anthropisation

Une ville naît, croît et meurt comme toutes choses…

En  2007, les démographes ont annoncé que plus de la moitié des Homo sapiens vivaient en ville. Le nombre d’agglomérations comptant entre 500 000 et 10  millions d’habitants avait doublé, passant de 420 à 849. Chaque jour qui passe, 110 kilomètres carrés de la Terre – soit un peu plus de la superficie de Paris – se transforment en morceaux de ville. Est-ce durable ? L’histoire nous dit que la ville n’est illusion, la sociologie nous dit que la ville est un concentré d’inégalités, l’écologie nous dit que 5  milliards d’urbains en  2030 c’est carrément impossible.

Prenons la première ville, Ourouk*, découverte au milieu du XIXe  siècle dans le sud de l’Irak. Elle faisait au minimum 250  hectares au IVe  millénaire et 590  hectares au début du IIIe  millénaire. Il n’y avait rien de comparable à l’époque, nulle part sur la planète. Elle abritait plusieurs dizaines de milliers de personnes. Puis se sont succédé des phases de conflits et Ourouk a été définitivement délaissée par les hommes dans les premiers siècles de notre ère. Ce phénomène de régression porte le nom d’involution. La première ville de l’histoire avait brillé pendant des millénaires, elle est retournée au quasi-néant, lentement recouverte par les sables du désert. Image de la destinée urbaine ! La ville est de toute façon la marque des inégalités sociales. La ville antique était un lieu qui rassemblait une population déjà découpée socialement, avec des élites et la spécialisation du travail (artisans, marchands, administratifs, etc). Des bâtiments de prestige à usage religieux ou institutionnel contribuent à la cohésion identitaire et à l’ordre social. Cette hiérarchie du bâti est aussi une marque distinctive de la ville. Les puissants contrôlent l’approvisionnement alimentaire et les échanges à moyenne ou longue distance. Après la Mésopotamie et l’Egypte, des villes apparaissent un peu partout, sur l’Indus, en Chine, en Amérique du Sud. Toutes ces émergences sont étroitement liées à de rapides accélérations vers une pyramide sociale renforcée et la nécessité pour les dominants de mobiliser à leur service une administration, une police et un clergé. La première étape vers la bureaucratisation, c’est l’écriture. Elle permet d’archiver de comptabiliser les richesses, d’énoncer des règles, d’afficher des propriétés. Aujourd’hui dans les pays démocratiques, l’inégalité formelle se masque derrière les barres d’immeubles et la voiture (le métro) pour tous. Mais les mégalopole restent toujours à la merci d’une rupture des approvisionnements.

Raisonnez en termes d’empreinte écologique. La vie dans les grandes villes brise les cycles naturels et nous coupe de notre lien intime avec la nature. Nous vivons dans des cités où nous oublions facilement que la nature travaille en cercles fermés. Nous allons au magasin pour acheter des aliments que nous payons avec de l’argent tiré du guichet automatique d’une banque et, ensuite, nous nous débarrassons des détritus en les déposant dans une ruelle ou en les jetant à l’égout. … Imaginons ce qui arriverait à n’importe quelle ville si elle était enfermée sous une coupole de verre qui empêcherait les ressources matérielles nécessaires d’entrer et de sortir. Il est évident que cette ville cesserait de fonctionner en quelques jours et que ses habitants périraient… Ce modèle mental d’une coupole de verre nous rappelle assez brutalement la perpétuelle vulnérabilité écologique de l’espèce humaine. Nous sommes bien conscients que les grandes régions urbaines industrielles posent un énorme problème en termes de durabilité, même fondée en partie sur l’autosuffisance régionale accrue. Notre avenir, retourner à la ruralité, à la relocalisation, aux communautés de résilience ! Cela ne sera pas facile…

* LE MONDE archéologie du 24 janvier 2018, et l’humanité inventa la ville

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Françoise Degert, responsable de la catastrophe écolo.

Françoise Degert : « Pour masquer le véritable responsable de la catastrophe écologique, quelques scientifiques bien vus des néo-conservateurs tels Paul Ehrlich ressortent à chaque fois la responsabilité humaine dans la catastrophe. Humaine seulement, car il ne faut surtout pas mettre en cause la responsabilité du système économique – le capitalisme – , il est hors de question d’en changer. Ce ne sont pas les hommes dans leur ensemble qui détruisent le monde mais le système économique aux mains d’une infime minorité qui détient le pouvoir. Cette idéologie de conservation liée au malthusianisme fonde toute la politique environnementale que nous subissons actuellement… »*

Biosphere : le point de vue écosocialiste véhiculé par Françoise Degert relève de la pensée magique ; supprimons le capitalisme et toutes les tares du système thermo-industriel seront anéanties. Il ne faut pas avoir une connaissance de l’histoire très prononcé pour ne pas se rendre compte que la suppression du capitalisme par la révolution bolchevique n’a fait concrètement qu’empirer l’état de la biosphère. Cela ne veut pas dire que le capitalisme, par sa soif du profit et son appendice, la volonté de croissance, ne sont pas responsables de la situation. Le lauréat récent du prix Veblen, Antonin Pottier, exprime bien l’idée que le capitalisme et l’écologie sont incompatibles. Les calculs de rentabilité des entreprises n’intègrent pas les dégradations écologiques. Pour internaliser ces externalités négatives, l’intervention de l’État et donc nécessaire. Sauf que le capitalisme est plus rapide que les normes, il continue d’innover en provoquant de nouvelles externalités. Pour contrer cet aspect du capitalisme, il nous faut donc un État fort, allergique à la pression des lobbies industriels et adepte du principe de précaution. Si on délimite fortement l’emprise du capital technique sur la nature, à ce moment-là le système juridique d’appropriation du capital devient secondaire. Mais l’Etat n’applique au mieux sa force que si les citoyens sont bien informés et se sentent concernés, cercle vicieux bien connu de la démocratie.

D’autre part le billet de Françoise Degert est trop imprécis. Elle confond dans un premier temps « responsabilité humaine » et surpopulation. Or ses références à Paul Ehrlich et au malthusianisme montre bien qu’il s’agit en réalité de critiquer ceux qui pensent que la forte fécondité humaine est responsable des désastres écologiques… Pourtant les malthusiens peuvent démontrer que la population est un multiplicateur des menaces, les méfaits du capitalisme constituant un autre paramètre, complémentaire. En effet la thèse malthusienne de la surpopulation absolue n’est pas incompatible avec celle de Marx de la surpopulation relative ; l’exclusion dogmatique de l’une ou de l’autre est dommageable à la compréhension du monde actuel. Mais il y a une forte probabilité que Françoise Degert n’a lu ni Marx, ni Malthus. Sa méconnaissance des analyses crédibles est telle qu’elle en arrive même à critiquer le concept d’anthropocène dans son billet : « on nous a récemment servi « l’anthropocène ». Là encore, il s’agit de convaincre l’opinion que l’humanité est tellement responsable de la catastrophe écologique qu’elle a laissé une empreinte géologique sur terre ». Françoise Degert est superficielle, elle emploie des mots sans les connaître, il lui suffit de les aligner à la suite l’un de l’autre. Françoise Degert est même dangereuse, elle voudrait déresponsabiliser l’humanité, pourtant coupable non seulement du réchauffement climatique, de bien d’autres crises et de la disparition de la biodiversité. Personne ne devrait pouvoir contester dans le désastre écologique en cours les responsabilité croisées du natalisme, d’un système économique prédateur, mais aussi du consumérisme forcené du citoyen ordinaire.

* https://www.pauljorion.com/blog/2017/07/14/les-malthusiens-ont-encore-frappe-par-francoise-degert/#more-97121

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BIOSPHERE-INFO, Jean DORST (1965)

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Avant que nature meure de Jean DORST (1965)

Cet ouvrage est pour ainsi dire le premier en langue française à défendre la Nature contre l’emprise démesurée de l’homme. Il est édité juste après le livre de Rachel Carson, « Le printemps silencieux (1963) », mais bien avant le rapport du Club de Rome (1972, Limits to growth) et le premier sommet de la Terre (1972).

« Le livre auquel je tiens sans doute plus que nul autre » écrivait Jean Dorst dans une dédicace à sa femme de son livre paru en 1965. Il était nécessaire de le rééditer, ce qui fut fait en 2012 avec la collaboration de l’éditeur Delachaux et Niestlé et du Muséum national d’Histoire naturelle. Jean Dorst était un ornithologue de valeur internationale, titulaire au Muséum d’une chaire où les recherches scientifiques sur les Mammifère et les Oiseaux ont toujours été accompagné d’un souci profond de leur protection. Il s’est aussi exprimé sans ambages sur la gravité d’une explosion démographique à laquelle bien des pays sont aujourd’hui exposés. A propos de la pullulation urbaine, Dorst écrivait : « Une conséquence de ce développement monstrueux des villes a été de leur faire perdre leur âme. On pourrait ajouter que la politique de surnatalité aurait pour effet d’entraîner la France vers la situation des pays sous-développés, alors que certains en attendent l’inverse. » Voici quelques extraits significatifs :

1/5) Le déséquilibre du monde moderne (avant-propos de Jean Dorst, le 23 mars 1964)

Conservation de la nature et exploitation rationnelle de ses ressources, opposition qui remonte dans son essence même à l’apparition de l’homme sur la terre. En fait, si l’on envisage l’histoire du globe, l’apparition de l’homme prend aux yeux des biologistes la même signification que les grands cataclysmes à l’échelle du temps géologique. A l’époque contemporaine la situation atteint un niveau de gravité inégalé. Tous les phénomènes auxquels l’homme est mêlé se déroulent à une vitesse accélérée et à un rythme qui les rend presque incontrôlables. L’homme dilapide d’un cœur léger les ressources non renouvelables, ce qui risque de provoquer la ruine de la civilisation actuelle. Les ressources renouvelables, celles que nous tirons du monde vivant, sont gaspillées avec une prodigalité déconcertante. Il manifeste un véritable culte à l’égard de la technique que nous croyons dorénavant capable de résoudre tous nos problèmes sans le secours du milieu dans lequel ont vécu des générations nombreuses. Beaucoup de nos contemporains estiment de ce fait qu’ils sont en droit de couper les ponts avec le passé. Le vieux pacte qui unissait l’homme à la nature a été brisé. Loin de nous l’idée de préconiser un retour en arrière, au stade de la cueillette dont se sont contentés nos lointains ancêtres du Paléolithique. Nous sommes néanmoins en droit de nous interroger sur la valeur universelle d’une civilisation technique appliquant aux esprits et à la matière des lois dont le bien-fondé n’a été vérifié que dans des cas particuliers. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que l’homme dépense de plus en plus de son énergie et de ses ressources pour se protéger contre ses propres activités et contre leurs effets pernicieux, à se protéger contre lui-même au fond ; l’Homo sapiens a besoin d’être protégé contre l’Homo faber.

Chacun d’entre nous a eu parfois l’impression d’avoir sa place dans un train emballé dont il ne pouvait plus descendre. Nous ne savons où il nous mène. Peut-être vers un grand bien-être ; mais plus vraisemblablement dans une impasse, voire à une catastrophe. L’homme a imprudemment joué à l’apprenti sorcier et mis en marche des processus dont il n’est plus le maître. En dépit de la foi que professent la plupart de nos contemporains en une civilisation mécanique, l’homme continue de dépendre étroitement des ressources renouvelables et avant tout de la productivité primaire, la photosynthèse en étant le stade premier. L’homme peut se passer de tout, sauf de manger . L’homme doit respecter un certain équilibre et se soumettre à certaines lois écologiques qui font véritablement partie de la constitution de la matière vivante elle-même.

Theodore Roosevelt disait en 1908 lors de la Conference on the Conservation of Natural Resources : « Nous nous sommes enrichis de l’utilisation prodige de nos ressources na truelles. Mais le temps et venu d’envisager sérieusement ce qui arrivera quand nos forêts ne seront plus, quand le charbon, le fer et le pétrole seront épuisés, quand le sol aura encore été appauvri et lessivé vers les fleuves… »

2/5) L’explosion démographique

Le Seigneur a dit : « croissez et multipliez… » – Oui, mais il n’a pas dit par combien ! Si on voulait caractériser le XXe siècle par un phénomène unique, ce ne serait pas par la découverte d’innombrables perfectionnements techniques, ni même par la fusion nucléaire, mais bien plus par l’explosion démographique aux conséquences incalculables. Quand on a présent à l’esprit l’accroissement démographique selon une progression géométrique, on ne peut que nourrir de sombres inquiétudes sur le destin de l’humanité. Il a fallu 600 000 ans pour que l’humanité atteigne un effectif de 3 milliards (en 1965) ; si la tendance actuelle se poursuit, il suffira de 35 ans pour que ce chiffre soit doublé (ndlr : 6,1 milliard ont été effectivement atteint en 2000). Pour le naturaliste, ce phénomène a les caractéristiques d’une véritable pullulation. Comme l’a souligné un rapport des Nations unies en 1958, si le rythme actuel d’accroissement se poursuivait pendant encore 600 ans, le nombre d’êtres humains serait tel que chacun n’aurait plus qu’un mètre carré de surface à sa disposition. Autant dire que c’est là un événement qui n’aura pas lieu. Quelque chose se passera pour arrêter cette prolifération intempestive ; souhaitons que ce ne soit pas une catastrophe à l’échelle de la planète. Peu d’entre nous ont conscience du problème de la surpopulation du fait de sa nouveauté et de tout l’obscurantisme qui en masque la gravité. D’ardents zélateurs continuent à prôner la famille nombreuse. La Suisse oublieuse de la peine qu’elle eut à nourrir ses enfants de 1940 à 1945, a explosé de joie imbécile en 1964 lorsqu’elle apprit qu’était né son cinq millionième citoyen ! Et pendant ce temps, les peuples dits sous-développés continuent de se développer à une vitesse plutôt digne de Lapins que d’êtres doués de raison.

Il faut constater que l’augmentation massive et accélérée des humains finit par rendre le problème de leur subsistance absurde ; les ressources alimentaires ne pourront jamais suivre cette progression et tôt ou tard se produira un décrochement. Nous sommes parfaitement conscients que les rendements agricoles ont été considérablement augmentés depuis les première ères de l’humanité. Le chasseur paléolithique avait besoin de 10 km² pour se nourrir ; le pasteur néolithique 10 hectares ; le paysan médiéval 2/3 d’ha de terre arable ; le cultivateur japonais peut se sustenter maintenant avec 1/16 d’hectare. Mais tout se passe comme si la quantité de nourriture et celle des multiples produits que l’homme demande à la terre essayaient de rattraper leur retard sur les effectifs de consommateurs, sans jamais y parvenir. Il faut aussi tenir compte du fait que les difficultés de répartition des denrées et les inégalités de ressources entre les différentes fractions de population ne disparaîtront pas facilement, sans doute jamais. Même si chaque homme était assuré d’une ration suffisante, il est néanmoins plus agréable de ne pas être obligé de manger debout ! Aussi est-il sage que chacune des fractions de l’humanité proportionne son expansion démographique à ses ressources propres.

L’humanité, envisagée comme une population animale, a réussi à se débarrasser de la plupart des freins à sa prolifération au risque non négligeable de multiplier les maladies héréditaires, autrefois éliminées en plus grande proportion par la sélection naturelle. On a parfois tenté de se poser la question : faut-il condamner Pasteur en raison de ses découvertes ? Certes non. Mais l’homme se doit de trouver dans les plus brefs délais, un moyen de contrôler une prolificité exagérée, véritable génocide à l’échelle de la planète. Un premier moyen de régulation est l’émigration. Or cela n’est plus guère possible à l’heure actuelle car toute la planète est strictement compartimentée et coupée de barrières. Un deuxième procédé est l’augmentation du taux de mortalité. Certaines sociétés primitives éliminent les vieillards, tandis que d’autres préconisent l’infanticide. C’est impossible à envisager dans le cas de l’humanité évoluée. Le troisième procédé consiste à une diminution du taux de natalité. Aucune religion, aucune morale et aucun préjugé ne doivent nous en empêcher. Le jour où les peuples se jetteront les uns contre les autres, poussés par des motifs en définitive écologiques, cela serait-il plus hautement moral que d’avoir maintenu les populations humaines en harmonie avec leur milieu ?

3/5) L’homme contre la nature

Une large partie du globe demeurait pratiquement intacte à l’époque des grandes découvertes. L’équilibre primitif se trouve compromis dès que l’homme dispose de moyens techniques quelques peu perfectionnée et dès que la densité de ses populations dépasse un certain seuil. Au cours de l’expansion accélérée des peuples européens à travers le globe, des vagues d’hommes se succédèrent à la conquête des richesses mondiales, exploitant à outrance les terres demeurées vierges ou presque. Si la destruction quasi totale du bison est sans nul doute l’épisode le plus tragique de toute l’histoire des rapports de l’homme avec la faune dans le Nouveau Monde, elle ne fut hélas pas la seule.

La survie et la prospérité de l’ensemble des communautés biotiques terrestres dépendent en définitive de la mince strate qui forme la couche la plus superficielle des terres. Il existe une érosion accélérée consécutive à une mauvaise gestion du sol dont l’homme est l’unique responsable. La morphogenèse anthropique affecte gravement la fertilité par perte de substances et par transformation de la structure physique, chimique et biologique des sols. L’homme a même empiété sur des terres marginales, sans vocation agricole, et dont l’équilibre ne peut être assuré que par le maintien des biocénoses naturelles. Il y a eu déboisement, perturbations dans le régime des fleuves, destruction des habitats aquatiques, abus des insecticides, déchets de la civilisation technique à l’assaut de la planète, pollution des mers et de l’atmosphère, pollution radioactive, pillage des ressources des mers…

La nature ne sert à rien, disent les technocrates actuels. Bien plus elle nous gêne en prenant la place de nos cultures, en hébergeant des parasites et en nous empêchant de faire régner partout la loi de l’homme, basée sur la rentabilité commerciale. L’extension des villes se fait souvent au détriment d’excellentes terres agricoles. Aucune des grandes agglomérations ne peut, et ne pourra jamais plus constituer une communauté humaine. La vie des citadins est devenue une vie en commun, puis une existence concentrationnaire. Les hommes ont dorénavant à choisir entre un encasernement dans des « boîtes à loger » ou l’hébergement dans de petites maisons individuelles implantées de plus en plus loin de leur lieu de travail. L’énergie dilapidée en pure perte dépasse toute évaluation. Même si l’homme arrive à se sustenter, les problèmes psychologiques posés par son grouillement demeureront entiers. Le bien-être matériel de l’humanité, mais aussi sa dignité et sa culture, sont compromis dans leurs fondements.

Une confiance aveugle en notre technicité nous a poussés à détruire volontairement tout ce qui est encore sauvage dans le monde, et à convertir tous les hommes au même culte de la mécanique. Notre ambition est de faire des Pygmées et des Papous des adeptes de notre civilisation « occidentale », convaincus que la seule manière de concevoir la vie est celle des habitants de Chicago, de Moscou ou de Paris. Les historiens du futur décriront peut-être la civilisation technique du XXe siècle comme un cancer monstrueux qui a failli entraîner l’humanité à sa perte totale. L’homme est apparu comme un ver dans un fruit, comme une mite dans une balle de laine, il a rongé son habitat en sécrétant des théories pour justifier son action. Et si l’homme s’était trompé ? Et si la confiance dans les nouveaux jouets qu’il s’est donné était mal placée ? La civilisation que nous sommes en train de créer, en supprimant tout ce qui faisait le contexte de notre vie jusqu’à présent, est peut-être une impasse. Les historiens du futur décriront alors la civilisation technique du XXe siècle comme un cancer monstrueux.

4/5) Vers une réconciliation de l’homme et de la planète

Même si l’homme décide de suivre aveuglément les bergers modernes, il a le devoir de prendre une assurance et de ne pas rompre tous les liens avec le milieu dans lequel il est né. Certains philosophes ne craignent pas d’affirmer que l’humanité fait fausse route. S’il ne nous appartient pas de les suivre, nous pouvons néanmoins affirmer avec tous les biologistes que l’homme a fait une erreur capitale en croyant pouvoir s’isoler de la nature et ne plus respecter certaines lois de portée générale. Il y a depuis longtemps divorce entre l’homme et son milieu. Il convient, même si cela coûte à notre orgueil, de signer un nouveau pacte avec la nature nous permettant de vivre en harmonie avec elle.Il faut chasser de notre esprit les concepts selon lesquels la seule manière de tirer profit de la surface du globe est une transformation complète des habitats et le remplacement des espèces sauvages par quelques végétaux et animaux domestiques. La conservation de la nature sauvage doit être défendue par d’autres arguments que la raison et notre intérêt immédiat. Un homme digne de la condition humaine n’a pas à envisager uniquement le côté utilitariste des choses. Le Parthénon ne sert à rien, Notre-Dame de Paris est complément inutile, en tout cas mal placé. On demeure confondu devant la négligence des technocrates qui laissent subsister des monuments aussi désuets et anachroniques alors qu’on pourrait faciliter la circulation et aménager des parkings. L’homme pourrait refaire dix fois le Parthénon, mais il ne pourra jamais recréer un seul canyon, façonné par des millénaires d’érosion patiente, ou reconstituer les innombrables animaux des savanes africaines, issues d’une évolution qui a déroulé ses méandres sinueux au cours de millions d’années, avant que l’homme ne commence à poindre dans un obscur phylum de Primates minuscules. Il faut avant tout que l’homme se persuade qu’il n’a pas le droit moral de mener une espèce animale ou végétale à son extinction, sous prétexte qu’elle ne sert à rien. Un humble végétal, un insecte minuscule, contiennent plus de splendeurs et de mystères que la plus merveilleuse de nos constructions.

Quelle que soit la position métaphysique adoptée et la place accordée à l’espèce humaine, l’homme n’a pas le droit de détruire les autres espèces. Nous n’avons pas le droit d’exterminer ce que nous n’avons pas créé. L’homme a assez de raisons objectives pour s’attacher à la sauvegarde du monde sauvage. Mais elle ne sera préservée que si ‘homme lui manifeste un peu d’amour. La nature ne doit pas être préservée uniquement parce qu’elle est la meilleure sauvegarde de l’humanité mais parce qu’elle est belle. La nature ne sera en définitive sauvée que par notre cœur.

5/5) Robert Barbault, une actualisation en 2012 du livre de 1965

Où en est-on vraiment, près de cinquante ans après la parution d’ « Avant que nature meure » de Jean Dorst ? Son objectif premier était d’attirer l’attention sur ce que l’on appelle aujourd’hui la sixième extinction en masse des espèces. L’effondrement annoncé est toujours d’actualité. Engagée par la Convention sur la diversité biologique ratifiée après le sommet planétaire de Rio de Janeiro en 1992, les délégations rassemblée en 2002 au sommet de Johannesburg s’engagèrent à freiner l’érosion de la biodiversité à l’horizon 2010. L’échéance est passée et le bilan est décevant. Jean Dorst expliquait très bien dans son essai l’articulation que présente les milieux naturels entre, d’une part, la dynamique des activités humaines et, d’autre part, l’évolution des effectifs de plantes et d’animaux : disparition, fragmentation ou transformation des habitats ; surexploitation des populations d’espèces sauvages ; pollutions ; espèces introduites qui deviennent envahissantes. La prise de conscience du changement climatique et de ses conséquences sur la biodiversité est postérieure à la parution de son livre. Pourquoi les menaces n’ont-elles pas fléchies. Parce que nous sommes une espèce qui a particulièrement réussi. Un succès qui s’exprime à travers une croissance démographique impressionnante, l’appropriation totale de la planète et de ses ressources, des développements scientifiques et techniques qui semblent sasn limites. Et comme la Terre a des limites, il y a problème ! C’est ce que Jean Dorst appelait « le déséquilibre du monde moderne ».

Son diagnostic peut s’énoncer comme suit : le problème majeur entre humains et non-humains est de l’ordre d’une concurrence pour l’espace – et les ressources que celui-ci renferme. L’aménagement du territoire doit inclure les besoins de la nature, puisque ce sont aussi les nôtres. Cela suppose que nous ménagions la Terre. Cela suppose une gestion complexe d’espaces diversifiés. Dans une telle conception, l’homme n’est pas extérieur à la nature, il en fait partie. Il s’agit de passer de l’artificialisation complète de la nature à l’inscription des systèmes de production dans le cadre des écosystèmes locaux ; de renoncer à la spécialisation avec standardisation des cultivars ; de ne spa chercher l’éradication des maladies et ravageurs potentiels mais plutôt une gestion de la diversité. En promouvant les relations de marché, les économistes sapent la réciprocité, l’altruisme et l’obligation mutuelle, et de ce fait la nécessité de la communauté. Il faut rappeler que la valeur économique de toute chose ne nous dit rien sur la valeur intrinsèque de ladite chose.

Et si, depuis l’essai de Jean Dorst, l’évolution la plus importante était l’émergence dans les années 1970 d’un nouveau courant philosophique, l’éthique environnementale ? On retrouvait déjà sous sa plume tous les ingrédients susceptibles de nourrir une telle pensée écologique.

(Pour que nature vive)

(Delachaux et Niestlé 1965 – réédition 2012)

 

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Combattre les GTII, Grands Travaux Inutiles et Imposés

L’enterrement de Notre-Dame-des-Landes ne fait que préparer l‘épanouissement de la contestation de tous les GTII, Grands travaux inutiles et imposés. Partout sur le territoire, une cinquantaine de projets d’aménagement suscitent de vives oppositions locales, souvent depuis plusieurs années. LE MONDE* en signale quelques-uns, déchets nucléaires les plus dangereux à Bure, lignes à très haute tension, recherche de minerais, « Montagne d’or » de Guyane, ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, « grand contournement ouest » de Strasbourg, LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, ferme « des mille vaches », projet de Center Parcs, méga-centre commercial Val Tolosa, projet Europacity à Gonesse… Il n’y a pas que ces exemples, il y a aussi Iter et Astrid (super-centrales nucléaires), le Stade des Lumières, la tour Triangle, les incinérateurs géants, etc. Tous les domaines de la société thermo-industrielle sont concernés, énergie, transports, agriculture, activité minière, société de consommation et de loisirs.

Nos grands élus, épaulés (et briefés) par les grandes entreprises, se sont comportés comme Louis XIV qui a commandé son château de Versailles et les pharaons qui ont fait ériger les pyramides. Les projets pharaoniques étaient de droit divin dans l’Égypte ancienne : pour la gloire d’un seul, on exploitait tout un peuple. Aujourd’hui on fait croire au peuple qu’on construit des éléphants blancs pour son plus grand bonheur. Sinistre illusion qui couvre la terre de béton ou de trous que la descente énergétique rendra prochainement caduc. Les GTII illustrent à merveille les dérives d’un système productiviste qui ne survit qu’à force de gaspillage énergétique. Les « Trente Glorieuses » sont devenues les cinquante gaspilleuses. Impulser une vaste politique de grands travaux ne répond en rien à la crise écologique qui conduit aux crises économiques et sociales, au contraire cela accélère la course à l’abîme. La transition énergétique est éternellement repoussée, alors qu’il aurait fallu agir avec détermination dès 1972 (rapport sur les limites de la croissance). Les grands projets d’aménagement du territoire ne visent pas à satisfaire de réels besoins. Pour vendre la construction d’une ligne de train à grande vitesse que peu de gens souhaitent utiliser ou celle d’un aéroport dans une région qui n’en nécessite pas, ingénieurs, promoteurs et maîtres d’ouvrage rivalisent d’habileté et de rhétorique. Justifier l’inutile est devenu une véritable culture. Si la tournure des événements l’impose, la possibilité de décréter un chantier « zone militaire d’intérêt stratégique » n’est pas à écarter.

Il existe une faille grandissante entre une élite qui s’affranchit ouvertement des contraintes écologiques, financières et démocratiques d’une part et un peuple écolo qui commence à réagir d’autre part. La révolution ne se fait plus dans la rue, en levant le bras dans une manifestation. Elle se fait par des multitudes d’initiatives, de discours médiatisés, d’actions juridiques contre un projet, de mise en place d’une zone à défendre et même parfois de sabotages. De plus en plus de citoyens comprennent que sur une planète où les ressources énergétiques s’appauvrissent et devraient rester dans le sol, il n’est pas pertinent de construire toujours plus d’aéroports, de centres commerciaux, de lignes à grande vitesse, surtout en occupant des terres arables dont on aura plus tard grand besoin. L’artificialisation des sols devient un ennemi de notre futur. Le chantage à l’emploi de certains élus et des groupes industriels pour imposer leurs projets fait progressivement place aux considérations écologiques. Ce ne sont plus des grands travaux que la transition écologique exige, ce sont au contraire des projets à taille humaine, des relocalisations des activités, des rapports de proximité à développer, des autonomies alimentaires et énergétiques à promouvoir. Le chantier est vaste, d’autant plus qu’il faut aussi déconstruire ce qu’un passé dépassé continue à imposer.

* LE MONDE du 19 janvier 2018, Partout en France, des dizaines de projets d’aménagements farouchement contestés

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L’abandon d’un nouvel aéroport à NDDL, qui a gagné ?

En matière d’écologisme, il semble malheureusement qu’il ne puisse pas y avoir consensus. Il y a forcément les Pour et les Contre, les défenseurs de l’emploi aujourd’hui et ceux qui pensent aux générations futures, les adeptes du croissancisme et ceux qui prônent la sobriété partagée, les bétonneurs à-tout-va et ceux qui veulent garder nos terres agricoles, les adulateurs de la toute puissance humaine et ceux qui veulent préserver la biodiversité. Il y avait tout cela dans les arguments pour ou contre la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes près de Nantes.

A quelques jours de la décision gouvernementale, les notables de tous bords avaient attaqué de façon virulente le rapport des médiateurs, jugeant leur rapport biaisé… puisqu’il présentait deux alternatives, agrandir l’aéroport à Nantes… ou faire NDDL ! Pour eux, il n’y avait pas d’autre choix qu’ajouter un aéroport de plus aux 475 aéroports français. Les trois médiateurs ont condamné de leur côté « l’inexactitude parfois grossière des affirmations avancées » par les partisans du transfert. Une attitude qui, selon eux, « ne contribue pas à l’établissement d’un dialogue argumentatif sérieux et apaisé ». On s’empoignait sur des questions secondaires en oubliant l’essentiel : l’avion a-t-il un avenir dans un monde qui connaîtra une forte descente énergétique, un prix du kérosène hors de prix et un dérèglement climatique important ? On psalmodie « croissance, croissance », on oublie comme d’habitude les fondamentaux biophysiques. Jared Diamond* nous a dévoilé notre propre histoire en rappelant le passé. L’une des principales leçons à retirer de l’effondrement des Mayas ou des Anasazis est que le déclin peut commencer dix ou vingt ans seulement après qu’une civilisation ait atteint son apogée en nombre, en richesse et en puissance. La raison en est simple : l’apogée de la consommation de ressources et de la production de déchets implique l’apogée de l’impact sur l’environnement, au risque d‘un dépassement néfaste des ressources. Il n’est donc pas étonnant que le déclin des sociétés ait tendance à suivre de près leur apogée. D’autant plus que les élites vont tout faire pour ne pas prendre les décisions qui s’imposent, car mieux vaut pour elles soutenir les rêves de magnificence qui en jettent plein les yeux au peuple (qu’on a consulté ou non par référendum). Plus ça allait mal, plus les Mayas construisaient des temples. Ah, l’augmentation du trafic aérien grâce à un nouvel aéroport tout neuf ! Jouissif, mais sans lendemains durables.

Ouf, cette controverse est close, plus de projet inutile et imposé à NDDL. Edouard Philippe l’a annoncé le 17 janvier : « En relation étroite avec le président de la République, le gouvernement a pris sa décision : je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet qui structure le territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte d’opposition exacerbée de la population. Notre-Dame-des-Landes, aujourd’hui, c’est l’aéroport de la division. Le projet de Notre-Dame-des-Landes sera donc abandonné. »** Argumentation politique, seulement politique ! La fédération France Nature Environnement et ses associations locales (Bretagne Vivante, Eau et Rivières de Bretagne, Coordination LPO Pays-de-Loire, Fédération Bretagne Nature Environnement et FNE Pays de Loire) saluent cette décision pour d’autres raisons. Le premier ministre met ainsi fin à un projet obsolète, maintenu pendant de trop longues années malgré ses impacts environnementaux néfastes. Il s’agit d’être cohérent avec les enjeux et les engagements de la France concernant la protection de la nature, du climat et de l’eau. De leur côté les réactionnaires montent sur leurs grands chevaux. Pour le président du département Loire-Atlantique, cette décision « piétine les collectivités locales, toutes les collectivités locales. C’est une remise en cause de l’esprit même de la décentralisation ». Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains de Vendée, a déploré sur Twitter une « grande victoire des zadistes ». L’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault, celui qui a viré ses deux premiers ministres de l’écologie, dénonce un « déni de démocratie ». Le député de la circonscription englobant Notre-Dame-des-Landes, Yves Daniel, avait déclaré qu’il brûlerait sa carte d’électeur en cas d’arrêt du projet. Bien sûr, fidèle à leurs convictions croissancistes, les députés de droite s’opposent à la décision du gouvernement. Mais c’est un agriculteur du coin qui pourrait obtenir un consensus : « On avait raison, ce n’est pas un projet du XXIe siècle. On a gagné la première manche, la plus importante. On a sauvé 1 650 hectares de l’artificialisation. »

* Effondrement (de la disparition ou de la survie des sociétés) de Jared DIAMOND (2006)

** LE MONDE du 18 janvier 2018, Le gouvernement annonce l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes

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Sexisme, celui qui dit n’importe quoi pour annoncer 2018

La philosophie court au désastre si elle suit en 2018 les conseils de Thierry Hoquet. Celui-ci a pourtant, pour une tribune insipide, eu l’honneur des colonnes du MONDE le 25 novembre 2017… et le droit de renouveler son inconsistance un mois plus tard*. Il prône l’indifférenciation entre les sexes tout en vantant les mérites de l’écriture inclusive. Il voit dans le « mariage pour tous » une avancée alors qu’il s’agissait d’anéantir non seulement une institution multiséculaire mais aussi nos différences génétiques. Il croit que « la domination masculine s’appuie sur la division de l’humanité en deux sexes » alors que cette domination ne résulte que d’une simple interprétation d’une différence biologique transformée artificiellement en inégalité sociale. Il pense que « l’anatomie ne doit plus être une destinée » et qu’il suffit pour assouvir ses propres fantasmes de supprimer la mention du sexe sur la carte d’identité et son enregistrement à l’état civil . On ne voit pas pourquoi, si l’état civil ne mentionne plus le sexe, il devrait encore mentionner l’âge ou le nom, deux autres facteurs d’inégalités potentielles !

D’autre part Thierry Hoquet reprend à son compte tous les « progrès » techniques à la mode. Il nous imagine cyborg, ces êtres hybrides qui combinent éléments organiques et informatiques. C’est un transhumanisme qui veut brouiller la dichotomie entre nature et artifice. C’est dénaturer encore plus notre condition humaine alors que notre substrat biophysique est de plus en plus fragilisé par nos artifices. Il veut même nier le fait que la reproduction résulte de copulations hétérosexuelles. Il valorise ainsi les évolutions de la technique qui permettent de s’affranchir de l’anatomie : procréation médicalement assistée, gestation pour autrui et même utérus artificiel. Il faudrait émanciper les femmes de la charge de la reproduction !!

En fait son projet est de répondre au « très vif désir d’enfants de certaines catégories de la population qui ne peuvent pas en avoir », par stérilité ou par homosexualité. Pourquoi refuser son infécondité biologique, n’y a-t-il pas assez d’enfant sur la terre pour se satisfaire de ce qui existe déjà ? Pourquoi la société devrait-elle s’occuper de l’infertilité choisie par des particuliers ? Thierry Hoquet voudrait « dépasser la fixation sexuelle qui structure nos sociétés » par des moyens administratifs (l’écriture, l’institution, l’état civil) ou des moyens techniques. Pour lui, « chaque être humain doit pouvoir épanouir son potentiel de la manière la plus complète possible, en fonction de tout ce qui le compose ». Quel potentiel ? Quelle composition (non organique) de la personne ? On saute d’une généralité à l’autre, sans précision crédible. Il dit qu’il faut « cesser de se focaliser sur les sexes » tout en bâtissant un discours entièrement basé sur le sexe. Il occulte le fait que le machisme/sexisme ne peut disparaître que si nous nous ressentons comme androgyne, à la fois homme et femme, seulement différenciés superficiellement par une proportion différente d’hormones. Nous sommes voués, par l’évolution des consciences, à l’égalité parfaite dans toutes les tâches sociales. Ce n’est pas les fantasmes de toute puissance de l’individu qui vont nous aider à aller jusqu’au bout de cette lourde tâche. Thierry Hoquet devrait un peu plus approfondir les interrelations complexes entre nature et culture… Nous lui conseillons de lire notre blog !!!

* LE MONDE idées du 30 décembre 2017, En 2018, vous pourrez contribuer à la fin du patriarcat grâce au philosophe Thierry Hoquet

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La collaposologie est-elle la voie de l’optimisme ?

Allons-nous à la catastrophe ou faut-il éviter le catastrophisme ? Ce débat déchire les colonnes du MONDE idées. D’un côté Dominique Bourg*, de l’autre les collapsologues**. Qui a raison ?

Pour le bien-pensant Dominique Bourg, les différents récits de mise en scène du salut, celui du progrès et des Lumières comme la saga marxiste du prolétariat sauveur de l’humanité, ont tous fini par s’échouer sur les rivages du changement climatique et de l’anéantissement des espèces vivantes. Le monde futur que nous proposent les sciences de l’environnement est plus proche du cauchemar que du rêve. Face à ces sinistres constats, quel nouveau récit imaginer ? Le récit écologique est encore trop tendu vers la catastrophe pour faire naître une Eglise et devenir notre vision de l’âge d’or. C’est un tout autre récit dont nous avons besoin, celui de l’encyclique écolo du pape François (Laudato si’), celui de l’écologie sociale, le désir de revenir à la production locale, d’inventer de nouvelles techniques à l’instar de la permaculture. Le récit écologique n’est pas seulement le refus grandissant de la course à l’abîme : c’est l’aspiration encore minoritaire à une vie simple. Pour les catastrophistes Pablo ­Servigne et Raphaël Stevens (Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes), la catastrophe a déjà commencé, elle va s’accélérer : « Être catastrophiste, ce n’est pas être pessimiste ou optimiste, c’est être lucide. ». Les ­collapsologues ne se font pas d’illusions sur les possibilités de ressaisissement du capitalisme, qui nous a menés à l’abîme, ni sur le réformisme « vert ». C’est trop tard. Nous devrons affronter la fin du pétrole qui va paralyser nos sociétés, nous avons dépassé quatre des neuf « seuils critiques » au-delà desquels la vie sur Terre se dérègle gravement.

Ces deux discours ne sont pas incompatibles, ce n’est pas parce que les villes vont devenir invivables qu’il ne faut pas favoriser la permaculture, tout au contraire. De toute façon la base de raisonnement est la même, l’écologie scientifique nous dit depuis les années 1970 que notre futur tend au cauchemar dans une course à l’abîme. Nous ne pouvons pas échapper aux réalités biophysiques et la planète ne négocie pas. De plus nous ne voulons pas voir ce que nous faisons. Partout et toujours Homo sapiens a eu un comportement collectivement destructeur. Partout, surtout depuis l’invention de l’agriculture, Homo demens anéantit les espèces, détériore les écosystèmes, ruine la base de sa propre alimentation et commet des massacres dirigés contre lui-même. Cette aptitude au suicide de masse s’accélère aujourd’hui. Ce n’est pas faire du catastrophisme que de montrer la réalité aux jeunes en voie de scolarisation, à plus forte raison aux adultes : épuisement des ressources fossiles, choc climatique, stress hydrique, perte de biodiversité… sans compter le poids des dettes que nous léguons en France aux générations futures. Dire la vérité est un élément essentiel de la démocratie, un peuple bien informé pousserait à de meilleures décisions. Si la pédagogie de la catastrophe n’est pas appliquée, c’est la catastrophe qui servira de « pédagogie » et nous ramènera à de meilleures façons de vivre et consommer. L’optimisme ambiant nous empêche d’être réaliste et de prendre d’urgence les mesures d’économies d’énergie et de sobriété partagée qui s’imposent. C’est cet optimisme-là qui nous rend pessimiste, il n’y a pas d’évolution « naturelle », il n’y a que le manque de réflexion des humains. Les optimistes sont ceux qui se bougent et cherchent de bonnes raisons de se battre même dans un environnement dégradé au plus haut point. Il est toujours bon de pouvoir encore siffloter quand on approche de la guillotine.

* LE MONDE idées du 6 janvier 2018, L’écologie aux portes du Capitole

** LE MONDE idées du 6 janvier 2018, Pour les collapsologues, la messe est dite…depuis 1972

NB : lire plus avant, la pédagogie de la catastrophe sur notre blog

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2014/09/07/la-recuperation-de-la-catastrophe-par-les-technocrates/

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2014/06/14/pedagogie-de-la-catastrophe-nest-pas-catastrophisme/

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2012/10/01/le-monde-adopte-la-these-du-catastrophisme/

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2009/08/04/pedagogie-de-la-catastrophe-2/

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2007/09/01/pedagogie-de-la-catastrophe/

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C’est l’humanité même de l’homme qui est menacée

Il faut bien comprendre que dans toutes les civilisations, avant le contact avec l’Occident, le concept de développement était tout à fait absent. Dans plusieurs société africaine, le mot même de développement n’a aucune traduction dans la langue locale. Les Sara du Tchad estiment que ce qui se trouver derrière leurs yeux et qu’ils ne peuvent pas voir, c’est l’avenir, tandis que le passé se trouve devant, puisqu’il est connu. Les valeurs sur lesquelles reposent le développement, et tout particulièrement le progrès, ne correspondent pas du tout à des aspirations universelles profondes. Ces valeur sont liées à l’histoire de l’Occident. L’universalisation de l’homo œconomicus signifie la destruction des cultures et le triomphe de la lutte de tous contre tous.

L’empire et l’emprise de la rationalité technoscientifique et économique, dont le numérique est aujourd’hui l’aspect le plus spectaculaire, donnent à la Mégamachine contemporaine une ampleur inédite dans l’histoire des hommes. Il est remarquable que tous les projets actuels de cybernanthrope (mixture d’homme et de machine) ou d’amélioration biogénétique ne visent pas à « améliorer » l’espèce dans le sens de la justice, de l’altruisme, ni même de la capacité au bonheur (par introduction de gènes ad hoc ou le branchement de puces appropriées) mais seulement d’accroître ses performances, voire son agressivité. On ne se demande jamais quel type d’homme on veut créer.

Ce que nous appelons le terrorisme est, en fait, un contre-terrorisme en réponse au totalitarisme du marché et au terrorise de l’impérialisme culturel occidental. Il s’agit en réalité d’une réaction à l’occidentalisation du monde. La mondialisation qui représente l’achèvement d’une époque est tout sauf heureuse ; il s’agit bien d’une « immondialisation ». Se libérer de la chape de plomb de l’idéologie dominante, alors que l’énorme machine médiatique s’efforce de nous décerveler, n’est pas une mince affaire.

Pour réaliser au niveau des masses le déclic suffisant pour rompre avec la toxicodépendance du consumérisme et procéder à la nécessaire décolonisation de l’imaginaire, on ne peut guère compter que sur la pédagogie des catastrophes. Bien sûr, il n’y a aucun certitude que cela fonctionnera à temps. Toutefois on n’a rien à perdre à essayer.

Serge Latouche, in mensuel La Décroissance, décembre-janvier 2017

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En finir avec les grands travaux inutiles et imposés ?

11 novembre 2017, Arc de triomphe. Nicolas Sarkozy se tourne vers Elisabeth Borne : « Madame la ministre, il faut continuer à faire des lignes à grande vitesse. Moi, j’en ai lancé quatre. »Tel est le quotidien d’Elisabeth Borne, nommée ministre des transports par le président Macron pour mettre en œuvre un changement radical de politique de mobilité : priorité aux transports du quotidien, fini les grands projets pharaoniques. L’ex-patronne de la RATP est confrontée sans cesse aux suppliques de grands élus réclamant avec force un TGV, un canal de grand gabarit, un super-tunnel pour leur ville. Le contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier récemment ouvert a coûté 28 millions du kilomètre. « Madame Mobilité » vient de clôturer les assises du même nom. Elisabeth Borne reçoit LE MONDE : « L’urgence, c’est l’entretien et la modernisation des réseaux, c’est l’enclavement des territoires, ce ne sont pas les LGV. A Prades, à Aurillac, à Alès, à Auch, il n’y a pas de desserte routière correcte pour être relié à la grande ville. Ces territoires vont perdre leurs emplois, les entreprises ne vont pas y rester. »* Mais la même Elisabeth Borne au conseil des ministres du 13 décembre est plutôt favorable à la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes : «  L’agrandissement de l’aéroport de Nantes-Atlantique a ses détracteurs : il entraînerait des nuisances sonores, même si les avions font aujourd’hui moins de bruit. » C’est là le signe de la contradiction interne des décideurs politiques, car agrandir ou construire, c’est toujours de grands travaux inutiles ; avec les GTI on ne sort pas du schéma croissance-croissance !

Il n’y a pas que les aéroports et les LGV, il y a aussi le Stade des Lumières, la tour Triangle, les incinérateurs géants, les centrales nucléaires de troisième génération EPR, celles de quatrième génération Iter et Astrid, des autoroutes de contournement, etc. Nos grands élus se comportent comme les pharaons qui ont fait ériger les pyramides et Louis XIV qui a commandé son château de Versailles. La quête d’éternité rencontre la folie des grandeurs, le pouvoir manifeste son pouvoir par la grandiloquence de certaines infrastructures. L’argent est trop facile à dépenser quand il suffit de délibérer « démocratiquement » autour d’une table. Les GTI illustrent aussi à merveille les dérives d’un système productiviste qui ne survit qu’à force de gaspillage énergétique. Les « Trente Glorieuses » sont devenues les cinquante gaspilleuses. Mais il existe une faille grandissante entre une élite qui s’affranchit ouvertement des contraintes écologiques, financières et démocratiques d’une part et un peuple qui commence à réagir d’autre part. Impulser une vaste politique de grands travaux ne répond en rien à la crise écologique qui conduit aux crises économiques et sociales. La transition énergétique est éternellement repoussée, alors qu’il aurait fallu agir avec détermination dès 1972 (rapport sur les limites de la croissance). Plus on attend, plus la société militaro-industrielle ira rapidement au désastre et nous avec.

Les actes de destruction opérés contre les GTI deviendront-ils en 2018 un impératif catégorique ? L’écrivain italien Erri De Luca avait déclaré à l’occasion du titanesque chantier du TGV Lyon-Turin : « les actes de sabotage sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est un chantier inutile et nocif (1er septembre 2013 sur le Huffington Post)».Pour sa défense lors de son procès, il avait précisé : « Mes propos sur le Huffington Post ne sont qu’une opinion. Ce n’est que mon point de vue sur ce projet, et sur ce qu’il serait bon de faire : saboter ces travaux. Il ne s’agit donc pas d’un acte. Les magistrats ont pris mes phrases et ils les ont mises entre guillemets, ils les ont interprétées pour les censurer. C’est comme de mettre des menottes à mes mots. Le sabotage est une forme de résistance politique qui ne peut s’entendre seulement au sens matériel. Ce mot a un sens plus large, un sens politique. Quand des députés s’opposent à une loi, au Parlement, ils la sabotent à leur manière. L’Italie est pleine de chantiers abandonnés, des ponts, des routes, des hôpitaux… Il y en a des centaines. D’une certaine façon, ces chantiers-là se sont autosabotés. Partout où il y a de grandes industries, il y a des tragédies écologiques. La défense de l’air, du sol, de l’eau, ça, c’est révolutionnaire. Le devoir moral de désobéissance existe. Le pouvoir est immobile, donc il faut parfois des activistes pour mener le combat, au nom du plus grand nombre.  »

* LE MONDE éco du 22 décembre 2017, Elisabeth Borne, « Madame Mobilité »

Pour en savoir plus, lire le petit livre noir des grands travaux inutiles

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Le réalisme de Malthus contre l’idéalisme de Condorcet

L’ouvrage de Condorcet, intitulé Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, est un exemple remarquable de l’attachement qu’un homme peut vouer à des principes démentis par l’expérience de chaque jour, et dont il est lui-même victime (ndlr, Condorcet a été emprisonné en 1794, il est mort dans sa cellule). Il suffit d’un très petit nombre d’observations pour faire voir combien cette théorie est fausse, dès qu’on veut l’appliquer aux objets réels et non à un état de choses purement imaginaires. De ce que la limite de la vie humaine n’est pas rigoureusement fixée, on croit pouvoir inférer que sa durée croîtra sans fin et qu’elle peut être dite indéfinie et illimitée. Mais pour dévoiler le sophisme et démasquer l’absurdité, il suffit du plus plus léger examen de ce que Condorcet appelle la perfectibilité organique des plantes et des animaux.

J’ai ouï dire que c’est une maxime établie parmi ceux qui s’appliquent à améliorer leurs troupeaux, que l’on peut les perfectionner autant qu’on le veut. Dans la fameuse bergerie du comte de Leicester, on s’est proposé d’obtenir des moutons à petite tête et à jambes courtes. Il est clair qu’en avançant, on devrait arriver à avoir enfin des moutons dont la tête et les jambes ne seraient plus que des quantités minuscules. Cette conséquence absurde montre qu’il y a, en ces sortes de modifications, une limite qu’on ne peut franchir, bien qu’on ne la voie pas distinctement et qu’on ne puisse dire précisément où elle est. Le plus haut degré d’amélioration, ou la plus petite dimension des jambes et de la tête, peut être dite indéfinie ; mais c’est tout autre chose que de dire qu’elle est illimitée au sens de Condorcet. La fleur, par l’effet de la culture, s’est agrandie par degrés. Si ce progrès n’avait point de limite, il irait à l’infini. Mais c’est avancer une absurdité si palpable, que nous pouvons nous tenir pour assurés de l’existence d’une limite à l’amélioration des plantes comme à celle des animaux. Dans tous les cas, il faut soigneusement distinguer un progrès illimité d’un progrès dont la limite est indéfinie. Quant à la vie humaine, malgré les grandes variations auxquelles elle est sujette par diverses causes, il est permis de douter que, depuis que le monde existe, il se soit opéré aucune amélioration organique dans la constitution de notre corps. Nous ne pouvons raisonner que d’après ce que nous connaissons. Si je dis que l’homme est mortel, c’est qu’une expérience invariable de tous les temps a prouvé la mortalité de la substance organisée dont est fait son corps visible.

La passion qui s’est manifestée dans ces derniers temps pour des spéculations affranchies de tout frein semble avoir eu le caractère d’une sorte d’ivresse, et doit peut-être son origine à cette multitude de découvertes aussi grandes qu’inattendues, qui ont été faites en diverses branches des sciences. Rien n’a paru au-dessus des forces humaines ; et sous l’empire de cette illusion, ils ont confondu les sujets où aucun progrès n’était prouvé avec ceux où ils étaient incontestables.

Des systèmes d’égalité, Condorcet / Malthus, Essai sur le principe de population (Flammarion 1992, tome 2 p.8 à 20)

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Johnny Hallyday est mort, cela nous fait ni chaud ni froid

Johnny est-il mort ? Je suis devant l’hôpital, de l’autre côté de la rue. Personne ne veut nous fournir la moindre information. Cet hôpital protège tant la vie privée des célébrités que nous ne savons toujours pas si Johnny est vraiment mort ou non. Mais en vérité je vous le dis, quand ça arrivera, un jour ou l’autre et c’est certain, la perte pour l’humanité sera immense. Heureusement que nos disques durs et nos cerveaux lents conserveront encore longtemps la trace de son immense talent. Ah, attendez ! Une personne digne de confiance s’approche de moi, nous allons enfin connaître l’état actuel de son état de santé. Non, ce n’est pas Les Fatals Picards, juste un communiqué de Johnny encore bien vivant qui nous fait dire :

« Mes biens chers frères, mes biens chères sœurs, vous êtes tous suspendus aux dernières nouvelles de mon bulletin de santé. C’est une énorme erreur. N’ayez crainte pour moi, ma vie a été bien remplie, ma mort est de l’ordre de l’insignifiance. Par contre, vous savez tous que le débat public sur les nanotechnologies risque de tourner court. Déjà neuf réunions publiques de passé et presque personne n’est au courant. C’est lamentable, absurde, inconséquent. Vous êtes tous là à vous interroger « sa gueule, qu’est-ce qu’elle a sa gueule ». Mais putain de dieu, y’a autre chose que moi sur cette planète. Intéressez-vous aux nanotechnologies qui conduisent direct à une société totalitaire, ou au bonheur de l’humanité, j’en sais pas plus, le débat suit son cours, chaotique et soumis aux puissances financières… ou aux joies de la technoscience. De toute façon le débat ne sera riche et passionné que si vous me lâchez la grappe pour vous consacrer aux seuls débats qui comptent. A bon entendeur, salut… »

(texte sur notre blog le 12/12/2009 Johnny Hallyday est mort)

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Nous sommes ce que nous sommes, on n’y changera RIEN

Nous le savons. La famine s’installera, des migrants climatiques ne sauront plus où aller, des guerres éclateront pour les dernières gouttes de pétrolela planète nous sera devenu invivable. Nous le savons. Mes élèves sont aujourd’hui excédés par Descartes écrivant que la technique doit « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Foutaises. L’appel des quinze mille scientifiques, « Demain, il sera trop tard », ne nous a pas choqués. On le savait déjà. Ça fait plus de trente ans que demain il sera trop tard. Et rien ne change. Ainsi s’exprimait Thomas Schauder dans LE MONDE*.

« Nous sommes ce que nous sommes, on n’y changera RIEN. » C’est un commentaire trouvé sur lemonde.fr, désespérant, glaçant. Nous répondons qu’il faut admettre nos imperfections personnelles et celles de la communauté humaine tout en essayant de faire quelque chose. C’est un peu ce qu’écrit Michel Sourrouille dans un livre qui vient de sortir en librairie, « On ne naît pas écolo, on le devient ». Voici quelques extraits de son introduction :

Toi et moi, nous sommes tous écolos… par définition. Je suis, tu es, nous sommes des êtres vivants concernés par la sauvegarde du milieu en dehors duquel aucune poursuite de la vie, y compris la nôtre, n’est envisageable. Tu peux être chrétien ou musulman, français ou étranger, urbain ou paysan, sociologue ou artisan. Tu ne peux pas ne pas être écologiste, parce que tu es comme moi usagers de la maison Terre, notre maison commune. Nous sommes complètement dépendants de cette planète, en interdépendance avec toutes les autres espèces, les abeilles comme les vers de terre, avec tout ce qui nous entoure, les océans et les nuages, tout ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes. Le sang de la Terre coule dans nos veines. Nous devons tous respirer et manger, nous pouvons agir et rêver, nous retournons tous à la terre un jour ou l’autre. Il n’y a pas de reproche à faire à une personne qui ne se croit pas écolo. Moi-même je me considère comme un écologiste imparfait, incomplet, en devenir. Nous sommes tous à des étapes différentes sur le chemin qui mène vers un comportement à 100 % écologique. D’ailleurs, la perfection est-elle possible à atteindre ? A chacun son chemin, sachant que la situation dramatique d’une planète que nous laisserons exsangue pour les générations à venir exigerait un réel effort de nous tous sans exception.

* LE MONDE du 30 novembre 2017, Climat : « Ça fait plus de trente ans que “demain, il sera trop tard”, et rien ne change »

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Catastrophe, le marchand de sable est passé

« Les technocrates, si on leur donnait le Sahara, dans cinq ans il faudrait qu’ils achètent du sable ailleurs » (Coluche). Heureusement pour ce sable là, les grains de sable du désert, trop fins, trop ronds, ne conviennent pas à la fabrication du béton, alors on va le chercher ailleurs. Le long du littoral marocain, les « marchands de sable », maîtres-d’œuvre d’un business semi-mafieux, recrutent des centaines d’enfants. LE MONDE* insiste beaucoup sur le Maroc. Partout dans le pays, des poids lourds sillonnent les routes, transportant des tonnes de ce matériau pour satisfaire les besoins sans fin des promoteurs immobiliers. Dans ce pays, le boom du BTP a fait oublier les préoccupations environnementales. Grands ouvrages d’aménagement, édification de villes nouvelles et de complexes hôteliers… Le royaume s’est lancé dans des projets titanesques. Sans oublier l’auto-construction, qui représente à elle seule 60 % du secteur dans ce pays. Ce qui est impressionnant, c’est que cette bétonisation touche tous les pays. Comme il faut deux tiers de sable et de graviers et un tiers de ciment pour produire du béton, ce granulat est devenu la deuxième ressource naturelle la plus consommée sur la planète, après l’eau et devant le pétrole. Chaque année, au moins 15 milliards de tonnes seraient ainsi récoltées dans le monde – ramassées à la pelle, aspirées dans la mer par des bateaux-dragueurs ou extraites de carrières –, au point de menacer certaines plages de disparition. La situation devient catastrophique.

Dans le port de pêche de Larache, le problème est connu de tous. « Des gros promoteurs venaient nous promettre de bâtir des immeubles modernes, se souvient Lahcen. Que reste-t-il aujourd’hui ? » Des paysages lunaires, où de larges cavités se dessinent le long du rivage dévasté. Au Maroc comme ailleurs, ces dérives préparent une bombe écologique. Une plage met des milliers d’années à se constituer. On est en train d’enlever ce que la planète a mis des millénaires à faire. L’érosion s’accélère sur les franges côtières, le sable constituait un rempart contre l’augmentation du niveau de la mer et les tempêtes. On supprime ainsi une barrière naturelle !

Mais le plus inquiétant, c’est que nous bâtissons, que ce soit au sens propre ou figuré, sur du sable. Le béton a une durabilité limitée, un siècle, New York a reconstruire tous les 100 ans, mais avec quel sable ? Sans vouloir être trop alarmiste, on sait qu’après la fin du sable, ce sera pareil pareil pour le pétrole, la construction de camion, l’entretien des grues… De plus, le béton, c’est typiquement le truc qui ne se recycle pas. Une bien belle invention, la construction de tours et de HLM, mais bâtie sur du non renouvelable. Si nous devions revenir aux techniques constructives en vigueur à l’époque romaine (pas de béton, pierres extraites à la pelle et à la pioche, transportés par barges, montées par poulies à la force des bras), les logements demanderaient 30 à 1000 fois plus de temps pour être construits, et surtout coûteraient tellement cher qu’il s’en construirait 50 à 100 fois moins dans l’année. Mais au moins ce serait plus durable. Un tel avenir nous est promis, mais que faire de la population surnuméraire au Maroc ou ailleurs, on les logera où et comment ?

* LE MONDE du 25 novembre 2017, La mafia des sables

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Sur une planète exsangue, les frontières se ferment

Sur une planète close et saturée d’humains, la bataille pour les dernières ressources est en train de s’exacerber. Chacun pour soi ! Quand son territoire d’appartenance s’appauvrit, on cherche à aller ailleurs, mais il n’y a plus de contrées vierges permettant de rebondir et d’être bien accueilli. Dans ce contexte, il est inéluctable que les frontières se ferment. La libre circulation des personnes aura été un mythe qui n’a duré que quelques dizaines d’années. La promesse inscrite en 1957 dans le traité de Rome d’assurer la libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises est devenue intenable. Un article du MONDE* recense le cloisonnement en cours du territoire mondial : « référendum catalan pour l’autonomie, aspirations à l’indépendance de l’Écosse, soubresauts du Brexit, affirmations nationalistes, retour du protectionnisme, crispations identitaires, Europe-forteresse, hécatombe en Méditerranée, murs érigés par la Grèce, la Hongrie, les États-Unis, Israël…, refus des ­ « indésirables »« .

Face à ce déferlement de barbelés, des économistes ont trouvé cet argument simpliste, seul argument pro-migrants exposé dans LE MONDE: « les flux migratoires augmentent le PIB par tête, réduisent le chômage et améliorent le solde des finances publiques grâce à la hausse des recettes fiscales. » L’article du MONDE en conclut : « Des données qu’il ne serait pas inutile d’avoir à l’esprit lorsque l’on débat des frontières. » C’est tellement stupide que la plume en tombe. Nous laissons donc la place aux commentateurs sur lemonde.fr :

A d’autres… : « L’effet du choc de migration nette est positif dès la première année », constate l’article « Le PIB par tête augmente significativement trois ans de suite, le taux de chômage diminue d’environ 0,15 point trois années de suite et le solde budgétaire s’améliore de 0,11 point de pourcentage deux années de suite.» Imputer ces micro tendances « epsilonesques » au choc de migration (ou à autre chose d’ailleurs) est une belle imposture. Des études sérieuses ont fait valoir un solde économique négatif pour la France.

ALAIN-MICHEL SEUX : Si le seul argument en faveur des migrants est économique, leurs partisans sont foutus d’avance. Il existe des choses plus importantes mais tant que les zélites continueront de considérer l’économie comme l’alpha et l’oméga de toutes choses, l’extrême droite continuera de monter avec des conséquences de moins en moins prévisibles.

Marc D. : Comme pour la médecine et la pharmacie, il faut se demander s’il n’y a pas un conflit d’intérêt chez les sociologues et autres démographes financés par les pouvoirs économiques immigrationnistes avides de main d’œuvre docile et pas chère.

Pas à pas : L’Europe ne saurait se cacher derrière une vitre. Et il en est de même pour tout état moderne qui diffuse ses productions sur toute la planète. Le monde est transparent. Alors les migrations seront inéluctables tant que le différentiel entre eux et nous sera important. Ils ne viendront pas spécifiquement pour nos prestations sociales, mais pour les images que nos civilisations émettent et pour les guerres et les famines, l’instabilité de leurs états, dont nous sommes parfois responsables…

MICHEL SOURROUILLE : sur une planète close et saturée, avec une croissance économique en berne mais qui continue quand même d’épuiser les dernières ressources de la terre, il paraît évident que les frontières vont se fermer. La libre circulation des personnes n’a d’ailleurs été qu’une parenthèse de quelques dizaines d’années qui n’a été autorisé que par l’abondance entraînée par les ressources fossiles. On ne peut éviter les réalités biophysiques…

Buber : Dans son « Eloge de la frontière » Régis Debray avait bien vu que la mondialisation produisait l’effet contraire et il s’en prenait aux sans-frontièristes. On voit ici la même cécité, écrire dans l’article « immigration massive de travailleurs d’Europe de l’Est venus occuper des emplois délaissés par les Britanniques« , c’est ne pas comprendre le concept d’armée de réserve du capitalisme. L’immigration booste le PIB mais bénéficie surtout aux classes favorisées, les autres se tournent vers l’extrême droite.

* LE MONDE du 20 novembre 2017, Le retour des frontières à la lumière des sciences sociales

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effondrement, le risque agricole/alimentaire

L’agriculture est l’objet de spéculations diverses. Les collapsologues s’entendent sur l’idée que l’agriculture va devoir reprendre une place plus importante dans nos vies. Pour certains, on pourrait nourrir une ville comme Paris par l’agriculture urbaine avec des bacs d’ « incroyables comestibles » et en cultivant les parcs, ou alors il suffirait d’un potager en permaculture pour atteindre son autonomie alimentaire sans trop de difficultés. L’histoire de l’agriculture permet de faire ressortir quelques contraintes. Une première contrainte est la nécessité d’un régime alimentaire équilibré. Ainsi, si un maraîchage bio en permaculture peut aujourd’hui permettre sans trop de difficultés de fournir en fruits et légumes une famille avec un potager, il ne couvre qu’une part des besoins alimentaires. Le cœur de la plupart des systèmes agricoles de l’histoire est une association céréale/légumineuse/légume. Or, les néoruraux des années 1970 l’ont découvert souvent à leur dépend, la culture de céréales pour une alimentation complète est autrement difficile que faire pousser ces légumes, qui rappelons le sont faiblement caloriques. Une contrainte plus fondamentale est la nécessité de renouveler la fertilité des terres agricoles. En effet, la récolte extrait du sol des réserves des principaux éléments minéraux : azote (nitrates), phosphore (phosphates), potassium, mais aussi magnésium, fer, sodium… qu’il est nécessaire de fournir en retour au sol sous peine de l’épuiser en quelques années. L’épuisement des sols a eu lieu de nombreuses fois dans l’histoire. Parmi les formes les plus poussées, on peut citer la désertification produite par la salinisation liée à l’agriculture irriguée du « croissant fertile » aujourd’hui désert stérile, plus récemment la Dust Bowl des années 1930 aux États-Unis. Un tel phénomène a actuellement lieu dans de nombreuses régions du monde.

Au cours de l’histoire agricole, se sont succédés plusieurs systèmes permettant le renouvellement de l’humus. Dès l’antiquité, des engrais extérieurs ont pu être apportés aux sols : sédiments azotés enÉgypte, guano au Pérou… Jusque il y a moins d’un siècle en France, les gens se précipitaient pour récupérer le crottin des chevaux dans les rues : les rues parisienne étaient une source d’engrais prisée. Mais depuis le début du XXe siècle, l’usage d’engrais minéraux fossile ou de synthèse (azote produit par le procédé Haber-Bosch à partir de gaz) est devenu massif. Ils sont aujourd’hui devenus indispensables au maintien de la fertilité de sols utilisés de façon très intensive, et donc à notre agriculture. Or, les mines de phosphore et de potassium s’épuisent, de même que les hydrocarbures nécessaire à l’azote. De plus, dans un monde en effondrement, il deviendrait difficile de soutenir les vastes infrastructures qui permettent leur approvisionnement mondial. Le problème du renouvellement de la fertilité est encore aggravé par ce que Marx appelé la « rupture métabolique » : alors que dans les systèmes agricoles traditionnels les nutriments consommés étaient pour une grande part rejetés (sous forme d’excréments, de déchets de culture…) sur place, aujourd’hui ils sont massivement exportés vers des villes lointaines où ils sont perdus définitivement vers la mer ou pollués dans des boues d’épuration mélangées de pathogènes, de métaux lourds et de produits chimiques divers. La valorisation des résidus de culture (biocarburant, isolation, plastiques biosourcés) aggrave encore ce problème, car c’est autant de matière retirée à des sols qui s’épuisent. Il sera donc nécessaire de « boucler la boucle » de nouveau. On peut noter que l’agriculture « low tech » hautement productive développée dans l’Europe du XIXe siècle offrait des rendements élevés qui auraient pu nourrir une population aux deux tiers non agricole sans recourir ni aux engrais de synthèse, ni à la motorisation, ni à la chimie. En effet, l’association d’un système de culture sans jachère avec stabulation et d’une traction animale dotée de machines agricoles permettait des rendements élevés. Par exemple, la faucheuse à barre de coupe horizontale mues par les roues lorsque le cheval la tracte. Ces vieilles machines à traction animale ont connu le maximum de leur diffusion en 1955 avant d’être dépassée par l’essor du tracteur. Précisons que je restreins mon sujet à l’éclairage historique, mais qu’il serait possible de discuter de divers facteurs favorables (permaculture comme agriculture écologiquement rationnelle, amélioration des variétés et des connaissances agronomiques…) et défavorables (réchauffement climatique, mort biologiques des sols…) qui influeraient sur une agriculture lors d’un effondrement futur.

Revenons pour finir sur les conditions de vie du peuple, de la vaste majorité de la population au cours de l’histoire, hélas souvent moins connues que celles des élites. Prenons le siècle des Lumières, le règne du roi Soleil, l’apogée de la culture de cour et de la littérature classique : la population connaissait une vie rude, précaire, à la merci des maladies et des famines récurrentes, dans des maisons au sol de terre battue. L’alimentation, basée sur une tranche de pain sec trempée dans un potage d’herbes et de légumes de saison, parfois égayée, pour les plus riche, par un peu de gras de lard ou d’huile d’olive. Cette alimentation est souvent déséquilibrée : le manque de lipide et de graisse rend sujet au froid, le manque de vitamine au rachitisme, au scorbut et au pellagre. Un enfant sur deux meurt avant 10 ans. Lors des famines, certains vont jusqu’à faire du pain de fougère et on retrouve des moribonds qui se sont nourris d’herbes. Notons en passant que les conditions de vie des chasseurs cueilleurs qui ont représenté la grande majorité de l’histoire de l’humanité semblent souvent nettement meilleures que celle des pauvres des sociétés agricoles : vie plus longue, meilleur état de santé comme le révèle la paléoanthropologie, temps de travail faible et sociétés relativement égalitaires… Quelles que soient les reculs du confort consumériste (après l’effondrement), et tant qu’il y aura des survivants, il semble cependant que la vie continuera à valoir la peine d’être vécue.

Jean Autard, texte de septembre 2017 pour l’institut Momentum

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Nourrir 9 milliards d’humains avec du bio, c’est possible

Une nouvelle étude publiée par la revue Nature Communications affirme qu’il est possible de nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’agriculture biologique, à deux conditions : réduire le gaspillage alimentaire et limiter la consommation de produits d’origine animale. Un tiers des terres cultivables de la planète sont utilisées pour nourrir les animaux d’élevage de soja, maïs, blé, etc., alors que ces céréales pourraient aller à l’alimentation humaine. Le bio ne représente que 1 % de la surface agricole utile dans le monde. Convertir la totalité de l’agriculture au biologique nécessiterait la mise en culture de 16 % à 33 % de terres en plus dans le monde en 2050 par rapport à la moyenne de 2005-2009. Car les rendements du bio sont plus faibles. En découlerait une déforestation accrue (+ 8 % à 15 %), néfaste pour le climat. Mais dans le même temps, l’option avec 100 % de bio entraînerait une réduction des impacts environnementaux : moins de pollution due aux pesticides et aux engrais de synthèse et une demande en énergies fossiles plus faible. L’un dans l’autre, les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture bio seraient de 3 à 7 % inférieures à celles du scénario de référence, « un gain faible », notent les auteurs. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr :

JEAN-PIERRE BERNAJUZAN : J’ai découvert dans le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, que notre agriculture moderne-productiviste-chimique-mécaniste… ne nourrissait que 1/4 de la population mondiale. Les 3/4 donc est nourrie par une agriculture traditionnelle. Ainsi donc, pour notre agriculture moderne nourrisse la totalité de la population mondiale, il faudra multiplier par 4 les pollutions actuelles, et plus puisque la population mondiale va augmenter. On voit bien qu’on est dans l’impasse…

le sceptique @ JPB : hélas, vous partez du présupposé que l’agriculture traditionnelle est sans impact. Mais c’est faux. Si le milliard d’Africains se nourrit par chasse, pêche, brûlis, élevage extensif, etc. il détruirait aussi bien la biodiversité sauvage de ce continent. Inversement et en contre-exemple, s’il n’y avait pas eu la révolution fossile et l’intensification agricole, l’Europe occidentale aurait eu du mal à retrouver ses forêts, qui avaient en bonne part disparu aux 18e et 19e siècles.

Alexandre Damiron : les rendements du conventionnel sont un trompe-l’oeil, il stagnent voire même décroissent, à cause de la destruction des sols. Sans parler des autres externalités négatives: effondrement de la biodiversité animale et végétale, stress hydrique, intrants néfastes qui s’accumulent, zones maritimes mortes, etc… L’écosystème est un tout, mis au point par la nature au fil de millions d’années. L’agriculture bio est l’inverse de l’obscurantisme agricole: elle nécessite de comprendre la complexité.

Michel Sourrouille : Moins de rendement pour le bio est une contre-vérité. Si on tient compte de tout ce que nécessite l’agriculture conventionnelle en énergie fossile (engrais, tracteur, énergie…), non seulement les rendements sont plus faibles que ceux du bio, mais diminuent au fil des années par utilisation de plus d’intrants. Un rendement bien calculé n’est pas simplement la quantité qui sort d’un champ, mais le rapport entre la production et les facteurs de production nécessaires à cette production.

Jean-Claude P. :Théoriquement, oui, la Terre est capable de nous nourrir tous. Mais nous devrons manger moins bien, revenir aux menus haricots patates de nos grands pères, et surtout, il faudra de nombreuses réformes agraires avec lesquelles les actuels propriétaires ne seront pas forcément d’accord…

le sceptique : On oublie aussi qu’avant l’agriculture conventionnelle, 60 à 80% de la population travaillaient au champ, avec évidemment des salaires de misère. Si réellement on se passe des pesticides, des engrais, de la mécanisation, c’est un travail énorme.

Reggio : Oui, c’est possible mais c’est le retour au niveau de vie et de consommation des années 30-40 avec une reruralisation massive des populations…et ça …ça ressemble à du Pol Pot…C’est exactement le même problème que pour l’énergie…

undefined : Le défi est de réussir à traduire les coûts pour l’humanité en coûts pour le client au supermarché. Si on y arrive la solution viendra d’elle même. Mais tant que le kilo de porc coûtera moins cher que le kilo de patates, on aura un problème.

PIERRE -MARIE MURAZ : Une agriculture 100 % biologique pourrait nourrir la planète en 2050 … surtout si il y a moins de monde à nourrir … 7 milliard en 2017, 1,6 en 1900 !

* LE MONDE du 15 novembre 2017, Une agriculture 100 % biologique pourrait nourrir la planète en 2050

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« Mise en garde des scien­tifiques à l’humanité : deuxième avertissement. » C’est une alerte solennelle que publient, lundi 13 novembre dans la revue BioScience, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays : l’humanité pousse « les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie ». C’est la deuxième fois que les « scientifiques du monde » adressent une telle mise en garde à l’humanité. Le premier appel du genre, publié en 1992 à l’issue du Sommet de la Terre à Rio (Brésil), avait été endossé par quelque1 700 chercheurs, dont près d’une centaine de Prix Nobel. Il dressait déjà un état des lieux inquiétant de la situation et s’ouvrait sur cette alerte : « Les êtres humains et le monde naturel sont sur une trajectoire de collision. » Notons que ce premier appel avait été court-circuité par un autre texte collectif de scientifiques et d’intellectuels, rendu public quelques semaines plus tôt sous le nom d’« appel de Heidelberg ». Or cet appel introduisait dans le débat public… le message inverse. Grâce aux archives de l’industrie du tabac, on sait désormais qu’il a été suscité par les communicants de l’industrie de l’amiante, soutenus par d’autres industries polluantes, de même que les fabricants de cigarettes.

Ce deuxième avertissement a circulé entre juillet et octobre dans diverses communautés scientifiques sans susciter de controverse. Leur texte enjoint aux décideurs de tout mettre en œuvre pour « freiner la destruction de l’environnement… » Le premier appel n’avait pas été suivi d’effets !!! Toutes les tendances inquiétantes discernables en 1992 se sont aggravées – à l’exception de l’état de la couche d’ozone stratosphérique. Ces dégradations interviennent alors que la pression des sociétés sur l’environnement croît à mesure que la population humaine grimpe : elle a augmenté de plus d’un tiers depuis la publication du premier appel. Franck Courchamp témoigne : « Dans les années 1980, on nous a tellement reproché de faire du “catastrophisme”, que nous, les scientifiques et surtout les écologues, n’osions plus rien dire. » Aujourd’hui il l’affirme sans ambages : « Nous allons droit dans le mur. » Le message sera-t-il entendu ? « Je suis dubitatif : dans une semaine tout sera oublié, balayé par une actualité quelconque, se désole Guillaume Chapron. C’est dramatique, car le sort de notre civilisation est engagé : il n’est pas possible de vivre bien à 12 milliards sur notre planète ou alors nous aurons des famines, des conflits, des épidémies… Et lorsque, combiné au stress hydrique, le changement climatique commencera à accélérer – ce qui se produira –, les conditions nécessaires à l’agriculture ne seront plus réunies pour nous nourrir. Il faut s’attendre à voir d’énormes vagues de réfugiés climatiques. »* Voici quelques commentaires trouvés sur lemonde.fr :

ppl : C’est bien la première fois que je vois une connexion entre surpopulation et dégradation de l’environnement.

Ted : On est foutu alors ? Il n’y a plus rien à faire ? Un contrôle drastique de la population ? La politique de l’enfant unique universel sur terre. L’Afrique devra contrôler ses naissances comme on déjà dit dernièrement. L’arrêt du modèle de consommation actuel avant que celui ci ne nous arrête. Mais, personne ne voudra sacrifier son petit confort personnel. On est foutu.

CYNIQUE DU BON SENS ET RAISON : Mais puisqu’il faut de la croissance, de la compétition et de la production et de la consommation ! Voyez ce que les journalistes éco-robots pondent et braillent à longueur de journée ! N’est-il pas temps que la presse et les médias – Le Monde compris – arrêtent la grande entreprise de désinformation et d’abêtissement poursuivie depuis la fin des Trente Glorieuses ?

Lucine : Il faudrait expliquer que la population mondiale est complètement droguée à la consommation et sous l’emprise de la jalousie du voisin qui pousse à toujours vouloir « en montrer plus » que les autres. Cela ne rend personne heureux, cela génère un stress effrayant, souvent mortel, et cela nous mène tout droit, très rapidement et de façon irréversible, à une apocalypse totale. La transition, c’est de renoncer au culte de l’apparence, le grand poison de notre monde.

Michel Sourrouille : je croyais être le seul à établir un tel pronostic, l’espèce humaine est mal partie, mais si 15 000 scientifiques le disent, alors 150 000 politiques vont se retrousser les manches pour agir vraiment, et 7 milliards de personnes vont pratique la sobriété partagée après avoir éradiquer les possesseurs de yacht luxueux, d’avions personnels et autres futilités. Je croyais aussi être presque le seul à avertir du risque démographique, cf mon livre « Moins nombreux, plus heureux« …

Phil69 : En fait, personne ne peut sérieusement croire que les hommes et les sociétés vont accepter une baisse importante et immédiate de leur niveau de vie pour préserver des ressources sur le long terme. Dès lors, le plus probable est une montée des rivalités pour l’accès à ces ressources. De ce point de vue, la conception darwiniste de l’économie et du rapport entre nations de Donald Trump est hélas sans doute plus juste que l’angélisme de ceux qui en appellent à la vertu et à la conscience écologique.

* LE MONDE du 14 novembre 2017, Quinze mille scientifiques alertent sur l’état de la planète

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Entrée du véganisme dans la collection « Que sais-je ? »

Le véganisme, résulte du phénomène de dissonance cognitive, c’est-à-dire le fait que nous ne souhaitons pas de mal aux animaux mais que, dans le même temps, nous les mangeons. Il est né en 1944, au même moment que l’industrialisation de l’élevage. Ce mouvement est entré dans le dictionnaire en 2015 et, dans la collection « Que sais-je ? » en septembre 2017. Les auteurs, tous deux végans assumés, signent un propos très engagé. Chaque végan participe à « ce mouvement de justice sociale visant à terme la libération des animaux du joug humain, jugent Renan Larue et Valéry Giroux*. Les végans bannissent tout produit, service ou activité issus de l’exploitation animale. Il s’agit donc de renoncer à manger de la viande et du poisson, mais aussi du lait, du fromage, des œufs et du miel, de porter des vêtements en cuir et en laine, d’utiliser des cosmétiques testés sur des animaux ou encore de visiter des zoos et d’assister à des corridas. Voici quelques réactions sur lemonde.fr :

Angevine : Derrière le véganisme il y a l’agro-industrie qui veut fournir tous ses plats préparés à base de soja + ou – transgénique. Côté biosphère la disparition de toutes les espèces domestiques serait une catastrophe écologique.

Untel : « Cette végéphobie les pousse à s’organiser en communauté » Dans ma petite expérience les végétariens sont une des communautés les plus actives et intolérantes du web, ses membres étant prompts à insulter leurs concitoyens, qu’ils aiment appeler charognards et comparer à des nazis. La « végéphobie » doit venir en bonne partie de là.

Uduluruntu : « Les végétariens » ne forment pas une communauté unique. Une grande majorité ne dira même pas qu’ils sont végétariens, car c’est un choix personnel dont tout le monde n’a pas envie de le dire outrancièrement.

Charles Darwin : Toute « Outrance » est… Outrancière. La Sélection Naturelle nous a fait OMNIVORES. On est cruels aussi envers les autres humains. Et tout cela est NATUREL

Enkidou : Le véganisme, « mouvement de justice sociale (sic) » visant à la « libération des animaux du joug humain (re-sic) », disent-ils. Caricature grotesque du discours anti-esclavagiste, anti-colonialiste, anti-capitaliste des siècles précédents, les animaux remplaçant les hommes.

BLG : Si vous ignorez que l’être humain est un animal, j’ai de mauvaises nouvelles pour vous…

JULIEN HOLMGREN : Avoir un régime alimentaire omnivore est une possibilité, pas du tout une nécessité. On peut très bien vivre sans produits animaux, je suis bien placé pour le savoir. On est d’ailleurs en meilleure santé en général. Ce qui se passe dans les élevages intensifs et les abattoirs n’a rien de naturel, non. Ni le fait de manger 90 kilos de viande par an par habitant et encore plus aux Etats-Unis, avec les maladies que cela comporte ; cancers, maladies du cœur.

Charles Darwin : MOINS de viande nous ferait du Bien…

* LE MONDE du 31 octobre 2017, Aux racines du véganisme

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Simon CHARBONNEAU, écrire la tragédie écologique

Contrairement à ce qui se passait il y a encore moins de trente ans, les informations relatives au désastre écologique en cours ne manquent pas. Mais, c’est surtout la forme et le contenu de cette présentation qui pose problème. Dans « LE MONDE », ces informations font toujours l’objet d’un traitement particulier ; une page particulière leur ait consacré sous le titre Planète alors que le supplément « économique » ne fait jamais mention des problèmes écologiques posés par ce qui est toujours présenté comme des avancées économiques ou technologiques pour l’humanité. Comme l’huile et l’eau, ces deux catégories d’informations ne sont jamais mis en interface au risque de masquer les vraies questions.

D’autre part, l’espace médiatique a toujours tendance à simplifier ou à tordre le sens des informations relatives aux questions d’environnement par le jeu de slogans ou de formules stéréotypées qui prétendent tout faire comprendre à l’opinion ! Il y a des mots qui occultent la gravité du désastre, tels que « durable », « transition », « économie circulaire » etc…destinés à éviter toute remise en question, en particulier de notre mode de vie occidental mondialisé. On peut même dire que les pratiques rhétoriques dans ce domaine sont celles de la « novlangue » chère à Orwel dans son « 1984 » ! Dans une société qui cultive l’obsolescence de nos objets quotidiens et de nos cadres de vie, que veut donc dire un oxymore comme « développement durable » ??? Il y a même des expressions étonnantes comme « sauver la terre », reprises d’ailleurs par des écolos qui se veulent durs et purs alors qu’il s’agit là du comble de l’esprit prométhéen à l’origine de toutes les dérives actuelles et à venir comme la « géo-ingénierie » censée répondre au réchauffement climatique. Comme l’a montré une récente vidéo du « National Géographic », ce n’est pas la planète qui est menacée de destruction mais l’humanité elle même et ceci par sa propre faute. Autrement dit, ce qu’il faut maintenant envisager sérieusement, c’est l’hypothèse du suicide de l’humanité par son développement incontrôlé rendant au final la terre inhabitable, cette dernière étant parfaitement apte avec le temps à s’en remettre par la suite, malgré des écosystèmes certes transformés mais aussi régénérés !

Compte tenu de l’accélération des processus de destruction en cours, c’est à l’évidence cette hypothèse qu’il faut retenir, aussi tragique soit elle. Non pas pour s’abandonner à « la fatalité du progrès » comme certains esprits cyniques nous le laissent entendre, mais au contraire pour prendre toutes les dimensions du défi ! C’est ici que se situe d’ailleurs le nœud du problème, à savoir le fait d’avoir le courage d’une prise de conscience qui concerne chacun de nous, malgré le fait qu’il soit vraiment tard pour s’y attaquer au regard des premières alertes officielles datant d’au moins cinquante ans. Or jusqu’à présent, la majorité des pays responsables de cette situation dramatique, en particulier l’oligarchie les dirigeants, a pratiqué une politique de faux semblants dont l’Accord de Paris de 2016 sur le climat en est l’illustration éclatante et ceci tout en continuant à faire prospérer les causes de destruction en raison de son addiction à la religion de la croissance. Significativement, les seules réponses officielles à ce défi sont toujours d’ordre technoscientifique et économique, reprenant ainsi la manière de penser qui est à l’origine des problèmes que l’on prétend résoudre !

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Philip Roth, allons voir bien au-delà du romancier

Depuis 1959, année de parution de « Good­bye, Columbus », Philip Roth (né en 1933) a publié un livre à peu près tous les deux ans. Aujourd’hui âgé de 84 ans il n’écrit plus. De toute façon cela n’a aucun importance, un romancier ne vaut pas par ses écrits mais par sa vie et quelques illuminations de la pensée. Voici trois extraits de son interview par LE MONDE* qui montrent en creux pourquoi l’urgence écologique n’est pas et ne peut pas être au programme de l’humanité.

1) Son roman « Ma vie d’homme » s’appuyait sur un épisode personnel, son premier mariage, qui s’est révélé une expérience épouvantable et sordide : « Dans la vraie vie, je n’ai moi-même appris toute l’étendue du piège dans lequel j’étais tombé que très tard, la dernière année, lorsque ma femme m’a elle-même raconté comment, trois ans plus tôt, elle s’était rendue à Harlem pour acheter à une femme enceinte le flacon d’urine qu’elle avait ensuite fait analyser comme étant le sien, dans le but de me persuader qu’elle attendait un enfant de moi, et me convaincre ainsi de l’épouser. A l’époque, l’aveu de cette trahison, qui est au cœur de Ma vie d’homme, m’a laissé stupéfait, sans voix. Il se trouve que rien dans ma vie ne m’avait préparé au sordide. Je venais de la classe moyenne juive du New Jersey, j’avais grandi dans un quartier de Newark très serein, paisible, où régnait la confiance. Mes parents étaient des gens très honnêtes. Mes amis les plus proches également. J’avais évidemment lu beaucoup de livres sur la trahison et le dérangement, mais je n’y avais jamais été confronté. » Tout est dit, l’humanité pourrait se porter au mieux s’il n’y avait des gens pour qui la morale dans les relations n’a plus aucun sens. Cela devrait nous amener à penses qu’un permis de procréer serait une bonne chose, éviter que les tares familiales ne se reproduisent .

2) La première version des « aventures de Zuckerman » se limitait à un seul livre et finissait à Prague : « Le sujet était le contraste, dans la seconde moitié du XXe siècle, entre la vie libre d’un écrivain en Amérique, où tout peut se dire mais où rien n’a d’importance, et les conditions d’existence des écrivains d’Europe de l’Est, où tout avait de l’importance, mais où, justement pour cette raison, rien ne pouvait se dire. » Tout est dit, l’insignifiance des discours médiatiques dans les pays dits démocratiques et la censure omniprésente des pays totalitaires. Nous rappelons le pourquoi de ce blog, inscrit dans l’à propos : La déformation de l’information est perceptible dans une société dont l’idéologie dominante nous a fait oublier depuis deux siècles les limites de la planète et le sens des limites. Alors que la situation actuelle devrait nous inciter à la simplicité du mode de vie et à la sobriété énergétique, c’est toujours l’achat de la plus récente automobile qui structure les pages du MONDE et qui manipule la pensée collective… Historiquement les premiers journaux n’étaient que de simples instruments pour organiser le bavardage, et ils le sont plus ou moins restés. Ce blog veut rompre avec le bavardage… »

3) Philip Roth : « Lindbergh était très à droite, c’était un raciste authentique et un suprémaciste blanc mais, comparé à Trump, c’était Einstein. Trump n’est personne. C’est un pur voyou odieux et ignorant. Ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis est à la fois tragique et effrayant. Tragique à cause de la souffrance que Trump va causer aux gens, que cela soit par ses tentatives pour abroger ou détruire l’Obamacare, par sa négligence vis-à-vis du changement climatique, par les tensions raciales terribles qu’il a déjà réussi à infliger à ce pays en l’espace de quelques mois seulement. C’est effrayant en raison des guerres potentielles. Que le pays qui a voté deux fois pour Barack Obama, un homme cultivé, intelligent, digne et capable de compassion, puisse élire son exact opposé… C’est une contre-révolution. Lindbergh avait des convictions, Trump n’en a aucune. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tout est si imprévisible aujourd’hui. » La seule certitude, c’est que l’humanité continue de se massacrer allègrement dans les couples et les territoires au point d’en oublier complètement l’effondrement de la biosphère.

* LE MONDE des livres du 13 octobre 2017, Rencontre exclusive avec Philip Roth : « Pourquoi ne pas être drôle dans un livre ? »

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