L’écologie penche pour le protectionnisme, la démondialisation, en définitive la relocalisation. Rappelons d’abord qu’un libre-échange basé sur le va-et-vient de produits quasi-similaires est une absurdité. Un jour Fritz Schumacher vit un camion à l’effigie d’une marque de biscuits écossais entrer dans Londres ; peu après il apprit qu’une entreprise fabriquant des biscuits à Londres acheminait sa production jusqu’en Écosse. Cette découverte le troubla profondément. En tant qu’économiste, il ne parvenait pas à comprendre pourquoi des être compétents se voyaient contraints de conduire un camion d’un bout à l’autre des îles britanniques dans le seul but de transporter des biscuits. Mais le coût humain et environnemental d’une telle manœuvre n’avait alerté personne. Parce que le faible coût des déplacements grâce aux énergies fossiles a multiplié les échanges, nous sommes passés insensiblement de territoires vivants une quasi-autarcie il y a 200 ans à une mondialisation féroce. Rappelons que la perte d’autonomie quand on ne peut plus nourrir son peuple est synonyme de famine à venir. Mais dans nos société sur-développées, c’est le manque de masques ou de vaccins produits localement qui a fait le buzz.
L‘idée de patriotisme économique fait donc son chemin. Joe Biden veut reconstruire l’Amérique en achetant américain. Il avait fait l’erreur d’approuver l’entrée de Pékin dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 et promu ainsi la désindustrialisation américaine. Il a signé le 25 janvier 2021 un décret présidentiel pour forcer plus efficacement l’administration à acheter américain. Rien de nouveau sous le soleil, le Buy American Act de 1933 était un élément clé du New Deal. Mais les choses sont devenues beaucoup plus compliquées à cause de l’interdépendance des systèmes de production. Biden a donc estimé que le contenu de 50 % en composants américains n’était « pas assez haut » pour définir qu’un produit est américain. En France, le Covid-19 remet la souveraineté économique au goût du jour. A droite comme à gauche, ils sont de plus en plus nombreux à défendre ce concept pour protéger l’industrie française. Mais c’est une vision étroite, car utilisatrice, de l’autonomie. Ainsi Xavier Bertrand : « il faut assurer l’indépendance de notre pays sur des secteurs comme la production de médicaments et de vaccins. »D’autres ont une vision plus large, il faudrait « s’interroger sur ce qu’on veut produire et de qui on ne veut pas dépendre en matière stratégique ». La « démondialisation », Arnaud Montebourg en a fait son cheval de bataille depuis 2011. « Démondialisation », à ne pas confondre avec l’isolationnisme cher à Marine Le Pen qui a longtemps souhaité l’abandon par la France de l’euro.
Au niveau écologique, la descente énergétique qui s’amorce va de toute façon entraîner une contraction des échanges dans un monde interconnecté. Dur, dur la transition écologique / rupture de civilisation ! Il nous faut préparer dès aujourd’hui les moyens d’une souveraineté alimentaire et la possibilité de sources d’énergies renouvelables produites localement. Cela passe surtout par la réduction des besoins, la relocalisation du pouvoir, l’instauration de communautés de résilience, etc. La démondialisation est notre avenir, mais peu s’en rendent compte. Sauf que la pandémie nous a confiné chez nous !
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
24 mars 2020, Après le Covid-19, vers une démondialisation
27 février 2019, Le yin du protectionnisme contre le yang du libre-échange
2 septembre 2014, Démondialisation, pour un retour au protectionnisme
17 juin 2011, tout est écolo, y compris le protectionnisme
– « A droite comme à gauche, ils sont de plus en plus nombreux à défendre ce concept pour protéger l’industrie française. Mais c’est une vision étroite, car utilisatrice, de l’autonomie. » (Biosphère)
C’est vrai. Essayons alors de dépasser les visions étroites et essayons de penser global.
Derrière les idées de démondialisation, de patriotisme, de protectionnisme de localisme etc. on retrouve celle de relocalisation. Là encore ce n’est pas nécessairement par patriotisme ou écologisme que des entreprises décident de revenir en France, et/ou que l’Etat encourage les relocalisations, avec notamment l’Aide à la réindustrialisation (ARi). Pour de multiples raisons relocaliser peut être rentable et avantageux pour les entreprises comme pour l’Etat. Avant de penser à les relocaliser, nous devrions clairement voir que certaines productions (industries) devraient être supprimées.
Si nous voulons maintenant parler d’autonomie, voire d’auto-suffisance, il nous faut impérativement définir nos besoins. Nous savons ce dont nous avons réellement besoin. Et ce dont nous pourrions et nous devrions nous passer.
Se nourrir et non pas se gaver. Et d’abord avec des produits de saison et locaux. Se loger, se vêtir, se soigner, se déplacer etc. et là encore sans sombrer dans des aberrations et la démesure.
Par exemples, il est aberrant que nos fringues et les masques des personnels soignants viennent de Chine. Aberrant que nos bagnoles développent autant de puissance et pèsent si lourd, dingue que nous ayons «besoin » de leur faire changer de look tous les ans, complètement fou de travailler autant alors que tant de gens sont au chômage, démentiel que certains gagnent des milliards sans rien foutre, etc. etc. .
Au patriotisme économique je préfère le localisme, qui se focalise sur la proximité, sur le local. Et sans tenir compte des frontières, de la Patrie, «cette idée dégueulasse qu’à mon tour je conchie » (Renaud, La médaille).
Le localisme ne doit donc pas être confondu avec le protectionnisme, encore moins avec l’isolationnisme. Le localisme vise à réduire les aberrations de cette économie, de ce système, comme ces milliers de camions qui parcourent des milliers et des milliers de kilomètres. Et qui se croisent et se recroisent, alors qu’ils transportent bien souvent les mêmes marchandises. Par exemple des tonnes et des tonnes de tomates, et ça c’est vraiment du grand n’importe quoi.
Seulement là encore nous aurons affaire à des faussaires, qui sous l’appellation «localisme» essaieront de nous vendre leur camelote. Par exemple :
– « L’idée de localisme est un marqueur de la Nouvelle Droite d’Alain de Benoist depuis les années 1970, qui a toujours fait la promotion du régionalisme et de l’enracinement. Cette écologie, très identitaire, n’était pas dans la motrice originelle du FN », indique Stéphane François, chercheur associé au GSRL du CNRS. […] Le « localisme » permet aussi au Rassemblement national de défendre une préservation culturelle, identitaire, de populations sur le territoire français.» (Thibaut Le Gal sur 20minutes.fr le 14/05/19)
Le concept de démondialisation est peut-être encore plus flou, là encore il se conjugue à toutes les sauces. Finalement comme l’écologie, ce qui ne fait qu’en rajouter à la confusion.
En attendant je redis que l’écologie a bon dos, qu’elle est devenue une Marie-couche-toi-là. Certes il existe encore quelques différences entre l’écologie d’un apiculteur me(r)diatique et celle supposée d’une grosse bourgeoise rentière, mais il n’empêche que ces deux-là ne pensent actuellement qu’à une chose, la présidentielle de 2022. Et bien sûr ce ne sont pas les seuls. Tous pensent finalement la même chose, la victoire d’abord et on verra le reste plus tard. Une chose est certaine, la campagne sera verte, assaisonnée de démondialisation, de localisme, de protectionnisme, de patriotisme etc. il y en aura pour tous les goûts.