Les fiers apôtres de la mondialisation et du changement technologique ont enrichi une étroite élite financière et managériale, redistribué les revenus et les richesses du travail vers le capital, détruit des millions d’emplois… Le principal problème de la théorie économique dominante tient à la restriction de son champ d’études, qui était à l’origine le bien-être des populations.
Angus Deaton : Comme l’explique Amartya Sen, l’économie a pris un mauvais tournant lorsqu’elle a été définie comme « l’étude de la répartition de ressources limitées entre des bénéficiaires en concurrence ». Cette définition trop célèbre est due à l’économiste britannique Lionel Robbins (1898-1984), mais elle restreint considérablement le champ de l’économie, comparée à la définition qu’en a donnée le philosophe américain Hilary Putnam (1926-2016) : l’évaluation humaine et raisonnée du bien-être social, évaluation considérée comme essentielle en économie par Adam Smith (1723-1790). M. Sen compare la définition de Robbins et celle qui fut donnée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle par l’économiste Arthur Pigou (1877-1959) : « Le début de la science économique, c’est le sentiment de révolte face au sordide des rues misérables et à la tristesse de vies flétries. » La Théorie générale de Keynes offre un bon résumé : « Le problème politique de l’humanité consiste à combiner trois choses : efficacité économique, justice sociale et liberté individuelle. »
Or, nous avons laissé de côté les deux derniers facteurs. Les économistes doivent dépasser leur fixation sur l’argent comme seul critère du bien-être. Et surtout, ils devraient passer davantage de temps avec les philosophes…
Le point de vue des écologistes
Milton Friedman, le père du monétarisme, écrivait en 1970 dans un article d’une cécité incroyable : « La responsabilité sociale de l’entreprise, c’est d’augmenter ses profits. » Mais 0ua milieu des années 1970, il y a eu les chocs pétroliers, puis la conscience que notre activité économique réchauffait la planète, puis que les inégalités explosaient, puis que nous ajoutions en démographie les milliards aux milliards, tout ça au détriment de la biodiversité. Situation invivable et ingérable. Pourtant ce sont encore les adeptes du croissancisme qui ont encore en 2023 les faveurs des économistes, des politiques et de tous ceux qui courent après leur pouvoir d’achat. L’éconologie (contraction d’économie et d’écologie) n’a pas encore la lisibilité médiatique qu’elle devrait avoir.
Lire, Un précurseur de l’économie écologique, B de Jouvenel
En 1991 Robert Costanza, dans le sillage de la première conférence mondiale des économistes écologiques (Washington – 1990), avait défini le champ de l’éconologie comme « la science et la gestion de la soutenabilité ». L’économie écologique considère l’économie comme un sous-système de l’écosystème physique mondial et fini. Cela remet en cause le caractère durable de l’économie à cause de ses impacts écologiques et de ses besoins en énergie et matière, et aussi à cause de la croissance démographique. Un prix zéro pour extraire des ressources ou se débarrasser de déchets reflète non pas l’absence de rareté, mais une relation de pouvoir.
Pour conclure, voici le Programme pour une économie soutenable et désirable tel que défini en 2012
1) Notre économie matérielle est intégrée dans une société elle-même assimilée à notre système écologique de soutien de la vie. Alors, pour comprendre et gérer correctement notre économie, nous devons avoir au préalable une parfaite compréhension de l’ensemble du système écologique et de ses interconnexions.
2) La croissance et le développement ne vont pas toujours de pair. Un véritable développement doit être défini en termes d’amélioration du bien-être soutenable, et non uniquement en termes d’augmentation de la consommation matérielle.
3) L’économie écologique est la seule voie qui permette à l’humanité de rester dans les limites de l’espace de fonctionnalité sécurisé de la planète. Nous devrons stabiliser le niveau de population, partager plus équitablement les ressources, le revenu et le travail. Nous devrons créer de meilleurs indicateurs du progrès, réformer les systèmes fiscaux de façon à taxer ce qui est « mal » et non les biens, et favoriser les innovations technologiques dédiées au bien-être et non plus à la croissance. Enfin nous devons nous détourner de la culture de la consommation.
En résumé, nous devons entreprendre une refonte totale de notre système. Nos propositions ne sont en rien un fantasme utopique, c’est le statu quo qui relève aujourd’hui de l’utopie.
Les économistes du profit sont disqualifiés. Oui, et alors ?
On va dans le mur, on le sait. Même les meilleurs utopistes le disent :
– « Le problème auquel nous nous heurtons vient du fait que nous vivons à l’heure de la mondialisation. Difficile en conséquence de changer de trajectoire. Un changement complet, qui exigera probablement un effondrement – au moins partiel –de l’ordre actuel sera nécessaire. »
( 2013 Vivement 2050 ! Programme pour une économie soutenable et désirable)
En attendant Stiglitz radote. Comme tout le monde. Seulement c’est comme pour tout, il y a radotages ET radotages. Radoter en pleurnichant c’est pas mon truc, radoter en rigolant, je préfère. Dans cette tribune au MONDE Angus Deaton nous en sort une bonne. Et celle là je la note :
– « […] les responsables politiques suivent rarement les conseils des économistes. Ils utilisent leur analyse comme un ivrogne utilise un lampadaire : pour se soutenir, pas pour s’éclairer. »
C’est sûr qu’un lampadaire c’est bien plus utile qu’un économiste. Aussi utile qu’un réverbère pour les chiens. (Miss Maggie de Renaud)
Je sais, on va me dire que ce n’est pas très constructif … de se soulager sur les économistes et les réverbères. Justement, je ne fais que dire qu’il faut (yaka) tout déconstruire. Décoloniser les imaginaires, dévoiturer etc. Vive les Dé, vive le délire !
Quant au j’m’enfoutisme narquois … en attendant… oui peut-être et alors ? 🙂
Or pour la liberté c’est le contraire, puisqu’on impose moins de contraintes; voir aucune contrainte alors les contrôles sont moins nécessaires voir ne sont plus nécessaires du tout ! Plus vous voulez monter le curseur d’égalité sur le tableau de bord et plus vous instaurez de l’autorité et des moyens de contrôle sur les individus. Autrement dit plus vous augmentez l’égalité et plus vous baissez la liberté, et réciproquement plus vous augmenter la liberté et plus vous baissez l’égalité. Par exemple, imaginons l’égalité des mœurs, et ben là pareil, vous allez devoir instaurer de l’autorité et des moyens de contrôle pour forcer tous les individus à adopter la même orientation sexuelle, tandis que la liberté des mœurs, soit laisser le choix à chaque individu de son orientation sexuelle, consiste à être moins autoritaire et réduire les moyens de contrôle des individus.