Syndicats-patronat, même combat, anti-écolo. Après un Grenelle-débat il y a deux ans et demain, le parlement a voté le Grenelle I, catalogue de bonnes intentions. Maintenant on repousse à plus tard la mise en musique par un Grenelle II (le moment de légiférer sur les vraies solutions). Car quand on est un élu, il ne faut jamais prendre des décisions qui fâchent avant un rendez-vous électoral ; on verra, après les régionales, peut-être… La démocratie telle qu’elle est instituée est l’ennemi des prises de responsabilité en matière écologique et Borloo vient de s’expliquer sans rire sur ce retard du Grenelle : « En dictature, ce serait plus simple ! » (LeMonde du 23 janvier)
Le problème de nos démocraties, c’est que les personnes qui sont nos représentants raisonnent à court terme puisque la population raisonne à court terme. L’écologie peut amoindrir la compétitivité, le patronat est donc contre l’écologie. Les salariés sont confrontés à une crise de l’emploi, l’écologie peut attendre. Que le grand hamster soit menacé de disparition par la construction d’une autoroute n’a aucune importance, place aux vrais problèmes ! Pourtant l’emploi et la compétitivité ne vont pas peser beaucoup quand le réchauffement climatique pèsera financièrement autant que le rapport Stern le prévoyait (c’est-à-dire comme la crise de 1929). Pourtant l’emploi et la compétitivité ne vont pas peser bien lourd quand le temps de l’énergie bon marché sera révolu (le pic pétrolier, c’est en ce moment-même). Ce n’est pas très « sexy » de tenir ce blog biosphere, et souvent nous aimerions écrire autre chose que ce que nous écrivons. Mais la réalité de bientôt ne sera pas du tout sexy, et il faut savoir affronter la réalité en face.
L’éditorial du Monde estime qu’après le « magie » du Grenelle », le « retour au réel » est revenu. Mais le Grenelle préparait le réel de bientôt-demain, et attendre de réagir aux menaces écologiques, c’est faire en sorte que la réalité de demain soit encore plus sinistre que tout ce qu’on pourrait imaginer. La dictature ? Les inégalités ? Les conflits armés ? L’épuisement total de la biosphère ? Tout cela en même temps ?
« Hypothétiques menaces », pense monsieur Mahéo. L’éditorial du Monde pose la même chose, mais sous forme de question : « Ou bien les dérèglements climatiques constituent une menace majeure, ou bien cela peut attendre. » Dans le premier cas l’éditorial conclut qu’il est légitime et urgent de changer en profondeur les logiques de consommation et de production. Dans le deuxième cas, nous « biosphere » pensons que les menaces, qui ne sont pas seulement climatiques, vont s’amplifier jusqu’à mettre en péril les fondements de la société thermo-industrielle.
L’éditorial du Monde laisse le « volontarisme du président de la république » trancher. Nous pensons que tout le monde est concerné et peut agir à son échelle s’il acquiert le sens des limites (s’il pratique la sobriété).
Comme il est triste, ce billet !
Mais bon, essayer de convaincre un salarié, un chômeur ou un entrepreneur qu’il doit crever dans la misère (la fameuse « sobriété » des écologistes) pour sauver la planète des hypothétiques menaces qui vous obsèdent, ce n’est effectivement pas une partie jouée d’avance.
D’ailleurs, les leaders écolo français le savent bien, qui organisent des comités restreints afin de savoir ce qu’on peut dire aux français, et SURTOUT ce qu’il ne faut pas du tout leur dire. Si Duflot, Cohn-Bendit ou Cochet parlaient franchement de leurs convictions et de leurs projets, ils seraient crucifiés politiquement.
Leur programme, c’est la misère et le sous-développement, ou, dans le politiquement correct écolo, la « sobriété » et « le développement durable ».
Salutations,
Jean-Gabriel Mahéo