Un acharnement thérapeutique contre un bébé prématuré

LE MONDE pose la question : « Qui, de ses parents ou des médecins, peut décider d’arrêter les traitements d’un grand prématuré victime d’une hémorragie cérébrale quelques jours après sa naissance ? »* Est-ce aux médecins de décider quand il y a  « obstination déraisonnable » de leur part. Oui juge la loi Leonetti sur la fin de vie. Un peu court comme justification quand Titouan, né près de quatre mois avant la date du terme, a subi une hémorragie cérébrale de grade IV et encourt de probables séquelles irréversibles. Au-delà de la problématique du MONDE parents/médecins, la néonatologie pose de graves questions politiques. Il y a en effet médicalisation croissante de notre existence qui pose problème.

L’Académie française de médecine avait voté à l’unanimité en 2006 un rapport sur la réanimation des grands prématurés, c’est-à-dire les naissances vivantes concernant des enfants nés à moins de 28 semaines d’aménorrhée ou pesant moins de 1000 grammes. Ce rapport indiquait explicitement que « personne ne remet en question le bénéfice des soins intensifs chez les nouveaux-nés ». Cette unanimité à l’intérieur d’une structure technophile ne peut clore la discussion. En effet les progrès de la prise en charge technicisée ont permis de maintenir en vie des prématurés nés après des gestations de plus en plus courtes. Selon l’Académie encore, il n’est pas acceptable de s’acharner de façon déraisonnable à sauver une vie si les traitements entrepris viennent à être disproportionnés par rapport au bénéfice attendu en termes de durée de vie et de qualité de vie. Mais l’Académie ajoute dans le même temps que rien ne doit freiner la recherche !!! Comprenne qui pourra. Pourquoi pas un jour l’uterus artificiel, l’enfant en couveuse dès l’origine ?

                L’écologie politique doit déterminer les limites de la technique sur une planète dévastée par la technologie. Ce n’est pas simple. Les taux de mortalité chez les grands prématurés restent encore de l’ordre de 25 à 30 % et les séquelles des survivants sont souvent importantes, touchant notamment les fonctions cérébrales de la respiration et de la motricité. Si Titouan survit à sa réanimation, qui s’en occupera, les médecins qui en ont décidé ainsi, les parents qui devront s’en occuper ou les centres pour handicapés mentaux ? Comme le dit un commentateur sur lemonde.fr : « L’acharnement à faire vivre des personnes dont la vie ne sera qu’handicap et souffrances, à en faire supporter le poids à la société pour des coûts que pudiquement on ne publie pas, à mettre sur la place publique des déchirements familiaux est la preuve du déclin définitif de l’humanisme : la médecine samaritainique de la vie n’est pas de la médecine, c’est l’Etat Médical. »

Post-scriptum : La brusque dégradation de l’état de santé du nouveau-né aura finalement tranché le débat éthique. Le CHU a annoncé jeudi 18 septembre qu’un processus de fin de vie avait été engagé avec Titouan…

* LE MONDE du 18 septembre 2014, Conflit entre les parents d’un bébé prématuré et ses médecins

1 réflexion sur “Un acharnement thérapeutique contre un bébé prématuré”

  1. Nous assistons encore une fois, dans ce débat à la chosification de la vie et à la croyance ( des médecins eux-mêmes et du public) en la toute puissance de la technologie médicale. Les hôpitaux, les institutions pour handicapés sont pleins de ces « miraculés » qui traînent une existence misérable et douloureuse et sont un poids terrible pour leur famille et la société . On a sacralisé la survie de la chair au détriment de la Vie et la dignité humaine!

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