Surpopulation en Turquie, 109 hab./km2

Il y a 100 ans, en 1923, naissait la république de Turquie. L’Ined dans un article de Population et société (février 2023) montre que sa population a été multipliée par plus de six en un siècle.

N’est-il pas temps de changer notre regard et donc notre vocabulaire sur les statistiques démographiques ?

Ined : La Turquie, 13 millions d’habitants en 1923, 85 millions en 2020 et probablement 100 millions en 2060.

Biosphere : L’Institut national d’études démographiques n’en tire aucune conclusion quant à la surpopulation avérée de la Turquie. Cela pourrait être considéré comme une position de neutralité par rapport aux chiffres. C’est plutôt un mensonge par omission, une vision tronquée de la réalité. Une évolution exponentielle dans un milieu clos, c’est rapidement invivable et ingérable. Mais les démographes ne s’intéressent qu’aux chiffres alors qu’une vision objective devrait remettre la population d’un pays dans son contexte. La densité est forte, 109 hab./km², pour un territoire assez inhospitalier. Le pays est montagneux, plusieurs volcans culminent de 3000 à 5165 m. L’altitude moyenne de la Turquie est 1132 m au-dessus du niveau de la mer, en France elle est de 342 mètres. Il n’y a que 0,3 hectare de terres arables par personne, les nombres absolus n’indiquent rien sur possibilité ou non de se nourrir de façon autonome.

Ined : Le premier recensement en 1927 décrit une pénurie de jeunes hommes. Cela conduit le gouvernement à adopter des politiques pronatalistes comme l’abaissement de l’âge légal du mariage (15 ans pour les femmes et 16 ans pour les hommes dans le code civil de 1938). La croissance de la population active est considérée comme levier de la croissance économique.

Biosphere : La Turquie est donc rapidement tombé dans le piège de la croissance économique dans un monde fini ! Cette impossibilité majeure n’est jamais énoncée par aucun démographe ou politicien. Pourtant depuis le rapport au club de Rome sur les limites de la croissance (1972), cela devait être un acquis culturel généralisé. Le problème de la Turquie aujourd’hui, c’est comment faire redescendre le nombre d’habitant de 85 millions à 13 millions ?

Ined : Lors du tout premier plan quinquennal (1963-1967), la croissance démo­graphique a été perçue par l’État comme un obstacle au développement économique.

Biosphere : Enfin une prise de conscience ? Rappelons que si le taux de croissance de la population excède le taux de croissance du PIB, il y a diminution du niveau de vie moyen. Le taux de croissance de la population culminait dans les années 1950 à 2,8 %, soit un doublement tous les 25 ans !

Ined : La loi sur la planification de la population de 1965 légalise tous les types de méthodes de contraception (à l’exception de la stérilisation) et autorise les avortements en cas d’urgence médicale. La loi sur la planification démographique de 1983 a légalisé l’avortement et la stérilisation sur demande. L’ISF (indice synthétique de fécondité) est tombé au-dessous de 3 enfants par femme dans les années 1990 pour atteindre 1,7 en 2021. Le taux de croissance de la population est tombé à 1,3 % en 2021 La population totale devrait se stabiliser juste au-dessus de 100 millions vers 2060.

Biosphere : Non seulement un taux de 1,3 % est caractéristique d’une évolution exponentielle, mais il y a inertie démographique, l’augmentation dépend aussi du nombre de jeunes à un moment donné. 85 millions en 2020 et 100 millions en 2060, comment nourrir et faire vire décemment 15 millions de personnes de plus alose que les taux de chômge et d’inflation ne peuvent qu’augmenter étnt donné le contexte structurel d’une planète en voie épuisement ?

Ined : Le chômage a atteint son plus haut niveau dans l’histoire de la république. Le taux d’emploi des femmes stagne autour de 30 % depuis des années. En 2022, 27,1 % des jeunes (15-24 ans) n’étaient ni en études ni en emploi. en 2020.

Biosphere : Le dividende démographique n’est donc pas au rendez-vous. Le « dividende démographique » est une référence pour l’optimisme des démographes et des économistes. Or il n’existe que s’il y a un rapport favorable actifs/personnes à charge dans une population jeune. Non seulement les actifs potentiels se retrouvent souvent chômeurs en Turquie, mais le nombre de personnes à charge augmente avec le vieillissement.

Ined :C’est l’histoire d’une transition démographique d’un pays jeune à un pays vieillissant. Le vieillissement de la population a récemment été mentionné comme préoccupant dans plusieurs documents officiels, du fait que 9,5 % de la population avait plus de 65 ans. La taille de ce groupe d’âges, qui représente en 2020 près de 8 millions, devrait dépasser 27 millions d’ici 2080.

Biosphere : On voit l’ampleur du défi qui attend la Turquie. Mais augmenter le nombre d’enfants pour faire plus d’actifs vingt ans après est une pyramide de Ponzi démographique : plus d’enfants feront plus de retraités, il faudrait donc encore plus d’enfant jusqu’à ce que le système s’écroule. Pourquoi employer le terme de vieillissement de la population, là où il faudrait plutôt évoquer une salutaire inversion démographique ?

Ined : Même si la loi de 1983 est toujours en vigueur, on observe un changement visible des pouvoirs publics quant à la fécondité et l’avortement. Recep Tayyip Erdoğan a fait des déclarations publiques encourageant les couples à avoir au moins trois enfants, les célibataires à se marier, et condamnant également l’avortement à la demande.

Biosphere : Les pouvoirs autocratiques sont natalistes, ils ont une vison simpliste qui passe par la puissance acquise par le nombre d’hommes. N’est-il pas temps d’indiquer que l’accès d’une population de plus en plus nombreuse à un système économique basé sur la consommation de masse et les énergies fossiles n’est pas compatible avec la préservation de notre environnement et le bien-être des humains ?

Ined : En 2012, 77 % de la population turque vivaient dans des zones urbaines (villes et zones périphériques). alors que c’était le cas de 24 % seulement au début du xxe siècle, selon le premier recensement de 1927.

Biosphere : Istanbul 16 millions d’habitants, Ankara 8 millions d’habitants, Antalya près de 3 millions. Rappelons qu’une ville ne produit pas de quoi se nourrir. Toute crise économique, et donc agro-alimentaires, pousse des masses de personnes à manifester dans un climat de violence croissante. C’est ce qui attend la Turquie ainsi qu’un grand nombre d’autres pays surpeuplés et sur-urbanisés. Quant aux catastrophes naturelles, les tremblements de terre qui ont touché la Turquie nous font penser à la controverse entre Voltaire et Rousseau :

catastrophes et responsabilité humaine

L’homme est-il responsable de ses malheurs ? Une controverse célèbre entre Voltaire et Rousseau eut lieu lors d’un raz-de-marée et d’un incendie qui ravagea Lisbonne le 1° novembre 1755. On compta plus de 50 000 victimes. Voltaire se désole de la fatalité et de la cruauté du sort dans un poème sur le désastre de Lisbonne. 

J.J.Rousseau fit à Voltaire cette réponse : « Vous auriez voulu, et qui ne l’eut pas voulu !  que le tremblement se fût fait au fond d’un désert. Mais que signifierait un pareil privilège ? […] Serait-ce à dire que la nature doit être soumise à nos lois ? La plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage. Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul. (Lettre sur la providence)

Que faire ? Agir avec l’association Démographie Responsable

https://www.demographie-responsable.org/

Que lire ? Alerte surpopulation – Le combat de Démographie Responsable

https://www.edilivre.com/alerte-surpopulation-michel-sourrouille.html/

à commander

https://livre.fnac.com/a17437174/Michel-Sourrouille-Alerte-surpopulation

6 réflexions sur “Surpopulation en Turquie, 109 hab./km2”

  1. Il faut se rappeler la formule de Mark Twain : « Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. » Les statistiques démographiques sont plus que des outils d’observation, ils pilotent des objectifs de gouvernement. On peut dire à ce titre que les chiffres « font de la politique ». Ils offrent en effet une liberté d’interprétation extraordinaire.

    Par exemple le chiffre de 8 milliards d’êtres humains au 15 novembre 2022 peut servir à alimenter des discours alarmistes et entraîner des politiques de planning familial. Mais les démographes ont dit qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter : On vante la diminution du taux de croissance mondial, passé de 2 % à 1 %. Or il s’agit toujours d’une évolution exponentielle qui s’applique à une plus grande valeur absolue : nous avons ajouté 1 milliard de personnes entre 2011 et 2022, ce n’est pas rien.

    1. Toutes les prévisions indiquent que nous franchirons le cap des 10 milliards vers 2080. Or les deux milliards d’humains qui vont s’ajouter à la population mondiale feront beaucoup plus de dégâts que les milliards précédents car nous avons déjà utilisé les ressources les plus faciles à atteindre. Dorénavant, il faudra encore plus d’énergie pour produire toujours moins d’énergie. Sans compter le fait qu’il faudrait laisser sous terre une bonne partie des ressources fossiles pour éviter l’emballement climatique. Nous mangeons du pétole, les énergies fossiles servent l’agriculture productiviste. Sans pétrole, la famine sera omniprésente.

      Les démographes auraient donc toutes les raisons de s’inquiéter du pic à 10 milliards de bouches à nourrir. Ils estiment que l’alimentation, ce n’est pas leur problème

      1. – « Les démographes auraient donc toutes les raisons de s’inquiéter du pic à 10 milliards de bouches à nourrir. Ils estiment que l’alimentation, ce n’est pas leur problème »

        D’abord, si, Pierre, Paul et Jacques estiment qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter… pour quelle(s) bonne(s) raison(s) … devraient-ils en rajouter à leurs problèmes ? Et se pourrir ainsi la vie avec ça. En attendant.
        Voir définition de “inquiétude“. (Inquiétude – 2012 – cairn.info )
        On peut aussi lire Sénèque, ça ne peut pas faire de mal.
        Ensuite, pourquoi certaines inquiétudes seraient-elles plus fondées, plus légitimes, plus honorables ou je ne sais quoi, que d’autres ? Comme, par exemple, celles provoquées par certains discours. Ou encore par certaines pentes, dites glissantes.
        Inquiétudes pour les uns, no problem pour les autres…
        Choisis ton problème camarade !

    2. – « On vante la diminution du taux de croissance mondial, passé de 2 % à 1 %.
      Or il s’agit toujours d’une évolution exponentielle [etc.] »
      Jusqu’à quand va t-on nous saouler avec cette fichue exponentielle ?
      Déjà faudrait-il déjà s’entendre sur ce qu’est une exponentielle. Une croissance ou une évolution exponentielle. Et une croissance logistique, une courbe en S , etc.
      Pour ça un bon bouquin de maths devrait largement suffire. À moins bien sûr de penser que Wikipédia raconte des mensonges, lire les pages “Croissance exponentielle“ et “Modèle de Verhulst“.

      Modération à Michel C.
      Vous faites semblant de ne pas comprendre le drame que représente une croissance exponentielle dans un monde fini… et donc la situation catastrophique vers laquelle est engagée la Turquie. Vous semblez vous soucier comme d’une guigne du sort de ce pays et de ses habitants. Nous aimons quand vous faites de l’humour, pas quand vous essayez de noyer le poisson !

  2. Côté gauche, du Ring, le spécialiste des chiffres, Ined. Côté droit le champion du monde des surnombres, Biosphère. Attention rien ne va plus, la Partie va commencer.
    CLAP ! C’est parti ! Ping, Pong, Ping Pong… Ping Pong !
    Le Match est serré, les deux chevaux sont au coude à coude, Ined prend le virage à la corde, Biosphère est dans les cordes :
    – « Quant aux catastrophes naturelles, les tremblements de terre qui ont touché la Turquie nous font penser à la controverse entre Voltaire et Rousseau »
    Mon dieu quel suspens !
    – « si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul. » (Rousseau)
    Si ma tante en avait suce tété pareil ! Allez va, les parties de ping-pong c’est peut-être rigolo mais pour moi c’est l’heure de poser la raquette. De ce pas je m’en vais marcher. Pour sauver les retraites. Et si… j’y allais en raquettes…

    1. Surpopulation par ci, surpopulation par là, surpopulation partout !
      On le sait, Biosphère fait une fixation là dessus. Obsession n’est pas raison.
      Du coup les pas inquiets devraient s’inquiéter. Tremblez braves gens !
      Et les démographes, bien occupés à calculer (prédire) combien nous serons en 2050, en 2100, 2500, devraient, en plus, se préoccuper de calculer combien la Terre peut nourrir de terriens. De français, de turcs, de grolandais etc. Rien à foot que les spécialistes en la matière aient déjà calculé tout ça. Toute façon eux aussi devraient s’inquiéter, au lieu de raconter de mensonges. Bref, le Poumon vous dis-je !
      Sérieusement, quoique, combien la Terre peut-elle supporter d’humains ?
      Les estimations varient de 1 à 1000… (sic). Nous voilà bien avancés !
      Biosphère aimerait que je lui écrive un article… Vu que je suis un peu fainéant je lui refile plutôt ça : La capacité humaine de la Terre (Revue Projet 2017/4 – cairn.info)

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