L’excroissance du système thermo-industriel nous conduit vers deux voies complémentaires, le sursaut personnel de la simplicité volontaire et le rationnement planifié par l’État. L’ultra-gauche présente une idée hors-sol de la situation, miser sur l’autolimitation pour ne pas porter atteint à la liberté individuelle, c’est se voiler la face quant aux réalités d’un égoïsme humain particulièrement bien partagé.
La décroissance de février 2023 : le rationnement ou la liberté ?
– L’hymne à la libération de l’autolimitation
Frédric Rognon : Rationnement, c’est un diktat de l’État qui fixe les nouvelles normes pour tous et exige par la force qu’elles soient respectées… La limitation de la consommation par les citoyens ne résulte pas d’un choix librement décidé et assumé par chacun en fonction d’une surcroît de conscience et de sagesse…
Deniz Ince : Je pense qu’il faut se rationner, mais librement. La liberté n’est rien d’autre que la faculté qui permet de s’imposer une loi à soi-même, pour lui obéir, de se mettre des limites.
Raoul Anvélault : Dans un système étatique comme le nôtre, à quoi conduirait inévitablement le rationnement ? Il ne peut aboutir qu’à un système totalitaire géré à coups de pass énergétique à l’instar du pass sanitaire. Car le rationnent obligera à une gestion technicienne de la pénurie.
lire, Carte carbone à la sauce décroissante
– Le réalisme d’un rationnement partagé
GAV (groupe de rationnement volontaire) : Le rationnement volontaire est né en Grande-Bretagne au début des années 2000 (Carbon Rationing Action Groups). Il n’est pas question de totalitarisme puisque les personnes ont librement choisi de participer. Mais il est illusoire d’imaginer que tous les humains vont individuellement choisir de limiter leurs libertés au profit d’un système Terre. La mise en place de mesures contraignantes est inévitable. Le rationnement semble la moins mauvaise des mesures contraignantes car elle est aussi égalitaire que possible. Le rationnement carbone est donc une mesure radicale, voire révolutionnaire.
lire, Planification publique et carte carbone
Socialter, bienvenue dans l’ère du rationnement (décembre 2022, janvier 2023)
La dictature sur les besoins a historiquement reposé sur deux piliers, la promesse d’un retour à la normale et le paternalisme d’une caste d’experts sachant mieux que la population ce dont elle a besoin. Plutôt qu’une autolimitation démocratique des besoins, le gouvernement autoritaire par la rareté ? Le rationnement est dangereux parce qu’il est puissant, mais n’avons-nous pas besoin d’outils puissants pour opérer plus qu’une transition : une véritable rupture ?
Sophie Kloetzli : N’en déplaise à ceux qui agitent la menace d’une dictature verte ; des rationnements bien organisés et progressifs ne nous plongeront pas forcément dans la dictature. Le débat à mener est de taille puisqu’il s’agit de repenser rien de moins que notre conception des libertés. Cinquante ans de propagande consumériste ont beaucoup fait pour convaincre qu’allumer la climatisation de sa voiture ou que disposer de 5 écrans connectés étaient des libertés inaliénables dont l’abandon constituerait un douloureux retour à l’âge de pierre… La liberté passe forcément par l’égalité, c’est l’inaction actuelle et le dérèglement climatique en cours qui seront liberticides.
Une carte carbone n’organiserait un contrôle que sur la totalité des émissions de gaz à effet de serre des individus, leur laissant la liberté de s’organiser de façon à respecter ce plafonnement selon leurs préférences individuelles. Là où la conception dominante de la liberté se fonde sur une conception négative car définie par l’absence de contraintes, l’autonomie est le pouvoir de décider de la manière dont on s’organise pour utiliser les ressources à notre disposition.
Le rationnement comme constante de l’histoire humaine
Age de pierre, âge d’abondance. Le livre de Marshall Sahlins démontrait que l’âge de pierre (les sociétés premières), c’était vraiment l’âge d’abondance : sans désir de superflu, il n’y avait pas sentiment de manque. En effet, aux temps de la chasse et de la cueillette, on vivait un sentiment de plénitude car on limitait les besoins… et donc le travail… pour avoir plus de temps libre… et être heureux.
L’expansion des ressources tirées de la planète grâce à l’utilisation des énergies fossile nous a projeté dans l’illusion de la possibilité de besoins illimités. L’invention de la publicité a fait beaucoup pour nous attirer dans notre société de consommation. Mais il y avait toujours un rationnement par les prix et le revenu. On ne peut satisfaire ses besoins de luxe que si notre demande est solvable. L’invention du crédit a repoussé cette nouvelle barrière. C’est l’abondance à crédit, même les États pourtant trop riches vivent sur l’endettement croissant. Le surcroît de monnaie amène à l’inflation, les prix explosent et la consommation se réduit lors en proportion. Toujours le rationnement par les prix.
Quant les restrictions arrivent, c’est la multiplication des files d’attente, le rationnement ne s’opère pas de manière monétaire, mais de façon temporelle. On est alors poussé à la mutualisation, le covoiturage, la cohabitation, on s’adapte à son échelle, on partage la cherté. L’étape suivante, c’est l’incitation à se limiter, moins de viande, moins d’avion, moins de déplacements, moins de tout. Comme l’incitation s’avère inopérante, arrive alors la multiplication des interdictions partielles, la canalisation des flux touristiques, le contrôle de la publicité, l’interdiction des dépenses ostentatoires, la restriction des services publics, etc.
Après avoir tout essayé, on passe aux quotas dont la carte carbone n’est qu’une des modalités. La liberté de choix devient un mot vide de sens, on s’est aperçu que l’argent ne se mange pas.
Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere
A connaître, «âge de pierre, âge d’abondance»
Avant de pondre une usine à gaz pour rationner tout le monde, SAUF bien sûr ceux qui auront tracé les plans de l’usine, occupons-nous d’ABORD de mettre un terme à bon nombre de choses néfastes. En commençant par la Pub. Les jets privés (idée qui revient ces jours-ci au sein de EELV-NUPES), les grosses bagnoles, les constructions pharaoniques démesurées etc. etc.
Alors bien sûr, il s’agit là d’interdire, d’interdictions. Et donc d’atteintes à des libertés.
Seulement si on fait les comptes, on s’aperçoit que le nombre de mécontents serait finalement bien dérisoire comparé à celui provoqué par la fumeuse Carte Carbone. Cette politique aurait
déjà le mérite de nous changer de l’ordinaire, c’est à dire de la logique des tenants de l’Ordre Établi : “ Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes. ”
L’article de la Décroissance (février 2023. P14-15) fait le tour de la question.
Frédéric Rognon cite longuement Bernard Charbonneau, qui avait tout compris, comme son ami Jacques Ellul. Les uns et les autres parlent du Système et de rationnement volontaire (belle idée, mais…).
Le GRAV, plutôt favorable à la carte carbone, dit :
– » Le rationnement semble la moins mauvaise des mesures contraignantes car elle est est aussi égalitaire que possible « .
Notons qu’il GRAV n’affirme pas (il lui semble seulement), pas comme ces écolos qui souhaitent et réclament la fumeuse Carte Carbone. En suivant, le GRAV dit :
– » Il ne faut toutefois pas se leurrer : un des rôles non avoués des États est de maintenir l’ordre social, et donc les classes de domination sociale. »
Merci de nous mettre en garde, mais personnellement je m’en serais douté.
Ce que raconte en suivant Raoult Anvélaut est bien plus intéressant. Notamment au début, comme une réponse au GRAV, au sujet des erreurs (divagations) de La Décroissance par le passé :
– » Heureusement, ce genre de divagations a cessé. Depuis le journal a compris et expliqué [etc.] »
Comme quoi il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.