publicité pour Nutella = disparition des orang-outan

Géo, le « mensuel de la nature », a réussi l’exploit de publier une pub pour Nutella, symbole de la consommation d’huile de palme, juste avant un reportage photo poignant sur l’orang-outan, « dont l’habitat se réduit sous l’effet de la déforestation, liée à l’exploitation de l’huile de palme ». Un lecteur s’en est ému, le rédac chef de « Géo » lui a répondu : « Comme vous, je suis attaché au respect de la liberté d’expression… Les annonceurs sont libres de présenter leur produits au consommateur… Le consommateur de son côté est libre d’acheter le produit ou pas. » Quant aux journaux incapables de refuser une pub, ils décrochent la palme de la liberté ! (Le Canard enchaîné du 16 mai 2018)

Allons plus loin. Le fondement constitutionnel de la liberté d’expression en France repose sur l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789  : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Le Constituant entendait favoriser un débat d’idées. Il ne visait explicitement que la libre communication « des pensées et des opinions », certainement pas des informations ordinaires et encore moins de la publicité commerciale qui n’existait pas à l’époque. La publicité n’a nullement pour objectif de transmettre des idées mais plutôt de faire vendre des produits. Elle a donc plutôt pour fondement la liberté d’entreprendre ou la liberté du commerce et de l’industrie, des libertés dont la portée est susceptible de limitations dans l’intérêt général. D’une façon générale « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas autrui » est-il écrit à l’article 4 de la Déclaration de 1789, laquelle précise, dans son article 5, que la loi peut défendre les « actions nuisibles à la société ». Or, l’affichage publicitaire porte fréquemment atteinte à des droits fondamentaux et en premier lieu à la conception libérale de la liberté d’expression. La liberté d’expression apparaît, en effet, comme la liberté de celui qui s’exprime, qui parle, qui écrit… mais on ne saurait oublier qu’elle doit être totalement conciliée avec la liberté de celui qui est susceptible de recevoir le message. Nul ne peut être contraint, sauf abus, d’entendre, de lire, de voir un message contre son gré. C’est ainsi que l’a d’ailleurs lue le Conseil constitutionnel dans sa très célèbre décision des 10-11 octobre 1984 sur les entreprises de presse. Il estime que « l’objectif de la libre communication des pensées et des opinions est que les lecteurs soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché  ». Le juge constitutionnel donne, en cas de conflit, la préférence à la liberté du receveur sur celle de l’émetteur. La liberté d’expression ne saurait en aucun cas se confondre avec une quelconque liberté d’agression. La liberté de recevoir ne peut qu’aller de pair avec une liberté de ne pas recevoir. D’autant plus quand il s’agit d’une publicité qui concourt à la disparition d’un de nos cousins proches tout en favorisant l’obésité.

D’un point de vue économique, il faut rappeler le mécanisme de la filière inversée. Le consommateur de Nutella est pris dans un étau social qui l’oblige à céder aux sirènes du matraquage publicitaire. Dans la théorie libérale du marché, le consommateur est le décideur, votant par ses achats de ce qu’il faut produire et distribuer. En fait il s’agit d’un consommateur manipulé, aliéné, étranger à ce qu’il devrait être. C’est Galbraith qui parlait de filière inversée. Dans un système de publicité de masse, ce n’est plus le consommateur qui dicte ses choix aux entreprises, ce sont les entreprises qui incitent les gens à « aimer » leurs produits. L’entreprises Nutella modèle les désirs des grands et des petits, l’idée du consommateur-roi est un mythe. L’enfant bourré au Nutella n’a aucun droit à la « liberté d’expression » et les parents font généralement ce que l’enfant « décide ». Si tu veux agir contre la publicité, incite tes proches à ne pas manger de Nutella et adhère au R.A.P., résistance à l’agression publicitaire.

4 réflexions sur “publicité pour Nutella = disparition des orang-outan”

  1. Il manque à cet article une catégorie de consommateurs, créée par la société de consommation pour… consommer. L’adulescent, qui par une sorte de néoténie mentale conserve les envies du Ça, tout en n’atteignant jamais le stade de la conscience de son environnement. Généralement adorateur de la pâte aux noisettes.

  2. Séverine Fontan

    La cupidité, tare ontologique de l’être humain, corrompt tout.

  3. Géo n’est pas le premier avec ce genre d’exploits, le plus triste (ou rigolo, c’est au choix) c’est que ça passe pratiquement inaperçu. Les esprits étant tellement embrumés on ne trouve déjà rien à redire au fait qu’un journal se disant écolo ou se prétendant anti-système soit rempli de pubs. Les écolos ou les révolutionnaires de papier diront alors qu’ils sont attachés à la liberté et patati et patata, et rajouteront qu’ils ont absolument besoin des annonceurs pour vivre (hi han !) Comme on sait l’argent se mange (miam miam !), en tous cas il n’a pas d’odeur (snif snif !) Ne soyons donc pas étonnés le jour où le hasard s’amuse à nous mettre la pub pour cette onctueuse pâte à tartiner juste à côté de nos chers orangs dégoûtants.

    Mais plus généralement, la publicité n’a pas comme seule finalité de faire vendre des produits. Elle vise avant tout à inculquer des idées, à formater les esprits de ceux qui font tourner le Système, à soumettre leurs esprits.
    « La soumission des esprits par la propagande publicitaire est l’objectif de la guerre de l’information à l’échelle mondiale. » (J-C Besson-Girard – Decrescendo cantabile- 2005- page 79)
    La publicité fait partie intégrante de la propagande du Système. Elle diffuse en continu ces quelques idées (Ga Bu Zo Meu ) qui colonisent les quatre neurones de ces tristes (ou rigolos, au choix) Shadoks qui ne savent rien faire d’autre que pomper.

    Ga : Une certaine idée très réductrice de la liberté. La liberté de choisir entre 100 marques de lessives, entre la peste et le choléra, de dire ce qu’on veut ou presque (La dictature c’est “ferme ta gueule” ; la démocratie c’est “cause toujours” !)
    Mu : La compétition, la guerre, le meilleur synonyme de bien-être (Pour votre bien être exigez le meilleur !)
    Zo : L’idée qu’il n’y a pas de limite (Lavazza toujours plus de saveur !)
    Meu : L’individualisme, le mérite (Parce que je le veau bien !)

  4. Géo n’est pas le premier avec ce genre d’exploits, le plus triste (ou rigolo, c’est au choix) c’est que ça passe pratiquement inaperçu. Les esprits étant tellement embrumés on ne trouve déjà rien à redire au fait qu’un journal se disant écolo ou se prétendant anti-système soit rempli de pubs. Les écolos ou les révolutionnaires de papier diront alors qu’ils sont attachés à la liberté et patati et patata, et rajouteront qu’ils ont absolument besoin des annonceurs pour vivre (hi han !) Comme on sait l’argent se mange (miam miam !), en tous cas il n’a pas d’odeur (snif snif !) Ne soyons donc pas étonnés le jour où le hasard s’amuse à nous mettre la pub pour cette onctueuse pâte à tartiner juste à côté de nos chers orangs dégoûtants.

    Mais plus généralement, la publicité n’a pas comme seule finalité de faire vendre des produits. Elle vise avant tout à inculquer des idées, à formater les esprits de ceux qui font tourner le Système, à soumettre leurs esprits.
    « La soumission des esprits par la propagande publicitaire est l’objectif de la guerre de l’information à l’échelle mondiale. » (J-C Besson-Girard – Decrescendo cantabile- 2005- page 79)
    La publicité fait partie intégrante de la propagande du Système. Elle diffuse en continu ces quelques idées (Ga Bu Zo Meu ) qui colonisent les quatre neurones de ces tristes (ou rigolos, au choix) Shadoks qui ne savent rien faire d’autre que pomper.

    Ga : Une certaine idée très réductrice de la liberté. La liberté de choisir entre 100 marques de lessives, entre la peste et le choléra, de dire ce qu’on veut ou presque (La dictature c’est “ferme ta gueule” ; la démocratie c’est “cause toujours” !)
    Mu : La compétition, la guerre, le meilleur synonyme de bien-être (Pour votre bien être exigez le meilleur !)
    Zo : L’idée qu’il n’y a pas de limite (Lavazza toujours plus de saveur !)
    Meu : L’individualisme, le mérite (Parce que je le veau bien !)

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