La procréation médicalement assistée ne serait pas entrée dans les mœurs si les médias n’avaient pas cultivé le sensationnel pour booster l’audimat. Prenons le débat sur la fécondation in vitro dans la presse canadienne :
« Dans le débat sur les nouvelles techniques de reproduction on fait généralement état du point de vue des comités d’éthique, des commissions d’enquête et des gouvernements. Le rôle joué par les médias est souvent négligé. Or il détermine tous les autres points de vue. Comment ne pas voir se profiler, à travers la vitrine de tels titres, des mutations anthropologiques sans précédent : « L’élevage de fœtus pourrait devenir réalité dans un proche avenir »… « Enceinte de douze enfants »… « Naissance des premiers quintuplés in vitro »… « Un jumeau de rechange au congélateur ! »… « L’homme pourrait bientôt mettre des enfants au monde »… « Une Romaine accouche du fils de sa mère »… « Naissance « vierge » en G.B. »… « Enceinte de ses petits-enfants »…etc. Incroyable amalgame de « nouveautés » techniques, de dérives, de délires, de transgressions enrobées de l’aura de prouesses biomédicales
Comment est-il possible de ne pas réagir ? Simplement parce que, distillés à petites doses sur des années, ces titres ont martelé l’inconscient collectif au point de nous faire trouver quasi « normal » que la science « soit bientôt en mesure de choisir le sexe du bébé ». Pour donner une réalité aux fantasmes, il faut rendre pensable l’impensable. Bref, il faut légitimer par la répétition… Une pratique ordinaire qui occulte les débats de fond. Une analyse de la presse québécoise de 1988 à 1993 indique que près des deux tiers des articles sur la PMA sont consacrés à l’événementiel : premiers quintuplés en FIV, première grand-mère porteuse, etc. Près de 50 % des articles ne sont que des dépêches d’agences de presse. Bref, aucun journaliste n’a pu suivre régulièrement et assidûment le dossier de la PMA. Ces technologies, modifiant l’être humain et sa conception, devraient constituer des questions de société fondamentales et demandent une information rigoureuse mettant en relief les incertitudes, questionnant les prémisses et les dérives de ces technologies. Mais les médias québécois restent dans le « fait divers », sans prendre la pleine mesure ni de l’ampleur des mutations en cours, ni de leur responsabilité sociale à cet égard.
Les médias semblent convertis au tout économique, sous l’influence de l’industrie du vivant sous toutes ses formes. L’absence de sens critique à l’égard du bio-pouvoir aboutit en fait à servir certaines stratégies publicitaires… »*