« Fin de la nature, nature out ? » Catherine Vincent s’attaque à cette question à la fois philosophique et cruciale. Pour les uns la nature, ça n’existe pas, ce n’est qu’une construction de l’esprit, tout est culture. Or ce dualisme a mené l’humanité à une exploitation effrénée et suicidaire des ressources naturelles. Pour d’autres comme l’anthropologue Philippe Descola, les tribus amérindiennes entrent en connivence avec les autres « existants », tous dotés d’une vie autonome dont dépend la qualité de vie des humains. Des forêts luxuriantes de l’Amazonie aux étendues glacées de l’Arctique canadien, certains peuples ne se conçoivent pas comme des collectifs sociaux gérant leurs relations à un écosystème, mais comme de simples composantes d’un ensemble plus vaste. Pour Bruno Latour, Nature et Kultur constituent les deux parties d’un même concept reliées « par un fort élastique » qui se battent à coups de poing sans cesser de partager le même tronc. Baptiste Morizot préfère référer au « tissu du vivant ». Isabelle Stengers l’affirme, « L’idée que “la nature n’existe pas” me semble faire partie de l’arsenal académique destiné à choquer. Au fond, les scientifiques qui s’occupent d’aspects dispersés de ce qu’on appelle “nature” se révoltent si on leur dit que “ce n’est qu’une construction”. Non, la nature “tient” indépendamment des humains. » Satish Kumar a fait une formidable « Déclaration de dépendance » :
« Vous remarquerez que Descartes dit deux fois « je » dans son « je pense, donc je suis ». Il fonde tout seul sa vérité, tout ce qui vit autour de lui n’existe plus ! D’ailleurs il a eu cette révélation en méditant enfermé dans une chambre. S’il avait réfléchi dans la nature, entouré d’arbres, d’animaux, caressé par le vent, il n’aurait pas conclu à une prise de conscience solitaire. En posant l’ego comme le moteur de l’être humain, votre Descartes a institué un dangereux dualisme, il a isolé l’homme de son environnement, il l’a proclamé indépendant. Les bouddhistes indiens se sont évertués au contraire à libérer l’homme des illusions de l’ego, ont développé le principe de co-dépendance entre tout ce qui vit. »
Voici le genre de « dialogue » qui peut s’instaurer entre commentateurs sur lemonde.fr :
Alazon : Sidérant comme certains ont l’impression de faire preuve de génie en redécouvrant l’animisme le plus naïf, pour ne pas dire niais. Il y a quelques millénaires pourtant de vrais penseurs s’en sont extraits pour dire que l’homme n’est pas juste un petit bout d’un grand tout mais la seule conscience de l’univers. Ils ont posé les fondements d’une autre pensée : l’humanisme, qui fait de l’humain la mesure de toute chose. La vision de la nature a été revue en conséquence. On a découvert qu’elle est le plus souvent hostile à l’homme. On a découvert l’horreur du sort qu’elle nous réserve, avec la mort pour perspective mais aussi la cruauté de voir périr la plupart des ses enfants avant même qu’ils sachent marcher. Peu à peu le progrès est apparu dans sa dimension émancipatrice. Malgré les résistances des esprits obtus, il a permis à une majorité d’humains de sortir de la famine, de réduire la mortalité infantile, de conquérir des loisirs. C’est ces progrès que menace l’animisme écolo.
Michel SOURROUILLE @ Alazon : Une nature profondément détérioré grâce à notre « humanisme » ne pourra plus permettre à une très grande partie de nos générations futures de survivre dignement. On pourra même s’entre-tuer un jour pour quelques gouttes d’eau, on verra périr des enfants avant même qu’ils sachent marcher. Cela a déjà commencé. Appeler cela le « progrès », c’est ne pas connaître le sens des mots qu’on utilise. Il n’est que temps que l’humanité cesse de se croire le nombril du monde et arrive plus d’humilité et de sens du terroir. On ne peut vivre qu’en fonction de ce que nous offrent comme services (de moins en moins gratuits) les écosystèmes. Et çà, ce n’est pas de l’animisme, c’est à la fois du réalisme culturel et économiques. Mais les poncifs d’Alazon resteront sans doute bien ancrés dans sa tête, les évidences biophysique ne peuvent rien contre les croyances humaines.
Clabbez : Si je ne m’abuse, le travail de l’anthropologue Descola n’était pas tant de dire que la nature n’existe pas mais plutôt de détricoter les concepts introduits par les humanistes qui voulaient opposer la culture « humaine » à la « nature » vue comme hostile, sauvage et dangereuse. Il est temps de changer de mythe avant que l’on finisse de couper la branche sur laquelle nous sommes assis…
– « Or ce dualisme a mené l’humanité à une exploitation effrénée et suicidaire des ressources naturelles. »
Peut-on vraiment l’affirmer ? Le rapport homme-nature n’a cessé d’évoluer depuis que l’homme existe. Ce n’est pas ce dualisme qui est la cause, c’est seulement l’hubris, la perte de la juste mesure, le grand n’importe quoi. Et aujourd’hui ça continue, de tous les côtés, on s’obstine à voir les choses en mode binaire, à en croire certains l’homme devrait marcher pieds nus, vivre tout nu, laisser crever ses enfants, laisser faire Dame Nature, quoi. N’importe quoi !
Et le progrès dans tout ça ? Est-ce un progrès que d’en être arriver là, à croire n’importe quoi ? Pas un progrès humain en tous cas. Faut-il abattre tous ceux qui pensent qu’il n’y a que l’Homme pour se poser de telles questions ? Et qu’une baleine, un loup, aussi beaux soient-ils, sont à mille lieues de se pourrir l’existence avec de telles réflexions.
« »les choses en mode binaire, à en croire certains l’homme devrait marcher pieds nus, vivre tout nu, laisser crever ses enfants, laisser faire Dame Nature, quoi. N’importe quoi ! » »
Pour d’autre le mode binaire c’est croire que la femme devrait marcher en burka pendant que les hommes sans burka. Laisser dealer les enfant, laisser Monsieur Islam faire n’importe quoi…. Ça tu connais bien Michel !
Pour moi il y a 10 catégories de gens : ceux qui comprennent le binaire… et puis ceux comme toi qui ne le comprennent même pas. 🙂
Je suis d’avis d’Alazon pour dire que certains sont sidérants. Culture contre nature, culturisme ou naturisme, choisis ton camp camarade ! Foufoune épilée ou tablier de forgeron, eau de Cologne ou camembert, qu’est-ce que tu préfères ? N’importe quoi ! Vous allez voir qu’on va finir par se demander si Tout ça existe, pour de vrai, si des fois ça ne serait pas juste du cinéma, en 3D, juste pour rigoler quoi. Quel plaisantin cet Horloger ! Et quand je pense à ce Kumar, cet ancien moine reconverdi en «pédagogue» marchand de bouquins et à ce qu’il a fait du célèbre cogito, là je me dis que le pauvre Descartes doit se tordre de rire, dans sa tombe. Et du coup Jacques Rouxel aussi. Il ne faut pas penser «je pense donc je suis», surtout pas «je panse donc j’essuie», encore moins «je pompe donc je suis»… non, il faut penser «tu es donc je suis». C’est-y pas beau ça ? Ah si ça l’est ! Tout autant que «tu hais donc j’essuie.» 🙂