Planification de nos besoins, une nécessité

« Comment bifurquer » : un manuel pour planifier la transition écologique, une des premières tentatives de théoriser une planification Contrairement à la planification indicative de la France des années 1960 ou la planification impérative de l’Union soviétique, elle n’aurait pas pour objectif de produire plus, mais plutôt de produire moins, en fonction des besoins, dans le respect des limites planétaires. Recension d’un livre,

Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique

de Cédric Durand et Razmig Keucheyan

Les auteurs postulent une urgence à « bifurquer » pour éviter la réalisation des pires scénarios climatiques et d’effondrement de la biodiversité. Ils insistent sur un point : cette planification écologique « sera sociale ou ne sera pas ». Et ils mettent au cœur de leur raisonnement la nécessité d’articuler enfin correctement fin du monde et fin de mois. Les deux chercheurs attaquent de front les contradictions de la notion de « croissance verte ». Le marché a démontré son inefficacité à assurer les investissements nécessaires à la transition écologique dans la temporalité nécessaire. Le marché se trompe aussi en finançant du « vert » sans défaire le « gris » – puisque cela n’empêche pas la dégradation accélérée de la nature. L’une des clés d’une transition réussie, démanteler les infrastructures et les modes de production du monde des énergies fossiles.

Cédric Durand et Razmig Keucheyan élaborent la nécessité du « gouvernement par les besoins ». Mais comment définir les besoins en question, sans sombrer dans le totalitarisme et la bureaucratie soviétique ? Les auteurs tentent une définition de ces « besoins réels », qui devront être formulés par les citoyens. Une définition encore très théorique. L’autre axe de cette réflexion repose sur le changement des normes statistiques : une approche qui consiste à « faire primer la comptabilité biophysique sur la comptabilité économique ». Enfin, le dernier pilier de cette réflexion est une « démocratie augmentée » qui repose sur l’étrange concept de « cybersoviets » : l’idée que les citoyens participent à transformer le système productif et de consommation. Des commissions de « post-croissance » rédigeraient sur la base de ces délibérations un vaste « scénario de bifurcation écologique ». L’Assemblée nationale se saisirait de ce plan sans injecter de productivisme ou de consumérisme. On peut toujours rêver à la lucidité de nos parlementaires…

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on a besoin d’une récession (2008)

extraits : L’édition du MONDE 25 janvier 2008) nous offre un superbe dessin de Pessin en page 2  : Un ours qui apprend dans son journal qu’on va droit vers la récession et qui sable le champagne pour fêter cette heureuse perspective. Faut dire que le glaçon sur lequel il est assis est déjà réduit à sa plus simple expression !Les humains ont-ils donc tellement besoin d’une récession économique ? La réponse est : OUI….

besoin d’écuelle ? (2009)

extraits : Dans la société dite de consommation, l’individu qui n’est pas exclu du système passe le plus clair de son temps à travailler pour gagner sa vie, réfléchir à ses achats, ses vacances, à se comparer par rapport à son voisin ou ses collègues. Il accumule et consomme des objets ou des services.  Accède-t-il véritablement au bonheur ou à un quelconque épanouissement à travers ce que l’argent gagné lui permet d’obtenir ? Diogène de Sinope, dit le cynique, en abandonnant son écuelle : « Cet enfant qui boit dans le creux de sa main, m’apprend que je conserve encore du superflu »…

Réévaluer notre échelle de besoins (2012)

extraits : Les contraintes financières et les crises écologiques, en particulier énergétiques, vont nous imposer de revenir à des besoins plus essentiels qu’il nous faudra satisfaire de manière plus simple. Comment s’y préparer alors que les jeunes générations actuelles ne peuvent même pas concevoir qu’à une époque encore récente il n’y avait ni télévision, ni portables, ni jeux vidéos ? Dans son Manuel de transition, Rob Hopkins nous demande d’écouter les anciens, de « rendre hommage aux aînés »…

Loin de la laideur de ce monde, limitons nos besoins (2013)

extraits : Lanza del Vasto : « Efforce-toi de désirer ce que chacun, comme toi, peut avoir. Ne proteste pas contre ce que tu désappouves. Passe-t-en. Passe-toi de toutes les organisations industrielles, commerciales, officielles. Si tu désapprouves la laideur du siècle, jette loin de toi ce qui vient d’une usine. Si tu désapprouves la boucherie, cesse de manger de la viande.S i tu désapprouves la guerre, ne serre jamais les poings. Si tu désapprouves la banalité, ne lis par le journal. Si tu désapprouves la misère, dépouille-toi librement…..

efficacité énergétique contre limitation des besoins (2013)

extraits : Notre société n’a pas encore compris que les citoyens devront limiter leurs besoins. A quoi sert en effet une bonne isolation thermique de sa maison (efficacité énergétique) si on en retire l’idée qu’on peut augmenter la température de son foyer (refus de la sobriété). Il est d’ailleurs significatif qu’on confonde généralement dans les débats « économies d’énergie » et « efficacité énergétique », ce qui permet de passer la sobriété à la trappe…

Nous n’avons que très peu besoin de choses matérielles (2014)

extraits : Un écologiste est une personne qui a le sens des limites. Cela veut dire entre autres limiter ses besoins matériels pour approfondir ses besoins essentiels. Manfred Max-Neef, économiste chilien et prix Nobel alternatif en 1980, postule que les besoins des humains sont universels, peu nombreux et indépendants des cultures et des époques. Ils sont au nombre de neuf : Subsistence (susbsistance) ; Protection (sécurité) ; Affection ; Understanding (compréhension) ; Participation ;  Leisure (loisir) ; Creation ; Identity (identité et sens) ; Freedom (liberté). Une « réponse destructive » comme la course aux armements est une réponse au besoin de sécurité tout en entrant en concurrence avec les besoins de subsistance, d’affection, de liberté. Vouloir résoudre les pénuries d’une manière mécaniste, spécialisée et extérieure – médicaments contre les épidémies, boîtes de conserve contre la famine, argent contre la pauvreté, gendarmes contre l’insécurité… – ne permet pas d’enclencher de véritables dynamiques de développement….

Notre striatum ne dit rien de nos besoins

extraits : Le striatum, bof ! J’ai lu il y a fort longtemps « âge de pierre, âge d’abondance », un livre de Marshall Sahlins. La virgule peut prêter à interprétations. En fait cette étude démontrait que l’âge de pierre (les sociétés premières), c’était vraiment l’âge d’abondance : sans désir de superflu, il n’y avait pas sentiment de manque. Autrefois, aux temps de la chasse et de la cueillette, on vivait en effet un sentiment de plénitude car on limitait les besoins… et donc le travail… pour avoir plus de temps libre… et être heureux. Aujourd’hui l’intérêt du moment change, de plus en plus vite. Il y a toujours un nouveau faits divers à la télé, iI y a toujours un machin de la dernière génération qu’il faut posséder et bientôt la voiture électrique remplacera dit-on la thermique. La période contemporaine fait courir la plupart d’entre nous derrière l’illusion de l’abondance… à crédit. Mais bientôt on sera OBLIGÉ de s’auto-limiter par insuffisance des ressources…

Notre imaginaire sur nos besoins se modifie

extraits : La France est dépendante d’une chaîne d’approvisionnement mondialisée sur laquelle elle a peu à peu perdu le contrôle. Or, dans un monde où six des neuf limites planétaires ont déjà été dépassées, nous devons reconsidérer nos priorités. Comment ignorer aussi que l’approvisionnement de l’Europe en pétrole risque de devenir problématique ? Il est urgent de se questionner sur les besoins que nous définirons comme essentiels. Quelle place souhaitons-nous accorder à la 5G, à la 6G, à l’ordinateur quantique ? Doivent-elles être considérées comme nos priorités ?

2027, un ministre de l’Énergie et des Besoins

extraits :  La notion de sobriété nous invite à nous interroger personnellement sur nos besoins, sur leur importance réelle ou supposée, ainsi que sur les priorités que nous pouvons établir entre eux. Nous pouvons définir une hiérarchie qui passe des besoins vitaux aux essentiels, puis indispensables, utiles, convenables, accessoires, futiles, extravagants et inacceptables. Chacun peut se livrer à l’exercice pour lui-même, en famille ou au travail, de façon à prendre conscience de l’impact de tel ou tel achat ou comportement. Rien ne sera possible sans une adhésion pleine et entière de tous nos concitoyens. Il s’agit de faire jouer à plein ce qui est la contrepartie indissociable de notre liberté : notre responsabilité ! ….

8 réflexions sur “Planification de nos besoins, une nécessité”

  1. Evidemment toutes ces préconisations semblent raisonnables et de bon sens, mais elles heurtent tellement les aspirations de tous les habitants de la Terre – des plus riches qui veulent le rester, comme des plus pauvres qui veulent le devenir-, que je doute que leur application puisse venir d’autre chose que de la contrainte liée à l’épuisement physique des ressources. N’oublions pas aussi que cette forme de décroissances mettrait à bas les soins de santé de haute technologie.
    Et puis bien entendu, si elles se réalisaient, nous tomberions dans le piège suivant, en étant tous pauvres (frugaux) nous pourrions être encore plus nombreux et nous le serions… occupant ainsi tous les espaces au détriment du très peu qui reste de nature.
    Bref, je suis pessimiste sur tous les points.

    1. Tout le monde déteste les riches, mais tout le monde veut le devenir.
      Tout le monde aime les pauvres, mais personne ne veut l’être.

      Avec tout l’amour que reçoivent les pauvres comparativement aux riches, on s’aperçoit que finalement les êtres humains n’aspirent pas tant que ça à l’amour, sinon ça ne les dérangerait pas de devenir pauvres. Il s’avère que les humains préfèrent devenir riches quitte à se faire insulter de tous les noms d’oiseaux !

      Il est vrai aussi que plus on est riche et plus on a les moyens de s’acheter des plaisirs ! Et c’est bien pour ça qu’il n’y aura jamais de sobriété consentie, car les plaisirs sont toujours vainqueurs !

    2. Écoutez les gens en général, ainsi que les publicités souvent on entend « Profitez des offres, je profite de la vie en faisant ceci cela, faites vous plaisir en achetant, faites plaisir à vos proches et à vos enfants avec tel produit, on a qu’une vie autant en profiter à se faire plaisir, j’en profite pour…etc). Profiter et Plaisir sont les 2 maîtres mots qui conduisent les achats et les comportements humains ! (tout le reste n’est que littérature, utopie et idéologie dont personne ne croit dans le fond)

      Alors lorsque la sobriété se manifestera, ça ne sera pas par consentement, mais par contrainte liée aux déplétions des ressources naturelles. Mais tant qu’il y aura des ressources naturelles, les gens taperont dans les réserves sans modération, sans se soucier des générations suivantes… ni des pollutions qu’elles leurs légueront… ni même assumer les conséquences…

    3. @ Didier Barthès : Rien ne vous autorise à généraliser quant aux “aspirations de tous les habitants de la Terre“. Que les riches veuillent le rester, qu’ils ne rêvent pas de devenir pauvres, je comprends. Que la plupart des riches aspire à l’être encore plus, toujours plus, je veux bien. Pareil de l’autre côté. Que certains pauvres rêvent de devenir milliardaires, je veux bien. Mais dire que TOUS les pauvres rêvent de ça, c’est faux. Il n’y a donc là aucune loi universelle, naturelle, inscrite dans nos gènes ou notre striatum.
      Que vous soyez pessimiste, sur tous les points, je comprends. Mais ne le soyez pas plus qu’il n’en faut. Et ne renoncez pas à rêver (utopie, décolonisation des imaginaires).
      Pourquoi la décroissance mettrait-elle à bas les soins de santé de haute technologie ?
      Pourquoi, en étant tous pauvres (frugaux) serions-nous encore plus nombreux ?
      Serait-ce là encore écrit dans nos gènes, ou les astres ?

  2. Bifurquer : du latin bifurcus (bis + furca).
    Se séparer en deux. Au sens figuré : Prendre une autre direction.

    Des directions (ou des voies), si ON n’en avait que deux ce serait plus simple.
    Déjà ON résonnerait en système binaire. Ce qui d’un certain côté, le bon évidemment, ne nous changerait pas. Ce serait alors comme quand il suffit de changer le fusil d’épaule.
    Seulement des directions c’est pas ça qui manque. Surtout des mauvaises.
    Et comme nous sommes embarqués sur une mauvaise, il nous faudrait donc bifurquer.
    Pour prendre la Bonne Voie, bien sûr.
    Combien de fois ne l’avons-nous pas entendu, cette bonne blague ? Que ce soit en navigation, en politique, management, organisation, stratégie et j’en passe, c’est tous les jours et partout qu’ON a besoin de changer de voie. Ou de cap.
    Quand ON ne sait pas où l’ON va, il faut y aller et le plus vite possible ! (à suivre )

    1. (suite) Comme tout bouge sans cesse, le vent, les skippers, les matelots etc. ON dira alors que c’est normal, de bifurquer. Et puis que faire et défaire c’est toujours travailler.
      Bifurquer semble donc être un besoin comme un autre. Peut être même naturel, un peu comme celui de déconner.
      Là encore il y a mille façons de bifurquer. Par exemple, si ON est allé trop loin et qu’ON a loupé la sortie, la foutue bifurcation, alors bifurquer consiste à faire demi-tour. ON reprend alors la même voie, en sens inverse, en serrant bien les fesses, jusque là où il ne fallait pas se louper. Et là ON prend la voie du milieu, celle qui mène nulle part.
      Si vous êtes paumé c’est pas grave, tous les chemins mènent à Rome. (à suivre )

      1. (et fin) Plus sérieusement, quoique, bifurquer oui… mais sérieusement. Et durablement !
        – « Bifurquer durablement, ça s’apprend. Pour changer le système en étant à l’intérieur (rares sont les autonomistes absolu·e·s), la meilleure volonté du monde ne suffit pas.
        C’est une entreprise coûteuse et subtile.[etc.]»
        ( Bifurquer, c’est tout le temps à refaire (et ça s’apprend) – blogs.mediapart.fr )

        Ceci pour dire que Cédric Durand et Razmig Keucheyan ne font là encore que rêver.
        D’ailleurs ils le disent : « On peut toujours rêver à la lucidité de nos parlementaires…»
        Eux aussi ont eu probablement besoin d’écrire un livre, un de plus, chacun sa came.
        Un livre pour partager (diffuser) leur rêve. Leur utopie… si un jour nos parlementaires se réveillaient… et en même temps leur cauchemar (inquiétude, éco-anxiété). Vu qu’ils savent, comme nous, que nous sommes bel et bien plantés.

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