De la part d’un correspondant de ce blog biosphere.
Michel Sourrouille, seul intervenant lors d’une conférence-débat organisée par l’université populaire de Sud-charente sur les réfugiés climatique (14 septembre 2023)
Climat, réchauffement et démographie
Introduction
Encore faut-il se mettre d’accord sur les termes du débat. Pas de climato-sceptiques dans la salle ? Très bien, on peut avancer plus vite. La cause du réchauffement est humaine, nos émissions de gaz à effet de serre dépassent les capacités naturelles de recyclage. Nous allons donc connaître au niveau planétaire une augmentation moyenne supérieure à 2°C, d’où à la fois désertification, inondations, incendies et afflux de réfugiés de l’intérieur des terres. Après une hausse moyenne de 20 cm au XXe siècle, les océans devraient encore s’élever de 30 cm d’ici à 2050 quoi qu’on fasse et de 26 à 86 cm à l’horizon 2100 par rapport à la moyenne 1986-2005. Les bords de mer en difficulté vont donc accroître le flot des migrants. L’espace se réduit pour accueillir l’humanité. Mais on ne fait (presque) rien pour lutter contre le réchauffement climatique.
Pas de nataliste dans la salle ? Il est vrai que nous avons dépassé fin novembre 2022 le chiffre de 8 milliards (pour 1 milliard en 1800 et 4 en 1974). La planète est déjà saturée de bipèdes, la surpopulation est généralisée. Or entre 2008 et 2014, les catastrophes naturelles avaient déjà déplacé 166 millions de personnes, soit en moyenne chaque année 27,5 millions. Près de 216 millions de personnes pourraient être obligées de quitter leur foyer d’ici à 2050 à cause du réchauffement climatique. Si on ne fait rien politiquement pour maîtriser la croissance démographique, par contre on fait tout pour maîtriser les flux migratoires. Voici le contexte général.
Je traiterai dans un premier temps l’état actuel du droit international pour aborder ensuite les réalités contemporaines.
1) le débat juridique
L’enjeu n’est pas mince car le statut de réfugié implique des droits. Or définir les migrants environnementaux comme réfugiés est problématique : ils ne sont pas protégées par la convention de Genève de 1951 qui garantit seulement une protection aux personnes « craignant avec raison d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ». Les sans terre ne sont pas considérés comme forcés à migrer… sauf dans les cas où c’est le pays même qui est amené à disparaître comme c’est le cas de certains États insulaires. Un réfugié climatique, ça n’existe pas ! Exemple du procès intenté par Ioane Teitiota : il habitait dans les îles Kiribati (océan pacifique)– dont les plus hauts reliefs affleurent à trois mètres. Son pays connaît la salinisation des eaux, les pollutions, les destructions des récoltes, des inondations fréquentes, l’érosion des terres, des conflits entre communautés. Pourtant Teitiota, réfugié en Nlle Zélande, n’a pas obtenu le statut de premier réfugié climatique de la planète !
– Jugement en première instance en 2013 : Ioane Teitiota devrait être expulsé vers son pays. S’en tenant à la convention de Genève de 1951, la Nouvelle Zélande a fait valoir que personne ne menaçait sa vie s’il retournait chez lui. (LE MONDE géopolitique du 24 octobre 2013).
– Décision de la Cour suprême néo-zélandaise en 2015 : Ioane Teitiota n’a toujours pas obtenu le statut de réfugié climatique. Si la plus haute juridiction du pays a reconnu que les Kiribati étaient « incontestablement confrontées à des défis » climatiques, elle a également estimé que « M. Teitiota ne courait pas de “grave danger” » dans son pays natal. « Aucun élément matériel n’indique que le gouvernement des Kiribati manque à son devoir de protéger sa population des effets de la dégradation environnementale, dans la limite de ses moyens. » (Le Monde.fr avec AFP | 21.07.2015)
– Avis du comité des droits de l’homme – organe des Nations unies composé de 18 experts indépendants en charge de vérifier l’application du pacte relatif aux droits civils et politiques –, rendu public le 21 janvier 2020. Quatre ans pour statuer sur le cas de M. Teitiota. Il a rejeté la demande du plaignant, en faisant valoir que les îles Kiribati avaient pris des mesures pour lutter contre la montée des eaux avec la construction d’une soixantaine de digues !!!
Notons pour conclure la duplicité du droit, on trouve dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Il manque l’obligation pour tout État d’accepter l’entrée des étrangers !
2) le débat idéologique entre cosmopolites et nationalistes
– Cosmopolites, une espèce en voie de disparition
Une certaine gauche a une vision idyllique des migrations. La commission dénommée de façon partiale « immigration » (et non « migrations) d’EELV est vouée à l’accueil illimité des immigrants, dire le contraire est interdit en son sein. Un professeur de droit public, François Julien-Laferrière a inventé cette fable : « 2080. La Camargue a disparu sous les eaux… Aigues-Mortes est redevenue un port… Imaginez que ce scénario du futur ne soit pas totalement invraisemblable, ne doit-il pas nous conduire à être davantage accueillants envers ceux qui frappent aujourd’hui à nos portes ? » Ce manque de réalisme invalide l’argumentation.
– Nationalistes, de plus en plus nombreux
Kaare Dybvad Bek, social-démocrate et ministre danois de l’immigration (et de l’intégration) : « Tous les partis de centre droit ou de centre gauche devraient traiter le sujet de l’immigration pour être sûrs qu’on garde le contrôle… En 2022, près d’un million de demandes d’asile ont été déposées dans l’Union européenne (UE), le rythme s’accélérant encore cette année…. ». Il a salué en l’Autriche « [son] partenaire le plus ancien dans cette bataille européenne pour changer le système européen d’asile, qui est dysfonctionnel».
Comme on le voit, l’appel à la fermeture des frontières n’est pas l’apanage de l’extrême droite.
3) perspectives
Harald Welzer prévoit le pire : « Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes des réfugiés. » [Les guerres du climat d’Harald Welzer (Gallimard, 2009)]
C’est le cas aujourd’hui. Les bandes armées font la loi au au Nigeria. Des raids pour le vol de bétail sont mené sans relâche, les paysans doivent même s’acquitter d’une « taxe sur la vie ». Bien entendu le réchauffement climatique n’est pas directement responsable de cet état de fait, mais la densité démographique accroît les problèmes géopolitiques. Le Nigeria, 38 millions de Nigérians en 1950, 190 millions en 2018, 220 millions aujourd’hui.. et l’ONU en prévoit 410 millions d’ici à 2050, et encore le double en 2100. La densité était déjà de 215 habitants au km/2 en 2018 et 872 hab./km2 est prévisible en 2100. Où placer des réfugiés dans ce contexte ? En France ?
4) les pratiques actuelles / migrants
Les tensions s’exacerbent et la chasse aux immigrés est ouverte. Human Rights Watch accuse les gardes-frontières saoudiens d’avoir tué des centaines de migrants. En février 2023, le chef de l’État tunisien Kaïs Saïed dénonçait les « hordes de migrants » dont la présence serait le fruit d’un complot « pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie ». C’est la théorie du grand remplacement dans un discours de dirigeant ! La crise économique est invoquées pour expliquer le racisme systémique et le déchaînement contre les Subsahariens. Depuis le 4 juillet, Tunis conduit des campagnes massives d’arrestation et d’expulsion de migrants depuis la ville de Sfax vers les pays limitrophes. Ils sont abandonnés dans des zones désertiques, sans eau ni nourriture.
Médias et politiques fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient. La journaliste du MONDE, Sophie Landrin : « Les 200 millions d’habitants du delta du Gange vont bientôt compter parmi les premiers réfugiés climatiques indiens. La grande migration a déjà commencé. Mais pour aller où ? »
CONCLUSION
Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste. La catastrophe, on l’a bien cherchée. Elle était annoncée dès le rapport au club de Rome de 1972 sur les limites de la croissance. Mais au lieu de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, nous consommons en moyenne 2 litres de pétrole par jour et par personne. Les eaux vont continuer de monter et la planète de brûler… Quant à la démographie dont l’inertie est telle qu’il faudrait avoir agi beaucoup plus tôt, presque personne n’explique que 8 milliards c’est trop et qu’il n’y plus de place pour des migrants quels qu’ils soient, sauf parqués dans des camps de réfugiés.
J’en arrive à penser que je ne milite pas pour les temps présents, mais pour l’avenir des générations futures. Vous aussi vous pouvez vous engager, par exemple en adhérent à l’association Démographie Responsable… ou par votre choix personnel et éclairé de fécondité. Et si j’étais un politique en situation de pouvoir, je dirai comme Yves Cochet que bientôt la tâche principale sera, tant faire se peut, de diminuer le nombre de morts face à des crises écologiques qui deviennent extrêmes.
Notre société se base à l’heure actuelle sur nos facultés d’adaptation pour affronter les périls à venir. Il est vrai que lors du pic de la dernière glaciation, il y a environ 21 000 ans, le niveau des océans était 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui. Mais nous étions beaucoup beaucoup moins nombreux !
Post scriptum : à mon grand étonnement, les interpellations du public après la conférence n’ont pas porté sur l’incapacité d’accueillir des réfugiés climatiques, mais sur ce qu’on peut dire de la démographie … ou plutôt ce qu’il ne faudrait pas dire !
– « Michel Sourrouille, seul intervenant lors d’une conférence-débat [etc.]»
–> Une conférence-débat est une réunion de discussion entre plusieurs personnes.
Une conférence où il n’y en a qu’un qui parle, appelons ça une messe. Ou un prêche, un cours magistral, un one-man-show si vous préférez. Ceci dit il arrive parfois que certains curés, professeurs ou comiques, permettent à leur public de participer. Ne serait-ce qu’en applaudissant, ou en sifflant, voire en balançant n’importe quoi.
– « Pas de climato-sceptiques dans la salle ? Très bien, on peut avancer plus vite.»
–>Très bien, je suis d’accord. Mais ce n’est pas pour autant qu’ON avancera plus vite.
Et puis avancer, OK… mais pour aller où ?
( à suivre )
Peu importe. Comme disait Christophe Colomb, «On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où l’on va.» Et comme disait le Professeur Shadoko, «Quand on ne sait pas où l’on va, il faut y aller… Et le plus vite possible.»
Bref, le plus important c’est que tout le monde soit sur la même longueur d’onde.
Justement, de ce côté là ça tombe bien. ON va donc pouvoir avancer.
Vers où ON s’en fout, ON l’a déjà dit dit, ON va pas rabâcher !
– « Pas de nataliste dans la salle ? Il est vrai que nous avons dépassé fin novembre 2022 le chiffre de 8 milliards [et patati et patata] »
–> Vu que si ON n’est pas malthusien c’est qu’ON est nataliste… ben oui… s’il n’y en a pas un seul dans la salle, même pas un tout petit, alors ça veut dire que TOUTES les ouailles sont malthusiennes. Et alors c’est formidable !
Toutefois, en lisant le PS… j’ai comme un doute.
Quoi qu’il en soit, nous voilà encore bien avancés. 🙂