Rwanda, surpopulation malgré le génocide

Entre le 7 avril et le 17 juillet 1994, 800 000 hommes, femmes et enfants ont été exterminés au Rwanda. Mais les causes premières de ce génocide ne sont pas souvent mises en évidence. Les Cahiers du MONDE par exemple envisagent une explication, la confrontation ethnique, Hutu contre Tutsi. On a désigné désigné explicitement ce qui est le « nous » et ce qui est « les autres ». Il y a aussi la responsabilité de La radio des Mille collines : « Que demain aucun cafard ne passe les barrières. Si vous en attrapez un, massacrez-le après avoir tiré sur vos joints. » Quand les autres deviennent des cafards et que la drogue obscurcit les cerveaux, il est vrai que le déchaînement collectif n’a plus de frein. Encore faut-il compter sur la passivité du plus grand nombre. L’attitude des puissances colonisatrices, en particulier la France, n’est pas non plus au-dessus de tout soupçon. Ni l’atmosphère de guerre civile. Mais il est extraordinaire que LE MONDE ne présente jamais une raison fondamentale, la surpopulation.

Pourtant Jean Dorst  regrettait déjà en 1965 que le Rwanda ait une densité de 126 hab/km² . LE MONDE aurait du nous dire que la densité au Rwanda avait atteint 760 personnes au km2 en 1990, à la veille des massacres. Jared Diamond explicitait ainsi les causes profondes du massacre rwandais en 1994 : « La population rwandaise a augmenté à un taux moyen de plus de 3 % l’an (doublement en moins de 24 ans). Le développement économique du Rwanda fut stoppé par la sécheresse et l’accumulation de problèmes environnementaux. Le pourcentage de la population consommant moins de 1600 calories par jour (niveau en dessous de celui de la famine) était de 9 % en 1982, 40 % en 1990. D’où le génocide en 1994. Il n’est pas rare, depuis, d’entendre des Rwandais soutenir qu’une guerre était nécessaire pour diminuer une population en excès et pour la ramener au niveau des ressources en terre disponibles. » Il est prévu une densité autour de 1 000 hab/km² en 2050, soit 10 habitants par hectare. Dix personnes qui doivent satisfaire tous leurs besoins dans un carré de seulement 100 mètres de côté tout en laissant un peu de place aux autres espèces et à la nature sauvage… Impossible !

Le poids du surnombre est donc une réalité. Le nombre de Rwandais était de 4,8 millions en 1978 et déjà 8,1 millions en 2002 malgré le génocide des Tutsis. Nous arrivons à 13,3 millions en 2022 et 20 millions sont prévus en 2050. Le taux de fécondité a baissé, soit 6,1 enfants par femme en 2005 et 3,6 en 2022. Mais trois habitants sur cinq ont moins de 25 ans et l’âge moyen de la population est de 19 ans, ce qui laisse présager une croissance démographique future. Le taux de croissance de la population est encore de 2,4 %, soit un doublement en 30 ans seulement. Le Rwanda se classe toujours parmi les 20 pays les plus pauvres du monde en PIB par habitant, et 40 % de sa population vit toujours sous le seuil de pauvreté. Les trois quarts de la population vivent de l’agriculture, il ne reste pratiquement plus aucune terre en friche. Au Rwanda, le taux de malnutrition chronique chez l’enfant avoisinait les 38 % en 2018. Le pays doit déjà importer des denrées alimentaires

Pour faire face à la croissance démographique, le président Paul Kagame, élu et réélu depuis mars 2000, mise sur la croissance économique. Avec une croissance de 7,5 % par an, le Rwanda fait figure de virtuose économique en Afrique. Kagame imagine un Rwanda où l’agriculture sera strictement planifiée, où les quartiers informels laisseront la place à des immeubles modernes et où la capitale Kigali sera devenue un lieu incontournable des conférences internationales et de l’économie de service. Cette « vision 2050 » ne tolère aucune opposition, or c’est un modèle non adapté. Le choix technologique fait au détriment des travailleurs de la terre pour valoriser les start-up de la « Kigali Innovation City ». La langue officielle du pays n’est plus le français, mais l’anglais. Le gouvernement a su flatter le monde anglophone et les bailleurs internationaux pour obtenir des investissements conséquents. Les bailleurs de fonds, qui financent 40 % du budget du pays, croient à la stabilité politique, considèrent un indice de corruption relativement bas et un taux de scolarisation de 98 %.

Mais en 2008, l’État a engagé une réforme agraire du type agro-industrie. Alors que traditionnellement les paysans rwandais semaient dans les mêmes champs plusieurs cultures, afin d’avoir des provisions de sécurité, le gouvernement a souhaité maximiser la productivité en imposant un modèle de monoculture. Pendant près de dix ans, cette révolution verte, organisée et contrôlée par le Bureau de l’agriculture rwandais, avec le soutien de la Banque mondiale, a fait décoller le rendement des terres et doublé par exemple la production de maïs. Les exportations rwandaises ont quadruplé entre 2007 et 2016. Pour s’assurer que chaque cultivateur se concentre sur une seule et même denrée, l’État rwandais leur a fourni des semences et des fertilisants chimiques, comme il a fait planer sur eux la menace de l’expropriation en cas de refus. Mais les paysans se sont rendu compte que la semence de maïs n’était pas adaptée aux sols. Certains fertilisants ont appauvri les sols. Lorsqu’on cultive une seule denrée, dans une région soumise à des variations climatiques difficiles, c’est le risque de famine.

La surpopulation du Rwanda est aussi la cause principale, avec l’exploitation minière, de l’instabilité depuis des dizaines d’années dans la République Démocratique du Congo (RDC), plus particulièrement au Nord Kivu. Les paysans rwandais s’installent en grand nombre en RDC et s’opposent aux populations locales, moins bien armées et organisées, mais qui de leur côté engagent de milices. Les gangsters impliqués dans ces trafics profitent aussi de la contrebande de minerais avec la RDC ce qui arrange les utilisateurs finaux de ces matières premières en faisant baisser les prix. Les humains préfèrent s’entre-tuer plutôt que réfléchir, cela va plus vite…

Les médias en France qui ignorent le facteur démographique ont aussi leur part de responsabilité. Revenons au journal LE MONDE qui titre le 5 décembre 2023 : « Le Royaume-Uni signe un nouveau traité avec le Rwanda pour durcir sa politique migratoire ». L’accord initial prévoyait que les demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni en small boats soient transférés au Rwanda, où leurs demandes d’asiles étaient ensuite évaluées. On sous-traite la question migratoire dans un pays pauvre comme on le faisait pour le traitement des déchets dangereux au Bangladesh. Or quelques livres sterling donnés par l’Angleterre pour s’occuper de ses immigrés, c’est une goutte d’eau dans un océan de difficultés de tous ordres au Rwanda.

Ce pays ne peut sortir de ses problèmes structurels sans un planning familial performant. Sinon, comme l’écrivait Malthus, guerres, famine et épidémies feront l’ajustement entre les possibilités du territoire rwandais et la population qui s’y trouve.

En savoir plus sur la surpopulation

Alerte surpopulation, le combat de Démographie Responsable (2022)

Surpopulation… Mythe ou réalité ? (2023)

Un panorama des pays surpeuplés,

Surpopulation généralisée dans tous les pays

Pour lutter contre la surpopulation,

https://www.demographie-responsable.fr/

11 réflexions sur “Rwanda, surpopulation malgré le génocide”

  1. Notre croissance démographique sous-tend à peu près chacun des problèmes que nous avons infligés à la planète et à nous-mêmes. Il ne faut pas faire dire à cette phrase que la surpopulation est la seule cause des malheurs du monde.
    Et si on affirme que « la cause première du génocide au Rwanda n’est rien d’autre que la haine entre Hutus et Tutsis, ce qui n’a rien à voir avec leur nombre (dixit Michel C.)», on s’avance un peu trop vite.

    La haine au niveau ethnique peut avoir de multiples causes, un matraquage médiatique comme au Rwanda, des conflits de pouvoirs, etc. mais juifs et arabes ou hutu et tutsi peuvent vivre en harmonie tant qu’on n’a par fait ressentir que « l’autre » est de trop. ET le « trop » va souvent avec le surnombre ou l’impression subjective que nous avons de son poids.

    1. Quand je dis que la haine des «autres» n’a que faire de leur nombre, je pense à tous ces «autres» (queer etc.) qui ne pèsent pas bien lourd dans la balance et que certains feraient brûler. Comme vous dites, le « trop » va souvent avec le surnombre ou l’impression que nous avons de son poids. En effet, c’est là quelque chose de purement subjectif, qui ne repose sur rien de raisonnable. La preuve, aux yeux de certains, même s’il est tout seul l’«autre» sera toujours de trop.

  2. Concernant le concept de surpopulation, les politiques et journalistes ne veulent pas en entendre parler.
    L’argument est «  ce n’est pas l’urgence, il n’est pas utile d’en parler, on verra plus tard »
    Le terme de surpopulation est associé au rejet des autres alors que dénoncer la surpopulation, c’est se préoccuper de l’humain et de son avenir, de son bien-être et de son environnement, sa place dans l’écosystème et c’est se préoccuper de la nature, du vivant, de la biodiversité, que des sujets positifs.

    1. Le concept de surpopulation a une histoire (voir Wikipédia), et une définition qui vaut ce qu’elle vaut. En écologie (science) la surpopulation est liée à la capacité de charge, elle-même sujette à débats (des vrais bien sûr), notamment pour les populations humaines. Ce qui fait que certains évitent ou refusent d’employer le mot «surpopulation». ON peut alors les qualifier de tous les noms, ce qui ne fait rien avancer au contraire.
      L’argument « ce n’est pas l’urgence, il n’est pas utile d’en parler, on verra plus tard » ne me semble pas être celui que j’entends le plus. J’aurais plutôt tendance à dire que c’est « par qui ON commence ? ». Argument ou «argument» qui veut seulement dire que ces discours et «débats» ne nous avancent finalement à rien. De bon en tous cas. Quant à se préoccuper (de la nature, du vivant, de la biodiversité etc.) ça rejoint la question posée le 11 DÉCEMBRE 2023 À 12:58.

  3. Même s’il commence à dater (1947) lire cet article : GUERRE ET POPULATION
    ( persee.fr/doc/pop_0032-4663_1947_num_2_1_1160 )

    Intro : « La guerre est-elle une sorte de régulateur automatique de la population ? L’histoire montre que la guerre est incapable d’alléger de façon sensible la pression démographique des contrées surpeuplées : elle aurait plutôt tendance à aggraver la surpopulation. » (Paul Vincent . 1912-1979)

    1. Le problème de la guerre est directement une conséquence des concurrences envers une ressource devenue inaccessible.
      On croit que c’est pour des idéologies mais ce n’est que la motivation proposée aux gens pour les motiver faire la guerre.
      Ce n’est pas la guerre qui tue le plus, ce sont les maladies et la faim.
      De ce point de vue , la surpopulation crée les conditions pour le développement des maladies et de l’épuisement des ressources pour se nourrir.
      Cela détruit au passage les organismes directement ou par le dérèglement des équilibres écologiques.

  4. Hier au Bangladesh, avant hier au Congo, la Surpop continue son petit tour du monde.
    Hier nous avons vu que même avec un taux de fécondité en dessous de 2 enfants par femme, un pays pouvait encore être en Surpop. Or la Surpop ce n’est pas possible (durable, tenable, gérable etc.) => Il faut faire quelque chose !
    Oui mais quoi ????? Et moi hier 9 DÉCEMBRE 2023 À 19:31 j’ai dit quoi. Et aujourd’hui nous avons la preuve, par a+b, que même Ça ne suffit pas.
    Ou alors il faut (YAKA) aller plus loi, beaucoup plus loin, dans l’Horreur. Maintenant si pour certains c’est Ça la Solution, si c’est Ça qu’ils souhaitent, espèrent, avec une impatience dingue… qu’ils aient au moins le courage de le dire.

    1. Que la (sur)population ne fasse qu’en rajouter aux problèmes, OK. Mais en faire la cause première (ou profonde) des guerres ou des génocides, là je ne suis pas d’accord. Et ce n’est pas parce que Malthus avait prédit ceci et cela, et/ou que Jared Diamond a dit ça, que ça fait de tout ça des vérités scientifiques. Encore moins des réalités, qui ne demandent qu’à être admises, ou alors déniées par quelques imbéciles. Les causes des guerres ne peuvent être réduites à une seule, en l’occurrence la (sur)population.
      Avec les génocides nous atteignons là Summum. La cause première du génocide au Rwanda n’est rien d’autre que cette haine entre Hutus et Tutsis. Or la haine des «autres» n’a rien à voir avec leur nombre, peu importe qu’ils pèsent 1% 50 ou 99%.
      ( à suivre)

      1. Peu importe aussi sa cause première, cette haine a été entretenue aussi bien que négligée par les uns et les autres. Je ne dirais donc jamais assez qu’il faut lutter sans faux semblants contre la haine, et ne surtout pas la banaliser ou s’en accommoder.
        Et puis derrière, comme toujours, le Système. Diviser pour mieux régner, pour mieux s’accaparer telle ou telle ressource, créer des peurs et des dépendances, pour pouvoir vendre toujours plus de ceci ou de cela, des antidépresseurs, du blé, des semences, des pesticides etc. sans oublier les armes. Business as usual.
        N’oublions pas non plus que la famine est une très vieille stratégie (arme) de guerre. Affamer des populations pour mieux les dominer et les assujettir. Ce ne sont donc pas forcément les sécheresses ou autres, ni la Surpop, qui provoquent les famines, et donc les guerres, encore moins les génocides.
        Pour moi c’est clairement du côté de la Connerie Humaine qu’il faut regarder.

  5. Le Rwanda es passé de 8 à 4 enfants pas femme entre 1980 et 2020. Pendant ce temps le Burundi voisin est resté autour de 7 enfants par femme.
    Il est possible d’aider les femmes à contrôler leur descendance.

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