Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :
La chasse dans son ensemble me répugne ; la vie observée me comble trop pour que me vienne l’idée de la supprimer. Quand j’étais enfant, une partie de ma famille avait des résidences en Sologne qui, à l’époque, était la Mecque de la chasse. Ma révolte contre la chasse date de cette époque. Trop de regards animaux se sont reflétés dans mes propres yeux pour que je reste étranger à leur sort. Un principe intangible guide ma réflexion, engendre mon dégoût de tuer : le fait d’ôter la vie ne doit jamais être source de plaisir ni de spectacle. Je suis toujours consterné de voir avec quel sang-froid le chasseur détruit l’existence. Je suis inquiet de son accoutumance à la vie qui s’en va. Rien de commun entre le paysan qui, pour améliorer son ordinaire, ira lever quelques perdrix ou faisan, et le chasseur déguisé en Rambo qui confond forêt et fête foraine. Rien de commun entre le trappeur indien rencontré sous les arbres de la taïga canadienne, et l’homme des villes, qui quitte son pays pour venir, en avion de ligne, décrocher son trophée dans les plaines africaines. Rien de commun encore entre le marin-pêcheur courageux qui traîne ses courts filets derrière sa petite unité et l’armada destructrice d’usines flottantes qui dépeuplent nos océans. Les humains sont devenus les premiers prédateurs à ne pas craindre d’autres prédateurs qu’eux-mêmes.
J‘estime que leur activité donne aux chasseurs plus de devoirs que de droits. En août 2017, j’ai pris des mesures pour mettre un terme définitif au braconnage des ortolans dans les Landes : renforcer toutes les mesures de surveillance, de contrôle et de verbalisation, tant à l’égard des braconniers que des intermédiaires qui se livreraient à un trafic, et de n’accorder aucune tolérance aux pratiquants. Mais c’est dur de contester sur la durée le lobbying des chasseurs. Une directive européenne interdisait de chasser les migrateurs qui reviennent sur leurs lieux de nidification… les chasseurs ont annoncé pour le 27 janvier 2018 une manifestation pour tirer le gibier d’eau après le 31 janvier ! Le président de la Fédération des chasseurs m’avait déjà demandé le 20 décembre 2017 de repousser cette date. J’ai proposé « un deal » aux chasseurs : autoriser la chasse aux oies en février avec la contrepartie de l’interdiction de la chasse au grand tétras dans les Pyrénées, de la remise en cause du classement nuisible du renard et des mustélidés, de l’interdiction de la chasse de certains limicoles, de l’interdiction de la chasse à la tourterelle, et bien sûr de la remise en cause des chasses traditionnelles. La discussion a tourné court. Mais j’avais lancé la réflexion…
Cette année encore, par décision du préfet les 24 juillet 2017 et 27 février 2018, la chasse au grand tétras (ou coq des bruyères) a été autorisée dans les Pyrénées. Le Canard enchaîné m’a fait porter injustement la responsabilité première de cet état de fait. En fait depuis des années les arrêtés préfectoraux sont jugés illégaux, mais les décisions en justice sont confirmés… bien après que la chasse ait eu lieu effectivement. Début mai 2018, le tribunal administratif a annulé l’arrêté… pour la saison 2015 ! Cette décision trop tardive s’ajoutait aux 37 décisions antérieures ! Les associations environnementales m’ont demandé officiellement d’intervenir… La politique est un éternel recommencement. Il y a malheureusement une bonne relation du monde de la chasse avec l’exécutif. Par un arrêté du 2 janvier 2018, les chasseurs sont désormais autorisés à utiliser « un modérateur de son » pour leurs armes à feu. Après une rencontre le 15 février 2018 entre la Fédération nationale des chasseurs et Emmanuel Macron, le président de la République a annoncé la division par deux en juin 2018 du prix du permis national de chasse, la réouverture des chasses présidentielles, la possibilité de chasser sur tout le territoire national et une dérogation qui autorise la chasse aux oies cendrées jusqu’au 28 février 2019 (au lieu du 1er février, comme l’impose la réglementation européenne). Si l’on en croit les mots du chef de l’État, les chasseurs sont les garants de la biodiversité terrestre. Gestion de la biodiversité ? Un tiers des animaux chassés sont issus d’élevage… De plus, le chef de l’État a renouvelé son soutien à la vénerie sous terre et à la chasse à courre.
Ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…
Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne peut avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en reste au business as usual…
Tuer pour le plaisir… tout est dit de l’horreur.