Big History vers le royaume des Ténèbres ?

Nous devrions abandonner l’histoire particulière des groupes ethniques particuliers au profit de la big history, une vision à large échelle qui démarre au moment du big bang et se déroule jusqu’au monde contemporain. C’est l’histoire globale qui seule devrait importer, l’histoire commune des humains et des non-humains, une histoire universelle qui ne se limite pas à l’histoire de la race humaine et de notre ethnie particulière. Il s’agirait d’appréhender le monde comme un tout, depuis l’origine de l’univers, des galaxies et du système solaire  jusqu’aux sociétés agraires et l’anthropisation de notre monde. Mais il ne faut jamais sous-estimer la bêtise humaine, la fin de l’histoire n’est pas écrite même si la chute de la civilisation thermo-industrielle est inscrite dans son croissancisme éradicateur.

Valentine Faure : Dans les années 1980, le courant de l’histoire globale entendait transcender les cadres historiques nationaux ou régionaux pour mieux penser les dynamiques économiques, technologiques et environnementales du monde actuel.

Dans la lignée, Yuval Noah Harari et ses livres appartiennent à un courant appelé Big History (« grande histoire »), sous la bannière duquel on peut ranger l’Américain Jared Diamond, « Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ». Pour Harari , « si on ne fournit pas aux gens un grand récit du monde, ils auront une autre vue d’ensemble en tête – une mythologie, une histoire religieuse ou des récits nationaux. La seule chose qui puisse remplacer une histoire est une autre histoire. Et si la vôtre est meilleure, les gens l’accepteront. » Que faut-il entendre par « meilleure » ? « D’une part, une histoire plus attachée aux valeurs et aux dernières découvertes de la science ; d’autre part, une histoire répondant au besoin profond des êtres humains de donner un sens à leur vie et au monde. » La Big History s’assigne ainsi un large but : elle promet de combler le vide existentiel laissé par l’érosion en cours des croyances religieuses .

Le point de vue des écologistes historiens

Du long détour par l’histoire vue par Harari, on reste sur notre faim. Par exemple s’il prête à l’Intelligence Artificielle un pouvoir potentiellement apocalyptique, il invite seulement à faire des choix éclairés à partir « d’institutions dotées de puissants mécanismes d’autocorrection ». Lesquels ? C’est qu’il estime que sa mission s’arrête. Aucune vision du futur. Comment penser l’Histoire, quels déterminants la façonnent ? Les religions ont essayé et elles nous ont entraînés dans des guerres de religions. Les Grands conquérants n’ont jamais « réunifié » le monde. Karl Marx y invitait, mais on voit en Ukraine ce que l’URSS est devenue. Les nouveaux réseaux d’information, de l’Antiquité à aujourd’hui, ont privilégié l’ordre plus que la vérité, le pouvoir en place plutôt qu’un gouvernement des sages. Coutumier des sombres prophéties, Harari craint une possible plongée dans un « royaume des ténèbres » où la conscience humaine s’éteindrait.

On peut se rappeler d’un film dans lequel un professeur arrivait à son cours avec un mètre de saucisse, le déroulait, prenait un couteau et à son extrémité coupait quelques infimes millimètres et s’exclamait devant ses élèves : l’histoire de l’humanité a commencé à ce moment- de l’histoire de l’univers. Ça marque les esprits et inscrit l’espèce humaine dans sa temporalité, une chiure de mouche. Le seul espoir qui nous reste, c’est que nous prenions collectivement conscience que nous sommes sur une toute petite planète complètement isolée dans un espace infini. Il n’y a plus de frontières à outrepasser. Nous n’avons alors qu’une solution, gérer les affaires de la planète comme s’il s’agissait de notre propre famille. En clair, devenir tous écologistes…. et démocrates.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

L’histoire humaine, une succession de fantasmes

extraits : Nous n’apprenons rien de notre histoire collective. Pourtant les sociétés avancent, stabilisées par des imaginaires partagés… qui restent des imaginaires ! Donc la question de la fiction à laquelle s’identifier, identité locale, nationale, européenne ou cosmopolite … se pose. Il nous faut bâtir un nouveau récit collectif car une stratégie de changement naît d’un autre imaginaire… à construire. La difficulté actuelle consiste à amener l’idéologie nationaliste, qui bien souvent est née de la guerre et pour la guerre, à transmettre des valeurs de paix et de réconciliation….

Tout est fiction alimentée par l’histoire

extraits : Pour l’humanité, le problème politique majeur n’est pas de savoir comment nourrir des millions de gens, mais plutôt comment faire en sorte de les mettre d’accord. Il nous faudrait un imaginaire partagé. Il n’y a ni ordre naturel fixant le comportement humain, encore moins de révélations d’ordre divin pour régenter nos idées, il n’y a que des fictions qui se font passer pour émanant de la nature ou de la religion. Cet ordre imaginé va se faire passer pour réaliste et incontournable dès qu’il sera partagé par un groupe humain. C’est cette construction mythique qui va assure la cohésion du groupe. Ainsi le code Hammourabi, un texte juridique babylonien daté d’environ 1750 av. J.C., instaure d’une manière qu’on croyait définitive la hiérarchie noble/homme du peuple/esclave….

Le programme idéal d’histoire n’existe pas encore

extraits : Historiquement les profs d’histoire avaient une fonction identitaire, il fallait fabriquer des petits français. L’histoire humaine n’est pas celles des ethnies particulières, même pas celle des hominidés, elle est aussi ce qui récuse toute forme d’ethnocentrisme pour se centrer sur les relations de l’humanité et de la Biosphère. Ce qui importe, ce sont les histoires des déséquilibres que les pratiques agro-industrielles ont entraînés dans le passé comme dans le présent et les perspectives d’avenir souhaitable pour les générations suivantes mais aussi pour les non-humains…..

Écologie : changer d’histoire pour changer l’histoire

extraits : C’est au moyen d’histoires que nous, êtres humains, donnons une forme à nos pensées, nos espoirs et nos craintes. Avant même d’apprendre à lire et à écrire, nous entendons plus de 300 histoires au travers de contes de fée, de fables, de livres d’enfant lus par les parents. Le récit confère à notre vie une dimension de sens qu’ignorent les autres animaux. L’imagination précède l’action et les récits qui en découlent façonnent nos perceptions. Tandis qu’il semblait dans l’ordre des choses à un paysan du XIe siècle que le roi exerce sur lui un pouvoir de droit divin sans jamais lui demander son avis, un agriculteur du XXIe siècle va déverser des tonnes de lisier devant la préfecture s’il considère que le gouvernement ne fait pas ce qu’il devrait faire à son égard…..

4 réflexions sur “Big History vers le royaume des Ténèbres ?”

  1. L’ Histoire est un vaste sujet, d’études. Il n’y a encore pas si longtemps tous les bons petits français, de France et même de Navarre… apprenaient bien sagement «nos ancêtres les Gaulois».
    Cette histoire n’est évidemment qu’une parmi d’autres, elle n’est juste que ce Roman National qu’ON appelle «Histoire de France». Quelle nous plaise ou non, son intérêt est discutable.
    Seulement c’est la même chose des dites histoire de l’Europe, histoire universelle, histoire globale (voir Wikipedia), Big History, World history etc. etc.
    Quoi qu’il en soit, déjà une chose et sûre :
    – « On doit s’interroger sur la manière dont on a appris l’Histoire »
    (usbeketrica.com 14 décembre 2023)
    Et ce n’est qu’à partir de là qu’ON peut commencer à réfléchir à une autre Histoire, qui plairait à tout le monde (con sensus), mais qui en plus permettrait de se projeter dans ce futur… indéfini.
    (à suivre)

    1. (suite) Une histoire, un roman (appelez ça comme bon vous semble) qui viserait à décoloniser les imaginaires (quels qu’ils soient) afin de nous donner les moyens d’imaginer une autre suite que le royaume des Ténèbres (sic). Une histoire qui au lieu de nourrir des nationalismes, des rancœurs et des divisions, forgerait un esprit curieux, tolérant et bienveillant. Ainsi que ce sentiment d’appartenance à un tout.
      Si du long détour par l’histoire vue par Harari on reste sur notre faim (sic les écologistes historiens)… essayons alors de voir s’il est possible de construire une histoire «meilleure» que la sienne. Et si oui de dire sur quels points elle devrait alors principalement ou particulièrement reposer. Oui bien sûr… le Poumon. 😉 Mais encore ?
      En attendant… pour moi une chose est sûre, c’est avant tout le Hasard qui écrit l’Histoire.
      (à suivre)

      1. – « Si le nez de Cléopâtre eut été plus court, toute la face du monde aurait changé »
        ( Pascal dans ses Pensées )

        Eh oui. Et si Napoléon avait été plus grand, s’il n’avait pas été aussi complexé par sa petite taille, et idem de Sarko, si seulement leurs parents ne s’étaient jamais rencontrés, et si leur maman avaient écouté Malthus et pris la pilule… là encore le monde actuel aurait une autre gueule. Et si ma tante en avait alors là j’vous dis pas !
        Et ON peut remonter très loin comme ça. Si ce con de singe qui se croyait plus malin que les autres était resté bien sagement dans son arbre, si ce gros cochon d’Adam n’avait pas bouffé la pomme… etc. etc. etc. !
        Et même que si un petit pipi de mouche avait éteint la mèche de ce gros pétard… et pourquoi pas… eh ben il n’y aurait même pas eu de Big Bang. Eh oui ! 🙂

  2. Ah je ne suis pas tout à fait sur cette ligne.
    Certes, aborder l’histoire de l’humanité dans son intégralité est nécessaire et une approche uniquement nationale est dommageable.
    Toutefois, il ne faut pas que cela conduise à oublier que chacun est aussi membre d’un groupe, d’une culture et peut avoir un attachement géographique à un territoire, à une forme de pensée, de croyance et de forme d’expression. Je pense même que c’est une bonne chose face à une mondialisation qui semble nous dire que tout est interchangeable.
    Il est certes regrettable que parfois ces attachements conduisent à des conflits, mais un homme « hors sol », sans autre définition que son appartenance génétique à l’espèce ferait un drôle de monde, sans particularité, sans culture et en cela infiniment plus pauvre.

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