Le présidentiable Macron avait déjà affirmé en 2017 : « Je suis pour une société écologique, mais je ne suis pas pour une société Amish. » Les Amis de la Terre se sont renommés pour l’occasion les « Amish de la Terre ». Qui a raison ? Notre journal de référence* nous éclaire.
François Jarrige : Le mouvement Amish tire son nom de Jacob Ammam (1644-1730), un anabaptiste suisse qui prônait l’autorité suprême de l’Écriture biblique et la nécessité de se préserver de toute emprise de l’État, en refusant notamment les impôts ou le port des armes. Victimes de persécutions, ils émigrent aux États-Unis, recherchant l’autonomie agricole et alimentaire, privilégiant une vie sobre avec austérité de leurs vêtements et refus de la plupart des innovations technique modernes. Aux temps du triomphe de l’automobile, les Amish perpétuent l’emploi du cheval dans les travaux des champs et les déplacements. Ils privilégient le local et les circuits courts. Loin de rejeter en bloc les innovations, ils acceptent les batteries et les panneaux solaires tout en refusant d’être raccordés aux grands réseaux électriques. Ils n’adoptent une nouvelle technologie que si elle aide à faire ce que la majorité juge réellement important au lieu de faire confiance les yeux fermés aux publicitaires du système thermo-industriel. Les Amish sont de très bons mécaniciens, réparateurs et agriculteurs.
Le modèle amish nous apprend en définitive qu’il est possible de soumettre les choix de vie à d’autres fins que celles du marché. Or, c’est précisément ce dont nous avons besoin aujourd’hui, trouver les moyens de soumettre les projets technologiques au maintien d’une vie durable et vivable. Si pour les Amish c’est une certaine conception de Dieu et du sacré qui priment, pour un athée comme moi ça pourrait être tout autant les enseignements de la science écologique ou la quête d’une société égalitaire et conviviale. Contre le « modèle amish » rejeté avant même d’avoir été défini, Emmanuel Macron ne promeut rien d’autre que le très naïf modèle de la start-up. Le modèle amish montre pourtant l’absurdité de la formule selon laquelle « il n’y aura pas d’alternative ». Lors du premier choc pétrolier des année 1970, des articles de presse vantaient ces Amish qui parvenaient à se passer du carburant fossile dont le monde était devenu dépendant. (page 10 et 12)
Pour en savoir plus, extraits tirés de notre réseau biosphere,
2020, Emmanuel Macron, l’antithèse des Amish
… Samuel Beiler, un Amish : « Nous ne sommes pas contre l’instruction. Nous sommes contre celle qu’on donne dans vos écoles… Jamais de mémoire d’homme un Amish ne comparut devant un tribunal pour un délit autre que le refus d’envoyer ses enfants à l’école. »… La Cour suprême américaine vient en juin 1972 de donner officiellement le droit au Amish, en plein âge nucléaire, de continuer à vivre en un temps révolu et de le perpétuer à travers leurs enfants…
2011, les Amish de mes Amish ne sont pas mes Amish
…Les Amish, non soluble dans la modernité, ont même fini par obtenir de ne plus être imposables car ils ne coûtent quasiment rien à l’État : pas d’eau courante, pas de raccordement électrique, pas de sécurité sociale, pas de recours à la justice… Le rapprochement avec les militants de la décroissance est évidemment facile. Mais cela s’accompagne d’une doctrine invasive de progénitures. La famille nombreuse est de rigueur, avec une moyenne de huit enfants par couple… J’ajoute que les Amish vivent en phallocratie niaise et triomphante…
2008, Faux Amish ? selon Stéphane Lavignotte (Entropia n° 5, automne 2008)
.. Dans l’Ordnung des Amish du Nouvel Ordre, l’interdiction de la télévision, des caméras et des radios est motivée par l’enseignement de la Bible de « renoncer aux possessions matérielles qui semblent adoptées pour servir la chair plus que Dieu ». Le cinéma comme les stupéfiants, les plaisanteries grossières et les longues parties de chasse et de pêche loin de la famille sont prohibés en réponse à l’invitation : « Abstenez-vous de toute espèce de mal ». Dans l’Ordnung des Beachy Amish, dans la catégorie prohibée des « habitudes dont vous devenez esclaves », on trouve tricher et fumer, mais rien sur la télévision. Les amplificateurs sont interdits : « Louons Dieu avec les fruits de nos lèvres ». Un lecteur qui s’intéresse aux Amish dans une perspective de critique de la technique ou d’une approche écologiste ne pourra qu’être dépité de cette diversité des motivations où il retrouve moins ses préoccupations que la prédominance d’une approche moraliste ou d’une approche littérale de la Bible…
* La décroissance, le journal de la joie de vivre (mars 2021)
Quand Macron parle des Amish ou de la lampe à huile, il fait seulement de la com’ (propagande). Cette fois sur le registre de la plaisanterie. C’est vrai que Macron est rigolo, notamment quand il glorifie de la sorte les innovations technologiques. Qui sont pour lui indissociables du sacro-saint Progrès, celui qui progresse pour des siècles et des siècles amen.
Quand Macron se moque du «modèle amish», il ne pense probablement pas à leur religion ou leur spiritualité, mais seulement à leurs réticences envers les innovations technologiques.
Ses blagues ne font donc rire que les idolâtres du Progrès, tous ces doux rêveurs parmi lesquels ces pseudos écolos qui croient à tous ces trucs «verts» et autres machins «propres», bref ces imbéciles qui croient à cette «société écologique», dont il nous dit «je suis POUR».
Sur ce point Macron la joue facile, il n’a aucun mal à nous faire rire. Ni à nous con vaincre et nous con verdir. Il sait très bien que la traction hippomobile fait beaucoup moins rêver que la Bagnole électrique ou à hydrogène. Et que les lampes à LED ont bien plus la côte que la lampe à huile ou à pétrole.
En attendant je ne sais pas si les Amish sont rigolos, ni s‘ils font du porte à porte, du prosélytisme, de la pub etc. mais les Témoins de Jéhovah ont finalement bien plus de mérite que lui.
Très bon article de François Jarrige, espérons que Macron l’aura lu et qu’il aura pris le temps d’y réfléchir. Rappelons que François Jarrige est un historien français, spécialisé dans l’histoire des techniques et de l’industrialisation. (Conseil de lecture : Quoi de neuf ? Du rôle des techniques dans l’histoire globale. De David Edgerton, 2013)
L’intérêt de ce genre d’article c’est qu’il ne se positionne pas bêtement POUR ou CONTRE, ici les Amish. Cet article n’est pas une pub pour le «modèle amish», il ne cherche pas à nous le présenter (nous le vendre) comme LE Modèle Parfait, il nous expose juste les choses comme elles sont.
Et le message est tout simple :
– « Au lieu de s’en moquer, peut-être y aurait-il quelques éléments à retenir de cette expérience amish, comme leur capacité à construire un milieu de vie non destructeur. […] Le supposé modèle amish a évidemment à voir avec le modèle de la décroissance : il sont tous les deux diffamés alors qu’ils cherchent à promouvoir des modes de vie moins destructeurs, fondés sur la simplicité et la mesure. »
La moquerie et la diffamation sont des façons comme une autre de passer le temps, en attendant. De la même façon que les blagues de Macron ne font rire que certains imbéciles, cet article plaira surtout aux partisans de la simplicité et de la (juste) mesure, aux amoureux de la réflexion, de la déconstruction et de la reconstruction. Maintenant je doute qu’il puisse aider les imbéciles à se libérer de la Pensée Unique.
@ Michel
« Cet article n’est pas une pub pour le «modèle amish», il ne cherche pas à nous le présenter (nous le vendre) comme LE Modèle Parfait, il nous expose juste les choses comme elles sont. »
–> Ah bon ? Pourtant dans l’artiche c’est écrit ceci = « J’ajoute que les Amish vivent en phallocratie niaise et triomphante… »
Et pourtant encore, lorsque je disais que la fin des énergies fossiles ce serait la fin du féminisme, en rappelant que Jancovici disait « Dans un monde sans pétrole on ne divorce plus ». Bref, je disais la même chose autrement, avec plus de détails, mais tu contestais mes propos. Mais c’est bien, tu progresses en lucidité en admettant les choses comme elles sont….
Tu devrais prendre le temps de bien lire. Ce passage que tu cites n’est pas dans l’article que j’ai commenté, à savoir celui de François Jarrige dans La Décroissance de ce mois-ci.
Ce n’est pas Jarrigue qui dit que «les Amish vivent en phallocratie niaise et triomphante… » c’est cet écologue, écosophe, essayiste, polémiste etc. qui vit de la vente de ses bouquins, et dont son écologie comme sa philosophie sont loin de me séduire, à savoir Michel Tarrier.