agir sans l’avis des scientifiques

Le principe de prévention est mis en oeuvre sur la base d’expériences théoriques ou pratiques. Le risque est avéré, il peut être démontré par la communauté scientifique. Avec le principe de précaution, le risque est non avéré. Les autorités publiques ont l’obligation d’agir sans que le risque redouté ne puisse être démontré. Le principe de précaution ne se réduit donc pas à une décision d’experts surplombant la population intéressée, mais appelle un processus de participation des personnes concernées. Mais qui est en position de savoir et d’agir ? Surtout quand il s’agit de risques cachés et d’enjeux globaux, organismes génétiquement modifiés, ondes électromagnétiques, nanomatériaux, gestion des déchets nucléaires ultimes… Il ne suffit pas d’écrire : « Le principe de précaution appelle une démarche d’évaluation complexe. »*

Quelle était donc la pratique des gouvernants avant que l’idée de précaution ne voie le jour ? Mettaient-ils en place des politiques de prévention ? Pas du tout, ils attendaient simplement que la catastrophe arrive avant d’agir. Alors que depuis vingt ans nous connaissons parfaitement le risque lié au réchauffement climatique, la vérité consiste à dire que nous n’avons strictement rien fait. Non seulement la peur de la catastrophe à venir n’a aucun effet dissuasif, non seulement la logique économique continue de progresser comme un rouleau compresseur, mais aucun apprentissage n’a eu lieu. Comme l’analyse Jean-Pierre Dupuy**, la première des menaces dépasse la sphère humaine car elle tient à la complexité des écosystèmes. Cette complexité leur donne une extraordinaire et remarquable résilience aux chocs. Mais cela ne vaut que jusqu’à un certain point seulement. Au-delà de certains seuils critiques, ils basculent brusquement vers autre chose, formant d’autres types de systèmes qui peuvent avoir des propriétés fortement indésirables pour l’homme. Les signaux d’alarme ne s’allument que lorsqu’il est trop tard.

En conséquence, le débat démocratique au sujet des nouvelles menaces doit porter sur les limites que les sociétés industrielles vont devoir s’imposer à elles-mêmes. Si nous étions sages puisque précautionneux, nous limiterions notre savoir-faire aux techniques conviviales qui ne risquent pas d’avoir d’effets en chaîne. Cela veut dire supprimer le moteur à combustion à énergie fossile, les OGM, les OEM, les nanotechnologies…

* Robert Delorme, Prévention ou principe de précaution ? Une question insoluble scientifiquement (LeMonde du 24 septembre)

** Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé (quand l’impossible est certain) (Seuil, 2002)

3 réflexions sur “agir sans l’avis des scientifiques”

  1. Ricquet,
    Notre problème, le tien aussi donc, c’est que les crises s’accélèrent, deviennent globales, sont de moins en moins gérables. Faire preuve de fatalisme, donner du temps au temps, c’est la détérioration de la Biosphère assurée. Alors, l’INTERET de l’humanité ne pourra être sauvegardé sans heurts violents.

    Puisque votre âge vous donne de l’expérience, souvenez-vous : en 1938, ceux qui acceptaient de regarder les choses en face apercevaient au-delà des frontières la lueur des torches illuminant les manifestations wagnériennes, ils entendaient les bruits de bottes rythmant les hurlements hystériques du Führer. Tous les autres refusaient de voir et d’entendre. On se souvient de notre réveil en 1940 !

  2. Résumé du message de ce blog : il ne faut écouter ni les scientifiques, ni les politiques, ni les économistes, ni même les écologistes, ni …
    Bref, personne … il faut juste vous écouter vous … !?

    Je parcours de plus en plus de sites à vocation écologiste, développant avec l’âge un sentiment de plus en plus mitigé envers notre mode de vie. Heureusement qu’il y en a d’autres parce que le votre ne donnerait pas envie d’être considéré comme écologiste !!
    L’humanité est imparfaite, progresse en commettant de nombreuses erreurs, mais ne mérite quand même pas, de mon point de vue, d’être décrite inlassablement comme une espèce de maladie se répendant à la surface d’une pauvre entité (la Biosphère, avec un B majuscule comme dans Dieu, Allah, Bouddah, Zeus …) au bord de la désintégration …

    Nous devons apprendre à vivre en harmonie avec notre biotope DANS L’INTERET de l’humanité. Pas à ses dépens !

  3. La technologie moderne constitue sans doute la totalité du problème.

    Pratiquement chacun de nos maux est un effet pervers de quelque technologie chimique ou mécanique. Sans les réfrigérants aux CFC, il n’y aurait pas de trou dans la couche d’ozone. Sans l’usage des combustibles fossiles, il n’y aurait pas de pluies acides ou d’effet de serre. Sans les scies électriques et les bulldozers, il n’y aurait pas de déforestation massive.
    (L’éthique de la terre de John Baird Callicott)

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