« Nous rasons les forêts. Nous draguons les océans. Nous nous installons dans les lointaines oasis ou au sommet des montagnes. Je ne suis pas le seul à redouter que nous n’ouvrions ainsi une boîte de Pandore bien plus dangereuse que celle de la mythologie. Nous avons appris à vivre avec une cohorte de parasites qui nous veulent du mal, mais que notre système immunitaire contrôle à peu près. Notre espèce pourrait devoir affronter bientôt d’impitoyables tueurs, qu’elle s’ingénie à déterrer dans les recoins de la planète. La première cause de mortalité des Indiens du Nouveau Monde, qui amena en un siècle leur population de quatre-vingts à quatre millions d’individus, ne fut pas la barbarie des Européens (pourtant inspirés par ce noble massacre), mais les maladies introduites par les colons, y compris par les missionnaires et les amis des « bons sauvages ». Les Indiens trépassèrent en masse de grippe, variole, rougeole, syphilis ou poliomyélite.
Nous nous retrouvons, aujourd’hui, dans la situation des Hurons, des Aztèques ou des Quechuas du XVIIe siècle. Les envahisseurs sont parmi nous et nous l’ignorons. Ils ne descendent pas d’une autre planète et n’ont pas le petit doigt en l’air. Ils sont invisibles. Là, au coin de la rue, dans l’autobus, au café, à l’hôpital, au ministère de la Santé… Nous en connaissons quelques-uns. Le VIH du sida nous a agrippés dès les années 1950, probablement à partir d’une souche de singes d’Afrique centrale. D’autres surgissent. Les virus du singe vert, de la fièvre de Marburg et de la maladie du légionnaire. Ceux de Junin, de Machupo et de Sabla, apparus en Amérique du Sud, et que les microbiologistes surveillent d’un œil nerveux. Le hantavirus, exalté par le collapsus de l’Union soviétique et la prolifération concomitante des souris. Les agents de la fièvre d’Ebola, de la fièvre West Nile, de celle de Lassa… L’étrange « virus X » a tué des milliers de personnes au sud du Soudan, avant de disparaître. Totalement ? N’en croyons rien… Je glisse sur les souches pathogènes du SRAS (le syndrome respiratoire aigu sévère). Ou sur les sueurs froides que donne aux spécialistes la perspective d’une recombinaison des caractères épidémiques et morbides des virus de la grippe des oiseaux, des cochons et des hommes… Je ne veux effrayer personne, mais je regarde les microbes avec de moins en moins d’humour. Je n’oublie pas les bactéries du choléra, de la tuberculose ou de la syphilis, ni les protozoaires comme ceux du paludisme : tous ces micro-organismes « classiques » semblent animés d’une énergie nouvelle. Ils résistent aux antibiotiques. Ils sont plus virulents et plus teigneux que leurs pères. Je me demande si, au-delà des vieilles querelles écologiques, la première raison de lutter contre le saccage de la Terre ne va pas devenir un pur souci de santé publique. Les scientifiques ont établi, par exemple, qu’il existe, dans les profondeurs du sol, à plus de trois mille mètres, d’incroyables grouillements de bactéries. Certains de ces anaérobies, peut-être aussi vieux que la vie même, ont reçu le nom de Bacillus infernus. On en trouve dans des poches de pétrole très profondes. Réveillerons-nous ces monstres endormis pour quelques barils de future marée noire ?
Au XVe siècle, la population humaine atteignait cinq cents millions de sujets. En quelques années, de l’Extrême-Orient à l’Asie mineure, à l’Afrique du Nord et à l’Europe, d’abominables pestes tuèrent quatre-vingts millions d’individus. Une personne sur six ! Si une épidémie aussi féroce et fulgurante frappait l’humanité actuelle en y causant la même proportion de victimes, on dénombrerait plus d’un milliard de cadavres ! Je ne veux paniquer personne, mais cela pourrait se produire bientôt. »
Covid-19, une maladie déjà annoncée en 2006 par Yves Paccalet dans son livre « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! », passage repris par le site JNE
Question : La stratégie adoptée semble être celle, empirique, du « stop and go ». Cela nous conduirait à l’alternance de périodes de confinement et de déconfinement. Qu’en pensez vous? Merci
Franck Nouchi : Impossible de vous répondre tant qu’on ne connaît pas mieux la véritable nature de ce virus. Son activité est-elle liée à une saisonnalité ? L’immunité qu’il confère est-elle définitive ou bien transitoire ? Va-t-il, à la manière du virus de la grippe, se mettre à muter ?
L’anagramme de « chauve-souris » est très significatif :« souche à virus ». Le terrible SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la pandémie de Covid-19, est le descendant d’un virus de chauve-souris. Comme pour l’épidémie de SRAS en 2003, ou celle du coronavirus MERS en 2012. Mais aussi la fièvre hémorragique Ebola, le virus de Marburg, ou encore les poussées mortelles du virus Nipah, ou de virus Hendra. Sur cent différents types de coronavirus identifiés, 91 provenaient de chiroptères. Comment ces animaux résistent-ils à tant de pathogènes mortels pour les autres espèces ?
Leurs cellules immunitaires mettent en action les mécanismes inflammatoires de défense jusqu’à la destruction du pathogène au risque d’altérer l’organisme. Cet orage immunitaire incontrôlé, c’est ce qui a tué des humains par millions pendant l’épidémie de grippe espagnole, c’est ce qui tue aujourd’hui les victimes du Covid-19 dans les services de réanimation. Et c’est ce que la chauve-souris évite.Mais l’extraordinaire réponse immunitaire des chauves-souris conduit les virus à augmenter leur virulence. Le principe apparaît simple : lorsqu’il infecte un hôte, un virus doit se répliquer suffisamment vite pour atteindre la masse critique nécessaire à sa transmission vers une nouvelle victime avant d’avoir été vaincu par le système immunitaire. Mais, s’il va trop vite, il tue son hôte et interrompt le processus. Un équilibre qui dépend de chaque pathogène et de son milieu. On imagine la suite : En raison de ces taux élevés de propagation, ces virus sont susceptibles d’être mortels chez les hôtes autres que les chauves-souris.
En tout cas, clairement, en lisant l’article* je me suis dit : avec 10 milliards d’humains et 2000 espèces de chauve-souris, impossible d’éviter des émergences si on continue de se côtoyer.
* https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/04/13/la-chauve-souris-alliee-ou-ennemie_6036465_1650684.html
Si ce n’est que ça le problème, la solution semble évidente, l’éradication des chauve-souris. De toute façon à quoi ça sert les chauve-souris ? De plus il parait que ce n’est pas si mauvais que ça, en soupe.
Question : Je ne comprends pas cette phrase « l’extraordinaire réponse immunitaire des chauves-souris conduit les virus à augmenter leur virulence ».
Réponse : Le principe est de noter que les chauve-souris sont porteuses de Coronavirus et qu’elles vivent ou survivent grâce à leur système immunitaire très efficace. Et les chauve-souris sont porteuses de ce coronavirus car le système immunitaire ne tue pas Forcément tous les virus. Par exemple je suis porteur du virus de l’herpès que j’ai contracté vers l’âge de 16 ans. Il reste sous forme non virulente sur les nerfs et quand je suis fatigué (système immunitaire moins performant) ce virus recommence à se multiplier, j’ai eu récemment une alerte à l’œil. Heureusement le seul virucide efficace ( zovirax) le combat et aide mon système immunitaire. Ces virus ne tuent pas les chauves-souris et donc lors de leurs multiplications ces virus peuvent muter. La mutation est la modification du génome (molécule d’ARN) lors de sa duplication dans la cellule infectée. La plupart du temps ces modifications ne changent rien au virus mais l’accumulation des petits changements ou un changement majeur peut changer le fonctionnement du virus (virulence). Pour le sars-cov-2 il pénètre mieux dans la cellule grâce à des molécules proches des molécules membranaires donc la virulence est accrue.
Question : Dans le corps humain il y a 100 fois plus de virus que de cellules humaines, ce qui voudrait dire que le virus ordinaire se met en symbiose avec l’organisme qui le porte, il n’a pas besoin de tuer son hôte et d’être obligé de contaminer ailleurs.
Réponse : Cf l’exemple de mon herpès. Cela me rappelle la définition disant que le virus n’est pas vivant, ce n’est qu’un amas de molécules. Cette conception prouve que certains ne connaissent rien à la biologie et à ce qu’est un être vivant. La vérité est que les virus sont des organismes vivants parasites. Ils répondent à la définition d’un être vivant. Le débat scientifique est toujours en cours mais il se pourrait que les virus aient une existence précédent les cellules eucaryotes et seraient peut-être à leur origine ou y aurait participer. En tout cas les molécules constitutives ont des points communs. Les virus auraient perdus leurs appareils de production des protéines (Appareil de golgi) par leur vie en parasite des cellules eucaryotes.
Question subsidiaire : si un contaminé humain accepte le nouveau coronavirus sans en mourir, le virus est-il éliminé ou devient-il un nouveau symbiote ?
Réponse : Concernant l’humain, je n’ai aucune information sur sa persistance dans le corps humain. Mon intuition est que non. Mais la chauve-souris est un mammifère comme nous, donc ?
Philippe Grandcolas : « Depuis quelques décennies le nombre d’épidémies augmente. La majorité sont des zoonoses : des maladies produites par la transmission d’un agent pathogène entre animaux et humains. L’émergence de ces maladies infectieuses correspond à notre emprise grandissante sur les milieux naturels. On déforeste, on met en contact des animaux sauvages chassés de leur habitat naturel avec des élevages domestiques dans des écosystèmes déséquilibrés, proches de zones périurbaines. On offre ainsi à des agents infectieux des nouvelles chaînes de transmission et de recompositions possibles.
On peut citer le SRAS, ou syndrome respiratoire aigu sévère, dû à un coronavirus issu de la combinaison de virus d’une chauve-souris et d’un autre petit mammifère carnivore. Là aussi, le point de départ d’Ebola est une chauve-souris. L’épidémie du sida présente une trajectoire analogue : une contamination de primates, puis une transmission à des centaines de millions de personnes. Et nous ne pouvons pas nettoyer au Kärcher tous les micro-organismes qui nous entourent, on en a absolument besoin ! Notre anthropocentrisme et nos simplismes nous dictent une vision naïve des animaux et des plantes que nous considérons comme utiles ou nuisibles, toujours en fonction de nos intérêts extrêmement immédiats.
La biodiversité est plus compliquée à comprendre que l’évolution du climat qui se mesure en concentration de gaz à effet de serre et produit des événements météorologiques extrêmes. La chauve-souris n’est pas qu’un réservoir de virus, elle est aussi un prédateur d’insectes en même temps qu’une pollinisatrice de certaines plantes. Nous avons simplifié les écosystèmes, morcelé les habitats naturels. La capacité des agents infectieux à se transmettre de proche en proche en est renforcée, leur prévalence augmente, leurs ennemis peuvent disparaître. Les élevages industriels permettent aux agents infectieux de proliférer, comme on l’a vu avec la grippe aviaire venue de Chine. La promiscuité entre un grand nombre d’animaux les rend vulnérables à des maladies qui sont traitées de façon presque permanente avec des antibiotiques, favorisant des phénomènes d’antibiorésistance.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/04/04/pandemies-nous-offrons-a-des-agents-infectieux-de-nouvelles-chaines-de-transmission_6035590_1650684.html
Septembre 2005, des experts de la CIA remettent un rapport au National Intelligence Council qui prévoyait l’arrivée d’une pandémie, « une maladie respiratoire, virulente, extrêmement contagieuse, sans traitement adéquat… La maladie pandémique se manifestera sans doute dans une forte densité de population, de grande proximité entre humains et animaux ». Et de prophétiser la « dégradation des infrastructures vitales et des pertes économiques à l’échelle mondiale ».
juillet 2008 en France, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale annonçait « le risque plausible d’une pandémie massive à forte létalité dans les quinze années à venir. »
Avril 2013, un nouveau Livre blanc se voulait plus inquiétant encore : « Le risque existe d’une nouvelle pandémie hautement pathogène, résultat de l’émergence d’un nouveau virus qui aura franchi la barrière des espèces ou qui aura échappé d’un laboratoire »
(Le Canard enchaîné du 8 avril 2020)
Nostradamus aussi aurait, dit-on, prédit cette pandémie. Plus récemment, il y a 8 mois, un autre astrologue, indien cette fois, et seulement âgé de 14 ans, avait vu juste. Cerise sur le cake, celui-ci nous annonce la fin du Corona pour le 13 mai. De quelle année, je ne sais pas.
Plus sérieusement, d’un autre genre et bien plus intéressantes, les prédictions du Professeur Didier Raoult. En 2003 l’infectiologue avait remis un rapport au ministère de la Santé pour l’alerter d’un phénomène «des plus redoutable» parmi les maladies émergentes, il parlait déjà des «risques d’apparition de mutants de virus respiratoires, en particulier de la grippe». Didier Raoult pointait également la non préparation des pays riches et développées, il les mettait en garde contre leur manque de préparation et la façon de se croire à l’abri de tout.
Voici ce qu’il disait encore en 2015 sur Europe 1 :
– « Il y a des épidémies qui circulent et qui atteignent des centaines de milliers de personnes. Mais comme les noms vous sont communs, vous vous en fichez. Tandis que si on vous donne un nouveau nom de quelque chose qui aurait tué des centaines de personnes en Chine, d’un coup, ça prend une émotion terrible, l’OMS s’en mêle, les gouvernements… Et tout le monde s’excite parce que c’est de la nouveauté ».
Seulement on laisse entendre que ce type n’est pas très sérieux. Misère misère !