La quasi totalité des personnes semblent ignorer que la décroissance surgit périodiquement dans le système libéral de marché, sauf que cela s’appelle crise économique, récession ou même parfois dépression. Des experts ignares, intoxiqués par l’éternelle fuite en avant, osent même parler de « croissance négative » ; quel oxymore ! Le PIB chute, et parfois dans des proportions énormes comme l’a prouvé la grande crise (financière) de 1929. Or les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend…
« Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai crise ultime. Nous n’en souffrons pas encore. Les premières ruptures sérieuses d’approvisionnement du pétrole la déclencheront. Alors on reverra, comme au temps de Suez ou de la guerre du Kippour, un brutal renversement de l’opinion, définitif cette fois. Il ne s’agira pas, comme on le croit et comme les économistes eux-mêmes l’affirment, de surmonter une crise difficile, mais de changer de civilisation. L’humanité devra passer de l’ère d’abondance factice à celle de la pénurie, de l’orgueil insensé à celle de l’humilité. Elle devra répartir des richesses qui, au lieu d’être infinies comme elle le pensait naïvement, lui apparaîtront à l’heure du bilan bien modeste en face de ses besoins. Les pays riches devront réduire leur train de vie, ce qui pour chaque individu représentera une contrainte douloureuse à laquelle il n’est aucunement préparé. » (Vivre sans pétrole de J.A. GREGOIRE – Flammarion, 1979)
Certains comme dans le Clunisois se mobilisent aujourd’hui, mais cela ne sera pas suffisant et cela arrive trop tard.
Audrey Garric : Comment engager la transition écologique sans « braquer les gens » ? Dans le Clunisois, l’ambiance est détendue… jusqu’à ce que l’on évoque l’écologie. « Il faut mettre ça de côté. Ça va trop loin … ici, on a besoin de gros véhicules pour se déplacer… » Exit l’emploi de termes comme écologie ou sobriété. « On n’a pas honte de ces mots, mais on ne voulait pas braquer les gens. Il y a un effet repoussoir d’une écologie caricaturée comme punitive. » Pourtant en 2021 la structure territoriale, composée de quarante et une municipalités, vise rien de moins que la neutralité carbone en 2040 – dix ans avant l’objectif national. Ce qui revient à diviser par cinq l’empreinte carbone des 14 500 habitants, pour passer de 7 tonnes par an et par personne en 2020 à 1,4 tonne en 2040, un défi colossal. De quoi interroger, toutefois, sur la possibilité du Clunisois de tenir ses exigeants objectifs. Même l’installation d’éoliennes a suscité une levée de boucliers.
Le point de vue des écologistes réalistes
Ecotox : On aurait mieux aimé comprendre, chiffres à l’appui, comment on passe de 7 tonnes à 1,4 tonnes de CO2 par an par habitant.
JCM : L’écologie « punitive » est en train de nous tomber sur le râble: canicules et tempêtes de plus en plus fréquentes, pollution plastique, antibiorésistance etc. Tout cela n’est ni une vue de l’esprit ni un décret des « ayatollah verts », juste un constat scientifique répété année après année. Mais tout va bien : tant qu’on reste dans le déni, la situation est désespérée mais c’est pas grave.
Michel Sourrouille : Puisque la pédagogie de la catastrophe est refusée, ce sera la catastrophe qui servira de pédagogie. Puisque la décroissance maîtrisé ne fait pas recette, c’est la décroissance subie qui sera notre lot commun. L’inertie des gens, entretenue par les climato-sceptiques et la plupart des médias ainsi que l’inertie politique cultivée par les dirigeants de l’extrême droite et de la plupart des autres partis, nous préparent des lendemains qui déchantent. Le réchauffement climatique a des effets trop lents pour changer les habitudes comportementales, « on s’adapte », mais le choc pétrolier ultime qui verra le prix du baril exploser fera office de détonateur. Peu de personne ont souvenir du premier choc pétrolier de 1973-1974, dommage. Le croissancisme a gagné, temporairement !
Francis Baque : Autrefois l’épicier était ambulant, cela faisait 1 véhicule, et ne nécessitait pas de parking géant. Mais le progrès est arrivé… avoir une voiture et ne pas pouvoir s’en servir. Impensable aujourd’hui.
Rhamphos : Ce qui me rappelle les Gilets jaunes râlant contre la hausse du prix des carburants ET contre la limitation à 80…
Palencia Domingo : Et pendant ce temps-là, on organise des JO démentiels où des compétiteurs et des spectateurs n’arrivent pas en pédalo, en char à voile ou en vélo, mais en avion, des Jeux où les grands pollueurs et ennemi de la santé (Coca-Cola) tiennent le haut du pavé aux côtés des firmes qui font leur pub (LVMH et autres). La planète, eux ils ne s’en préoccupent pas beaucoup, l’essentiel c’est le bénéfice net. Alors bravo les habitants du clunisois, mais ce n’est pas vos efforts qui empêcheront l’inéluctable : l’invivabilité sur Terre.
En savoir plus grâce à notre blog biosphere
extraits : Jean Albert Grégoire nous avertissait dès 1979 : « Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera.
Le pic pétrolier et le choc qui lui succède
extraits : Le pic pétrolier est ce point de retournement à partir duquel la production de pétrole commence à baisser inéluctablement. Le géologue américain King Hubbert avait annoncé en 1956 que les États-Unis connaîtraient ce pic vers 1970. A l’époque la majorité des experts s’était montrée incrédule. Pourtant le pic de Hubbert a été atteint aux Etats-Unis entre 1971 et 1972. De nos jours, la problématique du réchauffement climatique et de l’extinction de la biodiversité ont occulté la prévision d’une pénurie énergétique à venir faite par l’ASPO. Il faudrait d’urgence réintégrer cette donnée dans nos raisonnements car la pénurie inéluctable de ressources fossiles donnera le signal de la mort de la civilisation thermo-industrielle.
L’addition des énergies mène droit à la crise ultime
extraits : Transition énergétique, un mot valise qui édulcore une sinistre réalité. Jean -Baptiste Fressoz souligne à juste titre que la « transition » devrait s’appeler « crise énergétique » ou « gap énergétique ». Mais dire « transition » plutôt que « crise » rend le futur beaucoup moins anxiogène en l’arrimant à une rationalité planificatrice et gestionnaire. Ainsi va un monde où il ne faut plus culpabiliser les gens, ni parler d’écologie punitive, encore moins de sang, de larmes et de sueurs. La croissance économique s’est transformée en oxymore avec le développement durable , puis en imbécillité avec la croissance verte….
Le système économique est en crise depuis longtemps; en effet il ne tient encore que grâce au crédit dispensé tant aux producteurs qu’aux consommateurs. De plus la concurrence mondiale infernale écrase le prix des marchandises et nous perdons la signification de la valeur réelle des choses. La notion de crise ultime liée à la pénurie de ressources de toutes sortes est un bon concept ou constat. A savoir, au fur et à mesure que les ressources deviennent rares, nos possibilité d’adaptation aux pertes de biodiversité et de climat clément, s’amenuisent dangereusement.
– « Aujourd’hui, l’enjeu est de savoir si nous en sortirons de façon positive en allant vers l’abondance frugale d’un système écosocialiste ou si nous laisserons l’oligarchie imposer une gestion écofasciste de l’austérité. »
(Serge Latouche – LA DÉCROISSANCE, L’HEURISTIQUE DE LA PEUR ET LA PÉDAGOGIE DES CATASTROPHES – 2013 – alternatives-non-violentes.org)
Ce passage renvoie à l’article d’hier de Gilles Lacan (“résilience et protectionnisme”), notamment à mes remarques (À 13:30) sur la notion d’abondance.
Et ici donc, d’«abondance frugale» … Quel oxymore !
Et qui plus est, dans un système éco… socialiste… POUAH ! 🙂
Un article intéressant, enfin moi je trouve, et qui cadre pile poil avec notre sujet :
– Peut-on parler d’écologie sans soûler tout le monde ?
( SERVANE DUQUÉNOIS 6 juillet 2022 – ladn.eu )
Extraits, et/ou résumé :
– « Convaincre les autres de changer leur mode de vie sans leur faire la morale : mission impossible ? La jeune chercheuse Claire Brouwer a quelques conseils pour vous aider à hacker le cerveau de vos interlocuteurs. […] La psychologie comportementale est formelle : secouer comme un prunier votre collègue qui a fait 18 voyages en avion cette année en lui débitant toutes les insultes de votre répertoire ne le fera probablement pas changer.
Cela, on le savait. Mais [etc.]
Ce ne sont pas les écolos qui vous font la morale, c’est vous qui culpabilisez [ !!! ] »
( à suivre )
(suite) « Le tout, selon elle, est de s’adresser à autrui avec compassion plutôt qu’avec jugement. Pas de compromis moral, mais moins de clash et plus d’empathie : tâchez de vous en souvenir la prochaine fois que votre collègue vous racontera son weekend à Bali. »
(fin de citation)
C’est bon je m’en souviendrais. Parce que moi j’y crois, à tout ça. Hacker le cerveau de mes interlocuteurs… j’en rêve ! C’est pour ça que j’use et abuse de compassion, et d’empathie. Notamment avec mon «misère misère», que j’adresse systématiquement aux plus bouchés.
-« Sous le majestueux catalpa, à l’ombre de l’église romane, l’heure est à la fête. On danse au son de l’accordéon, on sirote des bières brassées sur place, on claque la bise, hèle les copains, les voisins. […] Les habitants du cru se mélangent à quelques touristes, les générations aussi. L’ambiance est détendue…» (Audrey Garric)
Que rêver de mieux ? Elle est pas belle la vie, dans la simplicité, la sobriété et la convivialité ?
– « jusqu’à ce que l’on évoque l’écologie. »
Eh oui, ON le sait, l’écologie est un sujet qui fâche. Oh certes il n’est pas le seul.
Les sujets qui fâchent, il vaut mieux les éviter. Ou alors les aborder à la rigolade. Les prophètes de malheur, pas qu’eux d’ailleurs, disons alors les tristes sires (Tristus), suscitent deux réactions :
L’agacement, qui entraîne la violence, la haine etc. ou alors la moquerie, la rigolade.
( à suivre )
(suite) Les tristes sires me sortent par les trous de nez. Justement ça tombe bien, j’adooooore rigoler. « Rire pour réfléchir, quitte à provoquer ». J’adooooore ce slogan.
Seulement vous pouvez pas savoir à quel point il me rend jaloux.
Tout connement parce qu’il n’est pas de moi. 🙂
– « Puisque la pédagogie de la catastrophe est refusée, ce sera la catastrophe qui servira de pédagogie. » (Michel Sourrouille)
Ce n’est pas la pédagogie qui est refusée, mais plutôt le catastrophisme.
– « Deux thèses s’opposent sur l’urgence à modifier nos comportements face à l’urgence écologique : celle de la pédagogie des catastrophes et celle du catastrophisme. À y voir de plus près, ce n’est pas si simple. Éclaircissements. » (Serge Latouche – LA DÉCROISSANCE, L’HEURISTIQUE DE LA PEUR ET LA PÉDAGOGIE DES CATASTROPHES – 2013 – alternatives-non-violentes.org)
– « Certes, nous savons tous que nous sommes condamnés à sortir de la société de consommation, mais nous rechignons à rompre avec l’addiction consumériste. Aujourd’hui, l’enjeu est de savoir si nous en sortirons de façon positive en allant vers l’abondance frugale d’un système écosocialiste ou si nous laisserons l’oligarchie imposer une gestion écofasciste de l’austérité. »
(Serge Latouche – LA DÉCROISSANCE, L’HEURISTIQUE DE LA PEUR ET LA PÉDAGOGIE DES CATASTROPHES – 2013 – alternatives-non-violentes.org)
Ce passage nous renvoie à l’article d’hier de Gilles Lacan (“résilience et protectionnisme”), notamment à ma remarque (À 13:30 ) sur la notion d’abondance.
Le problème se résume donc à cette question : Comment faire comprendre, notamment à un anti-gaucho primaire, qui ne peut même pas comprendre ce que veut dire «décolonisation des imaginaires»… ce qu’est «l’abondance frugale d’un système écosocialiste » ?
Ce qui m’attriste un petit peu c’est que dans toutes les catastrophes que nous annonce Jean-Marc Jancovici, il ne parle pas beaucoup de la pire de toutes: la disparition de la vie sauvage.
Aujourd’hui, 96 pour cent des mammifères sont des hommes ou leurs animaux domestiques. Comment ne pas comprendre qu’il s’agit là du pire et que c’est lié à notre omniprésence et donc à nos effectifs ?
Ce n’est pas que ce raconte Janco soit sans intérêt (énergie, watts, joules etc.)… mais personnellement je préfère écouter ou lire Serge Latouche (décolonisation des imaginaires, abondance frugale, etc.). Peut-être n’avez-vous pas lu, ou pas compris, mes commentaires d’hier sur “Épidémies, la fatalité du grand nombre”.
La disparition de la vie sauvage est-elle la conséquence de notre Nombre, ou bien de notre Mode de vie ? Et si des deux, dans quelles proportions ?
Vous pouvez toujours poser la question à Janco.
Le commentaire de Michel C. relativement à la question de la responsabilité de notre mode de vie dans la disparition de la vie sauvage est intéressante. Les premières disparitions en question ont été le fait d’une humanité peu nombreuse et simplement armée de pieux en bois et de torches. Parmi les nombreuses victimes, ont peut citer : mammouths, rhinocéros laineux et tigres à dents de sabre.
D’après les scientifiques, l’extinction des mammouths, rhinocéros laineux et tigres à dents de sabre, serait plus à mettre sur le compte d’un changement climatique que de la chasse. Et comme il était naturel, ce changement climatique n’avait rien à voir avec l’actuel. Qui lui, toujours selon les études, est à mettre exclusivement sur le compte de notre Mode de vie, et non pas de notre Nombre.
Je prendrais plutôt en exemple le bison d’Amérique, qui a failli disparaitre à la fin du 19è siècle. Là encore, pourquoi ? Les Américains étaient-ils trop nombreux, la Terre surpeuplée… ou alors y a-t-il une autre explication ? Et en poussant un peu, quitte à provoquer… pensons aussi à la disparition des Amérindiens.
Oui mais… ce fut une bonne chose pour le Climat… dira t-ON :
– L’extermination des Amérindiens aurait provoqué un refroidissement planétaire
(Le Figaro 04/02/2019)
Comme quoi ce n’est pas si simple que ça. 😉