A l’époque de la conception du PIB, en 1934, la finitude des ressources naturelles n’était pas encore perceptible. La croissance économique mesurée par le PIB allait de soi. Aujourd’hui les limites de la croissance devraient être mesurées. Rappelons que le PIB (produit intérieur brut) n’est pas une mesure adéquate de la croissance réelle car il comptabilise en bienfaits tous les maux de la croissance et ignore ce qu’il faut appeler les « déséconomies externes » (l’extinction de la biodiversité par exemple). Encore plus grave, cet indicateur se fout complètement du sort des générations futures. Le PIB actuel ne prend pas en compte le fait que les activités économiques courantes affectent, via les émissions de gaz à effet de serre qui les accompagnent, la qualité du patrimoine transmis aux générations futures .
Mais le mal est fait. La croissance du PIB reste l’objectif premier des décideurs, elle doit se poursuivre coûte que coûte pour subvenir non seulement aux besoins sociaux individuels et collectifs mais aussi résoudre les problèmes écologiques. Même s’il est amélioré ou « augmenté », le PIB reste le reflet des mirages d’aujourd’hui qui croient encore à la croissance infinie dans un monde fini.
Béatrice Madeline : Pour la première fois, en se basant sur les conclusions de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2009, l’Insee a publié, le 5 novembre 2024, des indicateurs « augmentés » par des données climatiques. Deux phénomènes sont ainsi mesurés par ces nouveaux indicateurs.
Le premier est la création de valeur minorée de l’impact des émissions, devenue le produit intérieur net ajusté (Pina). Verdict : en 2023, le Pina était inférieur de 4,3 % au PIB classique, ce qui signifie que le dérèglement climatique et la décarbonation ont « coûté » près de 100 milliards d’euros à l’économie française.
Le second est le coût à venir de la décarbonation et celui des dommages déjà constitués sur le patrimoine, mesuré par un indicateur baptisé « épargne nette ajustée ». Cet indicateur correspond à la valeur qui reste disponible dans l’économie pour les générations futures ; elle est négative depuis plusieurs années. Autrement dit, l’économie dans sa forme actuelle n’est pas soutenable à long terme.
Le point de vue des écologistes économètres
En 2008 et 2009, Nicolas Sarkozy avait chargé une commission, dite « Stiglitz-Sen », de redéfinir des indicateurs de progrès « au-delà du PIB ». Voici comment il a été mis en chantier lors d’une conférence du président à l’époque, Nicolas Sarkozy :
« C’est avec la volonté de mettre en œuvre une politique de civilisation que je souhaite engager une réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives. Car, si nous restons prisonniers de la vision restrictive du PNB (Produit national brut), nous ne pouvons pas espérer changer nos comportements et nos façons de penser. Si les critères, les indicateurs de la richesse restent les mêmes, comment allons nous changer notre façon de produire et de réfléchir ? (…) Si nous voulons favoriser un autre type de croissance, il faut changer notre instrument de mesure de la croissance. »
Mais c’était un leurre, jamais Sarkozy n’a montré la moindre contestation de la croissance économique, et ses successeurs au poste suprême, Hollande et Macron, n’ont pas fait mieux et même parfois beaucoup plus mal. Notons qu’une loi, votée à l’unanimité en 2015, « visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques » n’a pas été appliquée ! En 2024, on en vient à un PIB augmenté : tout le monde s’en fout, on croit qu’on va « s’adapter » au réchauffement climatique…
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere
24 mai 2020, Post-covid, remplaçons le PIB par le BNB (Bonheur National But)
extraits : on sait depuis la fin des années 1960 que le « gâteau du PIB à partager » devient, en grossissant, de plus en plus toxique pour la vie, le climat, la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau, des mers et des sols. Qu’il ne contribue plus au bien-être à partir d’un niveau de richesse économique par habitant supérieur à celui qui était le nôtre il y a un demi- siècle. Qu’il s’est accompagné de l’explosion des inégalités mondiales. Qu’il met le travail sous pression en lui faisant perdre son sens et en provoquant des maladies professionnelles physiques et psychiques….
9 août 2017, Le PIB s’accroît car l’eau et l’air sont des biens rares !
extraits : Bientôt le PNB va s’accroître parce que l’eau et l’air seront des biens rares et donc monétarisés. Déjà dans les années 1970 le PNB commence (pour moi) à signifier Pollution nationale brute. Je questionne les emballages plastiques qu’on retrouve partout, l’évacuation des produits dangereux dans la nature, les nappes de mazout, les containers éclatés contenant des déchets radioactifs, la diffusion du DDT… Je questionne l’atomisation de l’habitat où la vie n’est saisie que dans sa matérialité, l’embouteillage qu’on subit patiemment seul à son volant… Il faudrait intégrer les déséconomies externes dans le tableau de Leontief….
14 août 2014, Une bonne nouvelle, la croissance du PIB est en panne
extraits : En 2014, la croissance du PIB devrait être de l’ordre de 0,5 %. Rappelons que le Produit Intérieur Brut n’est pas un indicateur de bien-être, mais le symptôme du gaspillage sans avenir des ressources naturelles. Comme cette croissance s’est faite à crédit depuis les années 1970, niant le premier choc pétrolier de 1973 par des déficits publics, le résultat actuel est que, sans croissance, l’Etat ne peut plus assumer ses obligations : le déficit des administrations publiques (Etat, Sécurité sociale et collectivités locales) sera donc supérieur à 4 % du PIB en 2014. Rappelons qu’un pays riche comme la France devrait avoir les moyens de prêter et non l’obligation d’emprunter.
23 avril 2014, Le PIB va s’effondrer avec le prochain choc pétrolier
extraits : Est-ce la consommation d’énergie qui cause la croissance du PIB ou bien l’inverse ? Mes travaux penchent clairement en faveur d’une relation causale univoque de la consommation d’énergie primaire vers le PIB, et non l’inverse. La crise des subprimes de 2008 est en quelque sorte les conséquences d’un choc pétrolier. En 1999, le baril est à 9 dollars et en 2007, il tourne autour de 60 dollars (avant de s’envoler à 140 $ du fait de la tempête financière). Nos économies ont donc connu un troisième choc pétrolier au cours des premières années 2000, de même amplitude que ceux des années 1970….
13 août 2013, Journaliste = poser des limites à la croissance du PIB
extraits : La croissance est partout, surtout en Chine. Les journalistes du MONDE sont dithyrambiques : « Ce pays pourrait bénéficier d’une croissance du PIB de 7,5 % en 2013… Il a profité d’un regain de la demande extérieure et d’un rebond de la demande intérieure… Bons résultats des ventes au détail et des ventes de véhicules individuels… Bonne nouvelle, la production industrielle progresse de 9,7 %… » Si l’article se termine sur le mode dubitatif sur le rythme futur de cette croissance, il ne remet nullement en question l’idée même de croissance. Or nous savons que le Produit intérieur brut n’a rien à voir avec le Bonheur national brut….
Trop souvent sur ce blog biosphere, certains commentateurs ne veulent parler que de leurs obsessions au lieu de réfléchir à la thématique que nous présentons chaque jour sur ce blog.
Leurs messages seront éliminés par la modération qui se fait a posteriori. Inutile donc de rentre dans de vaines polémiques avec ces intervenants hors sujet.
Bonjour le PINA. C’est pas con comme idée, comment n’y avait-ON pas pensé plus tôt ?
Ajustement de la Dette, ajustement des dépenses, de l’emploi, des salaires, du Budget, ajustement structurel, ajustement de l’économie, et de l’écologie, ajustement de transition, et de la Transition et j’en passe ! Les ajustements ça marche pour tout, et n’importe quoi.
Vous avez un truc décalé, un machin qui déconne, la cravate, le pantalon ou ne serait-ce que la braguette, par exemples… pas de panique il suffit juste de l’ajuster.
Ajuster ça veut juste dire adapter. Bidouiller, bricoler ou trafiquer pour mettre le truc comme il vous va le mieux. Et comme il y a mille façons d’adapter, et autant de s’adapter, les ajustements c’est formidable.
Plus sérieusement, je pense qu’il vaudrait mieux se pencher sur l’obsolescence du Capitalisme.
– L’obsolescence du capitalisme en question (Jean d’Aïtone 10 février 2024 – agoravox.fr)
L’occasion de réfléchir sur les prédictions de Jeremy Rifkin, dans son livre «The Zéro Marginal Cost Society» (La nouvelle société du coût marginal zéro)
Cet échec du PIB provient tout simplement de l’impossibilité à exprimer en chiffres la valeur de la nature, la beauté , l’espérance en l’avenir, le bien être, les plaisirs simples.
La science est une belle et utile pour comprendre le monde mais l’expression mathématique des réalités n’est pas adaptée à tous les domaines.
Critiquer l’usage aussi universel du PIB est donc une nécessité, mais ne soyons pas naïfs sur la capacité d’un autre type de mesure à nous donner une vision beaucoup plus exacte des choses, le réel échappe aux chiffres, le ressenti aussi. Il y a là une impossibilité fondamentale et non une simple imprécision dans l’appareil de mesure.
La quasi totalité des européens et des américains ont été déconnectés de la nature depuis l’exode rural, exode rural amplifié par les mouvements féministes et le travail des femmes. A présent, quasiment aucune femme ne veut habiter à la campagne, les femmes préfèrent habiter à proximité des hôpitaux, des supermarchés pour remplir le caddy, des écoles pour enfants, des galeries marchandes pour les soldes… Bref, elles ne veulent pas habiter à plus de 15 minutes en voiture des endroits cités précédemment ! (Vous pouvez vérifier auprès d’agents immobiliers, que ce soit à l’achat d’un bien immobilier ou d’une location, ce sont les femmes qui ont le dernier mot dans un couple, et ces 15 minutes sont bel et bien le critère essentiel de leurs exigences). A présent, les femmes préfèrent les fleurs en bouteilles de parfum plutôt qu’en bouquet.
Alors là bravo ! C’est superbement bien expliqué, démontré et prouvé, c’est donc à cause des femmes que le PIB a échoué. Et il est évident que si ON les laisse faire elles vont nous ruiner le PINA. Et encore s’il n’y avait que ça. Les finances, le pays, son avenir, sa morale et son moral aussi. Et finalement tout, et n’importe quoi, et là ça sera le bouquet. Sale race va !