Quand Bolsonaro est arrivé au pouvoir, il disait que les cavaleries brésiliennes auraient dû faire comme aux Etats-Unis pour en finir avec les indigènes. Dès le premier jour de son mandat, le président Bolsonaro a placé la démarcation des terres indigènes sous la tutelle du ministère de l’agriculture, les livrant ainsi à l’agrobusiness. Un projet de loi remettant en jeu les droits des indigènes a été déposé en février 2020 alors que la Constitution brésilienne rend ces terres « inaliénables et indisponibles . En deux ans, Le gouvernement Bolsonaro a mis en place la violations des droits constitutionnels des indigènes, le démantèlement des agences gouvernementales de protection de l’environnement, l’autorisation de pesticides toxiques… Pendant ce temps, la forêt amazonienne brûle.
Le cacique Raoni Metuktire accuse Jair Bolsonaro de crimes contre l’humanité : meurtres, extermination ou mise en esclavage, transferts forcés dess population autochtones de l’Amazonie : « Le Blanc n’a pas l’air de comprendre que si les indigènes veulent préserver l’eau et la terre, ce n’est pas seulement pour eux, mais c’est pour préserver la vie en général, celle des générations futures. » Sa plainte a été déposée le 22 janvier 2021 devant la CPI (Cour pénale internationale) aux Pays-Bas. Le Brésil a ratifié le traité de la CPI en 2002, lui donnant ainsi compétence pour enquêter sur les crimes commis sur son territoire et par ses ressortissants. Deux réactions sur lemonde.fr :
BCG : Cela interroge tant sur le destin commun des habitants de la planète que sur le droit des États : à force de considérer la foret amazonienne comme nécessaire à tous, beaucoup réagissent et pensent comme si elle appartenait à tous, zappant ainsi le droit le plus élémentaire d’un État à s’organiser et se gérer en autonomie.
Michel SOURROUILLE @ BCG : La question de fond c’est de déterminer à qui appartient la forêt amazonienne. Du point de vue des colonisateurs dont Bolsonaro est un sinistre descendant, la propriété résulte d’un rapport de force, le vol à main armée fait la loi. Du point de vue des autochtones, la forêt appartient à ceux qui en vivent directement sans dilapider le capital naturel. Du point de vue des nationalistes, l’État fait ce qu’il veut de son territoire, il peut en abuser si ça lui chante. Mais du point de vue des générations futures, l’Amazonie, un des pôles de captage du CO2, appartient à tous les peuples de la terre ; sa conservation permet en effet de lutter contre le réchauffement climatique. C’est pourquoi on devrait aussi parler de crime écologique quant aux délires de Bolsonaro. Il fomente un crime contre la Terre-mère, ce droit traditionnel des peuples premiers que nous devrions remettre à l’ordre du jour au niveau international.
Du point de vue des écologistes, on peut transposer l’analyse de Mr Sourrouille à bien d’autres éléments de la nature. Par exemple, à qui appartient le pétrole enseveli depuis des millions d’années sous la terre ? Aux potentats locaux qui n’ont absolument rien fait pour fabriquer le produit de leur sous-sol ? Aux multinationales qui s’engraissent sans risque en distribuant l’or noir ? A l’OPEP qui fixe le prix du baril à sa convenance sur une marché oligopolistique ? Aux conducteurs et conductrices d’automobiles thermiques qui bénéficient d’une essence données gratuitement par la nature et qu’on fournit à si bas prix qu’on peut la gaspiller à son aise. Aux générations futures qui ne trouveront que les vestiges des ressources fossiles ? Ou plus fondamentalement à la Terre-mère qui avait enfoui profondément en son sein ces restes de la vie passé sur Terre pour qu’on ne l’y trouve pas si on avait été raisonnable ! Comme l’exprimait le chef Raoni, « nous pouvons beaucoup vous apprendre sur la façon de vivre en harmonie avec la nature. La nature est comme l’homme, le sol est sa peau, les forêts sont ses cheveux et les rivières sont ses veines. Nous respirons tous un seul air. Nous buvons tous une seule eau. Nous vivons tous sur une seule terre. Nous devons tous la protéger. La sauver, c’est nous sauver nous-mêmes. »
Pour en savoir plus sur Raoni Metuktire grâce à notre blog biosphere :
16 mai 2019, Raoni peut-il encore sauver l’Amazonie ?
17 octobre 2007, Chef Raoni
La quasi-totalité de la population des Amériques est constituée de colons ou de descendants de colons, qui outre les massacres intentionnels ont tué sans forcément le vouloir les populations autochtones par maladies importées, travail forcé et esclavage.
Les survivants ont le droit le plus strict de vivre comme ils l’entendent
La forêt amazonienne est détruite pour laisser place à des cultures mais où est ensuite vendu le soja produit ? En Europe entre autres. Si le marché n’existait pas il n’y aurait pas de juteux bizness.
Alors plutôt qu’une procédure judiciaire interminable agissons pour stopper les importations destinées à l’élevage industriel. Côté occident, le meilleur soutien à apporter est encore de baisser drastiquement notre consommation de viande rouge.
Il n’y a pas que Bolsonaro. Il y aussi Engie (GDF-Suez), Total, Areva et Compagnie. Et derrière il y a nous, les habitants des pays riches, des grandes puissances. Nous et notre mode de vie de petits bourgeois. Nous, qui voudrions sauver le climat, la planète, la forêt amazonienne, les amis de Raoni, les éléphants, les lions, les orangs-outans etc.
– « Ces multinationales européennes qui pillent les ressources des pays du Sud » (Par Audrey Garric le 20 octobre 2010 sur lemonde.fr)
– « GDF SUEZ et Odebrecht prévoient d’inonder 1700 hectares de forêt pour le barrage hydroélectrique de Jirau et de Santo Antônio » (mediapart.fr 28 mai 2013) Ces deux barrages ont été mis en service en 2016.
– ENGIE : REMPORTE UN CONTRAT IMPORTANT AU BRÉSIL (tradingsat.com 23 janvier 2020)
Côtés commentaires : D’un côté nous avons ceux qui semblent soutenir Bolsonaro et de l’autre ceux qui clairement le feraient brûler. Certains insistent sur le fait qu’il a été élu démocratiquement, d’autres pensent que Raoni est manipulé, etc. Jusque là rien de nouveau.
Sabar Paijo (23/01/2021 – 11H41) : «Faut-il qu’un pays ait ratifié le traité de la Cour pénale internationale pour que celle-ci enquête sur les crimes contre l’humanité commis par les autorités de ce pays ? […] Les crimes dont Raoni accuse les autorités brésiliennes et les lobbies de l’agro-business sont aussi ceux des autorités indonésiennes qui ont mis en coupe réglée les forêts de Bornéo, Célèbes, Sumatra et les Moluques [etc.] » (la réponse de Nigma nous éclaire. )
Biosphère : «Un projet de loi remettant en jeu les droits des indigènes a été déposé en février 2020 alors que la Constitution brésilienne rend ces terres inaliénables et indisponibles. »
Mon analyse : Malgré qu’une constitution soit une loi fondamentale nous voyons comment on peut s’en arranger. Nous voyons là les limites des lois, qui s’appliquent avant tout aux petits, aux faibles. Nous voyons les limites des traités, des pactes etc. qui n’engagent même pas ceux qui les signent. Bref nous touchons là les limites des textes et du blabla. Nous voyons par conséquent les limites des grandes institutions et autres grands machins, de la démocratie etc. Nous voyons également qu’il n’y a hélas pas que l’Amazonie et Bolsonaro. Nous devrions clairement voir que c’est toujours pareil, que c’est toujours cette quête de pouvoir qui est la cause d’autant de dégâts.
Avant de dire à qui appartiennent la forêt amazonienne et le pétrole dans le sol, demandons-nous à qui appartiennent les nuages, le vent, la lune, le soleil.
Et méditons la déclaration de Proudhon : «La propriété c’est le vol. »
Bien sûr on ne refera pas l’Histoire, mais il est bon de savoir que les richesses de nombreux pays, comme la France, se sont faites sur le pillage et le vol. Le vol ayant été tout simplement légalisé par les plus forts. N’oublions pas que la valeur centrale de la société capitaliste est le pouvoir par l’accumulation du capital.
Il est bon aussi de savoir que posséder et consommer permettent de montrer aux autres sa puissance, que le besoin de consommer relève aussi du besoin de possession affectif et pas seulement matériel. («Connais-toi toi-même »)
Déjà au niveau individuel, avant de nous considérer comme des propriétaires ou des héritiers, considérons nous plutôt comme des receleurs. Au lieu de penser que notre confort (richesse, puissance, position etc.) est le fruit de notre mérite, considérons nous d’abord comme des chanceux. Bref, décolonisons nos imaginaires !
Rajoutons que les richesses et la puissance de pays comme la France repose encore aujourd’hui sur le pillage et le vol. Par exemple au Brésil avec Engie (anciennement GDF-Suez).
– «GDF SUEZ et Odebrecht prévoient d’inonder 1700 hectares de forêt pour le barrage hydroélectrique de Jirau et de Santo Antônio» (mediapart.fr 28 mai 2013). Ces barrages ont été mis en service en 2016.
– «ENGIE remporte un contrat important au Brésil» (tradingsat.com 23 janvier 2020)
– «Ces multinationales européennes qui pillent les ressources des pays du Sud» ( lemonde.fr publié le 20 octobre 2010)
Il n’y a donc pas que Bolsonaro. Il y a aussi Engie, Total, Areva et Compagnie .