Post-covid, remplaçons le PIB par le BNB

En 2008 et 2009, années du précédent plongeon de la croissance, Nicolas Sarkozy avait chargé une commission, dite « Stiglitz-Sen », de redéfinir des indicateurs de progrès « au-delà du PIB » (produit intérieur brut). Votée à l’unanimité en 2015, une loi « visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques » n’est plus appliquée, et ne l’a d’ailleurs jamais vraiment été. La croissance du PIB reste l’objectif premier des décideurs, elle doit se poursuivre coûte que coûte pour subvenir non seulement aux besoins sociaux individuels et collectifs mais aussi résoudre les problèmes écologiques. Or on sait depuis la fin des années 1960 que le « gâteau du PIB à partager » devient, en grossissant, de plus en plus toxique pour la vie, le climat, la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau, des mers et des sols. Qu’il ne contribue plus au bien-être à partir d’un niveau de richesse économique par habitant correspondant à celui qui était le nôtre il y a un demi- siècle. Qu’il s’est accompagné de l’explosion des inégalités mondiales. Qu’il met le travail sous pression en lui faisant perdre son sens et en provoquant des maladies professionnelles physiques et psychiques.

Pourtant il n’y a aucun besoin de croissance pour améliorer le pouvoir de vivre, pour réduire les inégalités, pour créer des emplois. Le contexte de la crise sanitaire actuelle fait resurgir des questionnements sur « ce qui compte vraiment ». L’alternative à la société thermo-industrielle est simple, c’est une juste répartition des richesses associée à de nouvelles priorités mettant l’utile et les biens communs au-dessus du futile et de l’accumulation privée. Cela implique de se donner d’autres indicateurs comme guides. (résumé d’une tribune de FAIR, Forum pour d’autres indicateurs de richesse)*

Le PIB est un fourre-tout trompeur. Un homme qui épouse sa femme de ménage fait chuter le PIB et diminuer les rentrée fiscales, un accident de la route augmente le PIB, cela fait travailler les garagistes et les pompes funèbres, les dépenses publicitaires boostent le PIB, mais cela nous agace fortement. Si tout se passe bien, nous abandonnerons progressivement l’indicateur PIB (produit intérieur brut), spécialisé dans l’accumulation économique, pour se fier à de nouveaux indicateurs de richesse durable. L’idée de « développement durable » n’opérait guère de saut conceptuel car il assimilait croissance et développement. On peut aussi aller beaucoup plus loin que l’IDH (indicateur de développement humain). L’indice final de performance environnementale en 2010 n’a pas eu beaucoup de succès. L’IBED (indicateur de bien-être véritable) peut être défini comme la somme [consommation marchande des ménages + services du travail domestique + dépenses publiques non défensives + formation de capital productif (investissement)] moins [dépenses privées défensives + coûts des dégradations de l’environnement + dépréciation du capital naturel]. L’empreinte écologique garde aujourd’hui toute sa pertinence. Pour l’instant les « indicateurs d’écologie appliquée » sont multiples et non utilisés par les gouvernants. Le BNB (Bonheur national brut) n’a toujours pas remplacé le PNB (produit national brut). Le tsunami financier de 2008-2009 n’était qu’un épiphénomène, les crises découlent surtout de notre désaccord économique avec les règles de reproduction inhérentes au vivant. L’épisode Covid-19 nous empêche actuellement de concevoir une société post-croissance tellement nous sommes hypnotisés par la sacralisation médicalisée de la vie humaine. Mais au fur et à mesure de l’approfondissement des crises écologiques, la prise en compte de l’économie biophysique deviendra essentielle. Pour en savoir plus grâce à notre réseau de documentation des écologistes :

2016, Faut-il attendre la croissance ? de Florence Jany-Catrice et Dominique Méda

2010 Adieu à la croissance (bien vivre dans un monde solidaire) de Jean Gadrey

2005 Les nouveaux indicateurs de richesse de Gadrey et Jany-Catrice

livre synthèse : une utopie pour 2050

* https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/15/l-urgence-sanitaire-n-a-pas-fait-oublier-l-urgence-ecologique-et-climatique_6039773_3232.html

12 réflexions sur “Post-covid, remplaçons le PIB par le BNB”

  1. L’économie et tous les indicateurs inventés sont complétement bidons ! Les indicateurs dont le Pib mais bien d’autres, ont été inventés par des parasites ! On ne gagne pas sa vie en fonction de l’effort, de la performance et le travail, ni même de son savoir faire, ça fait belles lurette qu’on n’est plus dans une économie d’échange… Mais on est dans un système dit économique, qui consiste à capter la monnaie ! Et comme je l’ai dit plus bas, l’argent permet d’acheter le temps des autres, le temps de travail des autres….

    REGARDEZ, des ouvriers qui bâtissent plusieurs maisons, ne gagnent pas de salaire suffisant pour s’acheter une maison ou alors très difficilement… Alors que ce sont ces ouvriers qui fournissent les efforts pour les bâtir… Et en parallèle des chanteurs, des traders, des footballers, des politiciens peuvent gagner de quoi s’acheter plusieurs grandes baraques, des immeubles à faire louer, des piscines, des voitures de luxe, etc et tout ça en spéculant, en faisant de la chansonnette ou en jouant sur un terrain de football…. ou encore en mentant…. Mais il y en a plein d’autres qui gagnent plein de flouze sans effort, les publicitaires, les banquiers par le crédit, etc

    Bref, ce ne sont pas ceux qui produisent les richesses qui ont les moyens de s’acheter ce qu’ils produisent, à quelques rares exceptions…

    1. L’économie ce n’est pas bidon du tout, c’est même très sérieux, c’est d’ailleurs un des piliers essentiels de toutes les sociétés humaines. Après c’est comme pour les politiques, il y a des bonnes et des mauvaises. En fait il y a mille façons de gérer. De gérer son stress, sa colère, son pognon, son temps, son couple etc. Et bien sûr sa maison, son environnement, sa planète (économie = gestion de la maison).
      Comment pourrions-nous bien gérer quelque chose sans bien le connaître ? (écologie = connaissance de la maison). Comment pourrions-nous bien gérer quelque chose sans tenir compte du réel et des lois de la nature ?
      Une telle économie ne peut évidemment durer qu’un temps. C’est donc ce qui arrive à notre sacro-sainte Economie de Marché (Capitalisme), qui va devoir trouver de nouveaux artifices pour durer encore un petit peu, en attendant.

      1. L’économie saine a été pervertie, c’est ça que je veux dire… Mais le système économique actuel est complétement bidon ! Aujourd’hui c’est un système parasitocratique qui n’a plus rien à voir avec l’effort et la performance dans un système d’échange, c’est un système qui consiste à capter la monnaie.

  2. Didier Barthès pointe ce «besoin incroyable de tout mesurer». Mesurer donne en effet l’impression de maîtriser, ce qui répond probablement à une certaine angoisse. Or tout ça n’est qu’illusion. De nos jours on mesure tout et n’importe quoi, et bien souvent n’importe comment. Comme la beauté, avec les Miss, l’intelligence, avec le Qi, etc. Toutefois certaines choses résistent encore à la mesure, comme la douleur. On aura toujours des durs à cuire et des chochottes, la douleur reste quelque chose de subjectif. Mais qu’à cela ne tienne les scientifiques tiennent absolument à la mesurer, on n’arrête pas le Progrès.
    Et il en est de même du bonheur. Cela fait des lustres qu’on essaie de le définir, de savoir s’il est le but de la vie humaine, ou pas. Maintenant il nous faut pouvoir le mesurer, et même en faire un indicateur. L’indicateur suprême, le BNB, qui viendra détrôner le sacro-saint PIB. Juste un certain temps, probablement. Mais en quoi cet indicateur changerait-il notre vision du monde ?
    Aujourd’hui ce sont les chiffres de la consommation qui servent à mesurer «le moral des ménages». Du moral au bonheur il n’y a qu’un pas, ou deux je ne sais plus. En tous cas consommer est aujourd’hui le signe que le moral est bon, que tout va bien dans la tête. Souchon déplore qu’ «on nous fait croire que le bonheur c’est d’avoir, des avoirs plein les armoires». C’est vrai, ça pourrait être aussi des putes et du pinard plein les plumards. En attendant je me demande toujours ce que veut dire vivre d’amour et d’eau fraîche.
    Le Bouthan a expérimenté le BNB, il l’a même exporté. Qu’est-ce qu’il a gagné avec ça ? Le BNB fait son bonhomme de chemin, en France et ailleurs. Parions que le Système saura très bien l’accommoder à sa sauce libérale.

    1. «  »On aura toujours des durs à cuire et des chochottes, la douleur reste quelque chose de subjectif. «  »

      Non la douleur est bien objective puisque réelle, car la douleur n’est pas une opinion mais un ressenti.

      1. Non la douleur est bien subjective, à moins qu’aujourdhui «subjectif» veuille dire le contraire de ce que disent tous les dictionnaires.

        1. Il y a quand même des graduations objectives, si on te plante un couteau t’a mal et même très mal….

          Ceux qui apprennent à se battre, étudient les points là où ça fait mal, très mal ou très peu mal… En fonction de l’endroit où tu tapes tu sais très bien si tu feras plus ou moins mal… Si on te frappe du pied une fois sur les fesses et une fois sur les bijoux de famille, je pense que tout le monde sera d’accord de savoir là où tu auras le plus mal…

  3. Didier BARTHES

    On voit bien que le problème est celui de la signification de la mesure, l’une des raisons du succès du PIB est qu’il s’exprime facilement en un seul chiffre, une seule dimension : l’argent. c’est très pauvre (sic) mais c’est facile.
    Cette simplicité est un atout considérable, ni le bonheur,ni la résilience, ni grand chose d’autre qui touche l’humain n’offre cette facilité.
    Mais le fait que certaines choses échappent par nature à une mesure rigoureuse n’empêche pas d’agir. Quand on simplifie la vie des gens, ce qui est la dernière des préoccupations de tous les gouvernements qui ne cessent de contraindre et de tout compliquer on a pas besoin de l’exprimer en chiffres. Tenez, si comme avant, on pouvait prendre le train sans réserver, garder son billet pour le train suivant si on l’a loupé, ce serait tout simple, bénéfique, mais non mesurable. au lieu de ça on a fait tout le contraire, et une bonne partie de l’activité de la société consiste à mesurer et à gérer.

    L’explosion du secteur tertiaire n’en est que l’expression, ça ne rajoute guère de « richesse » supplémentaire, au contraire. Nous serions plus « riches  » si nous ne passions pas notre temps à tout évaluer, dans les entreprises les cadres passent plus de temps à faire du « reporting », à faire de beaux tableaux excel qu’à réfléchir aux actions et à décider. Quand on fait du sport, on a tous des compteurs (podomètre, cardiofréquencemètre, compteur kilométrique. ..) bref un besoin incroyable de tout mesurer, peut-être est-ce une réponse à l’angoisse, en mesurant on a l’impression de maîtriser, c’est une illusion, la mesure est parfois nécessaire, elle est néanmoins très différente de la maîtrise, un peu comme la carte l’est du territoire.

  4. Rappporterre

    Scénario 2035 de sortie de crise : La première condition est de réformer nos outils de mesure structurés autour du dogme de la croissance du PIB. Les décideurs publics et privés ont élaboré un nouvel indicateur pour orienter leurs choix tout en intégrant les risques : l’« indice de résilience ». Conçu par un panel interdisciplinaire regroupant biologistes, climatologues, écologistes, sociologues, gestionnaires et experts en géopolitique, cet « indice de résilience » mesure l’exposition des économies et sociétés aux risques de l’anthropocène. Anticipant des crises sur les ressources, entreprises et Etat ont réorganisé l’économie autour de principes circulaires, visant la sobriété et l’économie de la ressource. Des secteurs entiers se sont transformés : la possession d’une voiture particulière est devenue trop coûteuse pour la plupart des ménages. Désormais, la norme est la location et la mutualisation. La création de boucles technologiques locales a promu de nouveaux emplois liés à l’entretien, la réparation des objets, le reconditionnement et le recyclage des matières premières et des produits.
    Le marché ne valorise que la rareté des ressources, pas leur préservation, et encore moins leur restauration. Cette différence est fondamentale : lorsqu’une ressource massivement exploitée devient rare, c’est que son niveau de dégradation est très avancé.

    1. En quoi cet «indice de résilience» changerait-il quelque chose ? Nous avons déjà une foultitude d’indicateurs de ce genre : empreinte carbone, empreinte écologique, nombre de planètes, nombre d’équivalents esclaves (voir Jancovici), jour du dépassement, horloge de l’Apocalypse etc. Nous en voyons les limites.
      Le marché ne valorise pas seulement la rareté des ressources, ou la rareté tout court, il valorise TOUT. Tout et n’importe quoi ! Le temps (c’est de l’argent), les vies humaines et la mort (assurances, business des fossoyeurs), la vie tout court (brevets sur le vivant), la tonne de CO2 (droit à polluer), les déchets en tous genres (les nucléaires ont tout simplement une valeur négative, comme le Baril il y a quelques jours), le bien-être et le bonheur (parce que je le veau bien) etc. etc.
      Tout se doit d’être traduit en chiffres, d’avoir une valeur et d’être assujetti au sacro-saint Marché. Demain le litre d’air pur, un coucher de soleil, un arc en ciel et même le rire d’un enfant seront côtés en bourse.

      1. «  »Le temps (c’est de l’argent) » »

        La vérité étant que c’est l’inverse, l’argent permet de se procurer le temps des autres.

        1. La vérité, c’est qu’il faut prendre le temps de réfléchir pour avoir une chance de comprendre que l’argent ne permet pas d’obtenir n’importe quoi.

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