L’agriculture va dans le mur, Attal accélère

Romain, 18 ans, hésite à reprendre ou l’élevage de son père, 250 chèvres, 80 brebis, 10 génisses, des volailles. « Peur d’en chier. Mon père n’a pas pris de vacances depuis vingt ans et ne se retire pas de salaire. Je ne veux pas de cette vie-là. Il me déconseille de reprendre, mais au fond je sais que ça lui ferait plaisir. »

Les élèves en lycée agricole sont inquiets, leur avenir dépend de contradictions actuellement insolubles.

Marc-André Selosse : Notre agriculture va dans le mur, financier, écologique et sanitaire. Les pratiques actuelles détruisent les supports écosystémiques de l’agriculture. Le labour trop fréquent décuple l’érosion et détruit la vie microbienne qui fertilise les sols, les faisant littéralement fondre. En trente ans, les pesticides ont éliminé 80 % des insectes, et en quinze ans ils ont tué 30 % des oiseaux. Nous compensons par des engrais minéraux et des pesticides, au prix d’une catastrophe sanitaire. Les phosphates des engrais minéraux sont contaminés par du cadmium, toxique et cancérigène, qui se retrouve dans nos aliments : les Français avalent 1,4 fois la dose maximale recommandée par l’OMS ! Les résidus de pesticides intoxiquent les eaux potables et empoisonnent les agriculteurs eux-mêmes, qui présentent des surcroîts de cancers (+ 20 % de myélomes et + 50 % de lymphomes, ou de maladies de Parkinson et d’Alzheimer.

Plus grave, on se dispense de solutions dérivées des sciences écologiques, ce que l’on appelle l’agroécologie. Les haies que l’on répugne à replanter préviennent l’érosion et réduisent de 80 % les bioagresseurs des cultures, en freinant leur dispersion. Des cultures mélangées (céréales et légumineuses mêlées, par exemple) réduisent la propagation des bioagresseurs de 60 % en augmentant la production de 20 % à 40 %. Les cultures sans labour reconstruisent la vie des sols… Or les mesures demandées par la profession agricole, voire accordées par le gouvernement, enferment dans la dépendance aux combustibles fossiles ou aux pesticides, et retardent la mise en place d’alternatives.

Il faut impérativement éviter la fracture entre agriculteurs et citoyens, car ces derniers peuvent, par leurs achats ou leurs subventions, aider la transition vers l’agroécologie ; chaque Européen verse 120 euros par an pour la politique agricole commune européenne. On ne pourra pas sauver l’environnement sans les agriculteurs, et réciproquement.

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Soutien des paysans, rejet des tracteurs

extraits : Certes le désespoir règne actuellement chez de nombreux agriculteurs qui ne peuvent plus faire face à la surcharge de travail, à l’augmentation des coûts, à la précarité des revenus, à la dépendance à l’égard des subventions agricoles, à l’absence de perspective de succession pour leurs exploitations et aux nouvelles réglementations émanant des capitales et de Bruxelles. Mais comment font-ils pour s’acheter des tracteurs à plus de 150 000 euros l’unité, sans compter le matériel idoine qui va avec ? C’est là où vont les subventions européennes ? Pourquoi acheter des nouveaux tracteurs surpuissants tous les 4 ans pour faire les foins…

Gabriel Attal, la politique sans l’écologie

extraits : Le premier ministre n’a donné aucun détail sur la manière dont il entendait mieux protéger la biodiversité. Tout au contraire, il a annoncé que la France avait rallié 22 pays à sa demande d’obtenir une nouvelle dérogation européenne à l’obligation faite aux agriculteurs bénéficiant de la politique agricole commune (PAC) de consacrer 4 % de leurs exploitations à des infrastructures bénéfiques à l’environnement, telles que les haies, les bosquets, les mares ou les jachères…

5 réflexions sur “L’agriculture va dans le mur, Attal accélère”

  1. « Les haies réduisent de 80 % les bioagresseurs. Des cultures mélangées augmentent la production de 20 % à 40 %. »
    Je ne remets pas en cause ces données car je n’ai pas les références. Je suis juste dubitatif car si c’était si productif pourquoi is agriculteurs ne les utilisent pas? Et les pays produisant plus que nous ne les utilisent pas ?
    J’ai assisté à un conférence pour professeurs biologistes de l’éducation nationale voici 4 ans et le conférencier était de l’inra et spécialiste des techniques agricoles alternatives à l’emploi de l’engrais et des pesticides . Il mentionnait de mémoire la rotation de culture, l’enfouissement des cultures vertes azotés et les fumures organiques et d’autres… toutes très écologiques.
    Son bilan était sans appel, la productivité est tellement basse que on ne pourra pas recourir à ces techniques pour la production nécessaire pour nourrir la population française.

  2. Oui c’est assez incroyable de voir l’agriculture qui au fond est le domaine qui a connu la plus forte progression de la productivité (le rapport production / nombre d’agriculteurs a explosé) être le secteur qui en fin de compte rémunère si mal nombre de ses acteurs et encore souvent à coup de subventions et non par la vente de ses produits, sans compter évidemment tous les autres dégâts collatéraux souvent évoqués ici.

    1. – « Depuis 1960, la productivité du travail dans le secteur agricole a connu une augmentation exponentielle impressionnante de 4,15 % par an, surpassant nettement la croissance de 1,8 % enregistrée pour l’économie française dans son ensemble. »
      ( Les producteurs, principaux perdants de la répartition des gains de productivité de l’agriculture depuis 1959 – insights.ieseg.fr 07/02/2024 )

      Comme la Bourse, le Business, la compétition, la concurrence, et même la guerre, les gains de productivité profitent d’abord aux gros. C’est une des lois du Système.
      Qu’ils soient des villes ou des champs, du Privé ou du Public, jeunes ou vieux… les petits ne peuvent compter que sur le ruissellement.

  3. – « Les élèves en lycée agricole sont inquiets, leur avenir dépend de contradictions actuellement insolubles. »
    Et encore s‘il n’y avait qu’eux, d’inquiets. Cette même inquiétude, par rapport à l’avenir, est partagée par une très large majorité de la population.
    Mis à part peut-être les plus dogmatiques libéraux… tout le monde est plus ou moins conscient qu’ON marche sur la tête (« On marche sur la tête » : l’opération retournement des agriculteurs en colère – Le MONDE 30 novembre 2023). Tout le monde voit les contradictions (absurdités, aberrations, aveuglement etc.) inhérentes à notre système économique. Le Capitalisme !
    Et donc SA politique, soumise à des règles absurdes. Idem de NOS politiques (marionnettes, serviteurs etc.) aussi impuissants les uns que les autres. Et réduits à ne plus gérer que le très court terme, éteindre le feu ici ou là, en attendant que ça reprenne ailleurs ou que ça explose.
    ( à suivre )

    1. Si Attal accélère, c’est uniquement parce qu’il roule sur du verglas et qu’il ne peut pas freiner. Comme les autres le jeune Attal gère donc au jour le jour. Sur ce coup ON peut dire qu’il s‘en sort plutôt bien. Si les petits cochons ne le mangent pas, il peut aller très loin. En attendant il doit quand même dire merci à la FNSEA.
      – Agriculture : derrière les négociations entre la FNSEA et le gouvernement, le maintien d’un modèle de « cogestion » (publicsenat.fr 02/02/2024 )

      – « Ils nous laissent crever en silence » : la FNSEA lève les blocages, les autres syndicats agricoles accusent le coup en Franche-Comté (france3-regions.francetvinfo.fr 01/02/2024)

      D’un côté les contents, et autres faux méfiants… de l’autre les carrément pas contents.
      Ne te trompe surtout pas de camp… camarade !

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