Rien n’est simple pour la restauration de la nature aux Etats-Unis. Les séquoias géants sont de majestueux arbres de la Sierra Nevada parfois d’âge canonique, jusqu’à 3 000 ans. Le « Général Sherman » a un tronc de 30 mètres de circonférence pour une hauteur de 84 mètres. Dès 1864, en pleine guerre civile, le gouvernement américain avait décidé de les protéger en attribuant à l’Etat de Californie la souveraineté sur la vallée de Yosemite et la futaie du parc voisin de Sequoia, à la condition qu’elles soient réservées au public au nom du bien collectif, une première planétaire. Le NPS (National Park Service) avait décidé de replanter des jeunes pousses pour remplacer les géants détruits par les terribles incendies de 2020 et 2021. Ce projet contrevient à la définition du Wilderness Act de 1964, la loi sur la nature à l’état sauvage, qui interdit d’introduire des perturbations dans les espaces protégés.
Selon le texte, le wilderness est une zone dans laquelle « l’homme est un visiteur qui ne reste pas », un endroit qui offre « des possibilités extraordinaires de solitude ». Il est interdit, « sauf nécessité absolue », d’interférer dans l’évolution de l’écosystème. Protéger, oui, mais comment ?
Pour la restauration de la nature en Europe, c’est encore plus compliqué
Virginie Malingre : « Plus de 80 % des habitats naturels sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre », et jusqu’à 70 % des sols sont en mauvaise santé. Les États membres et le Parlement européen se sont entendus le 9 octobre 2023 sur un texte qui prévoit la nécessité de restaurer 30 % des surfaces terrestres et marines dégradées d’ici à 2030, puis 60 % d’ici à 2040 et 90 % d’ici à 2050. Le compromis politique ne permet pas d’assurer que les Vingt-Sept atteindront cet objectif – seules des obligations de moyens, pas de résultat, y sont inscrites –. Le président du PPE, et ses alliés populistes et nationalistes exigeaient le retrait pur et simple de ce texte, dont ils affirmaient qu’il mettrait en danger la sécurité alimentaire de l’Union européenne. Au terme d’une bataille homérique au Parlement européen, les eurodéputés avaient finalement adopté un texte largement vidé de sa substance. L’accord d’octobre prévoit même un frein d’urgence qui permettrait de suspendre, pour une durée temporaire et dans des conditions qui restent à préciser, l’application de la loi si la sécurité alimentaire venait à être menacée.
Le point de vue des écologistes naturalistes
Bref, un bel exemple dans l’UE du charabia technocratique qui dit qu’on veut faire quelque chose mais qui préserve en fait les intérêts des exploitants sans scrupule de la nature : chasseurs, pêcheurs, FNSEA, industries polluantes. Merci l’Europe ! Une « Loi » pour protéger la nature ? Certes, mais par rapport à quel niveau de référence ?
Et quid des dispositions concrets permettant d’arrêter efficacement la dégradation de la nature ? On veut « régénérer » tout en continuant à autoriser le chalutage en eau profonde ou la chasse dans les réserves naturelles. Avant de rêver à restaurer ce qui est détruit, on pourrait éviter de le dégrader. Les forêts se meurent parce qu’on les coupe pour faire du bois de chauffage, des champs pour nourrir le bétail et des parkings de drive ; les insectes et les oiseaux meurent à cause des pesticides. Etc, etc.
Pour aller au bout de la démarche il faudrait même se convaincre que la place des humains doit reculer. La natalité devrait baisser et nos autoroutes fermer pour laisse un peu plus de place à la biodiversité.
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John MUIR, précurseur d’une éthique laïque de la Terre
extraits : John Muir (1838-1914) mérite d’être mieux connu. Son père, un psychopathe religieux, força son fils à apprendre par cœur l’intégralité du Nouveau Testament et la plus grande partie de l’Ancien. John était donc bien familiarisé avec la vision biblique du monde ! Il est sorti de la tradition chrétienne en toute connaissance de cause. D’autre part il avait vécu les derniers moments de la conquête du territoire américain par les Blancs et la régression brutale des milieux naturels et de la vie sauvage. Il n’a pas supporté cette perte. Il s’indignait de ce que les forêts ne soient considérées que comme réservoirs de ressources. Il prisait dans la nature l’élévation morale et religieuse qu’elle provoquait : « La route la plus claire dans l’univers passe au plus profond d’une forêt sauvage. »...
JDE (août 2013) : Quelle nature voulons-nous protéger ?
extraits : Les parcs et réserves naturelles ne couvrent que 1 % du territoire. Vouloir protéger ces 1 % n’est certainement pas de l’intégrisme. Plus un territoire est petit, plus la biodiversité est réduite. Je constate aussi que 98 % de la biomasse des vertébrés est constituée de l’espèce humaine et de ses animaux domestiques. Il reste seulement 2 % pour les écureuils et tous les animaux sauvages. Le réjouissant, c’est l’herbe qui repousse sur les trottoirs…
Avons-nous encore besoin de rivières sauvages ?
extraits : A l’origine, des pêcheurs découvrent un coin de nature sauvage qu’ils décrivent comme un paradis à leurs amis : des truites océaniques, dans le Gard, sur la Vis ! C’est bientôt un essaim de pêcheurs qui s’affairent autour du cours d’eau. Les poissons endémiques disparaissent, il faut maintenant faire des lâchers de truites d’élevage. Alors le maire rêve d’une « maison de la Vis » pour éveiller les gens à ce que la nature peut nous apporter sans nécessairement y toucher. Nous en sommes là, nous ne pouvons plus côtoyer la nature sauvage, le wilderness ; nous ne pouvons plus rencontrer qu’un environnement anthropisé. Alors l’homme se retrouve seul, confronté à lui-même, à la violence sociale ou économique.
La nature a besoin de deux choses: de l espace et du temps. Avec ça elle se débrouille très bien. Les espèces les mieux adaptées, faune et flore, s’installent et perdurent en équilibre.
Soyons donc moins nombreux pour lui donner cela et tout ira bien. Si nous ne le faisons pas, aucune norme, aucune loi ne pourra rien pour sauver la nature et la beauté du monde.
Si ce n’est que de ça dont elle a besoin, alors elle est comblée, la nature.
Elle a tout l’espace dont elle peut rêver, jusqu’aux friches, ronciers et autres flaques d’eaux où la vie et la beauté du “sauvage“ foisonnent. Quoi, c’est pas beau une fourmi, une limace et j’en passe ? Et qui sait… peut-être même bien au delà de notre petite planète. Reste à voir si les fourmis et les limaces, terriennes ou martiennes peu importe, sont capables d’apprécier toute cette beauté. Ou cette laideur, peu importe encore.
Quant au temps… n’en parlons pas.
Dans “Avons-nous encore besoin de rivières sauvages ?” Biosphère cite plusieurs articles parus sur le site JNE en juin 2013.
Particulièrement intéressant, celui de Jean-Claude Génot (Nature originale ou nature férale), qui parle de l’écologue britannique Nigel Dudley. Celui-ci dénonce deux mythes.
Le premier est pour moi évident, il n’existe (pratiquement) plus aucune zone sur Terre non influencée par les activités humaines.
– « L’auteur s’attaque ensuite au second mythe selon lequel la naturalité, caractéristique des milieux naturels peu ou pas modifiés, n’est plus de mise. Dudley estime au contraire que la naturalité, plus que jamais, est pertinente en cette période de changements environnementaux, mais a besoin davantage d’interprétation. [etc.] »
(à suivre)
(suite) C’est bien ce que je pense. Les gens en manque de «nature sauvage»… n’ont pas besoin de prendre l’avion pour aller se refaire la cerise à l’autre bout de la planète.
Pas besoin d’aller embrasser le dernier séquoia géant ou les derniers lions ou crocodiles de je ne sais où. En effet, s’ils ont vraiment besoin de «nature sauvage»… ils peuvent toujours assouvir ce besoin tout près de chez eux.
Un terrain vague, une friche, un roncier, une mare, voire une flaque d’eau… fourmillent de vie et de «nature sauvage». Une bonne paires de lunettes, mieux une loupe, voire un microscope, c’est largement suffisant pour faire le plein de «nature sauvage».
Comme je dis, à chacun sa came. 😉
– « Protéger, oui, mais comment ? » (Biosphère)
Autrement dit : « Laisser des espaces à la nature… sauvage… sans activités, voire sans aucune présence humaine… part d’un bon sentiment. Seulement que fait-ON, par exemple, en cas d’incendie ? D’origine naturelle bien entendu. ON laisse tout brûler ? »
( 18 JUILLET 2024 À 09:46 “L’ ASPAS et les Réserves de Vie Sauvage” )
– « Je ne connais pas de parcs naturels où l’homme ne soit pas obligé d’intervenir pour maintenir un certain équilibre. Celui qui lui va bien, évidemment. »
( 13 OCTOBRE 2020 À 12:11 : “ASPAS, protection de la nature sauvage”)
Et encore… le débat (ou le problème) ne portait là que sur une toute petite réserve.
Alors pensez donc si ON se met à discuter (blablater) pour savoir COMMENT protéger, restaurer (?), régénérer (??)… la nature. Afin bien sûr de la sauver, la nature !
Et comme ON ne veut pas faire les choses qu’à moitié, ON parle là de la nature dans son ensemble SVP ! Et comme à chacun sa merde, laissons les Ricains avec la (les) leur(s), et occupons-nous de sauver Dame Nature en Europe. ( à suivre)
(suite) Alors là, pensez donc… entre les chasseurs, pêcheurs, FNSEA, industries polluantes (sic), sans oublier les bûcherons, bergers, randonneurs et j’en passe.
Ni bien sûr nos fumeux écologistes naturalistes (sic) qui eux savent mieux que tous les autres le YAKA du COMMENT. Alors là c’est sûr, ça va être compliqué.
Très très compliqué ! Ne serait-ce déjà que pour accorder les violons.
La «nature sauvage» ? Mais nom de dieu qu’est-ce que ça veut dire ? En tous cas pour moi c’est très très loin d’être d’une simplicité… biblique. 😉
– Le Wilderness, une manière de voir et d’être à la nature sauvage : le prisme paysager de Tremblant, Québec
( Cahiers de géographie du Québec – 2009 – erudit.org )