Dans la lignée de « Contre les élections » (2014), David Van Reybrouck a écrit un plaidoyer bref et sans équivalent en faveur de la justice climatique. Voici quelques extraits de son livre (Actes sud, 2023).
« Nous sommes à la veille d’une crise climatique mondiale…Nous sommes à la veille de beaucoup de douleur, de morts et de misère… Abordons donc aujourd’hui le colonialisme, parlons du rôle de l’Occident. Mais pas seulement en regardant dans le rétroviseur. Car nous colonisons à présent l’avenir. L’humanité aborde le prochain siècle avec la même avidité et la même myopie qui lui ont permis autrefois de s’approprier des continents entiers. Le colonialisme s’inscrit désormais dans le temps, et non plus seulement dans l’espace : nous nous comportons en colonisateurs des générations futures. Nous imposons les conséquences de nos actes aux humains qui viendront après nous, et ce avec une indifférence et une brutalité qui donnent le vertige. Nous spolions nos petits-enfants, nous dévalisons nos enfants, nous empoisonnons notre progéniture. Ce processus se déroule à présent si vite que nous commençons à en ressentir nous-mêmes les effets dans notre propre chair ; feux de forêts, inondations, sécheresse.
Nous colonisons l’avenir et les régions tempérées de l’hémisphère nord ont une responsabilité écrasante en la matière… Les politiciens savent ce qu’il faut faire pour s’attaquer au problème climatique. Mais aucun politicien ne sait comment se faire réélire ensuite. Décidément quelqu’un devrait écrire un jour un essai contre les élections ! »
Le point de vue des écologistes transgénérationnels
S’exprimant ainsi, David Van Reybrouck aborde la question des acteurs absents, ceux qui ne participent pas à la prise de décision, mais qui sont pourtant concernés par cette prise de décision : non seulement les non-humains, mais bien sûr aussi les générations futures. Tout le problème est de savoir comment accorder un droit de vote à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. Tout simplement en s’en faisant leur représentant. Un décisionnaire qui ne représente pas dans ses choix une bonne analyse dans l’espace (considération de tous les éléments de la planète) et dans le temps (considération du futur) n’est pas un bon démocrate.
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Au-delà des élections, des perspectives
extraits : David Van Reybrouck, auteur de « Contre les élections » (Actes Sud, 2014) : « En français et dans beaucoup d’autres langues, les mots « élection » et « élite » ont la même racine. L’élection est une procédure qui installe une élite, l’aristocratie héréditaire a été remplacée par aristocratie élective… Mais si on couple le tirage au sort avec la démocratie délibérative, alors on peut arriver à des décisions nettement meilleures que ce que les partis politiques sont capables de faire aujourd’hui. »
Acteurs absents de nos délibérations présentes
extraits : Ce serait élargir l’universalité bien plus fondamentalement que le droit de vote aux femmes et aux adulescents si on pouvait inclure dans la participation électorale les êtres vivants non humains, le milieu naturel et les générations futures. Ce n’est pas une procédure véritablement démocratique que de décider sans eux, les acteurs absents ou tiers-absents, de ce qui les intéresse au premier chef. Une telle délibération sans participation vraiment universelle ne peut qu’entraîner de mauvaises décisions : on s’immerge dans la défense d’un groupe particulier et/ou on ignore le long terme. Mais comment inclure dans la participation électorale des acteurs absents qui, par définition, ne peuvent être présents ? C’est simple…
une démocratie élargie aux acteurs-absents (2009)
extraits : Rosanvallon décrit la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation que leur vision s’accordera au sentiment d’une existence à l’échelle de l’humanité. » Il faut donc que chaque citoyen en position de décision délibérative se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation…
Tiers-absents ! (2007)
extraits : Le suffrage universel est un conquête récente qui s’est progressivement élargi à de multiples acteurs, ce qui a permis d’approfondir la démocratie. Au début, il s’agissait d’un corps électoral restreint par le suffrage censitaire à 246 000 hommes. Après une première tentative avortée en 1793, la France a été le premier pays du monde à adopter le suffrage universel et direct en 1848 : brutalement les votants sont devenus 9 millions, mais il ne s’agissait que des hommes, alphabétisés ou non ; les femmes, les militaires et les colonisés étaient encore exclus. Il faudra attendre 1944 pour que l’universalité s’étende aux femmes… On pourrait aller encore plus loin. Ce serait élargir l’universalité bien plus fondamentalement que le droit de vote à 18 ans si on pouvait inclure dans la participation électorale les générations futures…
David Van Reybrouck critique les élections. Comme d’autres, et depuis longtemps.
Pour lui le vrai problème n’est pas la démocratie mais le système électif, il est donc partisan du tirage au sort. De ce point de vue, tout le problème est alors de savoir comment, non pas d’élire, mais de tirer au sort un ou des représentant(s) chez ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. Élections (piège à cons) ou tirage au sort… le problème reste de savoir comment faire pour parvenir à une démocratie élargie aux acteurs-absents (sic Biosphère).
– « C’est simple … […] Rosanvallon décrit la condition nécessaire […] : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation [etc.] » Il faut donc que chaque citoyen [etc. etc.] » ( Biosphère )
( à suivre )
C’est bien joli tout ça, mais je doute que ce soit aussi simple que ça.
Si les yaka-faukon (il faut) étaient des solutions ça serait formidable. La décolonisation des imaginaires est certes indispensable, mais en attendant … elle se fait attendre.
Bref, là encore nous tournons en rond.
David Van Reybrouck fait également le procès du colonialisme.
Qui, comme le Capitalisme, a changé de visage :
– « Le colonialisme s’inscrit désormais dans le temps […] Nous colonisons l’avenir […] nous nous comportons en colonisateurs des générations futures. »
Là encore commençons par bien comprendre et enregistrer les définitions de «colonialisme» et «coloniser». Essayons de dresser le bilan du Colonialisme… Nous pourrons ensuite commencer à décoloniser notre imaginaire.
– « Les politiciens savent ce qu’il faut faire pour s’attaquer au problème climatique. Mais aucun politicien ne sait comment se faire réélire ensuite. Décidément quelqu’un devrait écrire un jour un essai contre les élections ! » (Van Reybrouck)
Pas sûr qu’ils sachent ce qu’il faut faire. De toute façon tout est lié, emmêlé, d’une complexité inouïe, et aucun politicien n’a de baguette magique.
La question de se refaire élire en suivant (les mesures impopulaires) est secondaire. Ce gens-là connaissent les ficelles pour ça, ils en usent et en abusent d’une manière abjecte. Et nous, les dits citoyens, participons, comme des cons, à ce jeu pipé qu’est la Farce électorale. Alors oui, je suis POUR le tirage au sort !
Et même POUR le tirage au sort des représentants des acteurs absents.
(à suivre )
Des essais contre les élections, je pense que nous en avons déjà, suffisamment. Là encore, pas besoin d’abattre des arbres. Je pense entre autres au Droit à la paresse de Paul Lafargue. Ceux qui ne l’ont pas lu croient qu’il s’agit là d’une éloge de la glandouille. Pas du tout, Lafargue n’avait rien d’un fainéant, et en matière de décolonisation des imaginaires il avait de l’avance. Par exemple cet extrait :
– « … La Farce électorale. Devant les électeurs, à têtes de bois et oreilles d’âne, les candidats bourgeois vêtus en paillasses danseront la danse des libertés politiques, se torchant la face et la postface avec leurs programmes électoraux aux multiples promesses, et parlant avec des larmes dans les yeux des misères du peuple et avec du cuivre dans la voix des gloires de la France; et les têtes des électeurs de braire en chœur et solidement: hi han! hi han! »