politique

sir Richard Layard

Sir Richard Layard dans son livre Le prix du bonheur a comme tant de ses semblables une vision déformée des relations normales entre l’homme et la Nature : « En utilisant notre cerveau,  nous avons largement conquis la nature. Nous avons vaincu la plupart des vertébrés, des insectes et des bactéries. En conséquence nous nous sommes accrus en nombre, passant ainsi de quelques milliers d’individus à plusieurs milliards, une performance remarquable. » Pourtant, soixante pages plus loin, il reconnaît qu’il existe un petit nombre de niches, que les ressources sont limitées, que nous sommes voués à des jeux à somme nulle (ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres). Quoi que nous fassions, le total disponible ne saurait être modifié, c’est la guerre de tous contre tous. Cent pages plus loin,  il envisage enfin que la compassion puisse aller au-delà des êtres humains, que certains bouddhiste pensent que des paroles tendres aux objets qu’ils rencontrent peuvent avoir un effet positif sur leur propre existence. Le constat  de se sentir appartenir à un ensemble plus grand donnerait un sens à l’existence, c’est le concept même du « moi » qui doit être soumis à un questionnement. Notre objectif ne devrait pas être la réalisation de soi mais une relation harmonieuse entre le monde et moi. Il faut se regarder comme une vague à la surface de l’océan : l’océan est éternel, et la vague n’en est que la forme immédiate et instantanée.

 

Mais Sir Richard en reste au relationnel entre humains, il n’a pas réalisé qu’une humanité qui n’aime pas aussi la Biosphère révèle un humanisme restreint et incomplet. Il cite Epicure : « De tous les biens que la sagesse procure  pour le bonheur de notre vie, celui de l’amitié est de beaucoup le plus grand ». Mieux vaudrait penser, comme l’écologie profonde, que « le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). » Ainsi notre petit moi serait-il certainement plus heureux, simple composante du grand Tout, élément rattaché à la grande chaîne de la vie, l’amour de tous, l’amour de tout.

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Paul Ariès

Même s’il s’en défend,  Paul Ariès, dans son livre Décroissance ou barbarie (Golias, 2005), semble proche de l’écologie profonde (4.6, Réapprendre la nature) :

« L’humanité a acquis la puissance de modifier la totalité de la nature. On peut en conclure que cette nature n’est pas extérieure à l’homme, donc que la frontière classique entre la nature et la culture tend à s’estomper. Nous devons considérer la nature non plus comme un objet dont il serait possible de disposer techniquement mais comme un partenaire. Nous aurons besoin pour cela de nouvelles interactions matérielles (le vieux débat sur les technologies douces) mais aussi de nouvelles interactions symboliques, de nouvelles valeurs. On rappellera que l’idée d’une transformation de la nature par l’homme n’a aucun sens dans la plupart des cultures. Notre capacité à transformer nos relations avec la nature permettra d’inventer une nouvelle société. » p.120

« Perdre le contact avec la nature, c’est perdre une partie du rapport à soi-même. L’économie nous a rendu aveugle à la nature, elle impose sa culture marchande contre la culture de la Terre. Le futur passera donc par des retrouvailles avec la nature. Il serait plus juste de parler d’épousailles car il faut tout faire pour que la nature ne soit plus un désert émotionnel pour les humains. Toute politique de la décroissance en matière de redécouverte de notre rapport à la nature passe par le refus des prothèses techniques qui nous empêchent que nous incorporions avec la nature le sens de nos limites. Ce cadre de vie artificiel s’oppose à la possibilité même d’une vie authentique puisqu’il repousse toujours plus loin les contraintes. » p.121

 

Pourtant dans le n° 1 d’Entropia (automne 2006),  Paul Ariès méconnaît la véritable philosophie de l’écologie profonde en faisant bien des amalgames injustifiés :

« La manifeste d’Unabomber, popularisé après une série d’attentats meurtriers. Cette écologie profonde… »

« La deep ecology de Arne Naess, introduite en France par de Benoist… »

« Le rapprochement entre Ratzinger et l’écologie profonde est le symbole de cette dérive… »

 En déformant systématiquement la philosophie de l’écologie profonde qui est pourtant fondamentalement une école de la non-violence (sans atteinte aux humains), ni de droite ni de gauche (de Benoist !), et certainement pas affiliée à une religion du livre (Ratzinger), certains auteurs vont à l’encontre d’une nécessaire évolution qui détacherait l’humanisme du nombril humain.

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Taguieff Pierre André

Malgré ses réticences, Pierre-André Taguieff ne peut s’empêcher d’accorder une grande place à l’écologie profonde dans son livre La bioéthique ou le juste milieu : « Le camp des défenseurs de la sacralité n’est pas occupé par les seuls théologiens chrétiens ; la diffusion de la pensée écologique a fait surgir de nouveaux adeptes de la religion de l’intouchabilité, ceux qui s’affirment, avec de bonnes raisons de le faire, les « amis de la Terre » ou les admirateurs et protecteurs de la biodiversitép.144 ». La parenté entre bioéthique et écologie profonde est récurrente dans le livre :

 

– Avec l’écologie dite profonde (deep ecology) renaît une philosophie de la nature biocentrique et antihumaniste, une écosophie dont les postulats et les orientations normatives sont irréductibilités au corpus judéo-chrétien. L’écologiste américain Aldo Leopold a théorisé d’une façon pionnière l’éthique de la Terre : « Une chose est juste quand elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique ; elle est mauvaise dans le cas contraire. » p.147

 

– Van Rensselaer Potter a publié, à la fin des années 1980, Global Bioethics : Building on the Leopold Legacy. Dans cette perspective, la bioéthique renvoyait à tous les problèmes éthiques posés par les être vivants, humains et non humains. Sous l’appellation nouvelle de bioethics, le biologiste se proposait de construire une éthique de la biosphère qui englobât autant l’écologie que la médecine p.254.

 

– Potter a forgé le terme bioethics pour désigner l’ensemble du projet, défini par Aldo Leopold, d’une land ethic, c’est-à-dire d’une éthique globale dont le champ comprend tous les éléments naturels et sociaux susceptibles de rendre la terre habitable pour l’homme p.321.

 

– La bioéthique lato sensu doit se faire « biopolitique » par le même mouvement que l’écologie s’est constituée en écologie politique. Il s’agit bien d’assurer l’extension d’un pouvoir d’autolimitation » p.149.

 

– L’éthique de la responsabilité suppose un total changement d’orientation de l’action humaine : non plus la volonté de maîtrise, mais l’impératif d’une maîtrise de la maîtrise. Il s’agit de la prescription politique majeure des anti-cartésiens contemporains, devenue le principal argument critique des contempteurs de la modernité technoscientifique » p.309.

 

– C’est dans la pensée d’un Hans Jonas ou dans les courants de l’écologie profonde qu’on rencontre une vision catastrophiste de la modernité impliquant le désaveu de la science et la satanisation de la technique p.287.

– La bioéthique écologique est à l’évidence préoccupée par des vues à long terme, par ce qu’il faut entreprendre pour préserver un écosystème dans lequel l’espèce humaine puisse continuer à vivre. Les deux branches de la bioéthique, médicale et écologique, devraient vraiment se recouper en matière de santé, de contrôle de la procréation et sur la question du sens d’une démographie en constante croissance p.323.

 

– Le philosophe Peter Kemp rappelait l’extension récente du domaine de l’éthique : « A la fin du XXe siècle, nous avons vécu une transposition de l’éthique du domaine interpersonnel et communautaire vers celui de la vie elle-même, de sorte que l’éthique est devenue bioéthique, c’est-à-dire une éthique qui vise la protection de la vie, non seulement la vie humaine, mais la vie des animaux et des plantes, pour ne pas dire la vie en général p.337. »

 

– Pour que l’impératif du « respect de la vie » ait un sens, il faut supposer que les êtres vivants (au-delà des seuls êtres raisonnables que sont les humains) sont dotés d’une sorte de valeur intrinsèque qui exclut qu’ils soient totalement à notre disposition. Il s’ensuit que nous pouvons être autorisés à les utiliser ou même à les détruire, mais uniquement pour des raisons adéquates. Affirmer la dignité de la créature, c’est affirmer la nécessité de fixer une limite à notre pouvoir de transformation et de manipulation des êtres naturels. L’élargissement de la bioéthique aux questions abordées par l’écologie pourrait permettre de sauver la bioéthique p.342.

 

– Je découvre que mon être-au-monde est une partie aussi indécise qu’évidente du monde et de la nature tout entière. Co-appartenance du « petit moi » et de l’Etre : il y a là une manière non anthropocentrique de fonder le respect de la vie ou de la nature. Il s’ensuit notamment que les animaux ont droit au respect p.362.

 

– Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la Terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la Terre arrive aux fils de la Terre. Si les hommes crachent sur la Terre, ils crachent sur eux-mêmes p.363.

 

– Comme l’universalité des normes semble avoir disparu, seul un élargissement du champ de la bioéthique, passant de l’éthique médicale à une éthique de la vie, serait sans doute susceptible de rouvrir l’horizon.

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bioéthique et E.P.

Pour clarifier le débat sur la bioéthique, Pierre-André Taguieff identifie trois courants de pensée  dans son livre La bioéthique ou le juste milieu ; une quête de sens à l’âge du nihilisme technicien : la religion, le prométhéen, et l’écologie profonde. « Lorsque la question éthique est reconnue et s’exprime par une quête des limites et des critères permettant de les fixer, le premier problème surgit : où chercher le fondement des valeurs et des normes ? Celui-ci peut être découvert soit dans une transcendance, soit dans la volonté humaine, soit dans la naturep.286 (…)  Il définit la deep ecology comme conservatisme naturaliste radical : « Il s’agit d’une forme nouvelle de fondamentalisme caractérisé par une mystique panthéiste (tout est lié et sacré) et un sentiment esthétique doublé d’un souci éthique face à la nature, dont l’humain fait partie mais en tant qu’agent dénaturé, devenu particulièrement polluant dans la modernité. Dans cette éthique de la diversité et de la vie, l’intégrité de la nature, génome compris, est la mesure de toutes choses. Il s’agit de protéger, de conserver ou de sauver toutes les figures de la biodiversité, interspécifique et intraspécifique : les fragiles équilibres qui font de la Terre une planète vivante. »p.51

 

Taguieff a une attitude ambiguë par rapport à l’écologie profonde. Parfois il en en envisage les potentialités : « Ce que nous ferons en matière d’écologie dépend de l’idée que nous nous faisons de la relation entre l’homme et la nature. Plus de science et plus de technologie ne nous sortirons pas de la crise écologique actuelle tant que nous n’aurons pas trouvé une nouvelle religion ou que nous n’aurons pas repensé l’ancienne » p.313. Parfois il est très critique : « Par l’admiration qu’on lui porte, la nature relie la perception esthétique et la disposition éthique, le sentiment du beau et la vertu du respect. Esquisse d’un humanisme élargi qui ne se définirait pas contre tout ce qui n’est  pas strictement humain, mais qui, à l’inverse, n’opposerait plus absolument le naturel et l’artificiel, au contraire d’une vision fondamentaliste et globalement anti-moderne portée notamment par les partisans de l’écologie profonde, les écosophes p.349.

 

En définitive, il se pose quand même au cours des pages comme sensible à cette philosophie (deep ecology) : « Avons-nous le droit de contrecarrer de manière irréversible la sagesse évolutionnaire de millions d’années pour satisfaire l’ambition et la curiosité d’une poignée de scientifiques ? Ce monde nous est donné en usufruit. Nous venons et nous partons, nous laissons la terre et l’air et l’eau à d’autres qui viennent après nous. Ma génération a engagé une guerre coloniale destructrice contre la nature. Pour cela l’avenir nous maudira »p.53. La bioéthique aussi ne pourrait donc se passer durablement de l’écologie profonde…

 

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à quoi sert l’homme ?

A quoi sert l’homme ?

Si on pose cette question à quelqu’un, il répondra spontanément « Je n’en sais rien ». En effet, il n’y a pas de réponse nécessaire. L’homme aux multiples facettes ne trouve de sens à son existence qu’au fur et à mesure de son vécu, imprégné par sa socialisation et motivé par des réflexes ethniques. Dans un monde occidentalisé, il a même oublié le sens de l’harmonie avec la biodiversité d’une planète qu’il considère comme extérieure à lui-même. Il n’y a plus de Nature, il n’y a qu’environnement. Tant qu’il en sera ainsi, non seulement l’homme ne trouvera pas à quoi il sert vraiment, si ce n’est en produisant et consommant de la futilité pour oublier à quoi il pourrait servir. Finalement l’homme actuel ne sert qu’à lui-même, il est baigné dans l’anthropocentrisme des discours publicitaires. Il se sert, dans une nature taillable et corvéable à merci !

 

La philosophie de l’écologie profonde nous appelle à renouveler cette conception de l’homme. L’individu ne peut plus se penser – on devrait le savoir depuis Copernic, Darwin et Freud – comme le centre de l’univers. Il lui faut se re-situer et rechercher l’harmonie avec notre Terre. L’écologie profonde nous apprend à ne plus considérer nos semblables comme un système de référence absolu, à ne plus se  concevoir comme un être qui ne doit rien qu’à lui-même et à qui tout est permis. Par notre faute, près d’un million d’espèces végétales et animales risquent de disparaître d’ici à 2050. L’écologie profonde nous rappelle la nécessité de passer d’un anthropocentrisme forcené à un respect des liens durables entre notre propre espèce et la Biosphère. Il faut concevoir le vivant comme un tissu composé d’un grand nombre d’espèces qui ont une multitude d’interactions entre elles. Quand une maille saute, une deuxième lâche, et une troisième, et le tissu se désorganise.

 

A quoi donc sert l’homme ? Comme les humains ne sont qu’une des mailles, ils doivent d’abord servir à protéger le vivant contre eux-mêmes, ils doivent retrouver le sens des limites. L’espèce homo sapiens ne vit pas hors sol : si les écosystèmes ne sont pas robustes, alors l’humanité ne le sera pas non plus.

 

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peur de la nature ?

François Terrasson nous a quittés en 2006. Les éditions Sang de la Terre viennent de rééditer en 2007 son livre de 1988, La peur de la nature. La Biosphère salue la proximité de François Terrasson avec la philosophie de l’écologie profonde dans ces quelques extraits : 

– La Terre n’est pas la planète des hommes. Pendant des centaines de  millions d’années, d’autres être vivants ont occupé les lieux où se trouvent maintenant nos maisons, nos lits et nos chaises p.15

La Nature, c’est ce qui existe en dehors de toute action de la part de l’Homme. Conserver la nature se sera, plus que préserver telle ou telle espèce, parvenir à maintenir l’impression sensible que nous éprouvons en face de tout ce qui n’est pas d’origine humaine p.28-29

– L’expérience du désert ne se raconte qu’en récusant les mots qui servent à le faire. Il n’y a personne, il n’y a trace de personne, rien qui rappelle l’existence de l’homme et de sa civilisation p.34-35

– L’homme a tendance à détruire ce qui lui fait peur, ce qu’il sent étranger. Quand on interviewera de grands technocrates défricheurs, on ne sera pas surpris de découvrir, derrière leur propos qui se veulent rationnels, cette vieille peur de la nature sauvage p.37-38

– Une ruine, c’est l’endroit où la nature reconquiert un lieu de civilisation humaine. Une puissance étrangère faite de mousses, de ronces, d’orties, de lézards et de limaces s’infiltre, s’installe, triomphe là où l’homme avait dressé le symbole de sa puissance face à l’environnement : sa maison. Pour le visiteur qui « prend son pied » dans les ruines, la nature n’est pas perçue comme une force étrangère p.66-67

– Nous sommes hommes, mais nous pourrions être aussi bien blaireau, pierre ou serpent (…) Nous ne possédons pas la terre, c’est la terre qui nous possède p.83

– Chaque groupe humain porte dans ses propos, dans ses habitudes, dans ses objets, l’expression des choix métaphysiques qu’il a fait face à la nature p.84

– La sorcière nature n’a que faire de notre regard, qu’on la voie comme une vieille terrifiante ou comme une belle jeune fille, elle s’en contre-fout, puisqu’elle est les deux et bien plus encore p.119

– La  protection tue la nature, en ce sens qu’elle élimine l’ambiance de l’involontaire, essence du concept de nature p.146

– La vague d’urbains se précipitant sur de fausses pistes, qu’elles soient de ski ou de grande randonnée, diffuse ses modèles jusqu’au cœur des sociétés rurales dont l’idéal se situe, en sens contraire des arrivants, en milieu urbain p.154

– Le sentiment de la nature, de la nature puissante, le sentiment cosmique, métaphysique, presque religieux, cette chose là on ne l’aura plus, parce que justement, cela nécessite un endroit non réglementé, et un endroit relativement vaste. On rencontre déjà des gens qui n’ont plus le concept de nature, qui ne peuvent pas concevoir un lieu sans homme, un lieu sans aménagement p. 210-211

– Le monde s’écroulerait peut-être moins vite s’il n’y avait pas de présence d’homme p.220

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pédagogie de la catastrophe

Un centre d’expertise anglais, l’Institute for Public Policy Research (IPPR), a récemment publié les résultats d’une recherche qui analyse la manière dont les médias britanniques traitent du changement climatique. Le recueil des données a été fait pendant l’hiver 2005-2006. Ces travaux montrent que les discours médiatiques actuels en Grande-Bretagne sur le changement climatique apparaissent confus, contradictoires et chaotiques. Pour chaque argument avancé, qu’il soit relatif à l’échelle du problème, sa nature, sa gravité, ses causes ou sa réversibilité, il est présenté un argument contraire. Le changement climatique n’est donc pas encore considéré comme un fait avéré. En ce qui concerne le grand public, le message qui résulte de ce tumulte médiatique est sans doute que personne ne sait vraiment plus ce qu’il sait.

 

Les discours médiatiques sont généralement construits sur le registre de l’alarme et des petits gestes, ce contraste pouvant être source de doute et de rejet de la part du public. Le discours le plus répandu est celui de l’alarme : le phénomène est décrit comme terrible, immense et au-delà de toute maîtrise. Ce registre véhicule malheureusement un message implicite de désespoir, le problème est simplement trop important pour que l’on puisse faire quelque chose. De surcroît, le sensationnalisme et les similitudes avec les fictions hollywoodiennes peuvent installer une certaine distance avec le public, cet alarmisme pouvant même devenir secrètement excitant, comme une sorte de « pornographie climatique ». Le second registre de discours identifié est celui des petits gestes. Le défi pour les communicants consiste à rendre les éco-gestes légitimes, efficaces et partagés par le plus grand nombre de personnes. Il s’agit de demander à un grand nombre de personnes de faire des actions simples, faciles, ancrées dans le quotidien, pour contrer le changement climatique. Le risque avec cette approche est de tomber dans le superficiel, le casanier, l’ennuyeux… Juxtaposer l’ordinaire et l’apocalyptique nourrit probablement le doute dans les perceptions du public et pose une question évidente, rarement traitée : comment de si petites actions individuelles peuvent-elles vraiment influer sur un phénomène se produisant à une échelle si gigantesque ?

 

Par ailleurs, deux autres registres de discours, plus marginaux, ont été repérés. Ils ont pour caractéristique le refus de s’engager dans le débat à travers la moquerie ou l’humour. Certains se moquent des « prophètes de malheur » en invoquant le bon sens et la sagesse populaire. D’autres sont joyeusement irresponsables et ne retiennent que les perspectives positives du réchauffement global de la planète.

 

Les chercheurs concluent leur rapport en proposant plusieurs pistes d’amélioration des campagnes de communication. Tout d’abord, pour répondre à la nature chaotique des discours, et notamment pour les campagnes à destination du grand public, le changement climatique doit être considéré comme quelque chose d’indiscutable et de réel, les actions individuelles comme efficaces. Ensuite, le gouffre entre le gigantisme du phénomène et les petits gestes doit être comblé. S’opposer aux immenses forces du changement climatique semble de prime abord nécessiter un effort surhumain ou héroïque, hors de portée du commun des mortels ; développer au contraire le mythe du « héros ordinaire » permettrait selon les chercheurs de combler cet écart et de redonner de l’énergie aux discours.

 

Le défi consiste à rendre les comportements éco-responsables normaux, naturels, légitimes et partagés par un grand nombre de personnes qui ne sont pas encore engagées et pour lesquelles le changement climatique n’est pas une priorité. Il ne s’agit pas de changer l’ordre de leurs préoccupations mais plutôt de changer l’énoncé du problème pour qu’il prenne de la valeur à leurs yeux.

(Lettre-Recherche-Environnement n° 9, février 2007

 

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femme, au foyer ?

Alors qu’au moment du baby boom, la femme se devait de rester à la maison, aujourd’hui la considération sociale est inversée. Autrefois elle accomplissait les tâches de cuisinière, assistante maternelle, psychologue, femme de ménage… sans être rémunéré. Elle était même classée inactive par l’INSEE. Avec l’entrée de la femme dans le monde du travail pour soutenir la croissance économique des Trente Glorieuses, le travail à la maison a été dévalorisé et les différentes tâches de la mère au foyer sont désormais accomplies par des personnes différentes. On ne met plus l’accent sur l’éducation familiale des enfants, mais sur la libération de la femme par le travail professionnel. En conséquence, les femmes deviennent sans s’en rendre compte un rouage consentant de la machinerie économique, elles s’identifient à leur poste de travail, pas à leur famille. Même une idéologie revendicative comme le marxisme, et la pratique syndicale, reste productiviste et attachée à la vie de l’entreprise. Le libéralisme voue le cadre à la performance, donc à la multiplication des heures au service de l’entreprise. Le compromis salarial fordiste donne un pouvoir d’achat au travailleur qui s’intègre au système en remplissant son caddie. Le circuit économique production/consommation fonctionne à plein.

 

La chaîne des dépendances s’allonge avec la division exacerbée du travail, la société devient de plus en plus fragile car les relations deviennent de plus en plus impersonnelles, de plus en plus éloignées des ressources de la Biosphère. Le centre de l’activité devrait se recentrer sur le foyer en respectant bien sûr l’égalité de l’homme et de la femme. La société thermo-industrielle est devenue tellement complexe que la spécialisation des tâches, source de productivité, a été poussée à l’extrême. Trop c’est trop, même la mère de famille disparaît !

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sport ou nature ?

Sport et nature sont-ils conciliables ? Une mentalité de puissance et de domination agressive de la Nature se développe avec les loisirs de masse et la  technologie. Les motoristes recouverts de leur carapace (casques, gants, genouillère…) font des sportifs sous bulle qui s’isolent des éléments qui les entourent. La vitesse ne permet plus d’être à l’écoute de la nature qu’on traverse sans y prêter attention. Leur pénétration du milieu, visuelle, sonore, pétaradant, fumante, polluante du sol et de l’atmosphère, rompt la tranquillité, la sécurité, l’état sanitaire de la flore et de la faune, et détruit la végétation par écrasement. L’évolution vers une société du techno-loisir entraîne donc une augmentation des sports de nature qui ont un impact sur le milieu naturel et génèrent des conflits d’usages : les pratiquants de « sports » motorisés (quads, 4×4, trial…) rentrent en conflit avec les activités plus douces des marcheurs et cyclistes. La circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels est interdite par la loi française, mais le lobby des motoristes séduit et corrompt. Il a été vendu en 2005 en France 50 000 quads et si vous tapez sur google « vente quads 2006 France », vous trouverez 615 000 occurrences, un nombre d’items similaire quand vous tapez « biosphere » ! Aurélia « je sais plus qui » nous y livre ses commentaires sur le marché moto et scooter 2006 : « Nous constatons un besoin de mobilité de plus en plus important et complémentaire à l’automobile.. » Bonjour le réchauffement climatique !

 

C’est le moment d’abandonner les moteurs à explosion pour le plus grand bien-être de tous les habitants de la Biosphère. Il est venu le temps de regarder calmement, de ressentir profondément, de réfléchir intensément, de méditer immobile. 

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decrescendo cantabile

On trouve dans le livre de Jean-Claude Besson-Girard, Decrescendo cantabile, un éloge de l’écologie profonde, même si Jean-Claude s’en défend quelque peu :

 

p.126 : L’immense nouveauté de notre époque réside dans le fait que pour la première fois dans l’Histoire, il est reconnu que l’espèce humaine, sous la houlette implacable de l’Occident, intervient sur le déterminant essentiel de sa propre apparition : la biosphère. Cette intervention provoque des effets assimilables à un écocide généralisé. L’hospitalité de la Terre est remise en question.

p.133 : La contrainte des ressources naturelles devient une donnée objective qui n’appartient pas à l’ordre socio-politique de la domination, mais au respect des lois naturelles que l’on ne peut transgresser sans risques majeurs. Une pédagogie de la contrainte objective anticipe sur celle des catastrophes. La notion écologique des limites semble facile à admettre et à faire comprendre.

p.136 : Notre position pendant les années 1970 rejetait à la fois les excès de la deep ecology, et les positions réformistes de l’écologie environnementaliste qui ne manqueraient pas d’être absorbées par le système dominant, comme la suite l’a d’ailleurs prouvé.

p.141 : Le fil conducteur d’une « révolution » serait tissé d’une conscience plus grande de nos actes en relation avec la biosphère dans sa totalité vivante.

p.161 : L’écologie politique a étendu le principe de devoirs en l’appliquant aux générations futures vis-à-vis desquelles les orientations du présent doivent leur permettre de vivre dans un écosystème planétaire le moins dégradé possible. Il s’agit, dans cette prise de conscience écologique, d’atteindre une objectivité universelle qui est seule en mesure de dépasser, en les unifiant, les cultures juridiques particulières de tous les peuples. La nature étant cela seul qui s’offre avec évidence à tous les hommes, l’accord des esprits sur un principe de devoir s’y référant n’est-il pas le seul lien universel acceptable par tous ?

p.169 : Pour les sociétés, l’affirmation sereine de leurs singularités respectives permettrait l’apparition d’une universalité solidaire de l’espèce humaine dans son ensemble. Il s’agirait alors d’une « pluriversalité » dont le centre serait partout et dont la circonférence épouserait la biosphère.

p.141 (dernier paragraphe du livre) : Il se peut que l’humanité ne soit qu’un incident de parcours, une « erreur » de la Nature. Une telle pensée peut nous aider à relativiser l’importance que nous nous sommes octroyée sans humour. La foi en l’être humain n’est, en aucun cas, une garantie de sa pérennité.

 

L’écologie profonde (deep ecology) nous rappelle la nécessité de passer d’un anthropocentrisme forcené à un respect des liens durables entre notre espèce et la Biosphère. Nos valeurs doivent donc changer : sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les hommes n’ont pas le droit de réduire la richesse et la diversité des formes de vie. (cf. manifeste d’Arne Naess)

 

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culte émotionnel

Les Eglises traditionnelles sont débordées par le renouveau de la galaxie protestante. Les évangélistes et les pentecôtistes atteignent 420 millions de personne alors que ce mouvement a commencé à la fin du XIXe siècle et ne s’est affirmé qu’au milieu du XXe. Ce sont des religions à service rapide, intellectuels s’abstenir ! La Bible seule réunit les fidèles qui n’ont à se soumettre à aucun dogme ni appareil clérical. Ces organisations progressent car elles répondent à la misère et à la précarisation de populations anomiques, elles leur offrent des formes de recomposition communautaire autour d’un dirigeant charismatique. Ces pasteurs angéliques autant qu’autoproclamés, à la fois gourous et chefs d’entreprise, se recrutent parmi les jeunes « entrepreneurs » issus de faubourgs misérables qui trouvent là une manière de s’affirmer. Par des pratiques hyper-archaïques (glossolalie, thaumaturgie, exorcismes) et hyper-modernes (usage pertinent des médias et du registre de la musicalité), ils développent une religiosité en affinité avec la  culture populaire. La prospérité à laquelle aspire la masse des pauvres est construite comme un miracle à accomplir : Dieu assure un métier, guérit de la maladie, garantit contre le malheur, offre la sécurité contre la violence… Dieu est le sauveur suprême et son gourou l’intermédiaire : par ici la monnaie. Cela marche si bien que le poids numérique de ces organisations les pousse maintenant à l’action politique. Pauvre de nous !

 

Alors que la société actuelle est de moins en moins équitable et de moins en moins humaine, ces mouvements de manipulation des foules qui reposent sur la crédulité et la soumission à l’autorité ne laissent rien présager de bon pour l’évolution de notre Terre-mère. Un avenir durable découle du sens de la responsabilité individuelle, l’équilibre de la planète ne peut reposer sur des gens magnétisés par des rapaces aux discours creux qui se remplissent les poches.

 

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Al Gore déçu !

Al Gore croit que l’arche de Noé est une bonne preuve de la défense de la biodiversité puisque deux représentants de toutes les espèces vivantes montent dans un bateau ! Mais dans son livre Urgence planète Terre, Al Gore se présente aussi comme un chrétien tendance baptiste qui considère avec désolation l’action de son Eglise. Il cite un pasteur presbytérien dans les Appalaches: « J’ai vite appris, depuis que j’ai commencé à me battre contre la pratique qui consiste à raser les montagnes pour en extraire le charbon, que la seule défense vis-à-vis des bulldozers des grands conglomérats charbonniers se trouvait dans les communautés pauvres et isolées qui résident dans ces zones perdues et qui leur sont tellement attachées qu’elles combattraient pour cette terre-là. »

 

Al Gore reconnaît même que les critiques des écologistes contre les religions ont gagné du crédit, principalement à cause du silence que la plupart des Eglises observent devant l’évidence croissante d’un holocauste écologique. Autre chose l’inquiète, une préoccupation de l’Evangile social qui deviendrait prépondérante, avec priorité aux besoins des pauvres, des oubliés, des malades, des démunis… L’environnement semble alors un problème bien éloigné des réalités de l’injustice sociale. Leurs impératifs moraux conduisent alors bien des avocats de l’Evangile social à s’opposer vigoureusement à l’apparition de préoccupations concurrentes susceptibles de les détourner de leur mission. Pourtant on sait que ce sont les pauvres qui sont les premiers touchés par un problème écologique.

 

Finalement Al Gore en est réduit à faire les louanges du mouvement Baha’i, fondé en 1863 par Mirza Husayn Ali : « Nous ne pouvons séparer le cœur humain de l’environnement qui nous est extérieur, et dire que tout ira bien dès que l’un deux sera réformé. L’homme est consubstantiel au monde. Sa vie intérieure modèle l’environnement, qui le modèle à son tour. L’un et l’autre interagissent, et tout du changement durable dans la vie de l’homme résulte de ces réactions mutuelles. » Les bahaïstes croient en un Dieu unique, créateur du monde, et suivent sur ces points les religions abrahamiques. Au risque de décevoir Al Gore, ils partagent également la même conception d’une humanité placée par Dieu au sommet de la création. Encore et toujours de l’anthropocentrisme !

 Le présupposé philosophique qui veut que le genre humain soit séparé de la nature, une vision du monde tôt intégrée à la tradition chrétienne et développée par la civilisation thermo-industrielle, est néfaste à l’équilibre de la planète, et donc néfaste aux sociétés humaines. Vive l’écologie profonde !

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Islam dénaturé

Pour cet agrégé d’arabe, premier doyen de la faculté des lettres de Tunis en 1955, « Seul le Coran oblige ». Pour lui, l’Islam est tout à fait compatible avec la démocratie et la modernité, par contre la charia (loi islamique) est une production humaine qui n’a rien à voir avec l’islam. Les musulmans doivent donc se délivrer de ces textes juridiques apparus deux siècles après le Prophète et qui donnent de leur religion une image d’épouvante. Jamais le livre saint n’a recommandé de couper la main des voleurs ou de lapider les femmes adultères. De plus selon M.Talbi la religion ne doit pas être une contrainte, le pape a le droit de donner son opinion sur l’islam, et les  caricaturistes danois ont le droit de brocarder le prophète Mahomet. Michel Houellebecq a donc le droit d’écrire : « La religion la plus con, c’est quand même  l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré. »

 

Mais M.Talbi est bien isolé au sein de l’Islam, le gouvernement tunisien lui a refusé le droit de lancer une revue consacrée à une interprétation moderne de l’islam, on interdit ses livres qui paraissent trop audacieux comme Penseur libre en Islam, une analyse de l’échec de la démocratie dans le monde arabe.

 

           En fait M.Talbi est un vrai laïc qui pense que la religion est une relation personnelle à Dieu, peu importe tout le reste. La Biosphère salue sa prise de position, tous les croyants qui acceptent la libre critique sont des croyants acceptables. Mais M.Talbi ferait quand même mieux de consacrer sa foi et son intelligence à la Terre-mère !

 

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croisade obscurantiste des religions sur l’euthanasie

Depuis l’enfance des religions du livre, on s’en tient toujours au commandement biblique « Tu ne tueras point ». Les juifs partagent donc avec les catholiques et les musulmans l’idée que « le seul qui puisse donner la mort, c’est Dieu ». Pourtant toutes ces religions n’ont jamais lutté avec les objecteurs de conscience contre les guerres et le port des armes, elles se sont même rangées le plus souvent aux côtés des belligérants. Si le 6ème commandement ressurgit dans la déclaration commune de l’archevêque et du grand rabbin de Paris (avril 2007) c’est pour exprimer une opposition très ferme à toute forme d’assistance au suicide et à tout acte d’euthanasie. Même s’ils reconnaissent que l’application d’un traitement pourrait avoir pour effet secondaire d’abréger la vie (loi Léonetti), c’est sous la condition expresse que « l’abrègement de la vie ne soit en aucune façon recherchée ». Pour les protestants aussi, la place donnée aux soins palliatifs (qui n’existaient pas au temps de Moïse et de Jésus-Christ) demeure la priorité. Ce front commun des religions contre l’autonomie délibérative de l’être humain est extrêmement dangereuse.

Il est vrai que depuis Jean Paul II, la papauté se lance dans une croisade obscurantiste. Sous prétexte d’une nature humaine et de la décision divine, l’avortement, la contraception (préservatif compris), l’euthanasie ou la décision d’un malade en phase terminale de ne pas prolonger sa torture devraient être interdits ! Une démocratie qui approuverait de telles lois deviendrait ipso facto illégitime, frappée d’excommunions !! Ridicule.

           Que les Eglises se rangent plutôt aux côtés d’une Biosphère qui nous apporte à la fois la vie et la mort, la naissance et le recyclage, et les affaires humaines s’en porteront mieux.

 

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le purificateur

A l’époque des conquistadors, Bartolomeo de Las Casas (1427-1566) pensait à juste titre qu’un indien païen vivant est toujours préférable à un Indien chrétien mort. Ce n’est pas l’avis du purificateur Benoît 16. Dans son discours lors de la conférence du conseil épiscopal latino-américaines (13 mai), il refait la colonisation à sa façon : « Sans le savoir, les Indiens des cultures précolombiennes cherchaient le Christ dans leurs riches traditions religieuses. Le Christ était le sauveur auquel ils aspiraient silencieusement. Avec l’eau du baptême, l’Esprit saint est venu féconder leurs cultures, les purifiant et développant les nombreuses semences que le Verbe incarné avait mises en eux » (…) « L’annonce de Jésus et de son Evangile n’a à aucun moment comporté une aliénation des cultures préhispanique ni n’a constitué l’imposition d’une culture étrangère ».

 Benoît 16 confesse les morts, il croit à la foi qui existe préalablement à tout discours imposé par des prédicateurs sectaires, il oublie la repentance de Jean Paul II en 1992 pour les crimes commis par l’Eglise au nom de l’évangélisation des populations indiennes. Ces propos sont arrogants et irrespectueux, ils nient les mécanismes de domination, ils occultent l’histoire réelle, ce discours est révisionniste. Ce pape au cerveau ramolli par une profonde crédulité s’attaque aussi bien au rationalisme occidental (le matérialisme) qu’à l’Evangile des pauvres (la théologie de la libération), il est contre le préservatif et l’avortement, il est hors du temps démocratique, il est dangereux.

 Quand le corps de Joseph Ratzinger se décomposera sous la terre, la Biosphère marquera enfin sa prééminence sur ce prédicateur fantaisiste. 

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Jésus Ratzinger

Joseph Ratzinger, dit « le pape Benoît 16 », a écrit sur la fin de sa vie (il a eu 80 ans le 16 avril 2007) un monumental ouvrage intitulé « Jésus de Nazareth ». Il élimine d’un trait de plumes la recherche historique et archéologique qui émet des doutes sur l’authenticité des Evangiles, dont on sait pourtant qu’ils ont été écrits plusieurs décennies après l’existence supposée de Jésus par des prosélytes. Pour Ratzinger au contraire, il ne peut y avoir d’incertitude : « Le Jésus des Evangiles est une figure historiquement sensée et convaincante. Elle est plus logique et compréhensible que les reconstructions que nous avons du affronter ces dernières années. La crucifixion ne peut s’expliquer que parce qu’il s’est vraiment produit quelque chose d’extraordinaire. » Ratzinger n’a pas la force mentale de séparer le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi : « Jésus n’est pas un mythe. C’est un homme de chair et de sang, une présence entièrement réelle dans l’histoire… Il est mort et ressuscité d’entre les morts… Là où Dieu est considéré comme quantité négligeable, alors les choses prétendument plus importantes échouent. L’expérience négative du marxisme n’est pas la seule à nous le démontrer ». Ratzinger montre là le bout de son nez, il passe d’un simple acte de foi dans les Ecritures, foi qui ne regarde que lui, à une critique très contemporaine qu’il complète ainsi: « Dans le vide, l’Occident introduit sa mentalité techniciste. Mais on ne peut pas gouverner l’histoire avec de simples structures matérielles. C’est la primauté de dieu qui est ici en jeu. »

 Dans un sursaut d’obscurantisme, Ratzinger en vient donc à considérer la lutte des classes et le matérialisme comme des ennemis qui lanceraient des défis à l’autorité du Christ. Mais notre seule certitude est bien matérielle, elle insère nos relations dans la véritable infrastructure qui supporte notre existence humaine, à savoir les ressources naturelles de la Biosphère. Les écrits de Joseph Ratzinger ne peuvent permettre d’améliorer notre rapport avec la Nature alors même que la société thermo-industrielle détériore nos conditions d’existence. Quelle que soit notre religion ou notre agnosticisme, notre planète est constituée d’atomes et de biodiversité, elle nous précède et elle nous succédera, un peu de modestie Jésus de Ratzinger ! 

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culte de Gaïa

Les fondateurs des grandes religions vivaient en un temps où les hommes, par leur nombre et par leur mode de vie, ne constituaient pas un fardeau pour la Terre ; l’homme était donc au centre de leurs préoccupations. Mère Térésa déclarait même en 1988 : « Pourquoi nous soucier de la Terre ? Nous devons nous occuper des pauvres et des malades. Dieu prendra soin de la Terre. »

 

En vérité la foi en dieu, la confiance dans notre technique ou notre engagement en faveur du développement durable passe à côté d’une réalité : notre dépendance. Si nous ne prenons pas soin de la Terre, elle le fera elle-même en nous rendant indésirables. Les croyants feraient bien de porter un regard neuf sur notre demeure terrestre et y voir un lieu saint, partie intégrante de la Création, mais que nous avons désacralisé. Maintenant que nous sommes plus de six milliards d’individus affamés ou avides, aspirant au style de vie des pays développés, c’est-à-dire à la vie urbaine, nous empiétons de plus en plus sur le domaine de la Terre vivante. Puisque le seuil fatidique du réchauffement climatique a bien été franchi, peut-être devons-nous prêter une oreille attentive aux « écologistes profonds » comme Arne Naess et les laisser nous guider. Ils s’efforcent de vivre en harmonie avec Gaïa et de montrer l’exemple, un peu comme les saints qui, par leur discipline, témoignent de leur foi. Nous pourrions, si nous le voulions, faire de Gaïa une croyance instinctive, en familiarisant nos enfants avec la nature, en leur expliquant son fonctionnement et en leur montrant qu’ils font partie d’elle. L’esprit d’un enfant est si malléable qu’il peut être conditionné à s’enthousiasmer pour quelque chose d’aussi insignifiant qu’une équipe de football. A plus forte raison si on lui inculque dès l’enfance la recherche de l’harmonie entre lui et la Nature.

 

Les religions du livre ne nous ont pas donnés de règles et de conseils pour vivre en harmonie avec Gaïa. Les concepts humanistes de développement durable, de gestion et d’intendance, propres aux sociétés chrétiennes, sont entachés d’orgueil. Nous ne sommes pas plus qualifiés pour gérer la Terre que des chèvres pour jardiner. Peut-être les chrétiens ont-ils besoin qu’un nouveau sermon sur la Montagne définisse de nouvelles contraintes, indispensables pour vivre en bonne entente avec la Terre, et énonce les règles pour y parvenir. Les nouveaux croyants assimileraient la Terre à la Création divine, et sa profanation les tourmenterait. Je souhaite que les humanistes admettent enfin que les droits de l’homme et ses besoins ne sont pas tout.

Texte recomposé à partir du livre La revanche de Gaïa de James Lovelock (Flammarion 2007)

 

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Tiers-absents !

Le suffrage universel est un conquête récente qui s’est progressivement élargi à de multiples acteurs, ce qui a permis d’approfondir la démocratie. Au début, il s’agissait d’un corps électoral restreint par le suffrage censitaire à 246 000 hommes. Après une première tentative avortée en 1793, la France a été le premier pays du monde à adopter le suffrage universel et direct en 1848 : brutalement les votants sont devenus 9 millions, mais il ne s’agissait que des hommes, alphabétisés ou non ; les femmes, les militaires et les colonisés étaient encore exclus. Il faudra attendre 1944 pour que l’universalité s’étende aux femmes, 1945 pour que les miliaires deviennent électeurs ou éligibles et 1956 pour la reconnaissance d’une citoyenneté de plein droit aux indigènes des colonies françaises.

 

On pourrait aller encore plus loin. Ce serait élargir l’universalité bien plus fondamentalement que le droit de vote à 18 ans si on pouvait inclure dans la participation électorale les générations futures. De plus il y a des entités qui ne sont jamais invitées lors des palabres humaines, les êtres vivants non humains, le milieu naturel. Ce n’est pas une procédure véritablement démocratique que de décider sans eux, les acteurs absents, les tiers-absents, de ce qui les intéresse au premier chef. Une telle délibération, sans élargir sa pensée dans l’espace et dans le temps ne peut qu’entraîner de mauvaises décisions.

 

Tu n’es jamais unique, tu es aussi les autres nés et à naître, tu es accompagné des petites bactéries et des grands mammifères, tu n’es que partie de la Biosphère, tes décisions sont contraintes. Un jour notre bulletin de vote ira à un candidat aux élections qui prendra en compte l’existence des tiers-absents. Ce jour-là, la démocratie aura fait un pas de géant, au delà de son anthropocentrisme ordinaire. 

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révolu-techno

Il semble que pendant les prochaines décennies le système techno-industriel subira des tensions sévères en raison des problèmes économiques et environnementaux ainsi qu’en raison des problèmes de comportement humain (aliénation, rébellion, hostilité, diverses difficultés sociales et psychologiques). Nous espérons que les tensions par lesquelles le système va probablement passer causeront son effondrement, ou au moins l’affaibliront suffisamment pour qu’une révolution se produise et soit couronnée de succès. Les gens ont tendance à supposer que, parce qu’une révolution implique un changement beaucoup plus grand qu’une réforme, elle est plus difficile à provoquer que la réforme. En réalité, dans certaines circonstances une révolution est beaucoup plus facile qu’une réforme. La raison en est qu’un mouvement révolutionnaire peut inspirer une intensité d’engagement qu’un mouvement de réforme ne peut pas inspirer. Un mouvement de réforme offre simplement de résoudre un problème social particulier. Un mouvement révolutionnaire offre de résoudre tous les problèmes d’un coup et de créer un monde entièrement nouveau; il fournit une sorte d’idéal pour lequel les gens prendront de grands risques et feront de grands sacrifices. Pour ces raisons il serait beaucoup plus facile de renverser le système technologique en entier que de mettre des contraintes efficaces et permanentes sur le développement d’applications de n’importe quel segment de la technologie.

 

Les écologistes radicaux tiennent déjà une idéologie qui glorifie la nature et s’oppose à la technologie. L’idéal positif est la Nature, c’est-à-dire la nature sauvage , ces aspects du fonctionnement de la Terre et de ses êtres vivants qui sont indépendants de la gestion humaine et libres d’interférence humaine. La Nature s’occupe d’elle même, c’est une création spontanée qui a existé longtemps avant toute société humaine et pendant des siècles innombrables. Pour soulager la pression sur la Nature, il n’est pas nécessaire de créer un type spécial de système social, il est seulement nécessaire de se débarrasser de la société industrielle. (extraits du Manifeste de Théodore Kaczynski) 

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manger ou rouler !

Pour nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, il faudra doubler la production alimentaire alors que les terres disponibles se raréfient. Les biocarburants vont de plus en plus cruellement faire concurrence à l’alimentation. Pour remplir le réservoir d’un 4×4 avec 94,5 litres d’éthanol pur, il faut environ 204 kilos de maïs, soit suffisamment de calories pour nourrir une personne pendant un an (étude parue dans la  revue Foreign Affairs de mai 2007). Le boom des biocarburants provoquera une flambée des cours, avec toutes les conséquences prévisibles sur les familles à bas revenu. Un conseiller du président brésilien, grand planteur de canne à sucre pour remplir les réservoirs des voitures américaines, croit que le problème de la planète n’est pas une pénurie de vivres, mais de revenus. Pourtant on sait déjà à qui les revenus vont échoir, toujours les mêmes !

 La recherche sur les biocarburants porte donc sur l’utilisation des résidus non comestibles, mais la terre a besoin d’un retour de la décomposition des végétaux pour garder sa fertilité. A ne rien vouloir comprendre du fonctionnement cyclique de la Biosphère, les humains vont bientôt se mordre les doigts au lieu de manger à leur faim.

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