Pétrole, la merde du diable fait des siennes

Pour les Romains le gage de la croissance était le nombre d’esclaves, pour le monde moderne c’est la merde du diable (le pétrole). Le pétrole tient dans ses barils le futur de la civilisation thermo-industrielle. Mais son prix semble une valeur relative, très volatile. A la mi-juillet 2008, les spécialistes n’avaient pas vu venir l’envolée des prix du baril à 147,5 dollars, ni son effondrement (35 dollars mi-décembre 2008). Le 29 mai 2018, le prix du baril Brent était de 74,75 dollars, et le marché (du système libéral) ne sait pas si demain il sera à 20 dollars ou à 1000 dollars. Mais de cela on ne s’inquiète guère, chacun fait ce qui lui plaît.

Début mars 2020 , la Russie et l’Arabie Saoudite ont augmenté leur production, ce qui a fait chuter brutalement les prix : le baril de brent s’est retrouvé à 16 dollars en avril, et le prix sur le marché américain à même connu un épisode de prix négatifs : le 21 avril, le pétrole s’est brièvement échangé à − 37 dollars le baril sur le marché américain. L’or noir bradé ! Sur ces entrefaites, la crise sanitaire a entraîné une baisse de la demande ; en avril 2020, elle a ainsi chuté de 30 %, soit 30 millions de barils par jours consommés en moins. Alors les pays de l’OPEP+ (organisation des pays exportateurs de pétrole + la Russie) ont retiré du marché en mai et juin plus de 9,7 millions de barils par jour et le baril s’est maintenu autour de 40 dollars durant l’été. Un niveau qui reste pourtant trop bas pour de nombreux pays très dépendants de leurs exportations. Le 30 novembre 2020, le cartel pétrolier n’a pas réussi à trouver un accord pour prolonger ses quotas de production. Mais quand les marchés demain s’apercevront que le pétrole n’est pas inépuisable, le choc pétrolier ultime aura lieu et là, on ne parlera même plus de crise des ventes de voiture neuves ; plus personne ou presque ne pourra se payer une voiture individuelle. Mais ça, nul ne l’envisage, ni l’OPEP, ni d’ailleurs tous nos politiques accro aux carburants fossiles et encore moins ceux qui achètent des SUV malgré la pandémie actuelle. Les marchés et les articles dans les médias ne s’intéressent qu’au court terme et le réchauffement climatique fera la Une de tous les journaux seulement quand on aura les pieds dans l’eau. Pauvre de nous, et on dit que les humains sont intelligents.

Le prix du pétrole est artificiellement maintenu à bas prix depuis le début de son exploitation. Ce non sens économique et géophysique a permis les trente Glorieuses, le confort à tous les étages et l’auto pour une grande partie de l’humanité (soit plus de 1 milliard de voitures particulières). Pour une période faste qui aura duré moins de deux siècles, les humains ont gaspillé un don de la nature accumulé pendant des millions d’année et enfoui sous terre. Le problème essentiel n’est pas seulement l’effet de serre, mais un système de croissance éphémère basé sur l’éloignement croissant entre domiciles et lieux de travail, entre localisation de la production et centres commerciaux, entre espaces de vie et destinations du tourisme.Si nous étions prévoyants, il faudrait dès aujourd’hui se préparer à des changements structurels de nos modes de vie pour éviter la pétrole-apocalypse. Il faudrait que le prix de l’essence tourne autour de 100 euros le litre pour que les gens comprennent.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

https://biosphere.ouvaton.org/blog/post-covid-a-quel-prix-le-baril-apres-demain/

 

5 réflexions sur “Pétrole, la merde du diable fait des siennes”

  1. Quand on lit sur le Figaro « Luc Ferry: «Pour une croissance infinie dans un monde fini»

    CHRONIQUE – Le père fondateur des théories de la croissance zéro, Dennis Meadows, critiqué par Luc Ferry dans sa chronique, lui répond dans un texte que nous publions.

    D’ailleurs, il a récidivé hier sur le Point aussi.

    Conclusion, avec des croissantistes au gouvernement, la décroissance parviendra à son terme  »l’Armageddon »; c’est juste une question de temps… (ne soyez pas impatient, ce sera pour beaucoup plus tôt qu’on ne pense)… Bref, la décroissance se résoudra à la Mad Max, une punition collective…

  2. – «quand les marchés demain s’apercevront que le pétrole n’est pas inépuisable, le choc pétrolier ultime aura lieu et là [etc.]»
    Les marchés (les capitalistes) n’en ont rien à f… que le pétrole soit inépuisable ou pas. Quand il n’y aura plus de pétrole les capitalistes (s’il sont encore là) spéculeront sur d’autres produits. Les chevaux de trait, les esclaves, l’eau, n’importe quoi pourvu que ça puisse leur assurer un maximum de profit. En attendant tout ce «joli» monde a encore quelques décennies pour jouer avec le cours du baril. Et les petit-bourgeois que nous sommes pour faire vroum-vroum tut-tut pouet-pouet.

  3. – « Pour les Romains le gage de la croissance était le nombre d’esclaves, pour le monde moderne c’est la merde du diable (le pétrole). »
    Autrement dit rien n’a vraiment changé depuis 2000 ans, du moins dans les esprits. Le charbon puis le pétrole ont seulement remplacé une bonne part des esclaves. L’esclavagisme, l’exploitation, l’aliénation et la misère n’ont pas disparus pour autant. Entre ceux qui triment pour des salaires de merde (de misère) et tous les aliénés du travail, du pognon, de la bagnole, de leur mode vie de merde etc. le nombre d’esclaves n’a d’ailleurs jamais été aussi important (environ 7 milliards aujourd’hui). Rappelons que l´abolition de l’esclavage au début du 19ème siècle est avant tout une affaire de pognon. La Révolution industrielle étant passée par là, l’esclavage n´était plus économiquement rentable.

    1. Jancovici explique très bien qu’en terme d’énergie « Un Français a l’équivalent de 400 à 500 esclaves à sa disposition 24 heures sur 24 ! »
      Si le prix du pétrole correspondait uniquement à sa valeur énergétique, déjà nous ne résonnerions plus en dollars ou en euros, nous raisonnerions en termes de calories, de joules ou de kilowattheures. Ainsi un litre d’essence nous coûterait environ 10 kilowattheures. Soit l’équivalent de la consommation de 2 «esclaves» pendant une journée complète. Comme les boeufs ou les bourrins, il faut bien les nourrir eux aussi pour qu’ils puissent carburer. Or, ni le pétrole ni le pognon n’ont jamais nourri personne.

      1. – «Si notre homme a absorbé 5 kWh dans la journée pour soutenir ce régime de travail de force, nous voyons que le rendement purement mécanique de la machine humaine est de l’ordre de 1%. Abracadabrantesque ! […]
        Dans le même temps, un moteur à explosion a un rendement de l’ordre de 20% à 40%, c’est-à-dire que je récupère sous forme d’énergie mécanique 20% à 40% de l’énergie thermique contenu dans le carburant de départ. […] Si c’est uniquement le côté mécanique de l’esclave au travail qui nous intéresse, alors nous voyons qu’avec le litre d’essence précédemment mentionné, et ses 2 à 4 kWh de travail mécanique une fois passé dans un moteur, nous avons l’équivalent de 100 (grosses) paires de bras pendant 24 heures à 0,05 kWh pièce, ou de 10 (grosses) paires de jambes sur la même durée. Et le pétrole serait cher (bis) ?»
        (Jancovici : Combien suis-je un esclavagiste ?)

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