Le 6 avril 2022, le climatologue américain Peter Kalmus s’est enchaîné à la porte d’une banque J.P. Morgan, premier investisseur dans les énergies fossiles. Devant le sentiment de voir les alertes scientifiques ignorées, il a décidé de s’engager dans une action de désobéissance civile. Dans les jours qui ont suivi, plus de mille deux cents scientifiques avaient participé à des actions de ce type dans vingt-six pays.
Lire cette synthèse, Biosphere-Info, la désobéissance civique
Kévin Jean, Jérôme Santolini, Julia Steinberger : La question de l’injustice du dérèglement climatique est aisée à trancher, tant on sait que les moins responsables en subiront les pires conséquences. La notion de dernier recours fait elle aussi peu débat, tant les formes de mobilisation classique semblent épuisées : rapports scientifiques s’accumulant, marches climat se succédant, faible poids face aux moyens colossaux des lobbys… La désobéissance civile de scientifiques serait-elle plus efficace ? Jouissant d’une position associée à un bon niveau de confiance au sein de la société, les scientifiques confèrent respectabilité et confiance à des demandes de changement de trajectoires. Des messages portés par des actions à finalité altruiste présentant un certain risque personnel reçoivent un écho favorable auprès du public.
Selon un argument fréquemment opposé, un certain principe de neutralité requerrait que les scientifiques s’abstiennent d’intervenir dans le débat public. Mais l’épistémologie récente considère que des sciences dépourvues de valeurs constituent un idéal illusoire et peu désirable lorsque les savoirs produits peuvent avoir des implications délétères. La neutralité est simplement mise en avant pour défendre le statu quo ! Enfin des personnes jouissant d’un statut professionnel favorisé auraient même un devoir de s’engager « en première ligne » pour le bien commun, quand d’autres, ne jouissant pas du même statut, s’exposeraient bien d’avantage par les mêmes actions.
Le point de vue des écologistes
Historiquement la désobéissance civile a toujours été menée au nom d’une libération. Lutte contre l’impérialisme anglais avec le mahatma Gandhi, lutte contre la ségrégation raciale avec Martin Luther King, lutte contre les multinationales de la semence pour libérer les paysans, lutte contre l’armée pour se libérer de l’oppression militaire. En bref la désobéissance civile se pratique pour libérer un peuple enchaîné par une contrainte extérieure qui empêche sa libre détermination. L’idée de libération prend une nouvelle forme aujourd’hui, il s’agit de lutter contre l’emprise thermo-industrielle sur nos existences. Les exemples se multiplient aujourd’hui : il y a des grèves scolaires initiées par Greta Thunberg, il y a des gens qui abandonnent un boulot allant à l’encontre de l’équilibre écologique, il y a les militants d’Extinction Rebellion qui essayent de bloquer un système qui nous broie, il y même des éco-guerriers qui détériorent les biens qui nous mènent au désastre, les SUV entre autres. Que des scientifiques se joignent à ce combat, comme déjà l’ont fait maints intellectuels, est donc une avancée dans la lutte contre le système thermo-industriel qui manipule actuellement tous les rouages de l’économie et même la psychologie des masses.
Lire, La désobéissance s’apprend, savoir déterminer l’injuste
« Désobéir » signifie « faire son devoir », répondre à ce que dicte sa conscience même si c’est à l’encontre des règles conventionnelles à un moment donné, et quel qu’en soit parfois le prix. Un désobéissant écolo trouve sa légitimité dans une action faite pour le bien commun, non seulement celui des générations présentes, mais aussi celui des générations futures, sachant qu’il faut aussi considérer la protection des autres espèces et la durabilité du milieu naturel. En clair, la désobéissance civile, mode d’action autrefois de Gandhi ou Luther King, repose principalement aujourd’hui sur des justifications d’ordre écologique. De toute façon on ne peut reprocher à des désobéissants de désobéir à une loi quand on s’enchaîne à la porte d’une banque. Sauf à considérer que le droit de la propriété l’emporte sur le bien collectif !
Il n’existe pas de loi ayant prévu de rendre la planète incompatible avec les différentes formes de vie. Il existe même une loi qui oblige à la préserver. La Charte de l’environnement à valeur constitutionnelle a été approuvée en congrès en 2005 et stipule : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement (article 2) ». On peut également interroger notre démocratie telle qu’elle fonctionne avec des citoyens soumis à l’aliénation marchande. Quelle est la légitimité d’un vote qui déciderait que confort et pouvoir d’achat sont intouchables alors qu’une telle décision engendrerait un cadre de vie extrêmement détérioré pour des milliards d’individus présents et à venir ainsi pour de très nombreuses formes de vie ?
Un seul reproche à faire à cette tribune de scientifiques. Pourquoi s’en tenir aux questions climatiques et ne pas aborder toutes les autres questions liées aux technosciences, que ce soit l’usage immodéré de la chimie, la sophistication extrême des armes de guerre ou l’industrialisation forcenée de l’agriculture.
J’espère que Monsieur Kalmus se rendra à la COP27 en Egypte à pédalo
Les scientifiques qui doivent désobéir sont les ingénieurs qui inventent de nouveaux gadgets, nouveaux robots, nouvelles machines énergivores ! Car tant qu’il y aura des ingénieurs il y aura toujours plus de gadgets et de machines sur le marché ! Or la majorité des ingénieurs sont en Chine ou aux Usa ! Bon courage pour mettre fin au techno-scientisme énergivore ! Autant dire, de France, nous sommes bien impuissants pour arrêter le carnage, nous ne sommes même pas en mesure de le ralentir…
Désobéir à qui, à quoi ? Aux lois injustes nous dira-t-on. C’est ça la désobéissance civile nous rajoutera-t-on. Ah bon ? Et qui c’est qui juge qu’une loi est juste ou injuste ? Et depuis quand ce sont les lois qui font la Loi. La Loi de qui, la Loi de quoi ? Retour donc à la case Départ.
Le problème n’est pas tant de dire ce qu’est la désobéissance civile, ni de dire qui doit désobéir, le problème c’est que NOUS TOUS, nous obéissons trop.
ET oui Nous Tous obéissons à nos instincts de plaisir et de paresse ! Le plaisir est toujours vainqueur !
« La désobéissance civile de scientifiques serait-elle plus efficace ? Jouissant d’une position associée à un bon niveau de confiance au sein de la société, les scientifiques confèrent respectabilité et confiance à des demandes de changement de trajectoires. »
J’ai hélas tendance à penser que le Public n’accorde guère plus de crédibilité aux scientifiques qu’à n’importe quelle autre autorité. Un chanteur ou un footeux, à la rigueur…
– « Les sympathisants de gauche, les femmes militantes et les bordéliques sont plus enclins à la désobéissance que les personnes affables, consciencieuses ou de droite. Telle est la conclusion d’une étude française publiée dans Journal of Personality. »
( Viviane Thivent- Le Monde 16 mai 2014 )
Pour Biosphère il s’agit là d’une vision superficielle (La désobéissance s’apprend, savoir déterminer l’injuste). La «banalité du mal» (Hannah Arendt) ne dépendrait pas d’une idéologie de droite ou de gauche… finalement tout ça ne résulterait que de l’éducation. C’est ce qu’il appelle les «ABCD» de la désobéissance. Qu’il ne faut peut-être pas confondre avec les «ABCD» de l’esprit critique .
( à suivre)
Je sais bien que Biosphère a un problème avec la droite et la gauche, que lui se situe au-dessus, ou au-delà de tout ça, et pourtant. Bien sûr, l’éducation… Seulement l’éducation commence justement dès le berceau, et dans la famille. Et il est évident que l’enfant d’un colonel n’aura pas la même éducation qu’un enfant de prof ou d’ouvrier. Je regrette, mais un militaire et un prof (par exemples) ne partagent pas du tout les mêmes valeurs. Et ce n’est pas par hasard si l’autorité, l’ordre, la discipline, l’obéissance, sont des valeurs largement partagées dans certains milieux, bien à droite.
– « Un seul reproche à faire à cette tribune de scientifiques. Pourquoi s’en tenir aux questions climatiques et ne pas aborder toutes les autres questions liées aux technosciences, que ce soit l’usage immodéré de la chimie, la sophistication extrême des armes de guerre ou l’industrialisation forcenée de l’agriculture ? »
Non, pour moi du moment que ces scientifiques sont sincères, je ne vois pas ce qu’on pourrait sérieusement leur reprocher. Si ce n’est peut-être une trop grande sensibilité, et encore…
Sinon, pourquoi les technosciences ? Et pourquoi ne pas carrément dire NON haut et fort au Système, au Pognon, au Business, à la Compétition etc. ?
Tout simplement parce que c’est toujours un élément plus qu’un autre qui déclenche en nous ce besoin de dire NON. Parce que le lien entre tous les problèmes n’est pas évident pour tout le monde, parce que chacun classe l’importance des choses et les priorités selon sa propre subjectivité, sensibilité etc.
C’est ainsi qu’Untel sera particulièrement révolté (indigné etc.) par telle chose alors qu’il s’accommodera fort bien de telle autre qu’Ontel ne supporte pas, et vice versa.
C’est ainsi que Peter Kalmus fond en larmes au cours d’un discours expliquant les motivations de son action (sic). Je lui souhaite sincèrement de s’en remettre.
C’est ainsi que d’autres s’immolent par le feu pour dénoncer telle ou telle injustice qu’ils ne peuvent plus supporter. Et là le verbe supporter veut réellement dire autre chose.
C’est pour ça que cette notion de «dernier recours» me laisse quelque peu dubitatif.
– « Selon un argument fréquemment opposé, un certain principe de neutralité requerrait que les scientifiques s’abstiennent d’intervenir dans le débat public »
Dire qu’ils devraient s’abstenir d’intervenir dans le débat public revient à nier leur citoyenneté, et pire leur humanité. Les scientifiques, comme les artistes, les sportifs etc. sont avant tout des êtres humains. Et à ce titre ils ressentent des sentiments et des émotions, notamment lorsqu’ils sont confrontés aux injustices, à l’hypocrisie, la bêtise etc. etc. Alors à moins de les considérer comme des robots ou des zombies, ou encore des militaires, chez qui une moelle épinière suffit (c’est Einstein qui l’a dit), reconnaissons leur au moins le droit d’exprimer ce qu’ils ressentent.
La désobéissance civile (si ce n’est civique) est une façon comme une autre d’exprimer un refus catégorique (NON !) assorti d’un ras-le bol et/ou d’une colère. Ce NON s’adresse clairement à l’Ordre Établi, à ses organisateurs et autres défenseurs.
Dire que la désobéissance civile repose principalement aujourd’hui sur des justifications d’ordre écologique (sic) c’est oublier déjà le pouvoir des meRdias.
Ce n’est QUE parce que des actions comme celle-là (Peter Kalmus enchaîné à la porte d’une banque) sont médiatisées et étiquetées dans la rubrique «désobéissance civile» que nous avons l’impression que ce mode de résistance ne concerne plus que l’écologie. (à suivre)
Et c’est oublier, ou sous-estimer, toutes les autres formes de désobéissance civile. Comme par exemples lorsqu’il s’agit d’empêcher l’expulsion de familles en difficultés, d’aider des gens en situations dire irrégulières, de filmer des abus policiers ou autres, de manifester lorsque l’État piétine la Constitution, de refuser de voter (cautionner la Farce Électorale) etc. etc. La désobéissance civile s’est manifestée pendant le Covid, quand il s’agissait de dire NON aux exigences absurdes du Gouvernement, mais là bien sûr les meRdias ne nous l’ont pas présentée comme ça. La désobéissance civile
se manifeste actuellement en Russie où des milliers de gens descendent dans les rues pour exprimer leur désaccord avec Poutine et dire NON à la guerre, s’exposant ainsi à des arrestations et des emprisonnements. C’est également ces footeux qui refusent d’aller jouer au Qatar etc. etc.