Rares sont les intellectuels qui pensent du mal du tourisme, Bernard Duterme, coordinateur du livre « La Domination touristique » est l’un d’entre eux :
« Fort d’un taux de croissance annuel moyen de 4 % à 5 % depuis plus de sept décennies et de 1 700 milliards de dollars de recettes en 2019, le tourisme devrait enregistrer en 2020 une chute abyssale. C’est pourtant un secteur central de l’économie globale, 10 % du produit mondial brut et de l’emploi, premier poste du commerce international. Qui pouvait croire l’espace d’un instant que les choses allaient changer ? Qui a pu penser sérieusement que la sortie de l’abstinence touristique post-pandémie allait jeter les bases d’un grand marché du dépaysement « juste et durable » ? L’homo turisticus, assigné à résidence depuis le mois de mars, peut enfin replonger dans les délices de la mobilité de plaisance. En cela, il demeure un « privilégié » – 7 % seulement de l’humanité ont accès au tourisme international –, mais il n’en a cure. On aurait aimé que l’OMT (organisation mondiale du tourisme) saisisse l’occasion pour donner corps à ses propres intentions de « transformer le tourisme mondial et la manière dont il est pratiqué pour le rendre socialement, économiquement et écologiquement durable ». Hélas le business as usual ne souffre aucune inflexion régulatrice. L’OMT le répète aujourd’hui à l’envie : pour récupérer aussi vite que possible son rôle de « moteur de croissance », de « vecteur de développement », de « pourvoyeur d’emplois » et de « trait d’union entre les peuples », le tourisme a besoin du « soutien des gouvernements », mais certainement pas de nouvelles « entraves » qui porteraient « atteinte à sa compétitivité ». Tant pis si sa généralisation, dans ses formes actuelles, est écologiquement impossible… »*
Bernard Duterme nous donne ainsi le point de vue des écologistes. Tapez « tourisme » sur le moteur de recherche de notre blog biosphere, et vous saurez tout le mal qu’on doit penser de cette activité dévoyée du voyageur. Les commentateurs sur lemonde.fr confirment :
Bv34 : Malheureusement, tout ça n’est que trop vrai. J’ajouterais une dernière tare à ce tourisme de masse. Le remplacement de la culture par le divertissement. Les espaces touristiques sont de plus en plus sommés d’être des parcs d’attractions (et de consommation, of course).
Frog : Et il y a beaucoup de gens âgés parmi ceux qui ont recours au tourisme le plus polluant. J’ai pour ma part quelques petits motifs d’espoirs, car même avec tout l’argent du monde (que les Etats n’ont pas), le secteur le plus international devrait tout de même être sinistré pour longtemps après la pandémie.
Michel SOURROUILLE : Le touriste qui se hâte de rentrer chez lui est toujours resté étranger à ses lieux de séjour successifs et aux populations rencontrées : il se contente de remplir un album de souvenirs personnels après avoir parasité une vie sociale ou un lieu de rêve. Pour économiser la Biosphère et épargner ses communautés, vous devez au contraire rester des voyageurs immobiles, il y a suffisamment de moyens de communication pour faire le tour du monde dans son fauteuil, il y a suffisamment de richesses relationnelles et naturelles près de chez vous pour ne pas avoir besoin d’autre chose. Touristes de tous les pays, unissez-vous, restez chez vous.
* LE MONDE du juillet 2020: Tourisme : Le redémarrage dans “le monde d’après” s’opère selon la même logique que celle qui prévalait dans “le monde d’avant”
Le touriste est un voyageur qui fait des centaines de kilomètres pour se faire photographier devant un car.
La vie de touriste n’est pas une vie. Le touriste toujours va où va le touriste, aux seules fins de pouvoir narrer chez lui à d’autres touristes des histoires de touristes. Le touriste n’a pas accès aux endroits tranquilles. Il n’en a pas le droit moral. Les endroits tranquilles n’intéressent personne .
« »Les endroits tranquilles n’intéressent personne . » »
Si moi ! J’adore les balades en forêt ou bois à proximité de chez moi. Je déteste (voir méprise) les foules, quand ça pue le touriste ça me donne la nausée.
Depuis les années 70/80 du siècle dernier, ma copine et moi avons voyagé, si possible hors période de vacances, dans des régions peu peuplées et accessibles à nos finances (pas d’avion, pas de camping car…) y compris dans notre propre région. Fuyant viscéralement les rencontres non locales, nous étions cependant systématiquement abordés puis encombrés par des touristes français venant nous conseiller de « faire » tel ou tel circuit, que nous nous empressions de fuir. Nous avions alors dénommé ce comportement « la glutinite ».
Les voyages forment la jeunesse, ouvrent l’esprit et patati et patata, on connait tous ces lieux communs.
Le tourisme c’est FAIRE. Faire du tourisme ! De la même façon qu’on se FAIT un p’tit week-end à Rome, ou un p’tit shoping, qu’on fait du ski, du jet-ski, un saut en parachute ou à l’élastique, un p’tit restau, un ciné, des tas de nanas et Jean Passe… aujourd’hui je peux me FAIRE un pays en 15 jours. Je le rajoute à mon palmarès. Tout ça parce que je le veau bien !
Et tout ça fait marcher le commerce, fait vivre (dit-on) des tas de gens et de régions, participe à la sacro-sainte Croissance et blablabla, bref là aussi on connait la chanson.
Le tourisme ça pue, ça pollue et ça rend con, le tourisme c’est pour les blaireaux. C’est pour ça qu’on a inventé l’«éco-tourisme».
Pour ceux qui ne peuvent rester sans rien faire, notamment quand ils sont en vacances, je leur propose de FAIRE la sieste. Pas besoin d’aller bien loin pour ça.
D’un côté Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du voyage (syndicat des voyagistes et tour-opérateurs) : « On a l’impression que c’est un gros mot ; mais le droit au voyage, c’est une conquête sociale ! » De l’autre la tourismophobie, nécessaire antidote du sur-tourisme industriel.
Quelles perspectives ? Le moyen le plus dirigiste est de contingenter les destinations touristiques, mais sur quel critères ? Le moyen le plus facile de lutter contre le tourisme de masse, c’est de le rendre plus cher et donc plus inégalitaire. Le meilleur moyen mais le plus difficile est un changement culturel qui nous fera apprécier notre environnement de proximité sans aller plus loin que là où nos propres pas peuvent nous porter.