Philip Roth, allons voir bien au-delà du romancier

Depuis 1959, année de parution de « Good­bye, Columbus », Philip Roth (né en 1933) a publié un livre à peu près tous les deux ans. Aujourd’hui âgé de 84 ans il n’écrit plus. De toute façon cela n’a aucun importance, un romancier ne vaut pas par ses écrits mais par sa vie et quelques illuminations de la pensée. Voici trois extraits de son interview par LE MONDE* qui montrent en creux pourquoi l’urgence écologique n’est pas et ne peut pas être au programme de l’humanité.

1) Son roman « Ma vie d’homme » s’appuyait sur un épisode personnel, son premier mariage, qui s’est révélé une expérience épouvantable et sordide : « Dans la vraie vie, je n’ai moi-même appris toute l’étendue du piège dans lequel j’étais tombé que très tard, la dernière année, lorsque ma femme m’a elle-même raconté comment, trois ans plus tôt, elle s’était rendue à Harlem pour acheter à une femme enceinte le flacon d’urine qu’elle avait ensuite fait analyser comme étant le sien, dans le but de me persuader qu’elle attendait un enfant de moi, et me convaincre ainsi de l’épouser. A l’époque, l’aveu de cette trahison, qui est au cœur de Ma vie d’homme, m’a laissé stupéfait, sans voix. Il se trouve que rien dans ma vie ne m’avait préparé au sordide. Je venais de la classe moyenne juive du New Jersey, j’avais grandi dans un quartier de Newark très serein, paisible, où régnait la confiance. Mes parents étaient des gens très honnêtes. Mes amis les plus proches également. J’avais évidemment lu beaucoup de livres sur la trahison et le dérangement, mais je n’y avais jamais été confronté. » Tout est dit, l’humanité pourrait se porter au mieux s’il n’y avait des gens pour qui la morale dans les relations n’a plus aucun sens. Cela devrait nous amener à penses qu’un permis de procréer serait une bonne chose, éviter que les tares familiales ne se reproduisent .

2) La première version des « aventures de Zuckerman » se limitait à un seul livre et finissait à Prague : « Le sujet était le contraste, dans la seconde moitié du XXe siècle, entre la vie libre d’un écrivain en Amérique, où tout peut se dire mais où rien n’a d’importance, et les conditions d’existence des écrivains d’Europe de l’Est, où tout avait de l’importance, mais où, justement pour cette raison, rien ne pouvait se dire. » Tout est dit, l’insignifiance des discours médiatiques dans les pays dits démocratiques et la censure omniprésente des pays totalitaires. Nous rappelons le pourquoi de ce blog, inscrit dans l’à propos : La déformation de l’information est perceptible dans une société dont l’idéologie dominante nous a fait oublier depuis deux siècles les limites de la planète et le sens des limites. Alors que la situation actuelle devrait nous inciter à la simplicité du mode de vie et à la sobriété énergétique, c’est toujours l’achat de la plus récente automobile qui structure les pages du MONDE et qui manipule la pensée collective… Historiquement les premiers journaux n’étaient que de simples instruments pour organiser le bavardage, et ils le sont plus ou moins restés. Ce blog veut rompre avec le bavardage… »

3) Philip Roth : « Lindbergh était très à droite, c’était un raciste authentique et un suprémaciste blanc mais, comparé à Trump, c’était Einstein. Trump n’est personne. C’est un pur voyou odieux et ignorant. Ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis est à la fois tragique et effrayant. Tragique à cause de la souffrance que Trump va causer aux gens, que cela soit par ses tentatives pour abroger ou détruire l’Obamacare, par sa négligence vis-à-vis du changement climatique, par les tensions raciales terribles qu’il a déjà réussi à infliger à ce pays en l’espace de quelques mois seulement. C’est effrayant en raison des guerres potentielles. Que le pays qui a voté deux fois pour Barack Obama, un homme cultivé, intelligent, digne et capable de compassion, puisse élire son exact opposé… C’est une contre-révolution. Lindbergh avait des convictions, Trump n’en a aucune. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tout est si imprévisible aujourd’hui. » La seule certitude, c’est que l’humanité continue de se massacrer allègrement dans les couples et les territoires au point d’en oublier complètement l’effondrement de la biosphère.

* LE MONDE des livres du 13 octobre 2017, Rencontre exclusive avec Philip Roth : « Pourquoi ne pas être drôle dans un livre ? »