Une alternative à une époque de monstres politiques

L’ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour.  Dans cet interrègne surgissent les monstres. (A. Gramsci)

Les dix thèses de Serge Lipietz qui illustrent cette citation sont à connaître. En voici un résumé en 6 parties :

1. La crise actuelle dilue les différence entre les partis productivistes, et radicalise l’opposition entre productivistes et écologistes. Crise du libéralisme mondialisé, elle efface progressivement les différence entre social-démocratie, social-libéralisme et libéralisme, entre le PS et l’UMP ou l’UDI-Modem. Crise du productivisme, elle radicalise progressivement les oppositions entre l’écologie (organisée ou non) et les partis de la gauche ou de la droite classique. La crispation sur l’ancien modèle, de Notre-Dame des Landes à Sivens, nous renvoie au début des années 1970, aux affrontements du Larzac et de Maleville. Mais avec des « socialistes » dans le rôle des Pompidou, Messmer, Giscard et Chirac.

2. Comme dans les années 1930, la victoire de l’extrême droite est dorénavant possible en France comme ailleurs en Europe. Ils peuvent conquérir une assise ouvrière, qui confond antilibéralisme et souverainisme national.

3. L’abandon de la stratégie d’autonomie contractuelle au profit de la « logique des postes » entraîne l’écologie politique dans la chute de la gauche classique. Percevant les élus Verts comme des toutous rongeant les restes que leur concède le PS, les électeurs écologistes « ont jeté à l’eau les épagneuls nains ». Le schéma de la « majorité plurielle » de 1997 autour de Lionel Jospin, où le PS a bénéficié de la poussée culturelle de l’écologie et celle-ci de la poussée politique du PS, ne pourra plus se reproduire avant longtemps.

4. Le naufrage du social-libéralisme ne prive pas la mobilisation écologiste de pouvoir d’agir. L’hégémonie culturelle de l’écologie ne progressera que par l’exemple de sa mise en œuvre partielle, par exemple dans les « villes en transition ». EELV doit redevenir le pole de regroupement des personnes les plus avancées dans l’expérimentation des nouveaux modes de produire et de consommer.

5. Dans la recherche d’alliances contractuelles, seuls comptent les contenus et non les étiquettes. Le recours au critère « droite / gauche » hérité d’un étiquetage archaïque n’a plus grand sens. La présence institutionnelle passe par le retour à la stratégie d’autonomie contractuelle : l’écologie doit retrouver sa pleine autonomie programmatique et électorale. La société et la planète ont besoin des transformations profondes que l’écologie est actuellement la seule à proposer. Dans les élections de 2015, quand les victoires de la droite sont inévitables, la priorité absolue doit être donnée à l’autonomie de l’écologie politique.

6. Le renforcement de l’écologie politique passe par la sortie de l’enfermement partidaire et le retour à une logique de « coopérative ». Il ne s’agit pas seulement de « regrouper les écologistes » (ce qui reste en soi un objectif), mais d’inventer une forme de rassemblement fluide, mieux adaptée que la forme-parti à la dissolution des liens d’appartenance. La recommandation de présenter des listes issues de « fabriques » largement ouverts est excellente. Nous devons promouvoir les personnalités susceptibles d’incarner l’esprit de la coopérative comme Marie-Monique Robin.

Alain Lipietz