Grâce à un cerveau surdimensionné, nous sommes la mesure de toutes choses, mais notre objectivité n’est que la somme de nos subjectivités humaines. Notre cortex préfrontal permet en effet de synthétiser non seulement notre propre expérience concrète, mais aussi toutes les considérations formulées par d’illustres ancêtres et des parents proches, de doctes ignorants ou des ignorants enseignants, et bien d’autres sources de connaissance qui nous apportent leurs croyances sous forme de vérités. En conséquence, nous avons beaucoup de mal à distinguer le vrai du faux, le mensonge en toute bonne foi et la foi qui trompe, l’apparence de la réalité et la réalité des apparences. D’où la difficulté d’avoir un consensus même sur des faits aussi avérés que le réchauffement climatique d’origine anthropique. D’où l’inertie politique qui se contente depuis plus de 25 ans de conférences internationales (COP1, 23…, 25, 26) sur le climat pour en déduire qu’il est urgent de ne rien faire. En France la convention des 150 citoyens tirés au sort arrive pourtant à des résultats tangibles, il suffisait de leur donner de bonne informations et de les faire travailler sérieusement. C’est ce que démontre Stéphane Foucart : « Les 150 citoyens ont bénéficié de présentations d’experts, ils ont été mis en contact avec des opinions différentes, ils ont cherché à vérifier par eux-mêmes. C’est ce qui devrait se produire dans la société, mais le brouhaha médiatique finit toujours par transformer les faits les plus raisonnables en constructions idéologiques. Il faut bien sûr ne jamais renoncer à débattre, mais contester à tort la réalité d’un problème permet d’éviter de jamais débattre de ses solutions ! »
Les commentateurs sur lemonde.fr confirment ce diagnostic :
Michel Lepesant : Excellente analyse qui a de surcroît le mérite de relier la question écologique à la question démocratique. A contrario, il est évident que pour les partisans de l’économie punitive (celle de l’idéologie inégalitaire, propriétariste et méritocratique), un peu de démocratie c’est déjà trop.
Sennepy : Le problème de fond dans notre société c’est que la connaissance est tout autant dévalorisée que le politique, en cela l’école a failli, n’a pas été capable de former des jeunes pouvant chercher la bonne information dans le fatras de ce qui circule sur internet. Et cela est malheureusement parachevé par les réseaux sociaux qui n’ont qu’un objectif, faire du fric, du coup les mauvaises informations habillées d’un grand nombre d’avis positifs deviennent réalité et empêchent la réflexion du citoyen, ajoutez quelques populistes qui déversent leur bile et leur hargne et vous arrivez au blocage complet.
dmg : Ainsi donc, prenez un panel de Français au hasard ; confrontez-les pendant 6 mois à des spécialistes incontestables et incontestés sur des sujets compliqués et polémiques ; au final, vous aurez un consensus intelligent. Ne pourrait-on pas faire la même chose avec les journalistes ? A part quelques rares, dont l’auteur de cette chronique, ils tournent en rond sur les sujets compliqués et les montent en polémiques avec des postures dogmatiques, traités sur des modes catastrophiques, à l’opposé d’une éthique journalistique digne de ce nom, parce que ça fait vendre, construisant ainsi une opinion déboussolée, à la merci des discours extrémistes.
Frog : Bien vu. Il n’y a aucun doute sur le fait que le manque d’intérêt vis-à-vis de l’environnement vient d’un manque de connaissances claires.
Bv34 : Est-ce que ce constat, au demeurant fort juste, n’est pas un terrible acte d’accusation contre nos média ? Qui d’autres qu’eux, en effet, peut faire en sorte que les faits l’emportent auprès du public, sur l’idéologie ou les intérêts ? Il ne faut pas compter sur nos politiques, qui ont décidé une fois pour toutes, semble t-il, que les français étaient trop immatures pour leur dire la vérité…
Pessicart : On peut aussi conclure qu’un citoyen moyen n’est pas au niveau pour juger un problème d’envergure nationale. Cela pose un problème d’envergure puisque chaque citoyen pèse autant que les autres dans les élections et que la masse des électeurs n’est pas capable de comprendre les sujets en profondeur. C’est comme ça qu’on se retrouve avec des populistes au pouvoir, leurs idées simples attirent les électeurs simples. S’en remettre à des experts comme dans cette convention c’est donner un porte voix à ces experts ; pour paraphraser une phrase célèbre, ces citoyens nous ont donné l’heure avec la montre des experts.
Sherlock06 : La réussite de ce débat ne vient pas selon moi de la mise en évidence de base factuelle. Cette base factuelle existe pour tout le monde. Et n’est pas nouvelle. Elle vient selon moi de deux choses : 1) cette convention citoyenne a travaillé à l’abri des lobbys (ce qui n’est pas le cas de nos parlementaires ou responsables politiques qui sont en permanence sous influences intéressées) 2) ces citoyens ont pensé au bien commun et n’ont pas cherché à privilégier « leur élection ou leur réélection » à court terme. A partir de là, des débats plus sains ont pu avoir lieu et le bien commun à long terme a pu être analysé.
Sarah Py : C’est le jeu de l’opinion qui doit interroger et sa faiblesse intrinsèque. Nous vivons le règne de l’opinion, expression de l’émotion, du préjugé, de l’esprit de contradiction et du baratin. Imaginons le contributeur ‘’ le sceptique ‘’ choisi pour cette convention. Avec une responsabilité et des obligations, serait-il toujours pourfendeur des khmers verts ?
le sceptique @ Sarah Py : je refuse le principe qu’un comité de 150 prenne en quelques jours à peine de travail utile des mesures impactant la vie de leurs concitoyens, surtout celles qui iront directement en normes par voie réglementaire (un scandale anti-démocratique). Je supporte déjà mal le jacobinisme et le centralisme des élus, alors celui des tirés aux sorts, non merci.
Michel SOURROUILLE : Alors que nos activités humaines rentrent en interférence avec les cycles vitaux de la biosphère et engagent ainsi la survie des générations futures, nous faisons comme si seul l’instant présent avait de la valeur. Comme l’animal qui se contente de son environnement immédiat, nous préférons nous satisfaire d’une vision restreint,e avec un état d’esprit limité par nos sens abusés et conditionné par la société du moment. Contrairement à l’animal cependant, nous pouvons percevoir que notre perception n’est que construction sociale, que tout est relatif et compliqué, que l’apparence n’est pas gage de réalité. La Convention citoyenne, panel à l’image d’une opinion collective bien informée, démontre que nous pouvons par cet intermédiaire essayer de percevoir le monde tel qu’il faudrait le voir s’améliorer mieux que ne le fait la démocratie dite « représentative » et ses élus souvent désinformés, soumis au jeux du pouvoir et simple relais de ce que disent les dirigeants de leur parti…
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
15 novembre 2019, Sans écologisme, la démocratie part en vrille
7 octobre 2019, L’écologie sera-t-elle fasciste ?
24 mai 2019, Quelle démocratie en période d’urgence écologique ? (synthèse)
13 avril 2019, Quelle démocratie en situation d’urgence écologique ?
6 janvier 2019, Climat 2019, la démocratie à l’épreuve de l’écologie
11 juillet 2010, démocratie et écologie
9 janvier 2010, démocratie Internet et écologie
A propos d’inertie que cet éthologue reprend = « Comment est-on passé d’un primate ordinaire incapable de parler à cet étonnant primate humain incapable de se taire ? » de Robbins Burlling
Bon il y a plein d’autres citations ou développement que Pierre Jouventin exprime, mais tout va dans le sens que je vous ai déjà dit. Le système UMPS ne propose que des débats face aux désastres, les débats ou moratoires sont des excuses pour ne jamais agir dans le bon sens. C’est même une stratégie de l’ordre de la taqqya, bref une diversion, ça permet de satisfaire les 2 camps, ceux qui veulent qu’on consomme moins de ressources et ceux qui veulent consommer plus de ressources naturelles.
(suite du 1er commentaire)
Ceux qui veulent qu’on consomme moins de ressources sont satisfaits des débats stériles organisés par l’UmPs, et ceux qui veulent consommer autant ou plus de ressources sont satisfaits de l’UmPs qui ne prend aucune décision pour les contraire dans leur voracité, pendant que ceux qui veulent justement vraiment contraindre les ogres, se sont faire avoir par diversion en se faisant occuper par d’interminables débats…. Pendant que les andouilles discutent les ogres peuvent continuer de consommer à outrance… Bref, c’est très UmPs, comment capter les voix des deux camps pour les élections et se faire réélire pour des planques mais certainement pas pour sauver l’environnement !
Le brouhaha médiatique reste préférable au gloubi-boulga merdiatique.
Je viens juste de lire un livre de Pierre Jouventin »L’homme, cet animal raté » (histoire naturelle de notre espèce)
Bref, en résumé Homo sapiens animal au cerveau hypertrophié, trop de culture et pas assez de nature. Pierre Jouventin converge avec moi pour dire qu’on ne sait plus vivre auprès de la nature, demain après un effondrement, quasiment personne ne sait ce qu’il faudrait faire pour continuer de vivre. Comme je l’ai toujours dit, après effondrement, les plus malheureux et les plus démunis seront ceux qui ne savent pas vivre sans technologie, c’est bien pour ça que la plupart des individus sont des fanatiques des techno-science.
Bernard Charbonneau soulignait l’ambiguïté de la démocratie de masse :
« Le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra plus faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir. L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints. Déjà commence à se tisser ce filet de règlements assortis d’amendes et de prison qui protégera la nature contre son exploitation incontrôlée. »
Que faire d’autre ?
L’ochlocratie est un régime politique dans lequel la foule (okhlos) a le pouvoir d’imposer sa volonté. Pour les Grecs, l’okhlos, c’est ce qui est inférieur au dèmos. Ochlocratie n’est pas un synonyme de Démocratie au sens de « gouvernement par le peuple ». Le terme foule, non le terme peuple, est employé ː on suggère dans un sens péjoratif la foule en tant que masse manipulable ou passionnelle. On parle aussi de phénomènes de foule, souvent provoqués par la démagogie ou le populisme. La démocratie instituée dans une société surpeuplée dégénère en chaos politique, lutte entre les individus et finalement règne de la force.
Les quatre « démocraties » les plus peuplées, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie et les Etats-Unis, sont gouvernées par des leaders qui proclament être la représentation exclusive du peuple, et tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux y sont considérés comme des traîtres.
Bien avant Charbonneau, Platon voyait aussi la limite. Et Polybe de Mégalopolis aussi. Ce n’est pas pour rien que Platon parlait du Gros Animal. Je pense en effet que nous y sommes, en ochlocratie. Le règne des merdias, du grand n’importe quoi etc. D’après Polybe c’est le pire des systèmes politiques. Le pire je ne sais pas, entre la peste (l’ochlocratie) et le choléra (la tyrannie) mon coeur balance…
En tous cas si Polybe a vu juste avec son anacyclose, alors il ne nous reste plus qu’à attendre l’homme providentiel qui reconduira à la monarchie. Reste à voir s’il est déjà né, ou pas 😉
Très bonne analyse et remarques dans les commentaires. Le 28 JUIN à 09:49 j’ai dit que la leçon que nous pouvions tirer de cette Convention était justement là. Avec du temps et des efforts la plupart des individus peuvent progresser dans la connaissance. Rappelons que l’écologie c’est la connaissance (la science) de la «maison». Quant à la Connaissance, en général, c’est un puits sans fond.
Cela nous montre que si nous voulons continuer à parler de démocratie, il est urgent de D’ABORD former de véritables citoyens. La formation de l’esprit critique doit alors commencer dès le plus jeune âge, et le «connais-toi, toi même» une quête permanente. Cela passe par l’enseignement de la philosophie, des humanités et des sciences bien sûr. De nouvelles connaissances doivent être acquises tout le long de la vie, par exemple par l’éducation populaire. Seulement tout ça prend du temps.
(suite) Toujours dans le cadre de la démocratie, on peut aussi réfléchir au permis de voter.
Maintenant si nous osons sortir de cadre (comme si nous n’en étions déjà pas sortis), les plus aptes à décider et à mener le troupeau devront là encore briller dans cette aptitude à distinguer le vrai du faux, la gauche de la droite etc.