Compte-rendu d’une conférence organisée par le journal La Tribune à Cordes sur Ciel le 1er juillet 2023 (université d’été des acteurs engagés pour les territoires et la transition écologique), « Pour sauver la planète, faites des bébés » !
La même phrase avait déjà été énoncée par l’économiste libéral Nicolas Bouzou en 2020 :
Le président de séance et directeur du journal La Tribune, Jean-Christophe Tortora, informe en préambule que l’annonce de cette thématique avait entraîné des remous, si ce n’est des rejets, mais que l’ouverture d’esprit doit prévaloir.
L’intervention de Michel Sourrouille
J’ai présenté cette affirmation, »Pour sauver la planète, faites des bébés », à des personnes diverses, les réactions sont unanimes : « C’est contradictoire… c’est absurde ». La meilleure des réponses a même été un grand éclat de rire. Il est vrai que si on décortique cette phrase, soit on veut sauver la planète et on fait moins d’enfants, c’est par exemple le choix de ceux et celles qui se font stériliser pour des raisons écologiques… soit on fait plus de bébés et on accentue la dégradation de la planète, car un nouveau-né de plus, surtout s’il consomme à l’occidentale, émettra au cours de son existence beaucoup de gaz à effet de serre, beaucoup trop. Alors pourquoi cet oxymore, cette façon de poser une opposition dans la même expression ?
C’est une façon bien médiatisée d’embrouiller les citoyens par ceux qui ne veulent rien changer au système croissanciste et qui énoncent des illusions: développement durable, croissance verte, moteur propre, etc. C’est aussi un livre de Frédéric Spinhirny et Nathanaël Wallenhorst, « Vous voulez sauver la planète ? Faites des gosses ! ». Le contenu de ce livre repose sur trois biais cognitifs, d’abord l’anthropocentrisme, placer l’humain à part et au-dessus de toutes les autres formes de vie : pour eux « une planète sans humains n’aurait aucun sens ». Aucune considération du bio-centrisme ou de l’éco-centrisme. Ensuite on récite la vulgate anti-malthusienne classique selon laquelle il faut agir sur notre niveau de vie et certainement pas sur notre nombre. Comme si l’impact écologique d’une activité humaine n’était pas nécessairement le multiplicateur de l’activité par le nombre de personnes qui l’exercent. Enfin on trouve une pensée magique, la religion de l’innovation : « chaque enfant est une promesse de nouveauté, il a le pouvoir de renverser un système mortifère ».
Les deux autres co-intervenants, que ce soit Emmanuelle DUEZ (The Boson Project) ou Nicolas BOUZOU, n’aborderont jamais la thématique à traiter, à savoir la dégradation de la planète. Emmanuelle place la liberté absolue de la femme dans ses choix de procréation et n’en dira pas plus. Nicolas s’attachera aussi au fantasme de la liberté, jusqu’à faire l’éloge de la PMA (procréation médicalement assistée) pour les lesbiennes en couple. Il faudrait « construire des familles basées sur l’amour ». L’humain reste pour lui la plus exceptionnelle et la plus précieuse des ressources terrestres qui saura saisir les opportunités nouvelles. Il n’a pas lu le livre récent de Frank Aggeri, « L’innovation, mais pourquoi faire », il ne le lira pas !
On m’a laissé quelques instants pour conclure. Du point de vue historique, je suis né en 1947 dans un monde de « seulement » 2,3 milliards d’humains. En 1974, nous étions déjà 4 milliards et on s’inquiétait alors de notre surnombre, que ce soit avec le rapport de 1972 sur les limites de la croissance démographique ou avec le présidentiable écolo et malthusien René Dumont en 1974. Aujourd’hui le passage aux 8 milliards est passé dans l’indifférence, on s’attache au problème du vieillissement (même en Chine) sans s’arrêter sur le fait qu’il s’agit d’une pyramide de Ponzi démographique. Ces 11 dernières années nous avons augmenté d’un milliard de plus, c’est à la foi invivable et ingérable. Au niveau de la liberté, il faut toujours considérer que c’est une liberté sous conditions de viabilité de la planète. Dans le choix de procréation, il y a une double composante, l’intime et la liberté individuelle d’un côté, l’intérêt collectif et le poids du nombre de l’autre. Une société n’est véritablement démocratique que si les citoyens sont suffisamment éclairés à la fois des contraintes biophysiques et de leur responsabilité individuelle. Comment articuler les deux de façon acceptable est une question complexe que notre système éducatif ignore complètement.
Je voulais aussi présenter quelques chiffres significatifs, on ne m’en a pas laissé le temps, les voici. Il y a quelques 12 000 ans en Europe Il y avait environ 300 000 chasseurs-cueilleurs, nous sommes passés rien que dans l’Union européenne à 448 millions. La moyenne mondiale en termes de densité est de 60 hab./km², l’UE arrive à 114 hab./km² (France 123, Royaume Uni 277, Pays Bas 518…). Or 100 hab./km², c’est un carré de 100 mètres de côté pour satisfaire absolument tous les besoins d’un seul individu tout en laissant une place nécessaire à la biodiversité. C’est impossible ! Ce petit carré donne une image parlante du fait qu’il y a surpopulation du continent européen, sachant que notre niveau de vie procède aussi de l’accaparement des richesses naturelles de l’ensemble du globe.
Post-scritptum : Le mensuel La décroissance, en avril 2023, titrait en Une, « Faites des bébés, pas la guerre ». En page 3, on condamnait « La pensée stérile des no kid », ce qui est vraiment dégueulasse par rapport à tous ceux et celles qui se refusent à faire un enfant pour des raisons d’altruisme écologique. On donnait la parole à deux « philosophes », Frédéric Spinhirny et Nathanaël Wallenhorst, co-auteurs d’un manifeste « Vous voulez sauver la planète ? Faites des gosses ! »
Après des années de silence absolu sur la question démographique de la part du mensuel « La décroissance », cette approche est plus que « décalée », elle est réactionnaire et met l’écologie « humaniste » du côté de Nicolas Bouzou. Le mensuel de Vincent Cheynet fait même une interview de Fabrice Hadjadj qui avait publié en 2022: « Encore un enfant. Une diatribe ». Pour résumer sa position, cette phrase : « La fécondité advient toujours à l’intérieur de l’aventure particulière d’une homme et d’une femme, c’est pourquoi je suis hostile à tout contrôle… » On oublie complètement qu’un niveau de densité n’est durable que s’il se préoccupe des limites de la planète.
– « Le mensuel La décroissance, en avril 2023 […] En page 3, on condamnait « La pensée stérile des no kid », ce qui est vraiment dégueulasse [etc. etc.] »
Mais oui on le sait combien pèse l’ «altruisme écologique» chez les no-kid, et puis on le sait que le journal de la joie de vivre refuse de faire de la pub pour le sinistre pasteur.
C’est comme ce râteau que s’est pris dernièrement ce pauvre Michel Sourrouille lorsqu’il s’est vu refusé la participation au Festival de la décroissance fin juillet 2023 à Saint Maixent près de Niort. Bref, tout ça c’est vraiment dégueulasse ! C’est même honteux, ingérable, invivable, pas durable et patati et patata. Misère misère !
Mais alors, il devrait être super content notre brave curé bouffeur de curés vu qu’il a pu enfin affronter ce coquin de Nicolas Bouzou et la belle Emmanuelle. Oh pas longtemps certes, à peine une petite demi-heure pour «débattre» sur un sujet aussi lourd. ( à suivre )
Ben non, vu qu’il n’a pas pu leur «démontrer» et leur faire comprendre ce que pèsent les 8 milliards notre pauvre incompris n’est pas content :
– « Je voulais aussi présenter quelques chiffres significatifs, on ne m’en a pas laissé le temps… »
Ben oui il n’y avait pas que les bébés au menu. (Voir le programme de cette journée du samedi 1er juillet à Cordes-sur-Ciel). Fallait donc bien parler aussi un peu d’art et de démocratie avant de passer à l’apéro. Ce qui fait que notre brave curé n’aura pas pu raconter son histoire du carré de tant de côté pour leur faire comprendre combien c’est invivable, ingérable et blablabla. Comment les con verdir dans ces conditions, hein ?
Et comment leur faire réciter la fameuse prière ?
Ben oui, comme je le comprends ! Eh oui le temps, le timing, le temps de parole, le quota et le over quota. C’est con quand même, hein ?
En attendant, c’est peut-être dégueulasse mais c’est comme ça. 🙂