politique

autopsie de Nicolas

1) Baverez ignore l’écologie

Il y a des économistes ringards qui racontent toujours la même chose. Ainsi Nicolas Baverez peut être lu très rapidement (Le Monde du 12.03.2008) puisque les mots de la pensée unique reviennent chez lui en boucle, la mondialisation, la financiarisation, les difficultés conjoncturelles. Nous sommes en présence d’une éthique du capitalisme qui croit encore qu’il y aura développement à long terme et qu’en modifiant quelques petites pratiques françaises ou multilatérales, tout reviendra comme avant, cette belle époque des Trente Glorieuses : le déclin est impossible, la décroissance n’est même pas envisageable. Si on associe  sur google le nom de ce penseur et le mot décroissance, on ne trouve que des items sur la nécessité « de croissance ». Ainsi par exemple, « toutes ces lamentations sur l’absence de croissance ne sont que de pâles excuses Je préfère mille fois l’évidente lucidité d’un Nicolas Baverez qui, … » (lescarnets.net/index.php?2008/01/08/196-le-croissance-mere-de-toutes-les-reformes).

Normal, Nicolas Baverez est normalien de la rue d’Ulm et avocat de tendance libérale. Il a voté pour Nicolas Sarkozy, il est logique avec lui-même. Il a cinq enfants, il ne craint pas la surpopulation humaine. Pour lui, le déclin n’a rien de fatal : il relève d’une succession d’erreurs stratégiques et plus encore de la bulle de mensonge dans laquelle s’est enfermée la vie politique française depuis un quart de siècle. En fait Nicolas ne fait que répéter toujours la même chose sans lire d’autres articles que les siens. Je lui conseille de ne pas en rester à la page 38 (carte blanche à N.Baverez) et d’ouvrir LeMonde à la page 8 : le réchauffement climatique menace la sécurité internationale, exacerbe l’instabilité existante, accroît les conflits autour des ressources, attise les ressentiments contre les responsables.

Alors il se rendrait compte enfin que la responsabilité des dirigeants d’entreprise n’est pas seulement juridique et économique, ni même conforme à la morale du capitalisme triomphant : les dirigeants d’entreprise devraient d’abord s’interroger sur leur lourde responsabilité écologique.

  2) Baverez fait semblant d’être écolo

Mais soyons juste avec nos adversaires, ne jugeons pas sur un seul article. Baverez indiquait (in Les Echos du 16.10.2007, L’environnement, de Nobel en Grenelle ) que « Le prix Nobel de la paix attribué à Al Gore et au Giec souligne le lien fondamental entre la paix et la protection de l’environnement. (…)  L’écologie s’est transformée en même temps que la prise de conscience progressait. Elle était un combat d’activistes ; elle devient une question politique portée par les partis traditionnels et les gouvernements jusqu’au sein du G8. » 

 Selon Baverez, « Le prix Nobel et le Grenelle actent le basculement d’une écologie défensive et réactionnaire vers une écologie responsable, au service du développement économique. Une écologie qui ne voit plus dans l’économie de marché l’origine du problème mais la clef des solutions. Une écologie qui cesse de penser uniquement en termes d’interdiction, de réglementation, de moratoires sur les infrastructures ou la recherche, mais qui se décline en incitation et en innovation. Une écologie qui brise avec ses relents nationalistes, une écologie qui se démarque d’une conception absolutiste du principe de précaution pour se réconcilier avec la science et le progrès. »

Pour Baverez, l’écologie « responsable » consiste donc à ne rien changer. On se contente de renommer « croissance économique » en son jumeau mieux habillé, « développement durable ». Alors je ne peux que penser que l’écologie ne peut être à droite. Encore faudrait-il que la gauche s’en rende compte.

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municipalisation libérale

Les élus des années 1970 ont transformé leur ville en entreprise qui attire la clientèle. C’est la mode de la politique du  développement local, les zones industrielles, les politiques d’image visant à améliorer le positionnement extérieur de la ville, festival de musique par-ci, festival de la bande dessinée par-là…. Admirez le style de cette conquête : «  C’est à partir de 1968, que la riche et fertile plaine des Milles jusqu´alors consacrée à l’agriculture, va voir peu à peu s’installer des entreprises qui au fil du temps vont offrir au paysage aixois une identité nouvelle. C’est l’œuvre d’hommes qui ont su pressentir avant les autres les formidables atouts d’un projet qui mettait en jeu l’avenir de la région aixoise. 35 ans plus tard, le Pôle d’Activités d’Aix-en-Provence, qui s’étend sur un espace de 800 hectares, est devenu l’un des plus grands sites économiques du sud de la France.  Son essor, le Pôle le doit aux entreprises qui ont fait confiance à son potentiel, ainsi qu’aux acteurs publics et privés du développement économique qui ont pris les bonnes décisions au bon moment. »

 

Maintenant on commence à se rendre compte que ce processus libéral de création d’activités étouffe complètement toute velléité de respect environnemental, on prend des terres à l’agriculture et à la biodiversité, on fait de la croissance pour la croissance, on allonge les déplacements urbains et péri-urbains, on fabrique de la catastrophe écologique. Tout ça pour une rentabilité politique, il faut que l’élu serve à quelque chose, il sera jugé sur sa politique de grands travaux, la construction du plus beau palais des Congrès, le plus grand nombre de création d’entreprises, le plus beau périphérique, et maintenant l’éco-quartier pour attirer les promoteurs !

 

Une seule alternative, la ville lente, la ville compacte, la ville qui ne veut pas rentrer dans la compétition libérale interurbaine…

 (thèmes abordés par « l’écologie consommée par la ville », in mensuel La décroissance de mars 2008)

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des municipales non écolo

Dès l’édito (LeMonde du 11.03.2008), on nous fait bien remarquer que Sarko a ouvert ses porte-feuilles à une gauche…où on ne rencontre pas  d’écolos. Les Verts sentent-ils encore le soufre, ou bien auraient-ils refusé de s’allier avec la droite libérale ? Dimanche dernier, c’était les municipales, les écolos restent toujours les grands absents des commentaires du Monde. Il faut attendre la p.8 pour rencontrer les Verts au détour d’une phrase de Delanoë. En p.9 on apprend que le PCF sort conforté des primaires et que la LCR fait une percée inattendue : toujours pas trace des Verts. Ce n’est qu’en bas de la p.11 qu’on nous indique que les Verts peuvent espérer plus d’élus. Mais le titre ajoute « et divisent par deux leur score à Paris ». Remarquons aussi qu’on ne parle pas du tout des écolos de droite qui n’étaient présents dans cette campagne électorale que sous forme très diluée, dans le MoDem.

Pauvres écolos, méprisés et ignorés alors qu’ils font encore autour de 10 % ici et là ! Pauvres écolos qui courent après les électeurs depuis 1974. Pauvres électeurs qui ne sentent pas que le monde telle qu’on le  connaît va s’effondrer sous le poids des problèmes écologiques ! Il est vrai qu’avant la crise de 1929, tout le monde voyait la reprise au bout du tunnel, il est vrai que nous sommes partis la fleur au fusil dans plusieurs guerres mondiales.

 Encore des élections qui n’ont pas servi à grand chose, si ce n’est que tous les candidats ont mis un peu de développement durable et beaucoup de transports propres dans leur programme : quelle foutaise, le greenwashing  !

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Internet produit des imbéciles

Internet ne fait qu’accentuer le mouvement d’externalisation de la mémoire humaine, entamé avec l’invention de l’écriture. Plus de vingt siècles plus tard, la nouvelle externalisation de la mémoire se produit avec une ampleur inégalée. That’s the question : Pourquoi se donner la peine d’apprendre alors que tout nous est donné à la vitesse de la lumière ? Je me pose la question, répond le neuropsychologue Francis Eustache ! La culture est de plus en plus éclatée, l’identité de chacun peut se forger en fonction de ses propres intérêts, la mémoire humaine n’est plus la priorité, l’école ne peut plus cultiver le « par cœur » des comptines de l’enfance. L’être humain est devenu sans le savoir un simple prolongement organique du réseau informatisé, lequel concentre toute la mémoire du monde dans le désordre le plus total. On y communique plus qu’on nous informe, on y libère l’expression des fantasmes plus qu’on n’y rend compte de faits vérifiés et hiérarchisés.  On cultive le futile, l’approximatif, en définitive on propage le conformisme du moment. L’élève, même en terminale d’une section généraliste, ne sait plus analyser un texte écrit, en retrouver la structure, à plus forte raison en discerner les idées générales ; il se retrouve incapable de faire le moindre commentaire personnel, où alors, il fait semblant. Les jeux vidéos censés donner un coup de fouet à la mémoire négligent les dimensions affectives et sociales dans lesquelles se forge la mémoire individuelle et collective. La question du vivre ensemble ne trouve plus de réponse.

 Comment retrouver le contact avec les idées simples et la Biosphère quand on a construit autour de soi un monde sans mémoire et sans avenir ?

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la récession est en marche

Il suffit de lire LeMonde argent (supplément du 9.03.2008) pour savoir que la récession est en marche. Même les concessions funéraires à perpétuité deviennent temporaires, comme les contrats de travail. L’économie américaine va mal, des emplois sont détruits et les saisies dans l’immobilier augmentent. Beaucoup plus grave car il ne s’agit pas des trop riches Américains, mais de l’alimentation des pauvres : la production mondiale de riz n’a progressé que de 0,5 % par an durant les dix dernières années, alors que la consommation augmentait de 1 %. Sachant que le riz est la céréale la plus consommée au monde, sachant que son cours est passé en six mois de 420 dollars la tonne à 570 dollars, qu’a-t-on fait de nos Trente Glorieuses pour en arriver là ? Comme l’indique à juste titre la citation mise en exergue de ce supplément, « J’ai dépensé beaucoup d’argent dans la boisson, les filles et les voitures de sport. Et le reste, je l’ai gaspillé. (George Best) » J’ai déjà commenté cette phrase à l’époque de la mort de George, je n’ai rien à changer :

 

            Le plus grand joueur britannique de tous les temps est mort le 25 novembre 2005 à l’âge de 59 ans d’une infection pulmonaire. Son décès était programmé depuis longtemps car George Best définissait ainsi son propre mode de vie :  » J’ai dépensé beaucoup d’argent dans la picole, les femmes et les voitures de course. Le reste je l’ai gaspillé. « . Cela ne serait pas grand chose si une grande partie de l’humanité ne suivait ce modèle en s’abîmant dans l’alcoolisme, la multiplication des humains et les voitures de toutes tailles tout en gaspillant par ailleurs toujours plus d’argent, et donc de ressources.

 

           Dans de telles circonstances, l’équilibre entre les écosystèmes et l’activisme humain est bien compromis :  » Supprimez l’apéro et autres alcools, les allocations familiales, les publicités pour les voitures et les matchs de foot à la télé « , nous dit la Biosphère.

 http://biosphere.ouvaton.org/pagetheme.php?code=2006/th-foliehumaine1&zone=mondiale

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la récession, vite !

Aux Etats-Unis, les signes d’une récession se multiplient (LeMonde du 9-10.03.2008). Mais comment peut-on accepter que le président Bush distribue de l’argent pour une relance de la consommation ? On sait en effet qu’il faudrait déjà plusieurs planètes pour généraliser le mode de vie américain d’aujourd’hui. Alors que l’Américain moyen brûle la planète par les deux bouts, faudrait-il s’apitoyer sur ces millions de familles insolvables qui ont acheté à crédit une grande maison pour y loger plusieurs 4×4 ? Pensons à tous les autres pauvres de la planète à 1 dollar par jour seulement, alors on saura qui il faut réellement plaindre. L’emploi américain régresse ! Mais ce n’est qu’un début, attendons la dépression économique.

 

Les statisticiens font de subtiles nuances entre la contraction de l’activité ou croissance négative temporaire, la récession à partir de six mois consécutifs de décroissance, et la dépression du type crise structurelle que les habitants des pays riches ont connu après le krach de 1929. Comme tous les indicateurs de la Biosphère sont au rouge (épuisement des ressources fossiles, réchauffement climatique, perte de biodiversité, désertification des terres, déforestation, diminution des ressources halieutiques, etc.), la décroissance durable ne peut qu’advenir prochainement. Le plus tôt sera le mieux. Nous pourrons alors  connaître une croissance de la joie de vivre…si nous devenons un peu plus sobre et plus sage qu’aujourd’hui.

 Pour plus de renseignements, le mensuel « La décroissance » est disponible en kiosque…

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dominique Bourg

Entretien avec Dominique Bourg, directeur de l’Institut des politiques territoriales et d’environnement humain de l’université de Lausanne In Magazine de l’espace européen de la recherche (research.eu) n° 52, juin 2007

– Question : Vous ne semblez pas beaucoup compter sur le progrès technologique

 D.Bourg : « Il faut tirer les leçons du 20ème siècle. Lorsqu’on a découvert la radioactivité, on a cru qu’elle était inoffensive. Elle s’est avérée cancérigène – surprise ! Lorsqu’on a inventé les CFC (chlorofluorocarbones), on était très content de leur inertie chimique, que l’on estimait être une garantie de sécurité, et on les a produit en masse. Des décennies plus tard, il est apparu que les CFC détérioraient la couche d’ozone – surprise ! Le DDT a été présenté comme l’invention du siècle, très efficace et sans danger. Mais ce pesticide est nocif pour l’environnement et même pour la santé à certaines concentrations – surprise encore ! Et j’en oublie, l’amiante entre autres. Finalement l’utilisation des hydrocarbures s’avère dangereuse pour le  climat.

Cela montre que nos techniques sont des maîtrises partielles ne donnant aucunement la maîtrise de l’ensemble du système, et qu’elles peuvent déboucher sur des dommages. Plus ces techniques sont puissantes, plus les dommages induits peuvent être importants.

– Question : Pensez-vous qu’un bien puisse sortir de la crise actuelle ?

 D.Bourg : D’une certaine façon, cette confrontation aux limites de la planète peut s’avérer être une chance extraordinaire. Notre civilisation se détruit parce qu’elle s’est conçue comme devant transgresser toutes les limites dans tous les domaines. Nous avons cassé tous les canons esthétiques en art, donné naissance aux totalitarismes les plus absolus, décrété qu’il n’y avait plus de limites physiques – comme l’illustre le sport moderne -, ni éthiques, par exemple en matière de procréation artificielle. Il n’y a plus de limites à la consommation, ni tout simplement de limites naturelles. Notre seule obsession est : « toujours plus ». Toute la modernité s’acharne, en quelque sorte, à occuper la place du Grand architecte. Et, finalement, nous sommes confrontés à un phénomène (réchauffement climatique et perte de biodiversité) qui peut nous faire retrouver le sens, et le sens du sens. Si nous ne ratons pas l’occasion.

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big history

Christie’s vend à l’encan notre préhistoire, en particulier un imposant tricératops de 7,5 mètres de long et 65 millions d’années (LeMonde du 8.03.2008).  Au total, près de deux cents pièces provenant de trois collections particulières sont proposées au public. « Particulières », l’histoire de notre planète serait donc l’objet de possession de particuliers ! « Au public », les vestiges sur lesquels s’appuie la paléontologie de notre Terre pourraient donc être privatisés ! N’y a-t-il pas de limites à mettre à la primauté des riches à s’accaparer les richesses de notre passé ?

 Nous devrions abandonner l’histoire particulière des groupes ethniques particuliers au profit de la big history, une vision à large échelle qui démarre au moment du big bang et se déroule jusqu’au monde contemporain. C’est l’histoire globale qui seule devrait importer, l’histoire commune des humains et des non-humains, une histoire universelle qui ne se limite pas à l’histoire de la race humaine. Il s’agit d’appréhender le monde comme un tout, depuis l’origine de l’univers, des galaxies et du système solaire  jusqu’au sociétés agraires, l’émergence des villes et l’anthropisation de notre monde. Les tricératops appartiennent à notre histoire commune, ils ne devraient pas être privatisées.

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unissons nos forces

Lettre ouverte au journal La Décroissance 

Je pense sincèrement que les attaques contre ceux qui vont dans le même sens que nous, les objecteurs de croissance, sont contre-productives. Un mouvement émergent comme le nôtre ne gagne rien à se déchirer, d’autant plus que nous savons pertinemment que chacun de nous est plus ou moins schizophrène, à la fois appâté par notre société de gaspillage et de plus en plus conscient du nécessaire changement. Je pense par exemple que le raisonnement ci-dessous de Nicolas Hulot est digne d’être présenté de façon neutre dans le journal la décroissance :

 

Question à Nicolas Hulot (dossier du Figaro sur le Grenelle de l’environnement) : D’après un sondage Ifop/Direct assurance, 61 % des Français sont opposés à une nouvelle réduction de la limitation de vitesse.

 

Réponse de NH : En posant cette question là, on donne l’illusion aux gens qu’ils ont le choix. Beaucoup n’ont pas encore réalisé que si l’on ne construit pas une société de modération, c’est une société de privation qui s’imposera de force. Et si vous ajoutez à ce sondage la question suivante : « Etes-vous d’accord pour que vos enfants se retrouvent dans une situation de pénurie de ressources, de conflits généralisés à cause du changement de climat ? », ils seront majoritaires à vous répondre non.

 Réponse d’un rédacteur de La Décroissance : Tant que Nicolas Hulot ne quitte pas son ancienne vie de préparateur de « temps de cerveaux disponible pour la pub », il peut dire tout ce qu’il veut, il peut même être « sincère » (Séguéla et M. Bouygues le sont sans doute aussi), il n’est pas pour nous légitime. Mais nous n’empêchons personne de chanter ses louanges !

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OCDE contre OCDE

En 2030, la population de la Terre atteindra 8,2 milliards de personnes. Je vous préviens, si nous ne faisons rien, le tableau de notre planète ne sera pas agréable à regarder. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le secrétaire général de l’OCDE (LeMonde du 7.03.2008). La même édition du Monde titre pourtant en p.22 sur l’inquiétant vieillissement de la population en Espagne. C’est aussi l’OCDE qui avait sonné l’alarme en 2007, l’Espagne pouvant devenir en 2050 la nation la plus vieille du monde après le Japon et la Corée. Notons d’abord la contradiction, en 2007 l’OCDE s’inquiète de la faible fécondité espagnole, en 2008 l’OCDE s’inquiète de la surpopulation. Il est vrai qu’il ne s’agit pas de la même population, la population mondiale d’un côté (surtout des pauvres), la population ibérique de l’autre, assez friquée. Mais ceux qui sont favorisés (les pays développés) doivent donner l’exemple à ceux qui sont en détresse (le tiers-monde).

 

Alors que faire ? Certainement pas ce qu’a fait Zapatero. José Luis avait alloué 2500 euros pour tout enfant né à partir du 3 juillet 2007 dans le but d’encourager une natalité jugée trop faible. Mais l’Espagne agissait ainsi comme si la multiplication des naissances allait résoudre les problèmes croissants de précarité du travail, comme si les futurs chômeurs allaient pouvoir financer les retraites du papy boom, comme si les grands-mères n’étaient pas de meilleures gardiennes d’enfant que des nounous rétribuées, comme si la démographie mondiale ne bouffait pas notre planète.

Nous allons étouffer la Biosphère de notre nombre et de notre voracité en ressources naturelles. Les familles espagnoles, proches aujourd’hui de l’idéal chinois d’un seul enfant par famille, devraient servir de modèle démographique et non de repoussoir. Que faut-il faire ? D’abord supprimer les primes à la naissance en Espagne et les allocations familiales en France…

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Attali contre Attali

Dans un texte paru en 1973 (no 52 de La Nef), Jacques Attali expliquait combien le rapport du Club de Rome, The Limits of Growth était un livre « prudent ». Il soulignait ensuite les principaux écueils de la notion de croissance. Les modèles de croissance sont « incapables d’analyser les relations entre la croissance et le bien-être ». M. Attali 1er  attaquait ensuite l’indicateur de la croissance, le PNB : « Les grandeurs de la comptabilité nationale conduisent à mesurer la croissance par un indicateur unique, le PNB, dont il est devenu banal aujourd’hui de souligner l’inadéquation. » Troisième argument du jeune Attali, la croissance permet de masquer les inégalités de revenu. Si le gâteau augmente un peu pour ceux d’en bas, ils sont moins tentés de remettre en cause la part que s’allouent ceux d’en haut. « Il est un mythe savamment entretenu par les économistes libéraux, selon lequel la croissance réduit l’inégalité, écrivait M. Attali 1er. Cet argument permettant de reporter à « plus tard » toute revendication redistributive est une escroquerie intellectuelle sans fondement. »

 Les différentes analyses et constats statistiques ont amplement confirmé depuis 1973 la validité de ces trois critiques : la croissance ne fait pas le bonheur, elle ne mesure pas la destruction de  l’environnement, elle ne réduit pas les inégalités. Pourtant sur France Inter, le 16 octobre 2007, M. Attali II affirmait : « La meilleure façon de ne pas polluer est de revenir à l’âge de pierre. » Cette réponse caricaturale aux objecteurs de croissance ne fait pas honneur au débat. Il est vrai que J.Attali dirigeait une commission de « libération de la croissance » !!!

 Le mouvement de la décroissance connaît déjà la réponse à donner à Attali : pour sauver l’homme, il faut sauver la Biosphère. Pour sauver la Biosphère il faut pratiquer une économie conviviale qui pèserait le moins possible sur les ressources naturelles. Tout au contraire d’une libération de la croissance, il s’agit de définir une économie qui stoppe la dégradation de l’environnement tout en permettant un bien-être équitablement partagé.

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l’avenir du présent

Lisons LeMonde de façon transversale.

 

L’insécurité galopante atteint les classes moyennes, la dégradation de l’emploi s’est aggravée, les allocataires du chômage ont augmenté de 20 %. Avec la désindustrialisation, le rêve s’est effiloché. Avec la crise, il s’est effondré. Des bandes de délinquants sillonnent les quartiers pour dévaliser les appartements saisis. Ils recherchent en priorité du métal, et ce parfois en plein jour. La police est débordée… On croirait lire le scénario d’un film catastrophe, c’est la réalité de l’Ohio aujourd’hui (Lemonde du 6.03.2008).

 

            Deux pages plus loin, LeMonde affiche la sollicitude du pouvoir chinois à l’égard des migrants. Les mingong (min pour paysans et gong pour ouvrier) sont 200 millions. Paysans chassés des campagnes, ils sont le plus souvent illégaux en ville et ne peuvent scolariser leurs enfants. Leurs employeurs oublient parfois de les payer durant de longs mois et le prix du logement sont au-dessus des moyens des migrants… C’est une poudrière sociale en augmentation constante, le scénario d’un film catastrophe.

 Le présent a un bel avenir à l’heure où nous dépassons les limites de la planète, il s’agit d’un avenir désastreux.  Il ne tient qu’à nous de limiter le désastre. Les Chinois doivent en revenir à la méthode maoïste de limitation de la croissance urbaine, les Américains doivent un peu plus se consacrer à leurs bassins d’emploi de proximité et beaucoup moins à une politique de puissance. Il paraît  ridicule que les constructeurs automobiles chinois débarquent en Europe (p.12) alors que l’Ohio souffre de la crise automobile et que le réchauffement climatique sonne à notre porte : on nous annonce deux degrés de plus en moyenne mondiale (p.7) vers 2050, une vraie catastrophe !

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sauvons la Terre

Comme René Dumont, Lester porte sur le monde une démarche d’agronome, avec la même question fondamentale : Qu’est-ce qu’on va manger demain ? En 1948, Lester Brown n’a que 14 ans quand il se lance dans la culture des tomates. En 1957, quand Lester décide de passer à autre chose, sa récolte de tomates est de 700 tonnes ! Rattaché au ministère de l’agriculture, Lester étudie fin 1962 l’Asie en montrant qu’on ne peut faire abstraction de ses relations avec le reste du monde : toute vision juste est obligatoirement globale. Le résultat, un rapport qui montre qu’on va vers une crise alimentaire mondiale. Bluffé, le secrétaire d’Etat à l’agriculture en fait son conseiller économique alors que Lester n’a que 28 ans. Par la suite, Lester Brown fonde en 1974 le centre de recherches Worldwatch Institute, dont les études vont faire le tour du monde des écologistes. Son lieutenant, chargé des questions de l’énergie, fomente un putsch qui réussit ! Lester s’en va fonder aussitôt le Earth Policy Institute et continue de travailler sept jours sur sept, douze heures par jour.

 

Lester pense que nous allons vivre dans un monde très différent de celui que nous connaissons. Les sources d’énergie fossile se sont mondialisées en délocalisation nos vies. Avec les énergies renouvelables, les sources vont se relocaliser, et la relocalisation de l’énergie entraînera celle de la production alimentaire. Tout peut bouger très vite d’ici à 2020.

 Lester veut donc sauver le monde. Le problème, c’est que le monde ne le veut pas. Mais Lester reste optimiste, il a vu en 1944 combien une population est capable de se mobiliser et d’inverser le cours des choses ; comment les gens récupéraient l’huile dans laquelle ils avaient fait cuire œuf et bacon pour en faire des explosifs ; comment Théodore Roosevelt interdit la vente de voitures pour consacrer l’ensemble des chaînes de montage à l’effort de guerre. Aujourd’hui aussi, nous sommes en guerre, cette fois avec la Nature ! Il ne s’agit plus de produire autrement, mais de fabriquer beaucoup moins…

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Des chercheurs trop nombreux

Le Parlement avait examiné (LeMonde du 28/01/2005) la loi d’orientation et de programmation sur la recherche. Le mouvement  » Sauvons la recherche  » dénonçait alors un projet de loi inacceptable, déjà un député PS passait en première ligne pour soutenir les OGM. Aujourd’hui encore, les scientifiques s’inquiètent de la baisse des crédits pour la recherche (LeMonde du 5.03.2008) et de « la politique de la terre brûlée » de Sarko.

 

Pourtant la question essentielle est ailleurs : il faudrait considérer la recherche non comme un tout dont l’objectif serait d’accaparer au moins 3 % du PIB, mais comme des études spécifiques dont les domaines d’application seraient réellement utiles et sans danger pour la société humaine et pour le reste de la planète. Par exemple, faut-il financer principalement la biologie moléculaire (et donc les OGM) ou faut-il favoriser la recherche des naturalistes sur les avantages de la biodiversité dont on nous rappelle parfois qu’elle est en péril extrême ? Faut-il consacrer plus de 80 % du financement de la France en matière d’énergie à la recherche nucléaire et laisser seulement quelques miettes pour les énergies renouvelables ? Faut-il toujours plus de recherche en tous genres sans s’interroger sur les risques pour la santé humaine de nos applications techno-scientifiques alors que nous accumulons déjà des tas de produits chimiques dans notre corps et nos appartements ?

 Finalement notre polarisation sur d’éventuels sauts technologiques dans la recherche à la mode (une mode déterminée par les industriels) nous empêche de consacrer toutes nos forces et notre attention à l’endiguement des dégâts que la techno-science inflige aujourd’hui à notre planète, donc à nous-mêmes. Le pilotage politique ne devrait pas porter sur une enveloppe financière globale qui va sauver quelques emplois de chercheurs, mais sur notre manière de penser et de vivre qui trop souvent pénalise le sort des générations futures. La Biosphère n’a pas besoin des chercheurs qui se foutent complètement de sauver la planète.

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limits to growth

« Notre problème est celui de la croissance matérielle dans un monde fini. Tant que la croissance humaine et industrielle se poursuivra, les symptômes (érosion du sol, déforestation, changement climatique…) continueront de se manifester sous une forme ou une autre et cela, de façon toujours plus intense. En 1972, nous avons publié, avec le club de Rome, notre premier livre (ndlr, Limits to growth, traduit en Français par Halte à la croissance) sur la dynamique de la croissance sur une planète finie. A cette époque, nous ne disposions que de nos propres analyses pour exposer les problèmes auxquels nous aurions à faire face. Nous avions fait l’objet à l’époque de nombreuses critiques car personne ou presque ne pouvait concevoir que l’activité humaine deviendrait suffisamment importante pour détériorer les processus vitaux essentiels de cette planète. Jour après jour aujourd’hui, les médias fournissent d’abondantes preuves de l’existence de problèmes qui n’étaient que mauvais pressentiment il y a un peu plus de trente ans. Un titre récent du journal allemand Die Zeit posait même la question suivante : « Peut-on encore sauver l’humanité ? » En 1970, la publication d’un tel article aurait déchaîné les foules partout en Europe. Cette idée est devenue si courante que presque personne n’y a fait attention.

 

Depuis trente-quatre ans, nos principales conclusions n’ont pas changé. Toutefois un changement considérable s’est produit. En 1972, l’humanité était en dessous des limites de la planète, maintenant nous sommes au-dessus. Selon les calculs de Wackernagel (ndlr, l’empreinte écologique), l’humanité avait atteint environ 85 % de cette limite en 1972, aujourd’hui la consommation humaine des ressources se situe à environ 125 % du niveau soutenable à long terme. En 1972, le but principal visait un ralentissement, A présent, le but principal est une diminution. Nous devons ramener la population mondiale et son économie en dessous de ce seuil et nous devons essayer de le faire sans endommager gravement les systèmes naturels de la planète, ni provoquer des conflits étendus. Quelles que soient les circonstances, l’exploitation des matières premières et des énergies déclinera, que nous le voulions ou non. La question est tout simplement de savoir si nous pourrons choisir la manière de procéder à cette réduction. Les nouvelles technologies ne sauraient suffire. Des changements seront également  requis dans les domaines de la culture et de l’éthique. »

 Extraits de Entretiens  du XXIe siècle, Signons la paix avec la Terre (éditions Unesco, Albin Michel, 2007)

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bravo DSK !

J’ai écouté DSK lors d’un meeting alors qu’il n’était qu’un des candidats PS aux élections présidentielles française. Il avait répondu aux problèmes écologiques par une seule idée : « Il faut plus de croissance ».

Maintenant il est devenu le grand manitou du FMI, et il n’a pas bougé d’un poil (LeMonde du 4.03.2008) :

– Pour lutter contre l’inflation, il prévoit une baisse du prix du pétrole. Bonjour le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources fossiles ! De plus, il n’a pas encore compris que la TIPP flottante n’incitera pas les consommateurs à économiser une ressource pétrolière de plus en plus rare.

– Pour lutter contre l’inflation, il préconise une « augmentation des surfaces cultivées ».  Bonjour la déforestation et la stérilisation de terres moins appropriées à l’agriculture !  Il ne fait aussi que constater la ruée sur les biocarburants alors qu’il devrait les condamner. Il n’a pas encore compris que les engrais sont  basés sur le pétrole et que cela n’est pas durable.

  Pour lutter contre l’inflation, il conseille des subventions à l’agriculture dans les pays pauvres. Mais qui va payer ces subventions ? Il n’a pas encore compris que la hausse des prix alimentaires inciterait les agriculteurs à accroître leur production alors que les subventions agricoles justifient l’urbanisation galopante.

– Contre le désordre monétaire, il préconise un contre-poids à l’indépendance de la BCE (dont il a quand même compris que cela permet de lutter contre l’inflation en Europe). Mais il préconise une relance budgétaire mondiale, ce qui ne peut que produire encore plus d’inflation. Comprenne qui pourra !

             L’interview se termine par ce que Dominique Strauss-Kahn croit être un changement de paradigme : «  Ce projet de stimulation mondiale prouve que le FMI ne demande pas systématiquement de se serrer la ceinture ». Mais DSK conserve ainsi la vision de l’économie dominante dont le seul refrain est « croissance, croissance, croissance ». DSK ne fait preuve d’aucune analyse transversale, il se garde bien de parler de tous les problèmes écologiques (et donc socio-économiques) provoqués par la croissance. Aux côtés des capitalistes, DSK va continuer à mener la Biosphère au-delà de ses limites,  droit dans le mur. Bravo DSK.

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downshifters

Même le Figaro s’y met (15.10.2007) : « Au diable l’avion (trop polluant), la télé, les fast-foods, les vêtements de marque, le dernier sac tendance… Vive Emmaüs, les légumes bio, le recyclage, le vélo, la vie à la campagne et le savon de Marseille ! Baptisés downshifters aux Etats-Unis, nos décroissants prônent la « slow life », refusant l’« étouffement de l’individu dans cette société dévorée par les objets et la technologie ». Soixante-huitards sur le retour, militants alternatifs, libertaires, mais aussi économistes et universitaires, ces hédonistes frugaux se targuent de conjuguer solidarité et joie de vivre. Les «nonos» (ceux qui disent non) après les bobos ? ».

 

A un Président de la République qui répète à l’envie que « les Français veulent travailler plus pour gagner plus », certains ont envie de répliquer « Cherchons à travailler moins pour vivre mieux ! » Les adeptes de la décroissance, les désengagés (downshifters) travaillent moins et dépensent moins car ils veulent le faire de façon constructive. Ils déterminent ce qui est important et ce qui ne l’est pas dans leur vie. En travaillant neuf heures par jour, vous risquez de devenir directeur et ainsi de finir par travailler douze heures par jour. Voilà ce que disent les gens qui se considèrent downshifters. Ce terme est utilisé par les sociologues pour décrire une tendance à renoncer à sa carrière pour avoir une vie moins stressante mais « de meilleure qualité ». Si on prend un point de vue d’économiste, on constate que la défense du pouvoir d’achat dans les pays riches concerne essentiellement les nouveaux biens de consommation (écrans, ordinateurs, téléphones, gadgets divers) dont tous sont loin d’être indispensables. Alors, à quel moment déciderons-nous que les coûts marginaux de la croissance dépassent les bénéfices marginaux ? A quel moment considérerons-nous dans les pays riches que nous avons atteint le point auquel nous arrêter ?

 

Le révérend Billy (Bill Talen), de la church of stop shopping, a choisi. Il sillonne les Etats-Unis en baptisant des bébés pour les protéger de la société de consommation. Mais les gens aiment acheter. Alors seule une bonne récession pourrait les sauver…

  (pour en savoir plus, dossier Travailler moins pour vivre mieux in Courrier international du 2 au 9 janvier 2008) 

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l’écologie, de droite ou de gauche ?

Selon LeMonde du 2-3.03.2008, l’environnement serait devenu la nouvelle coqueluche des maires : « Tous les partis s’y mettent alors que le sujet était autrefois porté seulement par les Verts. » Alors, l’écologie serait-elle désormais ni de droite ni de gauche ?

Examinons de plus près une étude de cas, Narbonne. Le maire étiqueté div. Droite se pose en défendeur acharné de l’énergie propre. Il est ainsi très fier de l’inauguration d’une crèche à énergie positive (qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme). Si ce maire avait fait réaliser l’analyse du cycle de vie des produits nécessaires à construire une crèche à énergie positive, il se serait vite rendu compte que la propreté de l’énergie est toute relative. Mais pour la droite, il s’agit de faire vivre les entreprises, toutes les entreprises, il s’agit de produire pour consommer, il s’agit de calculer le profit immédiat à tirer de la marchandisation des enfants.

Le candidat socialiste est fidèle à son image d’homme de gauche : « La crèche à énergie positive, c’est bien, mais en étant un peu moins exigeant en termes de performance, on aurait pu accueillir davantage d’enfants…ce qui devrait être la priorité. » Il veut donc ignorer presque totalement les émissions de gaz à effet de serre et le sort des générations futures qui vivent dans la crèche. Il a     même une optique nataliste, des enfants, encore plus d’enfants, encore plus d’ennuis dans le futur. Il postule la quantité plutôt que la qualité. C’est vraiment un homme de gauche.

 Maryse Arditi, la candidate des Verts, prend la seule position qui vaille, une analyse transversale : «  Le maire de Narbonne fait un quartier durable, mais continue d’urbaniser à 10 km de la ville et de bétonner la crête… ». Maryse est une écologiste historique, elle fait partie du courant vert des Verts, contre le courant noir des anarchistes verts et le courant rouge des opportunistes en vert. Car on sait à quel point les Verts sont divisés, ce qui entrave tout discours constructif et transforme Maryse Arditi en éternelle minoritaire dans son propre camp.

L’écologie n’est ni de droite ni de gauche, elle est ailleurs et partout à la fois, mais les politiques commencent juste à s’en rendre compte !

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Kirkpatrik Sale

Pour te donner envie de lire Kirkpatrik Sale, La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation (éditions l’Echappée, 2006), quelques citations :

 

– La génération  vivant entre 1950 et 1990 a consommé plus de biens et de services, mesurés en dollars et à l’échelle mondiale, que l’ensemble des générations précédentes de l’histoire humaine.

 

– Le futur des futurologues n’est qu’une amplification grotesque du présent : surcharger encore plus notre environnement de cet amoncellement de déchets qu’est la civilisation industrielle.

 

– Le problème ne réside pas dans le fait d’utiliser une technique ou de s’en abstenir ; toutes les sociétés ont utilisé des outils et la parole elle-même fut l’une des premières techniques. Il réside plutôt dans le fait de savoir si cette technique est bénéfique ou nuisible à ses utilisateurs, à la communauté, à l’environnement, à l’avenir.

 – Comme l’anticipait le panneau surplombant les portes de l’Exposition universelle de Chicago en 1933 : « La science explore, la technologie exécute, l’Homme se conforme ».

– Le régime industriel se soucie peu de savoir qui gouverne l’Etat, pourvu que les dirigeants comprennent ce que l’on attend d’eux. Il s’accommode de la Russie marxiste, du Japon capitaliste, de la Chine soumise, de l’Inde déchirée, de l’Etat juif d’Israël, de l’Egypte musulmane…

 

– L’un des traits de l’industrialisme est de faire un usage intensif des trésors concentrés dans la nature sans égards pour la stabilité et la viabilité du monde qui les fournit. C’est un processus ratifié par des idéologies industrielles tels que l’humanisme, qui en donne le droit, le matérialisme, qui en donne l’explication, et le rationalisme, qui en donne la méthode.

 

– Quiconque est doué de la faculté de sentir ne peut ignorer la catastrophe inhérente à la lutte entre technosphère et biosphère.

 – Rétrospectivement, on ne se souvient pas des luddites parce qu’ils ont gagné, mais parce qu’ils ont résisté. Leur résistance fut dramatique, vigoureuse et suffisamment authentique pour faire entrer les questions soulevées par les luddites dans l’histoire, et intégrer leur nom à la langue.

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Combien sommes-nous ?

Je suis objecteur de croissance, je suis néo-luddite. Avec qui puis-je me révolter ?

 Les néo-luddites, qui remettent en cause la révolution industrielle, sont aujourd’hui plus nombreux qu’on ne l’imagine. Privés des moyens d’expression et du pouvoir dont jouissent les optimistes, ces pessimistes se font néanmoins entendre à l’aide de leurs piles de documents et grâce à un nombre croissant de disciples. On les trouve dans les groupes d’action directe des écologistes radicaux. A l’université, dans des groupes de recherche hérétiques en économie et en écologie, souvent liés au mouvement contre la décroissance (no-growth school). Ils sont dans toutes les communautés indiennes des Amériques qui opposent le biocentrisme à la norme anthropocentriste. Ce sont aussi les activistes qui luttent contre le nucléaire, la nourriture contaminée, la déforestation, l’expérimentation animale, les déchets toxiques, la chasse à la baleine, entre autres aspects du massacre high-tech. On pourrait compter les quelques millions de travailleurs des pays industrialisés licenciés pour motif de robotisation. Ajoutons les millions de personnes qui ont été exposées aux polluants, produits chimiques, poisons , et qui en subissent les conséquences dramatiques. On pourrait enfin trouver des néo-luddites parmi tous les gens qui, suite à l’introduction des nouvelles technologies au travail et à la maison, ont été déroutés, rabaissés, frustrés par des machines incompréhensibles que l’on peut de moins en moins réparer.

 

Partout où ils se trouvent, les néo-luddites tentent de fait entendre ce constat : quels qu’en soient les avantages présumés en termes de rapidité, de commodité, de gain de richesse ou de puissance, la technologie industrielle a un prix ; dans le monde contemporain, ce prix ne cesse de s’élever et de se faire plus menaçant. L’industrialisme, structurellement incapable de se soucier de la terre où il puise ses richesses ou de la destinée humaine (qui sont seulement des « effets externes » selon la  théorie capitaliste) semble vouée inévitablement à atteindre des sommets dans le bouleversement des sociétés et l’injustice économique, si ce n’est dans l’épuisement de la biosphère elle-même. Qu’adviendra-t-il des espèces et des écosystèmes détruits ? Quelles conséquences une fois que la frontière de la catastrophe écologique aura été franchie ?

 In La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation (éditions l’Echappée, 2006) de Kirkpatrick Sale

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