du secteur tertiaire

tribune de l’association De l’or dans les mains : Notre système éducatif, une fois le primaire passé, privilégie la transmission des savoirs théoriques au détriment des apprentissages pratiques. La suppression de l’enseignement de la technologie en classe de 6e à la rentrée 2023 témoigne de la tendance structurelle à réduire la possibilité pour les élèves d’apprendre de leurs mains. Pourtant, nous en sommes convaincus, l’apprentissage par la matière doit être un des fondements de l’éducation du XXIe siècle. Car, dans un contexte de transition écologique et sociale, impliquant un changement de paradigme dans nos façons de produire, de consommer et d’habiter les territoires, les métiers de demain seront les métiers de main.

Nous devons outiller la jeune génération pour affronter les défis de l’ère écologique. Développer l’intelligence manuelle à l’école constitue un prérequis pour nourrir la pensée complexe.

Le point de vue des écologistes manuels

jamaiscontent : Enseignant en collège, je ne peux que souscrire à une telle tribune. Je constate tous les ans les ravages du tout-académisme inhérent au mythe du « collège unique » et à une mentalité considérant la prépa scientifique ou HEC comme le summum de la réussite.

PMF : Il y a belle lurette que les élèves n’exercent plus leurs talents manuels en cours de technologie. On y mange de l’informatique, c’est à peu près tout. Les profs de technologie ayant trouvé dans le numérique une manière de notabiliser leur discipline aux yeux des parents et de leurs collègues. Dommage, y’avait en effet une opportunité à saisir en réhabilitant l’art de la fabrique. Mais la tradition académique empêche de faire une place au tour de main dans l’enseignement.

Caro : Mes enfants (24 et 28 ans) ont joué avec des Lego, des kapla, des chalets en bois à monter, des playmobils….Ils découpaient, peignaient, collaient, dessinaient, construisaient avec du carton, du tissus. Alors que mes neveux qui ont 10-15 ans de moins, n’ont joué qu’avec des jeux vidéo et n’ont jamais ouvert les boîtes de jeux de mes enfants que je leur avais passés. En très peu de temps, beaucoup d’enfants ne manipulent plus que joysticks et écrans tactiles.

Michel Sourrouille : D’ici à 2050, la synergie des crises énergétiques, alimentaires, climatiques et démographiques va entraîner une dégradation rapide et brutale du mode de vie à l’occidentale et une (r)évolution du monde du travail. Les générations futures redeviendront artisan ou paysan. Moins de machines, plus d’emploi. Retour aux ciseaux, à l’aiguille et au village. Si on ne naît pas tailleur, on peut le (re)devenir. Notre passé sera notre avenir.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Législatives 2024. Quel système éducatif ?

extraits : La loi Haby du 11 juillet 1975 avait mis fin à l’organisation de la scolarité en filières longues et courtes. Le problème, c’est que la formation intellectuelle a supplanté dès lors la formation manuelle, comme si la poursuite des études abstraites était un idéal en soi…L’urgence écologique n’implique pas l’allongement de la scolarité et l’enseignement supérieur ouvert à tous. Une structure qui forme des écocitoyens se contente de dispenser des notions de santé, d’agriculture, d’utilisation rationnelle de l’eau, d’habileté manuelle. Il est préférable que l’école soit dotée de jardins potagers plutôt que d’une bibliothèque aux écrits inaccessibles….

en mémoire de l’agronome René Dumont (4/9)

extraits : René Dumont se passionne pour la terre. « Dès que j’ai eu la force physique de prendre la fourche au poing, je l’ai fait. »Partout dans le tiers-monde, l’agronome plaide pour la réhabilitation du travail manuel. « Apprendre à labourer est plus urgent que le théâtre de Racine », répète-t-il en Afrique où le diplôme universitaire a pris une dimension quasi-mythique. Péché mortel selon Dumont : les diplômes servent principalement à fabriquer des fonctionnaires parasitaires. Abidjan, faculté des sciences. Les étudiants applaudissent à tout rompre son discours sur les inégalités Nord-Sud. Soudain il hausse le ton et tend un doigt accusateur : « Vous êtes un par chambre, vous vivez comme des petit-bourgeois, savez-vous combien ça coûte aux familles de paysans pour vous entretenir ? » Silence glacial. Il en appelle à une éducation fonctionnelle : « à six ans les enfants peuvent repiquer, sarcler en terre légère, arroser, commencer à produire des légumes »….

Transformons notre ville en jardin potager

extraits : L’expérience des Incroyables comestibles (Incredible Edible) à Todmorden, 14 000 habitants, qui démarre en 2008. En résumé :Le type d’agriculture que nous avons aujourd’hui, c’est un minimum de personnes pour un maximum de machines. Ici on veut le contraire, plus de fermes, plus d’emploi. Ce que les exploitations industrielles font parfaitement, c’est produire de l’argent, Mais ce n’est pas d’argent dont nous aurons besoin dans le futur, ce n’est pas l’argent qui nous permettra de survivre, c’est la nourriture. Il faut savoir cultiver la terre, encourager les habitants à planter des fruits et des légumes partout dans la ville, à s’en occuper ensemble….

3 réflexions sur “Métiers de demain, métiers de main”

  1. Pourquoi opposer le travail manuel et le travail intellectuel ? (le FAIRE et le PENSER)
    Fabriquer des bombes est-il mieux que d’enseigner à lire ? Ou que de penser, ou enseigner à penser… à ce genre de questions.
    – Les métiers manuels, incarnation suprême du « bon travail » ? (journals.openedition.org)

    Enseigner les travaux manuels (menuiserie, couture…), c’est ce qui se faisait à l’école, de mon temps. Principalement dans ces classes où ON regroupait ceux qui n’étaient pas destinés à devenir des «lumières». Ne nous leurrons pas, quand ON raconte et qu’ON pleurniche qu’ON manque de bras et patati et patata, c’est juste pour faire la Pub de ces filières dites techniques, artisanales etc. Remarquons au passage que ceux qui vantent les métiers manuels se gardent bien, en général, d’y diriger leur progéniture. (à suivre)

    1. (suite) N’empêche que j’ai bien plus de respect pour un charpentier, un maçon, un mécano, un paysan… que pour un publicitaire, un conférencier ou un politicard.
      Ceci dit, il ne faut pas non plus voir le mal partout. Bien sûr qu’il faut enseigner, disons développer, voire redonner, le goût des activités manuelles.
      Le témoignage de Caro illustre parfaitement la réalité, la nouvelle génération en est malheureusement là. À qui la faute ? Quoi qu’il en soit, et en attendant, combien de ces pauvres gamins ont-ils eu la chance, et le plaisir, de construire une cabane ?
      Ou un bolide… avec une vieille caisse et des roues de poussettes récupérées dans un grenier, ou une décharge. ( à suivre)

      1. (et fin) Je me souviens du plaisir… à fouiner, fouiller… dans ces mines d’or
        Notre imagination était alors à son comble. Super, cette caisse pour FAIRE le bolide… ou autre chose… et ce tuyau de poêle, pour FAIRE le canon.
        Et c’est ainsi qu’avec nos petites mains nous avons construit un tank.
        Certes ce n’est pas ce qu’ON fait de mieux, pour jouer, mais que voulez-vous, là encore, à qui la faute si les petits mâles ont besoin de jouer à la guerre ?
        De toute façon ce tank était bien moins dangereux que notre super bolide. 🙂
        Aujourd’hui ON ne garde plus les vieilleries, ON ne les répare plus, ON les balance à la Poubelle. Disons au Recyclage. Et aujourd’hui ON n’a plus accès aux décharges, aux casses auto… c’est sale, c’est dangereux, qu’ON nous dit. Résultat, ces pauvres gosses ne peuvent plus fouiller qu’à la Foirfouille. Misère misère !

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