Naomi Klein vient d’écrire « Tout peut changer. Capitalisme & changement climatique* » Stéphane Foucart s’étonne des compliments de la presse conservatrice anglo-saxonne alors que Naomi n’a rien abandonné de son engagement contre le capitalisme mondialisé et le « fondamentalisme de marché »**.
Il est vrai que Naomi Klein ne fait que rappeler l’évidence. Notre système économique actuel, fondé sur notre capacité à extraire du sous-sol et à brûler des combustibles fossiles, est entré en conflit armé avec le climat terrestre et donc la planète tout entière. Ensuite, que des taxes et des arrangements technologiques à la marge ne suffiront pas à réparer les choses. Enfin, que « tout changer » ne relève pas de la lubie romantique de quelques jeunes contestataires, mais bien d’une question de survie – fût-elle à moyen ou long terme. C’est ce que nous disons sur ce blog biosphere depuis dix ans. Naomi souligne comme nous l’émergence d’un réseau de résistance, ce qu’elle appelle du néologisme «Blocadie» : un territoire «qui ne figure sur aucune carte et constitue une zone mouvante de conflits transnationaux, qui surgit avec une fréquence et une intensité croissantes partout où sont discutés des projets de mines à ciel ouvert, de puits de gaz de schiste et d’oléoducs»… ou d’autres vastes projets qui empiètent sur la nature. Ainsi en France les conflits autour du barrage de Sivens ou de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Naomi Klein souligne cependant un risque réel, l’émergence d’un fascisme d’Etat : « Il y a une vraie menace de voir la situation se dégrader à un tel degré que cela entraînerait des solutions imposées par l’Etat de manière autoritaire, sous forme de mesures d’urgence. La fenêtre temporelle est étroite pour traiter le problème du réchauffement de façon démocratique. » Dans son précédent livre « The Shack Doctrine » (La doctrine du choc), Noami Klein examinait la montée de l’intégrisme du marché dans le monde. Le « capitalisme de catastrophe » comme l’appelle Noami Klein, est un système violent qui justifie le recours à la terreur en cas de choc extrême. La crise asiatique de 1997 a fourni au Fonds monétaire international (FMI) l’occasion de mettre en place des programmes de privatisation de nombreuses entreprises publiques. Le tsunami de décembre 2004 a donné aux autorités srilankaises la possibilité de chasser les pêcheurs du front de mer pour vendre des terrains à des groupes hôteliers. Les attentats du 11 septembre 2001 ont permis à G.W.Bush de lancer une guerre destinée à convertir l’Irak à l’économie de marché. Notons qu’il ne s’agit pas là de fascisme vert, mais bien de totalitarisme capitaliste. Or les dictatures sont très fortes pour éviter de traiter l’urgence écologique : on préfère faire la chasse à des boucs émissaires, la dictature des autres, le terrorisme international, la montée du fondamentalisme religieux, la horde des immigrés, etc.
* Tout peut changer. Capitalisme & changement climatique (Actes Sud, 540 p., 24,80 €)
** LE MONDE culture&idées 18 avril 2015, Naomi Klein, prose combat